29 mars 2024

Rapetissez les humains de 15 cm

En fait, c'était tout simple. Il suffisait d'y penser : liao2
Pour lutter contre le changement climatique, il n'y a qu'à transformer (biologiquement) les humains.

La bioéthique et la biologie viennent au secours de la lutte contre le changement climatique anthropique :
On nous affirme qu'il faut pratiquer "l'ingénierie humaine" en utilisant les dernières avancées de la biologie.
Quelques exemples de propositions :
Rapetissez les humains de 15 cm, équipez-les avec des yeux de chat pour qu'ils puissent voir dans l'obscurité et consommer moins d'électricité, dégoûtez-les de la viande, modifiez leurs comportements pour les rendre plus éco-sympathisants, diminuez leurs besoins etc.
Pour ce qui est de la maternité, vous y gagnerez en liberté puisque que vous aurez le choix entre avoir deux bébés de "taille moyenne" ou trois "plus petits", voire un seul, mais très grand, qui sera joueur de basket
Etc.
On croit rêver. Aldous Huxley, dans "le meilleur des mondes", n'avait pas été si loin.

Si on relit la longue et souvent époustouflante théorie des énormités proférées au nom du "Réchauffement climatique anthropique" dont certaines sont relatées dans cette page, on se dit que personne ne pourra faire mieux ni plus fort que quelques-uns de ceux qui ont été couronnés du bonnet d'âne, tels, par exemple, les bons docteurs Egger D. et Walters B. N. J (proposants de la "taxe bébé" à la naissance) ou encore les bons docteurs Paul A. Murtaugh et Michael G. Schlax qui préconisaient une solution malthusienne à l'échelle mondiale qui entraînerait irrémédiablement un dépérissement et, surtout, un vieillissement accéléré de la population mondiale.
Il était impossible, pensions-nous, de faire plus fort que Paul (et Anne, son épouse) Ehrlich (voir le bêtisier) (et leur co-auteur John Holdren qui a, parait-il, fait amende honorable et qui est actuellement le conseiller pour la science du Président Obama), dans les années 1970.

Nous avions tort. Un trio de chercheurs de New-York (USA) et d'Oxford (UK) ont fait mieux, et même beaucoup mieux, que leurs prédécesseurs.
Ils ont même surpassé les pires romans futuristes écrits dans les années 80.

Les voici :
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Philosophe de formation, Matthew Liao (ci-contre) est actuellement spécialiste en Bioéthique au Centre de Bioéthique de l'Université de New York. Il est Professeur affilié à cette Université. Il publie un article particulièrement novateur, mis en exergue dans la revue " Ethics, Policy and the Environment" (Ethique, Politique et Environnement) (sous presse), avec deux collègues d'Oxford (UK) : Anders Sandberg (qui se dit chercheur sur le "futur de l'humanité", photo du milieu) et Rebecca Roache photo à droite)).

Cet article que l'on trouve, en particulier, sur le site de Matthew Liao, est intitulé :

"Human Engineering and Climate Change" soit "Ingénierie humaine et changement climatique."

 Voici le résumé de cet article qui fait l'apologie de "l'Ingénierie Humaine", laquelle n'est rien de moins que la modification délibérée et orientée des êtres humains par la biologie, dans le but de changer leurs caractéristiques physiques et comportementales et ainsi, de réduire "leur empreinte climatique".
Tout d'abord, le résumé original en anglais. Une traduction en français de ce résumé figure dans l'encadré jaune.

Abstract
Anthropogenic climate change is arguably one of the biggest problems that confront us today. There is ample evidence that climate change is likely to affect adversely many aspects of life for all people around the world, and that existing solutions such as geoengineering might be too risky and ordinary behavioural and market solutions might not be sufficient to mitigate climate change. In this paper, we consider a new kind of solution to climate change, what we call human engineering, which involves biomedical modifications of humans so that they can mitigate and/or adapt to climate change. We argue that human engineering is potentially less risky than geoengineering and that it could help behavioural and market solutions succeed in mitigating climate change. We also consider some possible ethical concerns regarding human engineering such as its safety, the implications of human engineering for our children and for the society, and we argue that these concerns can be addressed.  Our upshot is that human engineering deserves further consideration in the debate about climate change.

