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La ola et les oscillations climatiques

La ola et les oscillations climatiques : Une analyse détaillée de la périodicité d'environ 60 ans qui se retrouve dans de nombreux (sinon dans la plupart) des indicateurs climatiques.

Comme le savent bien les lecteurs de ce site, les chercheurs aiment bien donner une représentation imagée des concepts qu'ils utilisent. C'est ainsi que nous avons déjà évoqué, dans cette page, la "bascule polaire [2]" (alias le "tape-cul polaire").
Pour expliciter leur modèle, les auteurs de l'article que je vais vous décrire ci-dessous, utilisent une image qui est bien connue des aficionados des stades. Il s'agit de ce que les supporters hispanophones ou même francophones appellent "la ola" (la "vague de stade" en français, the "stadium wave" en anglais) assez bien représentée par la vignette animée [3] ci-dessous :

stadium_wave

Comme tout le monde le sait, les spectateurs qui font la "ola" ne quittent pas leurs sièges. Ils se dressent en levant les bras en imitant leur voisin le plus proche , après un temps de retard, et cette onde se propage en faisant le tour du stade donnant un effet spectaculaire bien connu. En langage plus technique, on dirait qu'il s'agit d'une onde transversale [3] (le déplacement est perpendiculaire au vecteur de propagation de l'onde).

I – L'article :

"Oscillation Multidécennale Atlantique et variabilité du climat de l'hémisphère Nord. "

Atlantic Multidecadal Oscillation and Northern Hemispheres climate variability

Publié dans "Climate Dynamics": DOI: 10.1007/s00382-011-1071-8.

Les auteurs :

Marcia Glaze Wyatt1, Sergey Kravtsov2 and Anastasios A. Tsonis2

1 Department of Geologic Sciences, CIRES/INSTAAR, University of Colorado-Boulder, 2200 Colorado Ave, Boulder, CO 80309-0399!
2 Department of Mathematics, Atmospheric Sciences Group, University of Wisconsin-Milwaukee, P.O. Box 413, Milwaukee, WI 53201

Cet article qui constitue une partie de la thèse de Doctorat (PhD) de Marcia Glaze Wyatt à l'Université du Colorado-Boulder, est également disponible (en format condensé) avec un poster accessible sur Internet [4]. tsonis2

Je rappelle qu'Anastasios Tsonis [5] (ci-contre) est le directeur de l'unité des sciences atmosphériques à l'Université du Wisconsin-Milwaukee. Il est un spécialiste de la dynamique non linéaire en géosciences. Il est, aussi et entre autres, l'auteur de plusieurs livres pédagogiques dont un porte sur le Chaos [6] et un autre sur la thermodynamique atmosphérique [7], sujet qu'il a enseigné pendant une vingtaine d'années à l'Université. J'ai déjà rapporté sur un article de A.A Tsonis dans ce billet [8]:

 

Voici le résumé original de l'article en anglais, suivi d'une traduction en français.

 

Abstract :
Proxy and instrumental records reflect a quasi-cyclic 50-to-80-year climate signal across the Northern Hemisphere, with particular presence in the North Atlantic. Modeling studies rationalize this variability in terms of intrinsic dynamics of the Atlantic Meridional Overturning Circulation influencing distribution of sea-surface-temperature anomalies in the Atlantic Ocean; hence the name Atlantic Multidecadal Oscillation (AMO). By analyzing a lagged covariance structure of a network of climate indices, this study details the AMO-signal propagation throughout the Northern Hemisphere via a sequence of atmospheric and lagged oceanic teleconnections, which the authors term the “stadium wave”. Initial changes in the North Atlantic temperature anomaly associated with AMO culminate in an oppositely signed hemispheric signal about 30 years later. Furthermore, shorter-term, interannual-to-interdecadal climate variability alters character according to polarity of the stadium-wave-induced prevailing hemispheric climate regime. Ongoing research suggests mutual interaction between shorter-term variability and the stadium wave, with indication of ensuing modifications of multidecadal variability within the Atlantic sector. Results presented here support the hypothesis that AMO plays a significant role in hemispheric and, by inference, global climate variability, with implications for climate-change attribution and prediction.

Résumé :
"Les archives des indicateurs et des données instrumentales rendent compte d'une évolution quasi-cyclique du signal climatique avec une période de 50 à 80 ans dans l'hémisphère Nord, tout particulièrement dans l'Atlantique Nord. Les études de modélisation prennent en compte cette variabilité en termes de dynamique intrinsèque des températures de surface des océans liées à l'AMOC (Atlantic Méridional Overturning Circulation) dans l'océan Atlantique: D'où le nom d'Oscillation Multidécennale Atlantique (AMO).
A partir de l'analyse de la structure covariante (impliquant des retards) du réseau des indices climatique, cette étude examine en détail la propagation du signal de l'AMO à travers l'hémisphère Nord par le biais d'une séquence de téléconnexions entre l'atmosphère et les océans (téléconnexions retardées), qui constitue ce que les auteurs appellent "l'onde de stade". Les variations initiales de l'anomalie de température de l'Atlantique Nord, associées avec l'AMO, culminent en un signal hémisphérique de signe opposé, après environ 30 ans. De plus, la variabilité climatique à court terme allant de l'interannuel au décennal change de caractéristiques en fonction du régime climatique dominant induit par l'onde de stade. Les recherches en cours suggèrent des interactions mutuelles entre la variabilité à court terme et l'onde de stade, ainsi que des indications des modifications résultantes de la variabilité multidécennale du secteur Atlantique.
Les résultats présentés ici, supportent l'hypothèse que l'AMO joue un rôle significatif dans l'hémisphère, et par conséquent, dans la variabilité globale du climat, avec des implications pour les attributions et les prédictions du changement climatique."
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Les auteurs de cet article ont rédigé un billet invité sur le site de R. Pielke Sr [9]qui qualifie cet article de "very important new paper" (un nouvel article très important). La démarche utilisée dans ce travail y est parfaitement décrite. J'invite les lecteurs anglophones à lire ce billet. En particulier, les auteurs nous expliquent que :

"L'onde de stade" (Fig. 1) intègre une collection de téléconnexions atmosphériques et océaniques retardées qui se propagent au sein de notre espace de phase des indices climatiques. Elle décrit comment le signal climatique généré par l'Atlantique produit des changements du régime climatique hémisphérique. En particulier, un Atlantique Nord chaud (froid) initie une téléconnexion qui génère des circulations Pacifique froides (chaudes) en, à peu près, 20 ans, culminant dans un refroidissement (réchauffement) hémisphérique. Cette réponse hémisphérique est perçue dans la température de surface de l'hémisphère Nord (NHT, en retranchant la variation linéaire à l'échelle du siècle) : on peut le voir comme une somme pondérée des anomalies des températures de surface de l'Atlantique Nord et du Pacifique Nord (Fig. 2). (Ndt : Ces deux figures sont reproduites ci-dessous).

Tandis que les téléconnexions de l'onde de stade évoluent, ainsi fait la NHT (la température de surface de l'hémisphère Nord).

+AMO → – AT → –NAO → –NINO3.4 → –NPO/PDO → –ALPI → –NHT → –AMO →+AT → +NAO → +NINO3.4 → +NPO/PDO → +NHT → +AMO…"

Le décodage de cet enchaînement d'acronymes est assez simple. Le signes + ou – qui précèdent les noms des noeuds du réseau (par exemple +AMO) indique que l'on se trouve en phase respectivement positive ou négative de l'indicateur en question.
Les acronymes [9] des indices de la "ola" sont explicités par Glaze Wyatt et al de la manière suivante :

  • Atlantic Multidecadal Oscillation (AMO) –Oscillation multidécennale Atlantique. Un motif monopolaire des anomalies des températures de surface dans l'océan Atlantique Nord.
  • Atmospheric-Mass Transfer anomalies (AT) – Anomalies de transfert des masses atmosphériques (AT) caractérisant la direction des modes de comportement de vents dominants au dessus du continent Eurasien.
  • North Atlantic Oscillation (NAO) – Oscillation Nord Atlantique reflétant la distribution des masses atmosphériques entre les latitudes subpolaires et subtropicales au dessus du bassin Nord Atlantique.
  • NINO3.4 – Un proxy (indicateur) pour le comportement du El Niño dans le bassin tropical du Pacifique.
  • North Pacific Oscillation (NPO) – L'analogue pour le Pacifique de la NAO pour l'Atlantique.
  • Pacific Decadal Oscillation (PDO) – Un mode de comportement de la SST (Surface de température des océans) de l'océan Pacifique Nord.
  • Aleutian Low Pressure Index (ALPI) – Une mesure de l'intensité des basses pressions Aléoutiennes au dessus des latitudes moyennes de l'Océan Pacifique.
  • Northern Hemisphere Temperature (NHT) – anomalies de température dans l'Hémisphère Nord.

Si, maintenant on cherche à obtenir une chronologie détaillée de la "ola", la voici telle qu'elle est indiquée dans l'article :

-AMO → (7 ans) → +AT → (2 ans) → +NAO → (5 ans) → +NINO3.4 → (3 ans) → +NPO/PDO → (3 ans) → +ALPI → (8 ans) → +NHT → (4 ans) → +AMO → (7 ans) → -AT → (2 ans) → -NAO → (5 ans) → -NINO3.4 → (3 ans) → -NPO/-PDO → (3 ans) → -ALPI → (8 ans) → -NHT → (4 ans) → -AMO

Ce qui donne un cycle complet de 64 ans et un demi-cycle, avec renversement de l'AMO de 32 ans. Il est évident que toutes ces téléconnexions et les évolutions subséquentes n'ont pas la précision d'une horloge. Les fluctuations s'additionnent et c'est sans doute pour cette raison que le cycle total peut varier de 50 à 80 ans comme indiqué par les auteurs.

Il va de soi que cet article et les estimations qui précédent résultent d'un grand nombre d'études antérieures, citées par les auteurs de l'article. La méthodologie utilisée est expliquée comme suit :

" Méthodologie : Nous avons utilisé l'analyse " Multi-channel Singular Spectrum Analysis" (MSSA; Ghil et al. 2002) pour identifier le signal multidécennal dominant dans notre réseau climatique, lequel comprend 15 indices. Le choix des indices a été guidé par notre hypothèse de l'influence hémisphérique de l'AMO. Les indices considérés incluent ceux basés sur l'anomalie de la SST (Température de surface des océans) dans l'Atlantique Nord ..[NdT suit une explication des acronymes cités plus haut]…Le signal climatique est représenté par la paire dominante M-SSA dont la reconstruction est visible sur la Fig. 1."

La Figure 1 de l'article permet de visualiser la notion de "Stadium Wave" (Ola) invoqué par les auteurs pour illustrer le processus de propagation dans le réseau de phase des indicateurs climatiques. Cette figure, tracé dans l'espace des phases (c'est à dire des temps), s'appelle diagramme de Hoffmuller. Voici la figure accompagnée de sa légende.

marcia2

 

"Fig. 1. Diagramme de Hoffmuller de la propagation de la "ola"dans l'espace des 15 indices climatiques. Les sections horizontales dans les endroits indiquées par les acronymes des indices représenteraient les séries temporelles des reconstructions basées sur les paires maîtresses M-SSA ; Ces séries temporelles sont, en fait, reportées pour des indices choisis dans la Fig. 2 […]. La distance verticale entre des indices adjacents représente le temps de retard entre les séries temporelles reconstruites. "

L'axe des ordonnées est gradué en retard cumulé (en fonction du temps écoulé).
Ainsi, l'inclinaison des différentes zones rouges, bleues, vertes et oranges, permet de visualiser la "ola". Cette inclinaison indique la propagation du retard relatif des indices, proportionnellement au temps (échelle des abscisses) écoulé, de la même manière que la "ola" se propage autour du stade en cumulant le retard induit par les spectateurs qui se dressent les uns après les autres.

