Le terme « sélection » est un véritable mot-tabou non seulement à l’université mais dans l’univers de l’éducation nationale. Sa simple évocation déchaîne les passions et les polémiques. Comment souvent, les polémiques surgissent à propos de termes dont la définition est si vague qu’ils finissent par devenir des étiquettes fâcheuses dont la fonction n’est plus de signifier mais de mobiliser et de marquer [1].
Si l’on veut que les masters professionnels délivrés dans nos universités soient reconnus par le monde professionnel, il ne faut pas craindre la sélection, au risque d’encourir le reproche – voir le crime – d’être jugé « élitiste ».
Encore faut-il définir l’élitisme dont il est question ici. Je suis élitiste dans le sens où je m’intéresse aux étudiants qui veulent s’en sortir et qui s’en donnent les moyens en s’investissant dans leurs études. Pour eux, je ferai tout mon possible. Les études sont une chance, les études sont un droit mais elles sont aussi un devoir, surtout quand le coût global de ces études est pour une grande partie pris en charge par la collectivité. L’étudiant est donc redevable envers cette collectivité (et ce n’est pas l’inverse comme le croient trop souvent certains étudiants farfelus). Il peut honorer sa dette en réussissant ces études, concrétisant ainsi les espoirs que la collectivité, ses parents et ses professeurs auront mis en lui.
Mais je ne suis pas élitiste dans le sens où je considère que ce type d’étudiant peut provenir de tous les horizons et de tous les milieux. Il est donc stupide d’avoir des aprioris en la matière. On peut être issu de bonne famille mais être fainéant, stupide ou profiteur. On peut être d’origine modeste et être travailleur, motivé et doué. Mais on peut être aussi de milieux modestes et être néanmoins fainéant, stupide ou profiteur. La condition sociale n’explique pas tout et n’excuse pas tous les comportements. En parfait économiste, je considère que chacun est responsable de ses actes. Il ne faut donc pas réserver l’université à un milieu particulier. En ce sens, la démocratisation des études est une excellente évolution. Mais ouvrir le panel de sélection ne veut pas dire supprimer la sélection.
Autrement dit, la sélection apriori est condamnable. Aucune discrimination fondée sur la religion, la couleur de la peau, l’aspect physique, la couleur politique ne saurait être légitime ni efficace. Encore une fois, les talents et les compétences peuvent provenir et surgir de partout. C’est pourquoi la Silicon Valley est aussi un véritable melting-pot. Je ne peux pas savoir par avance qui va travailler, qui sera un bon étudiant.
Par contre, il y aura toujours des bons et des mauvais étudiants, des étudiants qui auront travaillé et d’autres pas, ceux qui auront des compétences réelles et d’autres des compétences plus limitées ou inexistantes. C’est pourquoi la sélection s’impose a posteriori, mais uniquement sur la base d’une réelle évaluation des compétences et des motivations. C’est la condition essentielle pour que les diplômes aient un sens et une valeur effective sur le marché du travail. Et c’est un service à ne rendre à personne que de distribuer à tout le monde des diplômes qui auraient perdu toute valeur.
[1] C’est le cas du terme « libéral ». Je me suis entendu dire un jour que j’étais un libéral dans le mauvais sens du terme tandis que mon interlocuteur était un libéral dans le bon sens du terme. On oublie que, quand les mots ont plusieurs sens, alors ils n’ont plus de sens.
Perpignan, le 8 septembre 2009
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