Résumé :

Le changement climatique anthropique est, sans doute, le problème le plus important auquel nous sommes confrontés aujourd'hui. Il existe de multiples éléments de preuve que de nombreux aspects de la vie de tous les peuples du monde seront négativement affectés par le changement climatique et que les solutions existantes telles que l'ingénierie terrestre peuvent se révéler trop risquées. Les solutions basées sur la modification des comportements et des marchés peuvent ne pas être suffisantes pour minimiser le changement climatique.

 

 

Dans cet article nous considérons un nouveau type de solution pour le changement climatique, que nous appelons "Ingénierie humaine". Elle implique des modifications biomédicales des êtres humains de manière à ce qu'ils puissent minimiser ou s'adapter au changement climatique. Nous soutenons que l'ingénierie humaine est potentiellement moins risquée que la géoingénierie et qu'elle pourrait contribuer au succès des solutions comportementales et adaptées aux marchés, dans la limitation du changement climatique. Nous envisageons également quelques possibles inquiétudes relevant de l'éthique pour ce que concerne l'ingénierie humaine telles que sa sécurité, les implications de l'ingénierie humaine pour nos enfants et pour la société et nous soutenons que ces questions peuvent être résolues. Nous en concluons que l'ingénierie humaine mérite plus ample considération dans le débat au sujet du changement climatique.

Je rappelle que la géoingénierie à laquelle il est fait allusion, consiste à contrecarrer ou à limiter les émissions de gaz à effet de serre, en utilisant divers procédés physico-chimiques à grande échelle. J'avais donné un aperçu de quelques élucubrations qui ont cours dans ce domaine, dans la page "remèdes".

A noter que l'article de Liao et de ses collègues d'Oxford est uniquement basé sur les conclusions du rapport AR4 du GIEC (2007) (il s'agit, sans doute, du SPM – Résumé Pour les Décideurs -car le rapport lui-même est nettement plus raisonnable) ainsi que sur le rapport Stern (2007), ce qui n'est pas anodin, compte tenu du caractère résolument catastrophiste de ces deux publications qui ont fait l'objet de sévères critiques au cours des années passées.

L'article en question consiste en une exploration rapide des "bienfaits" hypothétiques qu'auraient, selon les auteurs, un certain nombre de transformations biologiques, et le plus souvent radicales, de l'Homme dans le cadre exclusif de la lutte contre le réchauffement climatique. De fait, le caractère scientifique de cet article n'est pas apparent (notamment, les inconvénients résultant de ces pratiques ne sont pas envisagés) et beaucoup s'étonneront qu'une telle publication ait réussi à franchir le processus du peer-review, bien que, de ce point de vue là et par les temps qui courent, il ne s'agit pas vraiment d'une première.

Quoiqu'il en soit, il est plus intéressant de se plonger dans le texte d'une interview que l'auteur principal (Matthew Liao) a accordé au journaliste Ross Andersen du journal en ligne "The Atlantic" et dont voici quelques morceaux choisis. A noter que cette interview est signalée sur le site de Matthew Liao qui le recommande. Les questions de l'interviewer sont précédées d'un Q :. Les réponses sont précédées de Liao.

La lecture est tout-à-fait édifiante …

Q : Une des stratégies d'ingénierie humaine que vous mentionnez consiste à créer, par des moyens pharmaceutiques, un sorte d'intolérance à la consommation de la viande. Vous suggérez que l'on pourrait donner de la viande aux humains en l'accompagnant d'une médication qui déclenche de violentes nausées, ce qui pourrait entraîner une aversion de longue durée à la consommation de viande. Comment se fait-il que vous en attendiez un impact spectaculaire sur le changement climatique ?
Liao : Il existe un rapport, fréquemment cité, de l'Organisation de l'Alimentation et de l'Agriculture de l'ONU ( NdT :C'est ce rapport de la FAO de l'ONU qui avait fait l'objet d'un des tous premiers billet de Pensee-unique.fr en fin 2006) qui estime que 18% des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de leur équivalent en CO2, proviennent de l'élevage du bétail, ce qui en fait un facteur plus important que celui des transports. Plus récemment, il a été suggéré que le bétail compte pour pas moins de 51% des émissions de gaz à effet de serre. De plus, il y a des estimations selon lesquelles pas moins de 9% des émissions humaines proviennent du fait de la déforestation destinée à l'agrandissement des pâturages pour le bétail. Et ceci ne prend même pas en compte les émissions qui proviennent des déjections animales ou directement des animaux. Puisqu'une grande fraction de ces vaches et des autres animaux de pacage sont élevés dans un but de consommation de viande il semble évident que la réduction de la consommation de ces viandes aurait des bénéfices environnementaux considérables.