Voici la Figure 2 de l'article accompagnée de sa légende. Cette figure représente une reconstruction de l'anomalie de température ("detrended", c'est à dire à laquelle on a retranché une variation linéaire croissante de l'ordre de 0,5°C/100 ans (voir ci-dessous)) en fonction du temps.

marcia1

 

"Fig. 2. La reconstruction M-SSA des séries temporelles de la température de l'hémisphère Nord peut être presque parfaitement représentée par une somme pondérée des reconstructions de l'AMO et de la PDO. "

Notez que la somme 0,83*PDO + 0,44*AMO (courbe en tireté rose-rouge) se superpose de manière remarquable à la courbe de variation de température de l'hémisphère Nord (courbe en bleu foncé). .

 

 

 

 

 

Nous avons déjà signalé à plusieurs reprises des articles qui insistaient sur la coïncidence frappante existant entre différents observables climatiques et l'Oscillation Multidécennale Atlantique. En voici quelques exemples.

II – Rappels : huss21

 

La fonte des glaciers alpins :

"La variation de la masse des glaciers des Alpes suisses depuis 100 ans, est liée à l'Oscillation Multidécennale Atlantique "
"100‐year mass changes in the Swiss Alps linked to the Atlantic Multidecadal Oscillation"
Matthias Huss, Regine Hock, Andreas Bauder, and Martin Funk (Universités de Fribourg et de Zürich)
Publié le 22 Mai 2010 dans Geophys. Res. Lett., 37, L10501, doi:10.1029/2010GL042616.

Figure 3 de l'article de Huss et al, avec sa légende.

a) moyenne glissante lissée sur 11 ans de la fonte annuelle des glaciers moyennée sur 30 glaciers.

b) accumulation annuelle (en trait épais) et anomalie de précipitations (en tiretés (par rapport à la moyenne 1908-2008)

(c) Anomalie annuelle du bilan massique Une sinusoïde superposée à une tendance linéaire est indiquée.

(d) Indice de l'Oscillation Multidécennale Atlantique AMO [Enfield et al., 2001].

 

 

La bascule polaire : chylek2

 

Selon un article de P. Chylek et al, rapporté dans ce billet [2], la bascule polaire (c'est à dire le fait que les périodes de fonte et de regel des pôles Nord et Sud sont en opposition de phase) serait lié à l'AMO, comme on le voit sur ces graphes tirés de la référence suivante :

Bascule bi-polaire du vingtième siècle des températures de surface de l'Arctique et de l'Antarctique.
"Twentieth century bipolar seesaw of the Arctic and Antarctic surface air temperatures" [10]

Petr Chylek, Chris K. Folland, Glen Lesins, and Manvendra K. Dubey.

GEOPHYSICAL RESEARCH LETTERS, VOL. 37, L08703, doi:10.1029/2010GL042793, 2010 (publié le 22 Avril 2010).

Légende de la figure ci-contre :

"Figure 2. (a) Séries temporelles de température corrigées
de l'Arctique (en bleu )
de l'Antarctique (en rouge ).
Les données sont lissées avec une moyenne glissante sur une durée de 11 ans (lignes fines) et de 17 ans (lignes épaisses).
"(b) Les valeurs annuelles de indice de l'AMO [d'après Parker et al., 2007] (ligne fine) et la moyenne glissante sur 17 ans (ligne épaisse)."

Vous noterez que l'article de Glaze Wyatt et al mentionné ci-dessus ne s'intéresse qu'à l'hémisphère Nord, tandis que celui de Chylek et al fait référence aux pôles Nord et Sud. L'explication donnée par Chylek et al est rappelée dans ce billet [11].

 

chylek09b

 

Voici une autre superposition intéressante des températures arctiques et des indices AMO (Parker et NOAA), publiée dans un article plus ancien de P. Chylek et al (ce billet [12]).

 

 

 

 

 

Enfin, tout récemment, nous avons rapporté ( billet ci-dessous) sur un article qui reconstruisait l'indice de fonte du Groenland [13] depuis les 100 dernières années.

La fonte du Groenlandmarcia5

 

 

 

Ci-contre, le graphe (tronqué à partir de 1900 pour pouvoir le comparer avec le graphe ci-dessus), de l'article commenté dans le billet ci-dessous [13].

On retrouve, de nouveau, une forte fonte (comme pour les glaciers alpins) vers 1940-1950 suivi d'un regel jusque vers 1976, lui-même suivi d'une nouvelle fonte qui se poursuit jusqu'à nos jours.

 

 

 

 

 

Couverture neigeuse du plateau Tibétain et AMO depuis 200 ans :

Un article encore sous presse au Geophysical Research Letters, est intitulé :

"Variabilité décennale de la couverture neigeuse sur le plateau Tibétain pendant les deux derniers siècles "
Decadal Variability in Snow Cover over the Tibetan Plateau during the Last Two Centuries

Caiming Shen, Wei-Chyung Wang, and Gang Zeng
Atmospheric Sciences Research Center, State University of New York, Albany, New York

Le résumé de cet article qui retrouve, une fois encore, une corrélation marquée d'un indicateur climatique (la couverture neigeuse du Tibet) avec l'AMO (par l'intermédiaire de la NAO, selon les auteurs) se conclut par les phrases suivantes :
marcia6

…The analysis suggests that the snow cover exhibits significant decadal variability with major shifts around 1840s, 1880s, 1920s, and 1960s. Its variations are found to be closely correlated with the Atlantic Multidecadal Oscillation: Cool/warm phases coincide with large/small snow cover. A plausible mechanism linking the North Atlantic climate to Asian monsoon is presented.

"L'analyse suggère que la couverture neigeuse montre une variabilité décennale avec des changements marqués dans les années 1840, 1880, 1920 et 1960. On trouve que ses variations sont étroitement corrélées avec l'Oscillation Multidécennale Atlantique. Les phases froides/chaudes coïncident avec les couvertures fortes/faibles. Un mécanisme plausible reliant l'Atlantique Nord à la mousson Asiatique est présenté. "

(Figure ci-contre : en bleu l'AMO. En rouge, la couverture neigeuse du plateau tibétain)

 

Si les oscillations océaniques évoquées précédemment sont effectivement actives au niveau des pertes de glaces, aussi bien dans les massifs alpins que pour le Groenland et les pôles, et sans doute dans de nombreuses autres circonstances comme pour l'enneigement du plateau Tibétain, on peut penser que les glaciers devraient regeler dans les années qui viennent, la neige devenir plus abondate etc. comme je l'avais mentionné dans ce billet [14].
Nous verrons…

III – Compléments : Au sujet de la superposition des effets résultant des oscillations climatiques évoquées ci-dessus et d'une hausse progressive des températures de l'ordre de 0,5°C par siècle :

Comme je l'ai mentionné ci-dessus, l'article cité fait usage de séries données de températures "detrended", c'est à dire auxquelles on a soustrait une hausse linéaire des températures mentionnée par de nombreux autres chercheurs. Vous retrouverez dans ce billet [14], d'autres graphes du même genre, publiés par d'autres auteurs tels que William Gray [15] et al, Scafetta et al [16], Mojib Latif [17], Swanson et al [14], Klyashtorin et Lyubishin [18], Joseph d'Aleo [19]

Il est tentant d'attribuer cette hausse sous-jacente aux variations cycliques naturelles des observables climatiques, aux effets des gaz à effet de serre. C'est d'ailleurs ce que suggèrent Anastasios Tsonis et Mojib Latif, par exemple. D'autres auteurs, comme Syun Ichi Akasofu penchent plutôt pour une hausse naturelles des températures due à la sortie du petit âge glaciaire précédent. Un des arguments essentiels d'Akasofu repose sur la constatation que le réchauffement observé actuellement a commencé dès le début du XIXème siècle, comme le montre l'analyse d'un certains nombre d'indicateurs [20], c'est à dire bien avant que les émissions de gaz à effet de serre deviennent notables.

Il est crucial de réaliser, que lorsque l'on tient compte des oscillations naturelles du climat, la pente de la hausse des températures est notablement inférieure à celle de l'arche montante de la quasi-sinusoïde (allant de 1979 à 1998) qui est souvent présentée comme un argument décisif par les adhérents du GIEC.
C'est exactement ce qu'a voulu illustrer le Professeur Akasofu lorsqu'il a réalisé le schéma ci-dessous. En effet, si l'on ne prend pas en compte les oscillations naturelles et que l'on se contente de ne considérer que la dernière fraction de la courbe, comme cela est représenté sur ce graphique, on est conduit à des prévisions (prédictions, scénarios etc.) beaucoup plus alarmistes telles que celles qui sont mis en avant par le GIEC et les médias. De fait, et même si on admet que la hausse sous-jacente des températures est due à l'effet de serre, et si l'on tient compte des oscillations naturelles, on est conduit à une sensibilité aux gaz à effets de serre de l'ordre de 3 à 4 fois moins importante que celle des modèles du GIEC, ce qui rejoint les sensibilités (donc quasiment négligeables) avancées par Richard Lindzen ou Roy Spencer, souvent mentionnés dans ce site.

akasofu1

Le graphe ci-contre que les lecteurs de ce site connaissent bien, est de la main du Prof. Syun Ishi Akasofu. Je l'avais rapporté dans ce billet [21]. Son article le plus récent (et copieux) à ce sujet est intitulé : " [22]Composantes naturelles du changement climatique [23]" (attention ! chargement très long. Soyez patient).

Au vu des oscillations naturelles, de période proche de 60 ans et que l'on retrouve aussi dans l'analyse spectrale de l'évolution de la température du globe (et …du soleil, Scafetta (2009) [16]), Akasofu fait remarquer que les prédictions (prévisions, scénarios etc…) du GIEC sont très exagérées.

Le point indiqué par une flèche rouge indique la situation actuelle.

 

 

 

IV Conclusion :

L'article de Glaze Wyatt et al, cité ci-dessus, vient compléter la longue série des observations déjà publiées ou en voie de pubication dans les revues à comité de lecture qui montrent que le climat du globe obéit à des variations cycliques, avec une périodicité marquée qui se situe aux environs de 60 ans. Plusieurs auteurs attribuent cette périodicité à l'Oscillation Multidécennale Atlantique qui influence, au moyen de diverses téléconnexions retardées, les autres acteurs du climat.

Il se trouve que les études de climatologie ont connu un fort regain d'intérêt depuis une trentaine d'années environ. Malencontreusement, cette période correspond assez précisément avec une arche montante de la quasi-sinusoïde des variations cycliques naturelles auxquelles sont apparemment soumis les observables climatiques tels que la fonte des glaciers, la température etc. Dans ces conditions, il n'est ni étonnant, ni alarmant, que l'on observe actuellement un "réchauffement climatique". Celui-ci n'est pas un cas isolé dans l'histoire récente. Jusqu'à présent, il n'est exceptionnel ni par son amplitude ni par ses conséquences.
La requête d'Akasofu qui demande que l'on prenne en compte ces oscillations climatiques naturelles AVANT d'avancer des hypothèses et des modèles sur le rôle supposé des émissions des gaz à effets de serre, semble donc justifiée.

Pour terminer, voici un petit conseil : A l'appui de leur thèse, les tenants de l'hypothèse anthropique du GIEC mettent fréquemment en avant, des graphiques (de fonte des glaces, de hausse des températures etc.) qui couvrent justement la période allant de 1976 à nos jours.

