19 mars 2024

De l’Algérie française à la France algérienne

DE  L’ALGERIE  FRANÇAISE…  à  LA  FRANCE  ALGERIENNE

 

« A l’occasion de votre élection à la présidence de la République algérienne, je vous adresse mes félicitations. Cette indépendance algérienne, nous l’avons voulue et aidée »  (Message de Charles de Gaulle à Ben Bella, le 4 septembre 1963)

 

        Le dimanche 1er juillet 1962, l’Algérie exsangue, privée de la majorité de ses Européens, vota sur la question de savoir si elle devait devenir un état indépendant. En répondant « Oui » à cette question, chaque électeur annulait pour sa part l’existence de l’Algérie française et ce fut la somme de ces « Oui » qui réduisit à néant cette Algérie-là dont l’existence avait commencé le 5 juillet 1830 lorsque les troupes du général de Bourmont, après avoir débarqué à Sidi-Ferruch, occupèrent la capitale des deys. Le gouvernement français, tel Ponce-Pilate se lavait les mains et tournait la page.

Si l’enfantement de la nouvelle République algérienne entraîna l’hystérie collective, amalgame de réjouissances, de meurtres et de pillages tels le génocide dont furent victimes les Musulmans fidèles à la France et les assassinats d’Européens du 5 juillet 1962 à Oran, les Algériens ivres d’indépendance allaient, très vite, danser une tout autre danse en tournant en rond devant un buffet vide… C’est ainsi qu’après la mise à sac du pays en 1962, après la frénésie sanguinaire et destructrice des premiers mois de l’indépendance, après l’incurie des chefs du FLN désormais aux commandes de l’Etat, après les premières années de chaos forcené, il ne restait plus rien de l’équipement technique du pays. Les immeubles tombaient en ruine, l’agriculture était moribonde, les rouages précieux mis en place par la France rouillaient au soleil de midi et les ingénieurs venus de l’Est dès la proclamation de l’indépendance levaient les bras au ciel en contemplant d’un œil désespéré l’ampleur des dégâts. C’est alors que craignant la colère du peuple que l’on avait savamment gavé durant huit ans de promesses démagogiques et fallacieuses, le gouvernement algérien, incapable de fournir du travail à sa population, exigea « la libre circulation des personnes » avec la France et « leur libre résidence de Dunkerque à Marseille » en menaçant de Gaulle d’une rupture qui eût contrarié sa « grande politique » arabe. Aussitôt, sur l’injonction formelle du « Guide », satisfaction sera donnée aux nouveaux maîtres de l’Algérie et la décision d’ouvrir, pratiquement sans contrôle, nos frontières à l’immigration algérienne fut appliquée.

            Durant l’épisode sanglant de ce conflit, le leitmotiv constant des responsables du FLN était que la rébellion se justifiait par le besoin de plus de justice, de bonheur et de liberté pour la « malheureuse » population musulmane… L’indépendance n’a pas permis à cette dernière d’atteindre le bonheur escompté et encore moins de sortir de la violence. Elle a plongé l’Algérie, dévorée par la prévarication, dans un désastre économique que la manne pétro gazière (détournée au profit d’apparatchiks) n’a jamais pu endiguer… Le pouvoir n’a pas été rendu au peuple mais a été accaparé par un groupe initialement choisi par la France pour protéger ses intérêts. Pour se maintenir, ce groupe n’a pas hésité à manipuler des islamistes et à plonger le pays dans un nouveau cycle de violence. Dans un ouvrage documenté, « La colonie française en Algérie. 200 ans d’inavouable », Lounis Aggoun dénonce un système élaboré par des Algériens avec le soutien de la France, puis des Etats-Unis, au détriment de tout un peuple.

            Ainsi, minée par la corruption, l’islamisme, les rivalités au sommet du pouvoir et de la hiérarchie militaire, les séquelles de la guerre civile des années 1990 dont les causes jamais éradiquées fomentent en coulisse de nouveaux troubles, la société algérienne se décompose inexorablement…

            Alors, afin de s’exonérer de ses responsabilités et de celles du FLN -parti au pouvoir depuis l’indépendance- et couvrir par là même leur incompétence notoire, le président Bouteflika, impotent –voire, moribond- qui ne sert plus que de prête-nom à la nomenklatura du FLN, véritable marionnette entre les mains des apparatchiks, a trouvé en la France le bouc émissaire idéal : un pays qui se complaît dans l’auto-flagellation, le masochisme et la repentance.

C’est ainsi qu’en avril 2006, il déclarait sans gêne aucune que la France était « responsable d’un génocide de l’identité, de l’histoire, de la langue et des traditions algériennes »… en parfaite contradiction avec celle d’Aït Ahmed, leader historique du FLN : « Du temps de la France, l’Algérie c’était le paradis ! », déclaration faite en juin 2005 à la revue « ENSEMBLE », organe de l’Association Culturelle d’Education Populaire (ACEP).

… Et Slimane BENTOUCHA journaliste en Algérie, de renchérir : « La colonisation nous a laissé  un patrimoine inestimable que nous n’avons malheureusement pas su garder soit par ignorance, soit par indiscipline, soit par bêtise ».

