28 mars 2024

Un quart des enseignants ne publient pas

Lu sur le site du Figaro :


" Certains passent une partie du temps qu’ils devraient consacrer à la recherche à des activités privées ou à arrondir leurs fins de mois.

Très attachés au fait de mener à bien des projets de recherches, les enseignants du supérieur craignent que le gouvernement ne porte atteinte à ce droit par le biais du projet de réforme en cours.

Pourtant 24 % des enseignants-chercheurs ne font partie d’aucune équipe de recherche. De plus, parmi les 76 % restant, un quart (14 000 personnes) travaillant dans les unités de recherche n’ont pas publié dans les quatre années précédant 2007. Cette évaluation a été menée par la mission scientifique, technique et pédagogique du ministère de l’Éducation nationale (MSTP). La proportion d’enseignants-chercheurs «non publiant» est donc certainement plus importante encore…

Un universitaire est pourtant censé consacrer une partie de son temps de travail à la recherche, l’autre à l’enseignement. L’étude met en évidence le fait que certains ne font aucune recherche : ils dispensent leurs six à huit heures de cours hebdomadaires pendant les huit mois que dure l’année universitaire et consacrent le reste de leur temps à des activités privées ou à arrondir leurs fins de mois. Le titre de certains éminents professeurs de droit sert surtout leur renommée d’avocats. Des enseignants d’économie peuvent être amenés à travailler comme conseil dans des banques… « On peut considérer que le salaire d’un enseignant-chercheur n’est pas très important quand il remplit son contrat mais beaucoup trop élevé quand il ne le remplit pas », estime ainsi Alain Neuman, ancien président de l’université Paris-XIII.

Un marché de dupes
Le décret que les enseignants-chercheurs ne veulent pas voir évoluer permet un marché de dupes : ces derniers, peu évalués, ont un statut figé et beaucoup d’autonomie. En contrepartie, ils sont sous-payés. Un maître de conférences qui débute à 1 700 € net peut terminer sa carrière à 3 100 € net. En voulant faire le ménage dans des situations parfois troubles, le gouvernement s’est risqué à bouleverser ce fragile équilibre.

La répartition des publiants et des non-publiants varie d’une matière à l’autre : si seuls 19 % des enseignants-chercheurs des sciences dures (mathématiques, physique, chimie, etc.) ne publient pas, ils sont 20 % dans les sciences de la vie (biologie, médecine, écologie) et 28,5 % en sciences humaines et sociales. Des chiffres que Jean-Robert Pitte, ancien président de l’université Paris-IV, considère encore comme trop optimistes. Il estime à 40 % le nombre d’enseignants du supérieur qui ne publient pas. «C’est l’omerta, car personne ne veut l’avouer !», fulmine-t-il. «Aucune sanction n’est possible. Personne ne peut les obliger à faire de la recherche et certains s’en donnent à cœur joie : ils se sont contentés de rédiger leur thèse.» Un enseignant dans une petite université du sud de la France avance même le chiffre de 52 % de non-publiants. Dans celle de Grenoble-II, ils sont 40 %.

Sans compter que les critères d’appréciation d’un «publiant» ne sont pas «très exigeants», estime un président d’université : est considéré comme «publiant» un enseignant qui a satisfait à un nombre minimal d’articles dans des revues reconnues, en général un à trois en quatre ans. Dans le secteur des sciences de la vie, alors que trois publications dans des journaux d’impact moyen suffisent, une publication dans Nature ou Science permet de cataloguer l’enseignant comme publiant.

Ce constat critique sur les enseignants est cependant à nuancer : «L’entrée dans la carrière est très sélective et les enseignants-chercheurs commencent souvent à 30 ans. Certains éprouvent donc le besoin de souffler, d’autant plus qu’ils ont entièrement à fabriquer leurs cours», explique le doyen d’un UFR de langue anglaise à Lyon. «À l’inverse, les plus âgés sont démotivés. Certains ont passé vingt ans à fouiller tel aspect de la linguistique anglaise et n’ont pas envie de se relancer dans une autre recherche de longue haleine à quatre ans de la retraite.» Par ailleurs, note-t-il, les tâches administratives et pédagogiques lourdes comme l’aide à la recherche de stages ou la recherche de contrat avec des entreprises privées ne sont pas prises en compte dans leur temps de travail.

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