Demandez leur simplement ce qu'il s'est passé, pour les mêmes observables, de 1910 à 1940-45, puis de 1945 à 1976…

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Addendum : A noter qu'un livre récemment publié chez Springer [24] (Praxis Publishing, Chichester) dont les auteurs sont des chercheurs Russes spécialistes de l'Arctique (Frolov, Gudkovitch, Karlin, Kovalev et Smolyanitsky), sous le titre "Climate Change in Eurasian Arctic Shelf Seas -Centennial Ice cover Observations", tient exactement le même langage que les articles mentionnés ci-dessus : Tout cela est géré par des cycles de 60 ans…
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26 Avril 2011 : Rien de bien nouveau du côté de la fonte du Groenland…depuis 200 ans.

Une des difficultés majeures auxquelles se trouvent confrontées les sciences du climat, tient au fait que si les données de l'observation de toutes natures green3abondent depuis le début de l'ère satellitaire (typiquement à partir de 1979, c'est à dire depuis seulement une trentaine d'années), les données plus anciennes sont beaucoup plus rares, souvent fragmentaires et parfois sujettes à caution.
Comme le savent les lecteurs de ce site, il se trouve (malencontreusement) que les années 1970-1980 qui ont vu la naissance des premières observations détaillées obtenues grâce aux satellites, ont également été des années plus froides que celles qui les ont précédé (au point que certains redoutaient, à l'époque, la survenue d'un nouveau petit âge glaciaire [25]) et que celles qui les ont suivi.
Cette coïncidence fortuite entre le point de départ des observations satellitaires d'une part et de la période froide 1946-1976, d'autre part, a peut-être contribué, dans une certaine mesure, à la naissance de l'alarmisme climatique qui sévit depuis plus de deux décennies. En effet, les températures étant reparties à la hausse, après la baisse des années 1946-1979, un grand nombre d'observations bien documentées, disponibles depuis 1979, ont mis en évidence une série d'évolutions (températures, fontes des glaces etc.) par rapport aux données observées au début de l'ère satellite, que certains considèrent comme alarmantes.
Et de fait, elles le seraient… si elles étaient sans précédent historique.
Le sont-elles ?

L'article qui fait l'objet de ce billet, a été publié le 19 avril au Journal of Geophysical Research. Il nous montre que la fonte récente du Groenland, fréquemment utilisée comme argument massue par les alarmistes (qui limitent le plus souvent leurs graphiques aux trente dernières années) n'est pas inhabituelle dans le contexte historique des deux siècles précédents.
Le voici :
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"Une reconstruction de l'extension de la fonte annuelle du Groenland de 1784 à 2009."

A reconstruction of annual Greenland ice melt extent, 1784–2009

JOURNAL OF GEOPHYSICAL RESEARCH, VOL. 116, D08104, doi:10.1029/2010JD014918, 2011

Oliver W. Frauenfeld ( Department of Geography, Texas A&M University,College Station, Texas, USA)
Paul C. Knappenberger (New Hope Environmental Services, Charlottesville, Virginia, USA)
Patrick J. Michaels (Cato Institute, Washington, D. C., USA).
A noter que Pat Michaels, plusieurs fois cité dans ce site, est un ancien président des Climatologues d'Etat des Etats-Unis. Il gère le site Word Climate Report. [26]

Manuscrit reçu le 17 Août 2010; révisé le 21 Décembre 2010; accepté le 31 Janvier 2011; Publié le 19 Avril 2011.

Cet article constitue le prolongement d'un travail présenté, [27]par les mêmes auteurs, en 2008, lors de la conférence d'automne de l'AGU (American Geophysical Union) où il avait beaucoup été question du Groenland, comme je l'avais mentionné [28] à l'époque. Voici le résumé de cet article en version originale d'abord, suivie d'une traduction en français.

Abstract :
The total extent of ice melt on the Greenland ice sheet has been increasing during the last three decades. The melt extent observed in 2007 in particular was the greatest on
record according to several satellite‐derived records of total Greenland melt extent. Total annual observed melt extent across the Greenland ice sheet has been shown to be strongly
related to summer temperature measurements from stations located along Greenland’s coast, as well as to variations in atmospheric circulation across the North Atlantic. We
make use of these relationships along with historical temperature and circulation observations to develop a near‐continuous 226 year reconstructed history of annual Greenland melt extent dating from 2009 back into the late eighteenth century. We find that the recent period of high‐melt extent is similar in magnitude but, thus far, shorter in duration, than a period of high melt lasting from the early 1920s through the early 1960s. The greatest melt extent over the last 2 1/4 centuries occurred in 2007; however, this value is not statistically significantly different from the reconstructed melt extent during 20 other melt seasons, primarily during 1923–1961.

Résumé : " L'étendue totale de la fonte des glaces de la surface glacée du Groenland a augmenté durant les trois dernières décennies. En particulier, l'étendue de la fonte observée en 2007 a été la plus importante selon les données de l'étendue totale de la fonte du Groenland, d'après les observations de plusieurs satellites.
Il a été montré que le fonte annuelle totale observée de la couche glacée du Groenland est étroitement dépendante de la température en été, mesurée par les stations situées le long des côtes du Groenland, aussi bien que des variations de la circulation atmosphérique sur l'Atlantique Nord.
Nous prenons en compte cette dépendance avec les enregistrements historiques des températures et avec les observations des modes de circulation pour mettre en place une reconstruction de l'histoire de l'extension de la fonte annuelle du Groenland sur une période quasi-continue s'étendant sur 226 années, en partant de 2009 et en remontant jusqu'à la fin du XVIIIème siècle.
Nous trouvons que la période récente de forte extension de la fonte est semblable du point de vue de l'extension mais, jusqu'à présent, de durée plus courte qu'une période de forte fonte qui s'est prolongée du début des années 1920 jusqu'au début des années 1960. La plus grande étendue de fonte durant les deux siècles et un quart derniers, s'est produite en 2007, mais cette valeur n'est pas significativement différente, du point de vue statistique, de l'extension de la fonte reconstruite pendant 20 autres saisons de fonte, et en tout premier lieu de 1923 à 1961. "
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Le corps de l'article porte essentiellement sur l'analyse des données anciennes de température et de la circulation atmosphérique disponibles à partir de multiples sources déjà publiées ainsi que sur les trois modèles statistiques utilisés pour extraire les données utiles à la reconstruction de l'indice de fonte du Groenland à partir des observations précédant l'ère satellitaire.

Voici la figure maîtresse de l'article en question, accompagnée de sa légende.

green1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 2.
"Reconstruction de l'histoire de l'indice de l'extension totale de la fonte du Groenland de 1784 à 2009.
Valeurs observées de l'indice de fonte des glaces (cercles bleus pleins).
Valeurs reconstruites de l'indice de fonte des glaces (cercles gris vides)
Moyenne glissante sur 10 ans des valeurs reconstruites et ajustées (ligne rouge épaisse)
Marges d'erreurs à 95% d'indice de confiance (lignes grises fines).
"

Comme on peut le voir sur ce graphique et conformément aux conclusions des auteurs, la période de fonte actuelle n'est pas significativement différente de celles qui l'ont précédé. A noter que les marges d'erreurs de ces mesures ( la zone encadrée par les lignes fines en grisé) sont près de deux fois plus grandes que le signal. C'est assez fréquent en climatologie.

Les conclusions de cet article replacent les observations rapportées dans le contexte de la hausse du niveau des mers qui pourrait résulter de la fonte des glaces Groenlandaises. Ici encore, les conclusions vont à l'encontre de bien des idées reçues et généreusement propagées par quelques activistes et par les médias

6. Conclusions
We have created a record of total annual ice melt extent across Greenland extending back approximately 226 years by combining satellite‐derived observations with melt extent values reconstructed with historical observations of summer temperatures and winter circulation patterns. This record of ice melt indicates that the melt extent observed since the late 1990s is among the highest likely to have occurred since the late 18th century, although recent values are not statistically different from those common during the period 1923–1961, a period when summer temperatures along the southern coast of Greenland were similarly high as those experienced in recent years. Our reconstruction indicates that if the current trend toward increasing melt extent continues, total melt across the Greenland ice sheet will exceed historic values of the past two and a quarter centuries.
[28] Of primary concern is the impact that Greenland ice melt will have on the rate of global sea level rise. A number of factors including snowfall accumulation variations, and any impact that surface melting has on glacial flow rates complicate this determination. Currently, surface mass balance estimates considering only loss from surface melting and input from precipitation (not including loss from glacial outflow) suggest that in recent years there has been a decline in the surface mass balance of Greenland. Mass loss from melting has exceeded small increases in snowfall accumulation [Fettweis, 2007; Hanna et al., 2008] leading to a positive contribution to global sea level rise. Mass loss from increased glacial discharge adds an additional contribution [Rignot and Kanagaratnam, 2006] and is well correlated to surface mass balance [Rignot et al., 2008]. However, the strength and duration of glacial discharge exhibits shortterm (days to years) variability and it remains unclear to what level glacial flow rates will be sustained even under a future regime of rising temperatures [Nick et al., 2009;Schoof, 2010].
[29] The forces acting in concert with ice melt across Greenland to produce higher global sea levels currently, should also have been acting during the extended high‐melt conditions from the mid‐1920s to the early 1960s. There is some qualitative indication of an observable influence of the variations in input from Greenland in the decadal rates of sea level change over the course of the past century [Jevrejeva et al., 2006; Church and White, 2006]. However, there is no indication that the increased contribution from the Greenland melt in the early to mid 20th century, a roughly 40 year interval when average annual melt was more or less equivalent to the average of the most recent 10 years(2000–2009), resulted in a rate of total global sea level rise that exceeded around 3 mm/yr.
This suggests that Greenland’s contribution to global sea level rise, even during multidecadal conditions as warm as during the past several years, is relatively modest.

Conclusions, en français :

"[27]Nous avons créé un enregistrement de l'étendue totale annuelle de la fonte du Groenland qui s'étend sur environ 226 années en combinant les observations issues des satellites avec les observations historiques des températures et des modes de circulation hivernaux. Cet enregistrement de la fonte des glaces montre que l'extension de la fonte observée depuis la fin des années 1990 figure parmi les plus élevées qui se sont produites depuis la fin du XVIIIème siècle, bien que les valeurs récentes ne soient pas statistiquement différentes de celles qui ont été observées durant la période 1923-1961, qui est une période pendant laquelle les températures estivales le long de la côte Sud du Groenland était aussi élevées que celles que nous avons connues dans les années récentes. Notre reconstruction montre que si la tendance actuelle vers une augmentation de l'extension de la fonte continue, la fonte totale de la nappe glacée du Groenland excédera les valeurs historiques des deux siècles et un quart écoulés.

[28] L'impact de la fonte des glaces du Groenland sur le taux de montée de la hausse du niveau des mers est la première cause de préoccupation. Un grand nombre de facteurs incluant les variations de l'accumulation de la neige ainsi que n'importe quel impact que pourrait avoir la fonte de la surface sur les taux d'écoulement des glaces rend cette détermination délicate. Dans l'état actuel, l'équilibre entre les estimations des masses surfaciques, en ne considérant que les pertes dues à la fonte en surface, avec les entrées provenant des précipitations (en ne prenant pas en compte les pertes dues aux flux sortant dus aux courants glaciaires) suggèrent que durant ces dernières années, il y a eu un déclin de l'équilibre de la masse surfacique du Groenland. La perte de masse résultant de la fonte a dépassé la faible augmentation de l'augmentation des chutes de neige [[Fettweis, 2007; Hanna et al., 2008] induisant une contribution positive à la hausse du niveau global des mers. La perte de masse résultant de l'augmentation de la décharge glaciale ajoute une contribution supplémentaire [Rignot and Kanagaratnam, 2006] et ceci est bien corrélé avec l'équilibre de la masse surfacique [Rignot et al., 2008]. Cependant, la force et la durée de la décharge glaciaire montre une variabilité à court terme (de la journée à l'année) et la détermination du taux de décharge glaciaire qui pourrait survenir même en cas d'un régime futur de hausse de la température [Nick et al., 2009; Schoof, 2010] reste problématique.