Un « paradis dilapidé »… Un « patrimoine inestimable »… En effet, un quart des recettes en hydrocarbures de l’Algérie, découverts et abandonnés par la France dans un Sahara qui n’était même pas algérien, permet aujourd’hui à ce pays d’importer ses produits alimentaires issus notamment de l’agriculture… alors qu’elle les exportait du temps de la « colonisation ».

            Dès 1962, afin de réduire le risque encouru par sa jeunesse turbulente devenue la « classe dangereuse » du pays, le gouvernement algérien a encouragé l’émigration de ses ressortissants, sachant pouvoir compter sur le laxisme de la France et sa politique bienveillante des visas. C'est ainsi qu'en 2015, 422 000 visas ont été accordés (pour une durée indéterminée)… Par ailleurs, de 5600 en 2015, les « étudiants » algériens sont passés à plus de 7000 en 2016 et, ceux-là -en vertu d'une loi votée par le Parlement sur proposition de la vice-présidente PS du Sénat, l’Algéro-française Bariza Khiari- ne repartiront pas.

« Le nombre de Français ayant un lien direct avec l'Algérie avoisine les sept millions », a déclaré, le 3 février 2015, l'ambassadeur de France en Algérie, Bernard Emié, lors d’une visite dans la wilaya de Tlemcen. 

C’est par cette politique de transfert des populations désœuvrées que le pouvoir algérien assure la stabilité et la paix sociale en exportant sans la moindre retenue tout ce dont il ne veut plus.

La moitié des 40 millions d’Algériens ont aujourd’hui moins de 19 ans. Ils sont nombreux à rêver de s’installer en Europe, particulièrement en France… nombreux, aussi, à profiter de la crise migratoire pour s’infiltrer dans les filières des « réfugiés ». En témoignent les violeurs arrêtés à Cologne en décembre 2015, parmi lesquels figuraient plusieurs jeunes Algériens. Et ces nouveaux « migrants », à l'instar des assassins qui ont récemment sévi en France, Merah, Coulibaly, Couachi, Sid Ahmed Ghlam, Yassin Salhi, Karim Cheurfi, l’auteur de l’attentat du 20 avril 2017 sur des policiers à Paris et Mohamed Lahouaiej-Bouhle, celui de Nice, le 14 juillet 2016 (86 morts et 458 blessés), deviendront, un jour, Français. Alors, avec eux, ce sont des milliers d'autres jeunes « Français », issus de l’immigration ou pas, qui basculeront inexorablement dans la fascination pour le djihadisme et la violence meurtrière. Ce sont des bombes à retardement en puissance prêtes à exploser n’importe où, n’importe quand.

« Les Français qui n’ont pas voulu de l’Algérie française auront un jour la France algérienne » a écrit dans son livre, « d’une Résistance à l’autre », Georges Bidault, l’ancien chef du Conseil National de la Résistance. Il reprenait là, en quelque sorte, cette déclaration du redoutable chef du FLN qu’était Larbi ben M’Hidi, déclaration lancée à la face des parachutistes français venus l’arrêter en 1957 lors de la « bataille d’Alger » : « Vous voulez la France de Dunkerque à Tamanrasset ? Je vous prédis, moi, que vous aurez l’Algérie de Tamanrasset à Dunkerque ».

Ainsi, si l’Algérie française et ses célèbres 5 coups de klaxons (Al-gé-rie fran-çaise !) n’est plus qu’un lointain souvenir, la France maghrébine et ses « manifestations d’allégresse », ses violences, ses incivilités et ses coups de Kalachnikov devient, elle, réalité !

 

                                                                                  José CASTANO

                                                           Courriel : joseph.castano0508@orange.fr

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Un écrivain algérien s'exprime sur l'Algérie d'hier et d'aujourd'hui

 

Que reste-t-il du modernisme de la colonisation ? Rien à part le pétrole, le gaz, des gouvernants mafieux, un peuple dans la misère, des villes en décrépitude, une agriculture peau de chagrin (…). Au temps de la présence française, l'Algérie était un beau pays, bien administré, plus sûr, même si certaines inégalités existaient. Beaucoup d'Algériens regrettent le départ des pieds noirs. S'ils étaient restés, nous aurions à coup sûr évité notre tragédie. Je suis un iconoclaste qui dénonce les mensonges de la guerre de libération. J'ose toucher à un mythe fondateur, mais un mythe est fait pour être discuté. L'Algérie a été construite par la France dont elle porte les valeurs du XIXème. Alger est une ville squattée. Ils sont loin d'avoir trouvé les clés. Aujourd'hui, elle tourne le dos à la Méditerranée en regardant vers l'Iran et les pays arabes. Chez nous, les politiques s'expriment comme des imams ténébreux. La France est le centre du monde par son immense culture et sa liberté. C'est le pays de l'équilibre par excellence.

La liberté est une notion riche et profonde en Occident. Ici, en guise de liberté, c'est le foutoir, l'apostrophe, l'insulte et la bagarre de rues (…) Il faut en finir avec ces bêtes immondes, avec ces barbares des temps obscurs, ces porteurs de ténèbres, oublier les serments pleins d'orgueil et de morgue qu'ils ont réussi à nous extorquer au sortir de ces années de guerre. La lumière n'est pas avec eux et les lendemains ne chantent jamais que pour les hommes libres.

Boualem SANSAL (entretien paru dans Le Matin Algérie 15/01/2016)

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