[29] Les forces qui agissent de concert avec la fonte des glaces au Groenland pour contribuer à provoquer, dans les conditions actuelles, une hausse du niveau marin devraient aussi avoir été à l'oeuvre pendant les conditions de forte fonte généralisée qui ont eu cours depuis la moitié des années 1920 jusqu'au début des années 1960. Il existe certaines indications qualitatives d'une influence observable des variations dues au Groenland dans le taux décennal de la variation du niveau des mers au cours du siècle passé [Jevrejeva et al., 2006; Church and White, 2006]. Cependant, il n'existe aucune indication que l'augmentation de la contribution de la fonte du Groenland, du début à la fin du XXème siècle, c'est à dire durant une période d'environ 40 ans durant lequel la fonte moyenne annuelle était plus ou moins équivalente à celle des dix dernières années (2000 à 2009), ait conduit à un taux d'augmentation du niveau global des océans qui ait excédé environ 3 mm/an. Ceci suggère que la contribution du Groenland à la hausse globale du niveau des océans est relativement modeste, même durant des conditions multidécennales aussi chaudes que durant les dernières années."

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En résumé, et bien qu'elle soient, ici ou là, subtilement édulcorées par quelques concessions à "l'establishment climatique" (publication oblige ! voir ci-dessous), les conclusions de cet article sont parfaitement claires :

– La fonte actuelle des glaces Groenlandaises n'est actuellement pas statistiquement distinguable de celles qui l'ont précédé durant les deux siècles précédents, notamment de celle qui s'est prolongée durant près de la première moitié du XXème siècle jusque vers les années 60.
Comme, à cette époque, le taux de hausse du niveau des mers n'a pas excédé la valeur classique de 3mm/an, ceci suggère que la contribution de la fonte du Groenland à la hausse du niveau global, est relativement modeste.

Ce qui – vous l'avez compris – ne va pas du tout dans le sens alarmiste prôné par les tenants du GIEC et par la quasi-totalité des médias (qui éviteront soigneusement de rapporter sur cet article dérangeant)…
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Pour la petite histoire :
Au sujet du processus de relecture par les pairs avant publication :
le peer-review.

Inutile de dire que l'article précédent qui va à l'encontre de l'alarmisme climatique, a dû avoir du mal à passer le tir de barrage des referees (les relecteurs) habituels du Journal of Geophysical Research.

Il est inutile de préciser également que si cet article a finalement été accepté et publié, c'est sans nul doute que les relecteurs n'ont pu y déceler de faute rédhibitoire. Le processus de revue par les pairs qui a duré 6 mois environ, peut sembler très long aux lecteurs profanes. Il n'est cependant guère inhabituel en matière de publication dans les revues réputées, et tout spécialement dans ce domaine où les controverses vont bon train.

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Voici, ci-contre, une illustration du processus de la relecture par les pairs, tel qu'il est perçu par beaucoup de chercheurs. Notamment, par ceux qui s'aventurent, à leurs risques et périls, à publier des articles qui ne "sont pas dans la ligne" et qui, lorsqu'un "consensus" s'installe, ont toutes les chances de tomber sur un referee qui lui, y est.

L'article de Frauenfeld et al., rapporté ci-dessus, a été soumis au JGR en Août 2010, c'est à dire avant que les données de l'année 2010 soient connues. Contrairement à la règle d'or du processus de relecture, et une fois encore (voir les emails du climategate [29]), le referee principal s'est fait connaître.
Il s'agit de
Jason Box. Box est le chercheur que j'avais mentionné dans un billet précédent. [30]Jason Box et ses collègues avaient compilé un certains nombre de documents anciens (tels que des photos aériennes du Groenland), pour, finalement, retrouver des résultats assez proches de ceux de l'article cité dans ce billet.
Bien que les données 2010 ne soient pas disponibles au moment de la soumission de l 'article, le referee a reproché aux auteurs de ne pas les avoir incorporées dans l'analyse ce qui est, pour le moins, spécieux. Les auteurs ont répondu que les données 2010 ne seront rendues disponibles, après traitement, que bien plus tard, tout en prenant date pour la suite.
Une explication sur le site "The blackboard [31]" de Lucia, intitulé "
Le referee se disqualifie", donne une copie de certains commentaires du referee Jason Box au sujet du contenu de l'article en question et… au sujet de la personnalité de ses auteurs, ce qui est pour le moins inhabituel et déontologiquement inacceptable. Un referee doit s'en tenir aux faits et au contenu de l'article. Certains commentaires de Jason Box, du style "les auteurs sont des climato-sceptiques et sont payés par Big Oil !" laissent rêveur sur la dégradation désastreuse du processus de peer-review qui semble avoir actuellement cours en sciences du climat.

Le processus de revue par les pairs possède, sans aucun doute, de grands mérites. Cependant, et de l'avis de beaucoup, il présente aussi de graves inconvénients surtout lorsqu'il s'agit de sujets très sensibles ou plus ou moins politisés, dans lesquels d'aucuns voudraient imposer une certaine "pensée unique " comme dans le cas du réchauffement climatique.

Il est bon de relire ce qu'écrivait, au sujet du peer review, Richard Horton [32], l'éditeur du Lancet, la très renommée et prestigieuse revue médicale britannique, en relation avec une polémique récente (à propos des OGM, un sujet hautement passionnel) qui avait agité le microcosme médico-scientifique.

"La faute, bien entendu, est d'avoir pensé que le processus de revue par les pairs était autre chose qu'un moyen grossier de découvrir l'acceptabilité – et non pas la validité – d'une nouvelle découverte. Les éditeurs, tout comme les scientifiques, insistent sur l'importance cruciale du processus de revue par les pairs. Nous donnons une image du peer review au public comme s'il s'agissait d'un processus quasi-sacré qui aide à faire de la science notre garant le plus objectif de la vérité . Mais nous savons que le système de la relecture par les pairs est biaisé, injuste, irresponsable, incomplet, facilement truqué, souvent insultant, couramment ignorant, parfois stupide et fréquemment erroné."

C'est, malheureusement, ce qu'on avait compris en lisant les courriels [29] échangés à ce propos, entre les protagonistes du Climategate. Voir également ce qu'en pense le climatologue [33]Roger Pielke Sr [33] dans un billet au sujet des tribulations rocambolesques d'un article (non mainstream) soumis récemment par Ross McKittrick.

En tant qu'éditeur du Lancet, Richard Horton sait à quoi s'en tenir en matière de processus du peer review, mais sa vision est sans doute un peu pessimiste et, en tout cas, ne concerne pas tous les domaines de la science.
Dans les sciences plus "paisibles" et moins passionnelles, le processus de relecture par les pairs est aussi fréquemment constructif, enrichissant (pour le relecteur, pour les auteurs comme pour les lecteurs) et finalement bénéfique pour la science.
Cependant, il faut savoir que, contrairement à une croyance très répandue, le processus de relecture par les pairs ne garantit nullement la validité d'un article publié, comme le dit fort justement Horton. Tous les chercheurs savent que des articles qui contenaient des âneries ont fréquemment réussi à passer le filtre des meilleures revues scientifiques, même s'il ne s'agit que d'une minorité.
Plus certainement, et comme le dit Richard Horton, le peer review est un filtre "grossier" qui garantit l'acceptabilité d'un article par le "mainstream" scientifique …du moment. Ce qui n'est certainement pas une caractéristique en faveur du développement des idées novatrices mais devient plutôt une machine à fabriquer des consensus.

En réalité, en matière de sciences, le progrès s'effectue plutôt par une succession continue d'essais, d'erreurs et de corrections qui, du moins en principe, maintiennent le navire sur son cap.
Mais, parfois, et comme l'histoire en témoigne, les erreurs et les croyances ont eu la peau dure.

Rien n'est parfait et la recherche n'est certainement pas le "long fleuve tranquille" que le public imagine.

A suivre….

 

05 Avril 2011 : Pas d'accélération de la hausse du niveau moyen des mers du globe !

Les lecteurs avertis se souviennent de la vive polémique qui avait agité les sphères spécialisées dans les prédictions de la hausse du niveau des océans lors de la publication du rapport AR4 du GIEC en 2007. Ce rapport, se basant essentiellement sur les travaux de Bindoff et al (2007), avait annoncé que, la hausse du niveau moyen des océans du globe devrait se situer quelque part entre 18 et 59 cm en 2100 par rapport au niveau des mers en 1990.
Plusieurs auteurs, proches du GIEC, dont Stefan Rhamstorf, bien connu des lecteurs de ce site, se basant sur des analyses semi-empiriques et sur les scénarios variés de l'élévation de température, avaient avancé des hausses de niveau bien supérieures, de l'ordre de 60 à 190 cm pour la même période.
Les lecteurs se souviennent peut-être aussi des visions apocalyptiques d'Al Gore, de Hansen et de quelques autres qui n'avaient pas hésité à prédire des hausses du niveau des mers de quelques mètres ou, même, de quelques dizaines de mètres…

Pour rester sur des bases plus solides que ces spéculations et comme toujours, il vaut mieux dans ce domaine comme dans les autres, se baser sur les observations plutôt que sur des "projections".

L'article que je vais commenter ci-dessous fait suite et corrobore les observations et les analyses d'un article de Manfred Wenzel et Jens Schröter (de l'Alfred Wegener Institute for Polar and Marine Research, Bremerhaven, Allemagne) publié le 13 Août 2010 dans le J. Geophys. Res., 115, C08013, doi:10.1029/2009JC005630. (2010), telles que je les avais rapportées dans ce billet [34].
L'article qui est le sujet de ce billet est encore sous presse au Journal of Coastal Research [35], (encore accessible en ligne). (ISSN 0749-0208).
Le JCR est une publication revue par les pairs, spécialisée dans l'étude des zones côtières continentales. Cet article est intitulé :

"Accélération du niveau des mers basée sur les marégraphes des USA et extension des analyses publiées précédemment à partir de jauges de niveau à l'échelle du globe."
"Sea-Level Acceleration Based on U.S. Tide Gauges and
Extensions of Previous Global-Gauge Analyses"

Les deux auteurs sont J. R. Houston and R. G. Dean

J. R. Houston : Director Emeritus
Engineer Research and Development
Center, Corps of Engineers

R. G. Dean : Professor Emeritus
Department of Civil and Coastal Civil
Engineering. University of Florida

L'idée qui sous-tend cet article est aussi simple que naturelle : Si la hausse du niveau des mers, observée actuellement, se poursuit à la même vitesse que celle que nous connaissons à présent et que nous avons connue depuis au moins un siècle, il n'y a aucune de raison de s'inquiéter. Le niveau des mers ne montera que de 15cm jusqu'en 2100.
Afin de pouvoir faire des prévisions sérieuses en matière de hausse du niveau des mers
, il est donc crucial de savoir s'il existe (ou non) une tendance à l'accélération, détectable dans les bases de données dont nous disposons actuellement.

Voici, comme à l'accoutumée, le résumé original de l'article suivi d'une traduction en français :

Abstract :
Without sea-level acceleration, the 20th-century sea-level trend of 1.7 mm/y would produce a rise of only approximately 0.15 m from 2010 to 2100; therefore, sea-level acceleration is a critical component of projected sea-level rise. To determine this acceleration, we analyze monthly-averaged records for 57 U.S. tide gauges in the Permanent Service for Mean Sea Level (PSMSL) data base that have lengths of 60–156 years. Least-squares quadratic analysis of each of the 57 records are performed to quantify accelerations, and 25 gauge records having data spanning from 1930 to 2010 are analyzed. In both cases we obtain small average sea-level decelerations. To compare these results with worldwide data, we extend the analysis of Douglas (1992) by an additional 25 years and analyze revised data of Church and White (2006) from 1930 to 2007 and also obtain small sea-level decelerations similar to those we obtain from U.S. gauge records.
Résumé :
"Sans accélération du niveau des mers, la tendance de la hausse du niveau des mers du XXème siècle conduirait à une hausse de seulement environ 0,15m de 2010 à 2100. C'est pourquoi l'accélération du niveau des mers est une composante critique de la hausse projetée du niveau des mers. De manière à analyser cette accélération, nous analysons les enregistrements mensuels de 57 jauges de niveau US de la base de données du PSML (Permanent Service for Mean Sea Levels, Service permanent pour le niveau moyen des océans) qui couvrent des périodes de 60 à 156 ans. Une analyse par la méthode des moindres carrés de chacun des 57 enregistrements est effectuée de manière à quantifier les accélérations. De plus 25 jauges de niveau ayant des données couvrant la période allant de 1930 à 2010 est analysée.
Dans les deux cas, nous obtenons des faibles décélérations de la hauteur moyenne du niveau des mers. De manière à comparer ces résultats avec les données valables pour le globe, nous avons prolongé l'analyse de Douglas (1992) en la prolongeant de 25 années supplémentaires et nous avons analysé les données de Church et White (2006) de 1930 à 2007 et nous obtenons aussi des faibles décélérations semblables à celles que nous avons obtenues pour les jauges de niveau des USA."
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Voici, indiquées par des points noirs, les emplacements des 57 jauges de niveau utilisées par les auteurs de cet article.

 

Comme on peut le voir, il s'agit d'une série de jauges distribuées le long des côtes Atlantiques et Pacifiques des USA. D'autres jauges, également utilisées, sont situées dans le Pacifique sur des îles telles que Hawaï ou Midway. La liste complète des sites de mesures figure dans l'article. .

 

 

Voici un résultat typique de l'analyse effectuée par les deux auteurs de cet article :
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" Pour chacune des 57 des 25 séries de données des marégraphes, nous avons déterminé le décalage à l'origine, α0 en mm, la pente α1 en mm/y, et le terme quadratique correspondant à l'accélération, α2 in mm/y2, en utilisant une méthode des moindres carrés qui satisfait à l'équation :

y(t) = α0 + α1t + (α2/2)(t2)

Dans laquelle le temps est exprimé en années et y(t) est la mesure du niveau marin à la date t.
C'est l'accélération seule qui est concernée dans cet article."

La figure ci-contre (Fig. 4) donne un histogramme du nombre de données enregistrées par les jauges selon l'accélération observée. L'histogramme présente une légère dissymétrie vers les décélérations ce qui justifie les affirmations des auteurs qui observent une stabilité de la hausse du niveau des mers ou une légère décélération.

"Notre première analyse a déterminé une valeur de l'accélération α2 pour chacun des 57 enregistrements, dont les résultats sont tabulés dans la Table 1 et montrés dans le Figure 4. Il y a pratiquement un équilibre avec 30 enregistrements marégraphiques indiquant une décélération et 27 montrant une accélération, le tout se regroupant autour de 0.0 mm/y2. La moyenne indique une légère décélération correspondant à α2 = -0.0014 ± 0.0161 mm/y2 (avec un taux de confiance de 95%)."

La conclusion de l'article attire l'attention sur la contradiction entre les résultats des observations directes et les prédictions de plusieurs articles parus précédemment. En bref, et bien que la température moyenne ait augmenté de quelques 0,7°C, et contrairement aux analyses précédentes, depuis le début du XXème siècle et jusqu'en 2010, on n'a vu aucune accélération de la hausse du niveau des mers.
Voici cette conclusion, la version originale d'abord, suivie d'une traduction en français :

Conclusion:
Our analyses do not indicate acceleration in sea level in U.S. tide gauge records during the 20th century. Instead, for each time period we consider, the records show small decelerations that are consistent with a number of earlier studies of worldwide-gauge records. The decelerations that we obtain are opposite in sign and one to two orders of magnitude less than the +0.07 to +0.28 mm/y2 accelerations that are required to reach sea levels predicted for 2100 by Vermeer and Rahmstorf (2009), Jevrejeva, Moore, and Grinsted (2010), and Grinsted, Moore, and Jevrejeva (2010). Bindoff et al. (2007) note an increase in worldwide temperature from 1906 to 2005 of 0.74C.
It is essential that investigations continue to address why this worldwide-temperature increase has not produced acceleration of global sea level over the past 100 years, and indeed why global sea level has possibly decelerated for at least the last 80 years.

Conclusion :

"Nos analyses ne montrent pas d'accélération du niveau des mers dans les bases de données des jauges de niveau des USA durant le XXème siècle. Au contraire, pour chaque période de temps considérée, les bases de données indiquent de faibles décélérations qui sont cohérentes avec les études précédentes des enregistrements des jauges de niveau pour le globe entier. Les décélérations que nous obtenons sont de signe opposé et d'un ou deux ordres de grandeurs plus faibles que les accélérations de +0,07 à 0,28 mm/an/an qui sont exigées pour atteindre des niveaux des mers en 2100 prédits par Vermeer et Rahmstorf (2009), Jevrejeva, Moore, et Grinsted (2010), et Grinsted, Moore, et Jevrejeva (2010). Bindoff et al. (2007) note une augmentation de la température du globe de 1906 à 2005 de 0,74°C. Il est essentiel que les recherches soient poursuivies afin de comprendre comment cette augmentation globale de la température n'a pas provoqué une accélération du niveau des mers du globe durant les 100 dernières années et en en réalité, pourquoi le niveau des mers du globe a peut-être décéléré depuis, au moins, les 80 dernières années."

Ces résultats de Houston et Dean sont conformes aux observations et à l'analyse sophistiquée (par les réseaux neuronaux) de Manfred Wenzel et Jens Schröter de l'Alfred Wegener Institute for Polar and Marine Research, (Bremerhaven, Allemagne) publié le 13 Août 2010 dans le J. Geophys. Res., 115, C08013, doi:10.1029/2009JC005630. (2010), telles que je les avais rapportées dans ce billet [34].

Bibliographie [36] des articles cités par J. R. Houston et R. G. Dean :

Bindoff, N.L., Willebrand, J., Artale, V., Cazenave, A., Gregory, J., Gulev, S., Hanawa, K., Le Quere, C., Levitus, S., Noijiri, Y., Shum, C.K., Talley, L.D. and Unnikrishnan, A. 2007. Observations: oceanic climate change and sea level. In: Solomon, S. et al. (Eds.), Climate Change 2007: The Physical Science Basis. Intergovernmental Panel on Climate Change, Cambridge University Press, New York, New York, USA.
Church, J.A. and White, N.J. 2006. 20th century acceleration in global sea-level rise. Geophysical Research Letters 33: 10.1029/2005GL024826.
Douglas, B.C. 1992. Global sea level acceleration. Journal of Geophysical Research 97: 12,699-12,706.
Grinsted, A., Moore, J.C. and Jevrejeva, S. 2010. Reconstructing sea level from paleo and projected temperatures 200 to 2100 AD. Climate Dynamics 34: 461-472.
Houston, J.R. and Dean, R.G. 2011. Sea-level acceleration based on U.S. tide gauges and extensions of previous global-gauge analyses. Journal of Coastal Research (in press).
Jevrejeva, S., Moore, J.C. and Grinsted, A. 2010. How will sea level respond to changes in natural and anthropogenic forcings by 2100? Geophysical Research Letters 37: 10.1029/2010GL042947.
Vermeer, M. and Rahmstorf, S. 2009. Global sea level linked to global temperature. Proceedings of the National Academy of Sciences USA 106: 21,527-21,532.

___________________________________

En complément de cet article de Houston et Dean, il est intéressant d'examiner les résultats des mesures satellitaires (disponibles depuis les années 90) et les rapprocher de deux observables pertinents : l'évolution de la température du globe et le contenu calorique des océans.

  • Evolution récente de la hausse du niveau des océans du globe ?
    Et comment ont évolué le contenu calorique des océans et la température de la surface de la Terre, durant la même période ?

Variation globale du niveau des océans depuis 1993 :

Ci-contre, en bleu, le graphe tracé à partir des données de l'Université du Colorado [37].

La droite rouge correspond à la pente moyenne de la hausse du niveau des océans de la planète de 1993 à 2003-2004. La droite verte représente celle qui a eu lieu à partir de 2003-2004 jusqu'à nos jours.

On constate que la hausse du niveau des mers du globe s'est ralentie à partir des années 2003-2004.

D''après le climatologue Ole Humlum [38], ceci correspond à une diminution de la hausse du niveau des mers qui est passée d'environ 4mm/an à 3mm/an, selon les satellites.

 

Un des paramètres essentiels invoqués pour expliquer la hausse du niveau des océans est le contenu calorique, supposé en augmentation, de ces derniers. Qu'en est-il ?

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Variation du contenu calorique global des océans depuis 1993

Variation du contenu calorique des océans (couche de 0 à -700m) de 1993 à Déc. 2010 d'après les données du NODC [37] (National Oceanographic Data Center US).

(Figure extraite du site de Ole Humlum [38], [39] tronquée de manière à ne conserver que la période 1993-2010 pour permettre la comparaison avec la figure précédente et avec la figure suivante). La figure originale est ici. [39]
La ligne bleue épaisse représente un lissage sur 37 mois.

On constate qu'après une augmentation assez régulière de la chaleur contenue dans les océans, jusqu'en 2003-2004, celle-ci semble s'être stabilisée depuis cette époque et jusqu'à nos jours. Cette observation permet sans doute d'expliquer la décroissance de la pente de la courbe précédente lors de cette même période.
En effet, une part importante de la variation du niveau des océans résulte de la dilatation (ou de la contraction) thermique des océans.

Je rappelle que cette stagnation du contenu calorique des océans est en contradiction flagrante avec les modèles utilisés par le GIEC comme l'avait noté Roger Pielke Sr [40].

 

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Variation des anomalies de la température de surface du globe de 1993 à nos jours d'après le HadCRUT [41].

(Voir une analyse détaillée [42]des mesures de température fournies par les différents organismes)

 

 

Les observations précédentes (Niveau des mers et contenu calorique des océans) sont cohérentes avec la stagnation des températures de surface du globe depuis les années 2000 telles que nous l'avons rapportée dans ce billet [42].

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Ainsi et comme on peut le constater, la température moyenne de surface, le contenu calorique des océans et la hausse du niveau moyen des océans marquent le pas depuis quelques années, en opposition avec la théorie '"standard" de l'effet de serre mise en avant par le GIEC.

Comme nous l'avons plusieurs fois fait remarquer, il est très probable que le début de ce XXIème siècle constitue une période singulière de l'évolution du climat de la planète. Il pourrait bien s'agir d'un maximum tel que celui qui avait été observé dans les années quarante, et qui se reproduit tous les 60 ans environ, conformément aux observations rapportées dans ce billet [14].
Comme le savent les lecteurs de ce site, cette idée qui s'écarte fondamentalement des prédictions (prévisions, scénarios) du GIEC est défendue par Akasofu, Klyashtorin et Lyubishin, William Gray, Joseph d'Aleo, Nicola Scafetta et quelques autres.

Pour l'instant, les observations sur le niveau moyen des mers rapportées ci-dessus vont dans leur sens.
Wait and see !

Notes :

1) Les observations de Houston et Dean confirment les résultats obtenus et publiés en 2010 par les chercheurs du Wegener Institute [34], tous obtenus à partir des données marégraphiques qui, seules, permettent de remonter suffisamment dans le temps.

Plus récemment, c'est à dire depuis les années 1990, les mesures satellitaires sont venues compléter les observations marégraphiques. Comme je l'avais noté dans ce billet [34], les mesures altimétriques satellitaires indiquent généralement une hausse nettement supérieure (~3 mm/an) à celle qui est observée avec les marégraphes (~1,7 mm/an), sans d'ailleurs que l'on en connaisse la raison profonde. En réalité, le niveau des océans ne s'élève pas de manière homogène sur la surface d'un bassin. Tout cela est très variable en fonction des conditions locales, des bassins etc. comme on l'a vu dans ce billet. [43]
L'effet de gyre [44] lié à l'évolution de la pression atmosphérique semble jouer un rôle important et il n'est pas évident que l'élévation du niveau des mers mesurée à proximité des zones continentales soit identique à celle qui est observée au centre d'un bassin océanique. Quoiqu'il en soit, l'évolution des données satellitaires indiquent plutôt une décélération qu'une accélération comme celle postulée par les chercheurs proches du GIEC tels que Rhamstorf et al.

2) D'autre part, il est fréquemment répété (à tort) que la hausse du niveau marin résulte de trois facteurs : D'une part, la fonte des glaces continentales (Groenland etc.). D'autre part, la dilatation des océans due à la hausse des températures et enfin la variation de la pression atmosphérique qui n'a d'ailleurs, aucune raison de n'agir que dans un seul sens. C'est, en particulier, ce que nous affirme, assez naïvement, un article typique sur ce sujet. [45].

La réalité est beaucoup plus complexe. D'une part, on essaye de corriger les données mesurées des effets de la variation globale de la pression atmosphérique (voir, par exemple, les légendes des graphes [38] rapportés par Ole Humlum).

D'autre part et comme cela a été expliqué dans ce billet, [44] l'effet de "gyre" [44] contribue de manière très significative à la variation du niveau des océans comme l'ont montré entre autres, P. L. Woodworth, N. Pouvreau, et G. Wöppelmann.

Je rappelle qu'en 2004, deux scientifiques américains, Laury Miller de la NOAA et Bruce C. Douglas de l’Université de Floride pointaient déjà du doigt, dans un article publié dans la revue Nature [46], le fait que la dilatation thermique et la fonte des glaces ne permettaient pas d’expliquer l’élévation moyenne globale de 2 mm/an environ, car les vitesses d’augmentation de volume et les quantités de glaces fondues ne pouvaient se traduire que par une hausse, d’au mieux, 0,5 mm/an.
En 2006, ils confirmaient leurs affirmations dans une autre publication à la Royal Society [47] .
En 2007, ils émettaient l’hypothèse que la variation des niveaux océaniques n’était pas directement due au réchauffement, mais aux variations décennales ou multidécennales du champ de pression atmosphérique dans certaines zones océaniques particulières appelées gyres ( Réf : Miller L., Douglas B. C. : Gyre-scale atmospheric pressure variations and their relation to 19th and 20th century sea level rise) publié dans Geophysical Research Letters, 34, L16602, DOI : 10.1029/GL030862, 2007)


3)
Enfin, un article encore sous presse à paraître au Geophysical Research Letters montre que la déplétion anthropique relativement intensive des nappes phréatiques des zones semi-arides (qui se retrouve dans les océans), provoque une hausse moyenne du niveau des océans de l'ordre de 0,8 mm/an ce qui est loin d'être négligeable par rapport aux +3,1 mm/an des mesures satellites ou des + 1,7 mm/an des mesures marégraphiques.
Voici la référence complète de l'article (analyse ici [45]) en question :
Référence [45] : Wada, Y., L. P.H. van Beek, C. M. van Kempen, J. W.T.M. Reckman, S. Vasak, and M.F.P. Bierkens (2010), Global depletion of groundwater resources, Geophysical Research Letters doi:10.1029/2010GL044571, sous presse.

Il reste donc encore bien des questions à résoudre pour analyser correctement les moteurs de la hausse récente du niveau moyen des océans de la planète qui a commencé il y a quelques… 20000 ans comme le rappelle ce graphique très connu [48]. C'est ainsi que l'entrée de la grotte Cosquer [49] qui se trouve actuellement à quelques 37 m en dessous du niveau de la mer, se trouvait sans doute, à l'origine, située sur le flanc d'une colline. yannyeti

En résumé et en conclusion – et ceci devrait nous rassurer – comme nous le montrent les résultats publiés par Houston et Dean ainsi que ceux de Manfred Wenzel et Jens Schröter, il n'y a pas d'accélération perceptible du niveau global des océans de la planète comme en attestent d'ailleurs aussi bien les mesures marégraphiques que les mesures altimétriques satellitaires.
Au contraire, une décélération semble s'être amorcée depuis quelques années.

Plusieurs médias anglophones ont honnêtement informé leurs lecteurs de cette bonne nouvelle en rapportant sur l'article de Houston et Dean.
Notre sympathique Yéti (ci-contre), lui, s'informe auprès des médias francophones…
______________________________________________

Compléments du 12 Avril 2010 : Caractère oscillatoire de la tendance du niveau des mers

Toujours à propos de l'article de Houston et Dean, mentionné ci-dessus, j'ai omis de vous présenter un de leurs graphiques (leur Fig. 6, plus bas) qui est, en fait le prolongement d'un graphe antérieur publié par Holgate S. J. en 2007 qui a lui même prolongé un graphique antérieur (Holgate et Woodworth 2004- HW04). Le graphique de Holgate (2007) est particulièrement intéressant. Ce dernier a, lui-même, été complété successivement par Houston et Dean, puis, peu après, par Pat Michaels. Michaels a utilisé les dernières données altimétriques (satellitaires) disponibles à ce jour.
Tous les graphes suivants représentent les variations du taux de hausse des océans de la planète en fonction du temps.

level9

Holgate S. J. ( 2007).
On the decadal rates of sea level change during the twentieth century,
"A propos du taux décennal de variation du niveau des mers durant le XXème siècle "
Geophysical Research Letters, 34, L01602, doi:10.1029/2006GL028492.

Voici la figure 2 de cet article. Elle a été obtenue en compilant les résultats des données marégraphiques d'un grand nombre de stations (du moins après 1950) réparties dans le monde, sélectionnées pour leur fiabilité. La légende de cette figure est la suivante :

Figure 2 : Comparaison des taux de variations décennaux de la hausse du niveau des océans, sur la base des 9 enregistrements avec les taux mesurés par les 177 stations marégraphiques utilisées dans HW04. Tous les taux sont corrigés de l'ajustement isostatique et des effets barométriques inverses. La zone grisée correspond à l'erreur standard de ±1.

Voici les dernières lignes de la conclusion de l 'article de Holgate (2007)::

"Finalement, en prolongeant le travail de HW04 (Ndt : HW04 = l' article précédent de Holgate et Woordworth, 2004), on trouve que le taux de montée élevé et décennal du niveau moyen des océans, durant les 20 dernières années des données, n'était pas particulièrement inhabituel dans un contexte de longue durée."

Pour leur part, Houston et Dean ont superposé les résultats des mesures altimétriques (donc satellitaires) récentes au graphe précédent de Holgate qui est obtenu à partir des mesures marégraphiques, jusqu'en 2003. La figure 6 de l'article de Houston et Dean qui est complétée avec les données altimétriques disponibles jusqu'en avril 2010, est accompagnée de la légendesuivante :

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Figure 6. Données altimétriques (points noirs) reportés sur la figure de Holgate (2007).

A ce propos et dans leur article, Houston et Dean remarquent que :

"Lorsqu'on les replace dans un contexte historique, les mesures altimétriques (satellitaires) semblent similaires aux multiples oscillations qui ont eu lieu au cours des cent dernières années et il n'est pas possible de déterminer si l'augmentation du taux de hausse mesuré par les altimètres représentent le front montant d'une accélération ou, simplement, une oscillation décennale typique; De fait, le fait que la moyenne décroisse suggère une oscillation."

 

 

 

Pour sa part, Pat Michaels (Climatologue US, ancien Professeur à l'Université de Virginie) a prolongé les données altimétriques [50] utilisées par Houston et Dean jusqu'aux dernières données disponibles actuellement.
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Voici le résultat, ci-contre :

Comme on le constate et comme je l'ai déjà signalé plus haut, les données altimétriques sont systématiquement plus élevées que les données marégraphiques pour des raisons qui demeurent encore mystérieuses. Cependant la tendance des données altimétriques (satellitaires, seulement disponibles depuis 1993), semble suivre la tendance oscillatoire décennale relevée depuis 100 ans à partir des données marégraphiques. Nous sommes actuellement dans une phase décroissante, depuis 2003 environ, comme nous l'avons vu plus haut.

Les données complétées par Pat Michalels s'arrêtent en Décembre 2010. Nous sommes en Avril 2011. Il se trouve que l'Université du Colorado qui gère cette base de données [51] des mesures altimétriques a cessé de mettre à jour ce fichier depuis la fin de l'année dernière sans que l'on en connaisse la raison [52].

C'est bien dommage…

En conclusion, cher(e)s lecteurs (-trices), vous voilà armé(e)s pour répondre aux innombrables affirmations de ceux qui clament, haut et fort, dans les médias et dans les livres que "la hausse du niveau des océans est trois fois plus rapide qu'auparavant". C'est faux.
En réalité, le taux de montée des océans n'est nullement en voie d'accélération. Il oscille avec une période proche de 9-10 ans et la tendance moyenne n'est nullement en augmentation comme on le voit sur les graphiques précédents et dans les articles scientifiques publiés sur ce sujet qui utilisent les données objectives tels que les marégraphes et les altimètres satellitaires.

Il est donc totalement vain de sonner le tocsin, comme le font certains, lorsque l'on se trouve dans une phase d'augmentation. Evidemment, personne ne sait comment tout cela va évoluer, mais le caractère oscillatoire du taux de hausse des océans avec une période de l'ordre de 10 ans est une réalité objective et ceci depuis au moins cent ans. D'autre part, rien ne dit que le taux de hausse des océans est en voie d'accélération. Bien au contraire.

A suivre (bien sûr !).
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Rappel : Pat Michaels, cité ci-dessus, est un climatologue "critique" du travail des ses collègues "mainstream" proches du GIEC. Il ne s'est pas fait que des amis. C'est ainsi que dans les courriels du Climategate, l'un des protagonistes de ces échanges de emails affirme que lorsqu'il rencontrera Pat Michaels lors d'une conférence, il sera tenté de lui "faire sa fête [29]" comme l'on dit.. L'expression anglaise utilisée est beaucoup plus explicite.

1er Mars 2011 : La machine à remonter le temps (pour le temps météorologique).
compo5

Certaines idées sont si lumineuses, si évidentes, qu'on se demande pourquoi on ne les a pas eues avant…

De fait, depuis quelques temps – personne n'a pu y échapper grâce à nos médias – on nous rebat les oreilles avec l'augmentation "évidente" (dit-on, d'ailleurs sans la moindre preuve scientifique [53]) de la fréquence et de l'intensité des événements climatiques extrêmes. C'est ainsi que l'on nous affirme que l'augmentation de la concentration du CO2 et des autres gaz à effet de serre d'origine anthropique vont nous conduire tout droit aux cataclysmes les plus variés : Plus chaud, plus froid, plus d'inondations, plus de sécheresses, plus de cyclones violents etc…tout ceci en fonction de la dernière catastrophe météorologique qui fait la une des journaux. Et certains scientifiques opinent…

S'agissant de cette évolution, supposée apocalyptique, des événements météorologiques (et non pas climatiques), la première question qui vient à l'esprit d'une personne raisonnable, est évidemment :
"Peut-être. Mais comment c'était, avant ? Ce que nous voyons est-il vraiment différent de ce qu'ont subi nos parents et nos grands-parents. Pouvons nous observer une évolution nette dans la trajectoire temporelle des grands indicateurs qui déterminent les événements météorologiques, (plutôt que climatiques) ? ".

Cette idée aussi sensée qu'évidente est enfin parvenue à percer l'épaisse carapace des certitudes essentiellement basée sur les "projections/scénarios /prédictions" climatiques basées sur les simulations numériques issues des ordinateurs, quand ce n'est pas sur les affirmations péremptoires de quelques activistes du climat.
Cette fois-ci il s'agit de tout autre chose. Il s'agit d'observations. D'une énorme quantité d'observations cumulées dans les disque dur des ordinateurs géants et surpuissants dont dispose maintenant la recherche scientifique. En fait, il s'agit de "remonter dans le temps" et de retracer tout ce qui a bien pu arriver, en matière de météorologie, à notre belle planète bleue dans le passé, jusqu'à nos jours et ceci avec une échelle temporelle extrêmement petite (de quelques heures à quelques jours)..

Comme vous le savez si vous avez suivi la longue série des articles publiés ici (depuis la fin 2006), à Pensee-Unique.fr nous avons une préférence marquée pour les mesures et les observations plutôt qu'aux résultats des simulations numériques des multiples observables du climat et la mise en place d'un tel projet ne peut que nous réjouir.

L'article de revue forcément très copieux que je vais vous décrire très brièvement ci-dessous, rassemble les analyses et les résultats d'un grand nombre d'observations historiques, cruciales pour l'évolution du climat et sa modélisation. Ces observations, très variées, couvrent une période de 138 ans, s'étendant de 1872 jusqu'à nos jours.

Si le présent est différent du passé, nous le verrons.

Une telle entreprise qui équivaut, à peu près, à regarder tous les détails d'un éléphant avec une loupe grossissante, pour ne pas dire un microscope, est évidemment gigantesque. Elle ne pouvait être menée à bien qu'à l'occasion d'une vaste coopération internationale. C'est ce qui a été fait, sans aucune doute sous l'impulsion du jeune chef de projet, Gil Compo, dont je parlerai un peu plus loin.

Les premiers résultats de cette vaste coopération internationale sont, pour le moins, surprenants et sans aucun doute, décevants pour les tenants de l'apocalypse et de la modélisation sur ordinateur. C'est ce que nous allons voir en résumant les résultats de l'article suivant qui n'est rien d'autre que le premier rapport d'expertise de ce projet. L'article est intitulé :

(Le projet de réanalyse du XXème siècle).The Twentieth Century Reanalysis Project [54]
Publié online le 25 Janvier 2011. Accès libre.

Il est publié dans cette revue bien connue :

Quarterly Journal of the Royal Meteorological Societ [55]y, Volume 137, Issue 654.

Voici la liste des auteurs et leurs affiliations :

G. P. Compo, a, b ; J. S.Whitaker, b ; P. D. Sardeshmukh, a, b ; N. Matsui, a, b ; R. J. Allan, c ; X. Yin, d ;
B. E. Gleason, Jr., e : R. S. Vose, e ; G. Rutledge, e ; P. Bessemoulin, f ; S. Brönnimann, g, h ; M. Brunet, i, l ;
R. I. Crouthamel, j ; A. N. Grant, g ; P. Y. Groisman, e, k ; P. D. Jones, l ; M. C. Kruk, d ; A. C. Kruger, m ;
G. J. Marshall, n ; M. Maugeri, o ; H. Y. Mok, p ; Ø. Nordli, q ; T. F. Ross, r ; R. M. Trigo, s ; X. L. Wang, t ;
S. D. Woodruff, b ; and S. J.Worley, u ;

a University of Colorado, CIRES, Climate Diagnostics Center, Boulder, CO, USA
b
NOAA Earth System Research Laboratory, Physical Sciences Division, Boulder, CO, USA
c ACRE Project,
Hadley Centre, Met Office, Exeter, UK
d
STG Inc., Asheville, NC, USA
e
NOAA National Climatic Data Center, Asheville, NC, USA
f
Météo France, Toulouse, France
g
ETH Zurich, Switzerland
h Oeschger Center for Climate Change Research,
University of Bern, Switzerland
i
Centre for Climate Change, Universitat Rovira i Virgili, Tarragona, Spain
j International Environmental Data Rescue Organization, Deale, MD, USA
k University Corporation for Atmospheric Research,(
UCAR) Boulder, CO, USA
l
Climatic Research Unit, University of East Anglia, Norwich, UK
m South African Weather Service, Pretoria, South Africa
n
British Antarctic Survey, Cambridge, UK
o Dipartimento di Fisica, Universit`a degli Studi di Milano, Milano, Italy
p Hong Kong Observatory, Hong Kong, China
q Norwegian Meteorological Institute, (
NMI) Oslo, Norway
r
NOAA Climate Database Modernization Program, NCDC, Asheville, NC, USA
s Centro de Geofısica da Universidade de Lisboa, IDL, University of Lisbon, Portugal
t
Environment Canada, Toronto, Ontario, Canada
u National Center for Atmospheric Research (
NCAR), Boulder, CO, USA

Comme vous le constatez, il s'agit bien d'un projet de coopération internationale d'envergure dans laquelle on retrouve tous les "poids lourds" du domaine tels que la NOAA (US), le NCAR (US) , le CRU et le MetOffice (UK), le CRU (UK), le NMI Norvégien, le British Antarctic Survey (UK), Le Hadley Center (UK), l'ETH de Zurich et Météo-France (Fr).

Parmi d'autres, les lecteurs attentifs de ce site reconnaîtront, au passage, le nom du représentant Français de Météo-France qui n'est autre que Pierre Bessemoulin (l 'ancien Directeur de la Climatologie à Météo-France, actuel président de la commission de Climatologie de l'Organisation Météorologique Mondiale (OMM)), dont nous avons déjà cité les travaux (rassurants) [56]portant sur l'évolution de la fréquence des tempêtes en France, publiés en 2002.

De même, les lecteurs attentifs reconnaîtront les noms du premier auteur et auteur principal de cet article de Revue, G. P. Compo et de son collègue P.D. Sardeshmukh (tous deux de la NOAA et de l'Université du Colorado, Boulder) qui sont également les deux auteurs d'un article [57] (2008) plutôt contestataire des modèles des gaz à effet de serre, qui portait sur l'importance cruciale de la chaleur océanique dans la détermination de la température des continents.

Enfin, les lecteurs qui suivent de près l'actualité, ne manqueront pas de remarquer que le Climate Research Unit (le CRU de l'Université d'East Anglia) est représenté par son directeur (reconduit après une courte suspension), Phil Jones qui est l'un des principaux protagonistes (avec Michael Mann) de l'affaire des courriers dérobés (le Climategate [29]) qui n'a cessée de défrayer la chronique (dans les pays anglophones) depuis le mois de novembre 2009 et dont les conséquences se font encore sentir (outre-Manche et outre-Atlantique).compo3

Voici, ci-dessous, ce que nous dit (sur le site du Berkeley Lab Computing Science [58] et sous le titre "Le projet 20CR, une machine à remonter le temps pour le Climat"), Gil Compo (ci-contre), le principal auteur de cet article et le leader de ce vaste projet baptisé 20CR. Je vous conseille vivement de visionner la vidéo de présentation du projet que vous trouverez sur le site du Berkeley Lab.

"La mise au point de cette gigantesque base de données a nécessité un effort international pour collecter les observations historiques et les données de sources aussi diverses que celles de capitaines de vaisseaux du XIXème siècle, des explorateurs du tournant du siècle et des médecins, toutes collationnées en utilisant quelques uns des plus puissants ordinateurs du monde au US Department of Energy's National Research Scientific Computing Center en Californie et au Oak Ridge Leadership Computing Facility dans le Tennessee,"

En référence aux affirmations de certains selon lesquelles les extrêmes climatiques devraient devenir plus nombreux, voici ce que déclare Gil Compo quicompo4 présente une suite de diapos intéressantes dans sa présentation. Celle qui est reproduite ci-contre nous rappelle la fameuse tempête du 18 mars 1925 qui a affecté trois états des USA et qui est la plus meurtrière aux USA jusqu'à ce jour.

"La nouvelle base de données va permettre aux climatologues de placer les extrêmes météorologiques actuels dans une perspective historique et de déterminer dans quelle mesure ces extrêmes évoluent " dit Gil Compo […]

Un peu plus loin, Gil Compo résume :

"Les données résultant de cette réanalyse permettront aux climatologues d'évaluer avec rigueur les évolutions climatiques du passé et de les comparer aux projections issues des simulations sorties des modèles, ce qui est critique pour instaurer la confiance dans les projections des modèles sur les changements à l'échelle régionale et sur les événements extrêmes à fort impact '…" Nous espérons que ces données issues de la réanalyse des 138 dernières années permettront aux chercheurs du climat de mieux prendre en compte les questions telles que l'amplitude des variations naturelles des événements extrêmes, y compris les inondations, les sécheresses, les cyclones extra-tropicaux et les vagues de froid."

Aucun scientifique digne de ce nom, ne rejetterait un tel discours…"L'amnésie historique" est, hélas, beaucoup trop pratiquée de nos jours. Replacer les événements dans leur contexte historique est sans aucun doute la meilleure démarche à adopter pour essayer de discerner en quoi et dans quelle mesure les événements climatiques actuels sortent de la norme des fluctuations naturelles. Cela relève du simple bon sens et on se demande pourquoi une idée aussi évidente (quoiqu'assez difficile à mettre en pratique), n'est venue à l'esprit qu'après quelques trente années de modélisation numérique…

Voici donc le résumé de l'article cité ci-dessus et qui représente une étape marquante du déroulement du "20CR project" :
Comme toujours, la version originale en anglais suivie d'une traduction en français.

Abstract :
The Twentieth Century Reanalysis (20CR) project is an international effort to produce a comprehensive global atmospheric circulation dataset spanning the twentieth century, assimilating only surface pressure reports and using observed monthly sea-surface temperature and sea-ice distributions as boundary conditions. It is chiefly motivated by a need to provide an observational dataset with quantified uncertainties for validations of climate model simulations of the twentieth century on all time-scales,with emphasis on the statistics of daily weather. It uses an Ensemble Kalman Filter data assimilation method with background ‘first guess’ fields supplied by an ensemble of forecasts from a global numerical weather prediction model. This directly yields a global analysis every 6 hours as the most likely state of the atmosphere, and also an uncertainty estimate of that analysis. The 20CR dataset provides the first estimates of global tropospheric variability, and of the dataset’s time-varying quality, from 1871 to the present at 6-hourly temporal and 2◦ spatial resolutions. Intercomparisons with independent radiosonde data indicate that the reanalyses are generally of high quality. The quality in the extratropical Northern Hemisphere throughout the century is similar to that of current three-day operational NWP forecasts. Intercomparisons over the second half-century of these surface-based reanalyses with other reanalyses that also make use of upper-air and satellite data are equally encouraging. It is anticipated that the 20CR dataset will be a valuable resource to the climate research community for both model validations and diagnostic studies.
Some surprising results are already evident. For instance, the long-term trends of indices representing the North Atlantic Oscillation, the tropical Pacific Walker Circulation, and the Pacific–North American pattern are weak or non-existent over the full period of record. The long-term trends of zonally averaged precipitation minus evaporation also differ in character from those in climate model simulations of the twentieth century.

"Résumé :
Le projet de réanalyse du XXème siècle (20CR) constitue un effort international destiné à produire un jeu de données complètes sur la circulation atmosphérique du globe, concernant le XXème siècle. Ce projet est essentiellement motivé par le besoin de fournir un jeu de données observationnelles avec des incertitudes quantifiées, destinées à la validation des simulations des modèles climatiques pour le XXème siècle, et ceci sur toutes les échelles de temps, en insistant sur les statistiques concernant les données météo quotidiennes. Ce projet utilise une méthode d'assimilation des données par un ensemble de Filtres de Kalman avec, en arrière plan, des champs "de première approximation" fournis par un ensemble de prévisions obtenues à partir d'un modèle numérique global pour la prédiction météorologique. Ceci nous conduit directement à une analyse globale, pour chaque période de 6 heures, des états les plus probables de l'atmosphère ainsi qu'à une estimation des incertitudes de cette analyse. Les données du projet 20CR procurent les premières estimations de la variabilité troposphérique du globe ainsi que les jeux de données dont la qualité varie en fonction du temps, pour la période allant de 1871 jusqu'à présent avec des résolutions temporelles de 6h et des résolutions spatiales de 2°. La comparaison avec des données indépendantes des radiosondes, montrent que les réanalyses sont généralement de haute qualité. La qualité des résultats dans l'hémisphère Nord extratropical tout au long du siècle est semblable à celle des prévisions actuelles à trois jours du NWP (NdT : Numerical Weather Prediction). La comparaison sur la durée de la seconde partie du siècle de ces réanalyses basées sur les mesures en surface avec les autres réanalyses qui utilisent les données satellitaires en altitude est également encourageante. On prévoit que la base de données du projet 20CR constituera une ressource profitable pour la communauté de la recherche climatique aussi bien pour la validation des modèles que pour les études diagnostiques.
Quelques résultats surprenants sont déjà évidents. Par exemple, la tendance à long terme des indices représentant l'Oscillation Nord Atlantique, la Circulation de Walker du Pacifique Tropical et celle du Pacifique Nord Américain, est faible ou non-existante sur la totalité de la période étudiée. Les tendances à long terme des précipitations moyennées par zones, moins l'évaporation, diffèrent aussi du point de vue de leurs caractéristiques de celles des modélisations numériques du climat du XXème siècle."

  • Quelques explications concernant le dernier paragraphe du résumé, en relation avec la figure 16 du rapport du 20CR présentée ci-dessous :

compo6La Circulation de Walker du Pacifique est illustrée par le dessin ci-contre (source Wiki [59]). Comme on le voit, il s'agit d'un régime de vent bien identifié (par Walker) couplé avec la circulation océanique.

La circulation de Walker résulte du gradient de pression qui provient du système de hautes pressions qui réside au dessus de l'Est de l'océan Pacifique et du système de basse pression qui règne au dessus de l'Indonésie. Lorsque la circulation de Walker s'affaiblit ou s'inverse, il en résulte un El Niño qui réchauffe la surface de l'océan parce que les remontées d'eaux froides sont moins intenses ou n'existent plus. Une circulation de Walker particulièrement active produit un La Niña, ce qui entraîne un refroidissement de l'océan dû à une augmentation des remontées d'eau froide.

La variation de l'indice de la circulation de Walker est donc un indice précieux pour apprécier, entre autres, la variation des occurrences des El Niño et La Niña qui jouent un rôle très important [42]dans la détermination de la température du globe. A noter qu'un article paru dans Nature en 2004 avait affirmé que la fréquence des El Niño augmentait du fait du réchauffement climatique. Le bilan effectué par le projet 20CR montre qu'il n'en est rien (voir ci-dessous). En fait, rien n'a changé depuis 1872. A noter que l'article de Wikipedia est remis à jour régulièrement puisqu'il mentionne l'article, tout récent, qui est commenté dans cette page.

De même la NAO (L'oscillation Atlantique Nord) résulte du différentiel de pression qui existe, au niveau de la mer, entre l'Islande et la zone des Açores. Je rappelle ici quelques notions que doivent connaître les nombreux lecteurs qui fréquentent la page des indicateurs [60] :
La NAO contrôle la force et la direction des trajectoires des tempêtes de l'Atlantique Nord. La NAO fait partie de l'AO (l'Oscillation Arctique ou encore, le NAM, North Atlantic Annular Mode) et elle varie dans le temps, semble-t-il sans période clairement identifiée. La NAO a été également découverte par Sir Gilbert Walker, en 1922. La NAO est essentiellement un mode d'oscillation fondamentalement atmosphérique à la différence de la circulation de Walker mentionnée ci-dessus qui implique les océans. Tout ceci ne doit pas être confondu avec l'AMO (L'oscillation multidécennale Atlantique).

Voici maintenant comment la NOAA [61]décrit le troisième indice important : Le PNA [61](The Pacific/ North American teleconnection pattern soit Le comportement de la téléconnexion du Pacifique proche de l'Amérique du Nord). Cest un peu compliqué.
"
Le (la) PNA est l'un des modes les plus importants de la variabilité à basse fréquence de la région extra-tropicale de l'hémisphère Nord. La phase positive du comportement de la PNA atteint des valeurs au dessus de la moyenne près de Hawaï et au dessus de la région inter-montagneuse de l'Amérique du Nord et des valeurs en dessous de la moyenne au Sud des Aléoutiennes et au dessus du Sud Est des USA. Le comportement de la PNA est associé avec les fortes fluctuations dans la position et la force du jet-stream Est asiatique. La phase positive correspond à une augmentation du jet-stream Est asiatique ainsi qu'avec une déviation vers l'Est de la sortie du jet (Stream) vers la partie Ouest des USA. La phase négative correspond à une rétraction vers l'Ouest de ce jet Stream vers la partie Est de l'Asie, bloquant ainsi l'activité au dessus des hautes latitudes du Pacifique Nord ainsi qu'une configuration de forte séparation des flux au dessus du centre du Pacifique Nord."

  • Voici maintenant un des principaux graphiques de l'article de revue du projet 20CR qui retrace l'évolution, depuis 1872, des trois indices mentionnés ci-dessus :

compo1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Figure 16 : Séries temporelles moyennées des indices climatiques représentant (a) la circulation de Walker du Pacifique (de Septembre à Janvier) (PWC) , (b) l'Oscillation Atlantique Nord (NAO) de Décembre à Mars, et (c) le comportement du Pacifique Nord américain de Décembre à Mars. [… suite : des détails techniques]

Comme on le constate et qui motive la surprise exprimée par les auteurs de l'article du 20CR, l'évolution des trois indices principaux qui déterminent la météorologie (et le climat) d'une grande partie du globe, est pratiquement imperceptible de 1872 à nos jours et, en tout cas, nettement inférieure aux fluctuations naturelles. En langage courant, on peut dire que les trois principaux indicateurs des variations de pression ou de courants atmosphériques qui déterminent les sécheresse, les inondations, les vagues de froid et de chaud etc. n'ont pas évolué depuis 138 ans et ceci jusqu'à nos jours. Ils ont, par contre, subi de grandes fluctuations naturelles au cours de l'histoire.
Autrement dit encore, les événements météorologiques qu'ont connus nos parents, nos grands-parents et nos arrière-grands-parents, selon cette étude, ne sont probablement pas différents de ceux que nous connaissons actuellement. En tout cas, l'évolution des grands indicateurs météorologiques ne montre rien de la sorte.

Un autre résultat mis en avant par les auteurs de cet article et qui justifie la dernière phrase du résumé " Les tendances à long terme des précipitations moyennées par zones, moins l'évaporation, diffèrent aussi du point de vue de leurs caractéristiques de celles des modélisations numériques du climat du XXème siècle." porte sur la comparaison entre la réanalyse des précipitations observées avec les résultats des modélisations numériques. Outre que les rétro-prédictions numériques, s'écartent sensiblement des observations, on peut noter qu'il arrive que les signes de l'évolution des précipitations soient carrément inversés dans les modèles par rapport aux observations.
Ceci ne doit pas étonner les lecteurs qui connaissent les articles de l'équipe de Koutsoyannis [62]. En matière de pluviométrie, les prédictions des ordinateurs s'avèrent exécrables.

  • Quelques remarques complémentaires :

Comme l'auront certainement remarqué les lecteurs avertis, une des caractéristiques fondamentales du projet 20CR est sa capacité à intégrer des données relatives à des pas de temps très courts (quelques heures à quelques jours). Ceci est absolument essentiel en ce sens que cette approche permet d'utiliser les algorithmes et les raisonnements bien rodés de la météorologie (visions synoptiques). Cette technique qui nécessite évidemment l'utilisation d'une quantité astronomique de données et de très puissants ordinateurs, fait écho à ce que nous disait Pierre Morel [63]qui évoquait le fossé, difficilement franchissable, qui existe entre la météorologie et la climatologie. En bref, les auteurs de l'article commenté ici, ont utilisé ce que Pierre Morel appelle "l'assimilation des données" sur une très longue période de temps pour restituer le climat du passé. Il est malheureusement évident que ceci reste impossible pour le futur et les prédictions/scénarios du type de ceux du GIEC dont on voit d'ailleurs qu'ils sont défaillants même pour rétro-prédire les évolutions des principaux indicateurs du XXème siècle.

  • Quelques observations sur cet article et sur le même sujet :

– La conclusion du climatologue Roger Pielke Sr [64] sur les résultats présentés par cet article, est sans concession : " Les résultats obtenus jusqu'à maintenant sont tout à fait provoquants en ce sens qu'ils soulèvent encore des questions sur la capacité des modèles du GIEC à reproduire (i.e. à faire des rétro-prédictions) l'évolution du système climatique durant les cent dernières années."

– L'historien Emmanuel Garnier, l'auteur de "Les dérangements du temps : 500 ans de froid et de chaud en Europe [65]" que nous avons signalé dans la pages des liens [66], a déclaré récemment, au cours d'un minicolloque organisé par l'Institut Français du Vin à Colmar [67], que :

"Le caractère inédit et trop souvent mis en avant du réchauffement observé ces dernières années ou des événements extrêmes qui lui sont souvent associés comme les sécheresses, canicules, inondations et autres tempêtes, n'est pas fondé au regard des sources historiques."

Voilà qui rejoint les résultats présentés par le projet 20CR (qui ne remonte pas si loin, cependant).

A noter également qu'un groupe composé majoritairement de physiciens de l'Université de Berkeley (Ca) a également entrepris un vaste projet de remise à plat des mesures de températures [68] du globe, comme je vous l'avais signalé dans ce billet [42].
Voir un article du Guardian à ce sujet [69].

Tout cela va dans le bon sens !

Pour terminer sur une note plus amusante et grâce aux numérisations des articles de journaux effectuées par Google, [70] il est maintenant relativement aisé de relire des dépêches qui remontent jusqu'au XIXème siècle. C'est ainsi qu'on peut lire qu'en 1922 [71], l'Arctique s'était tellement réchauffé et avait tellement fondu que certains clamaient que le Nord des USA aurait bientôt un climat Sub-tropical (!)... Quelques années plus tard (en 1975) on nous affirmait que nous risquions un nouvel âge glaciaire, et ainsi de suite.
fermilin91

 

Lors de l'une de ses récentes conférences [72], Richard Lindzen, lui-même, n'avait pas hésité à tirer un pied de nez aux alarmistes de la glace fondue, en présentant ce texte du Weather Bureau (l'Office de Météorologie US de l'époque) qui date de 1922. Ce texte officiel nous raconte, entre autres, que les "phoques trouvaient l'eau trop chaude" et qu'il s'agissait d'un "changement radical du climat" et que "beaucoup de glaciers bien connus avaient entièrement disparu"

Tout cela s'est bien regelé par la suite… jusqu'à il y a quelques années et ainsi de suite, sans doute.


A suivre, bien sûr…

13 mai 2011