[…]
 

Q : Votre article discute également sur l'utilisation de l'ingénierie humaine pour rapetisser les humains.

En quoi cela serait-il une technique puissante pour lutter contre le réchauffement climatique ?

Liao: Eh bien, une des choses que nous avons remarquées est que les empreintes écologiques des humains sont en partie corrélées avec leur taille. Chaque kilogramme de masse corporelle exige une certaine quantité de nourriture et de nutriments et ainsi, toutes choses étant égales par ailleurs, les personnes les plus grandes sont celles qui vont pomper plus de nourriture et d'énergie pendant leurs durées de vie. Il y a aussi d'autres raisons, moins évidentes, pour lesquelles les personnes le plus grandes consomment plus d'énergie que les petites – par exemple, une automobile consomme plus de carburant au kilomètre pour transporter une personne plus lourde et plus de tissus est nécessaire pour habiller les grands. De même, les personnes plus lourdes usent à un rythme plus accéléré leurs chaussures, les tapis ainsi que les meubles que les personnes plus légères, et ainsi de suite.

Ainsi, la réduction de taille pourrait être une façon de réduire l'empreinte écologique d'une personne. Par exemple, si vous réduisez la taille moyenne aux USA de seulement 15 cm, vous pourriez réduire la masse corporelle de 21% pour les hommes et de 25% pour les femmes, ce qui correspondrait à une réduction des taux métaboliques de quelques 15% à 18%, parce que moins de substance signifie moins d'énergie et moins de besoins alimentaires.

[…]
 

Q : Dans votre article, vous suggérez que certaines solutions d'ingénierie humaine peuvent, en fait, être une source d'accroissement de la liberté. Comment est-ce possible ?
Liao: C'est exact. Il a été suggéré qu'étant donné la gravité du changement climatique, nous devrions adopter des solutions telles que celle de la Chine avec un seul enfant par couple. Il y a eu un groupe de médecins en Grande Bretagne qui ont récemment prôné l'idée de n'avoir que deux enfants au maximum. Mais, au final, ce sont des prescriptions grossières – ce dont nous avons besoin c'est d'une sorte de prescription d'émissions de gaz à effet de serre par famille. Dans ce cas, étant donné certaines prescriptions fixées d'émission de gaz à effet de serre, l'ingénierie humaine pourrait laisser le choix aux familles de choisir entre deux enfants de taille moyenne, ou bien trois enfants de petite taille. Selon nous, ce serait plus en faveur de la liberté de choix qu'une politique qui dirait "Vous ne pouvez avoir qu'un ou deux enfants". Une famille pourrait désirer avoir un joueur de basket réellement performant et ainsi elle pourrait utiliser l'ingénierie humaine pour avoir un seul très grand enfant.

[…]

Q : En considérant ceci dans la perspective de "l'écologie extrémiste" ( NdT : deep ecology en anglais) – peut-on dire au sujet de l'idée que, puisque le changement climatique est causé par l'homme, alors l'homme devrait être changé pour le minimiser – que, d'une certaine façon, nous devrions en supporter le coût pour réparer tout cela ?
Liao : C'est en fait une des idées qui nous ont poussé à écrire cet article : L'idée que nous avons provoqué le changement climatique anthropique et donc que, peut-être, nous devrions en supporter les coûts requis pour régler le problème. Mais ayant dit ça, nous voulons aussi rendre ceci attirant pour le public – Nous ne voulons pas que ceci soit un jeu à somme nulle dans lequel c'est juste le coût que nous devons assumer. Beaucoup des solutions que nous proposons pourraient être tout à fait désirables pour le public, et en particulier le timbre pour la viande (NdT : le patch qui donne des nausées quand on consomme de la viande). J'ai donné récemment une conférence au sujet de cet article à l'Université de Yale et il y avait un homme dans l'auditoire qui travaillait pour une compagnie pharmaceutique; Il semblait penser qu'il pouvait y avoir un gigantesque marché pour des modifications comme celle-là.

NdT : …Visiblement, certains ne perdent pas le Nord.

Je ne souhaite pas consacrer trop de temps à la traduction des ces élucubrations, mais sachez qu'on y trouve aussi des propositions de drogues pharmaceutiques destinées à changer durablement le comportement des humains et, notamment, à les rendre plus éco-compatibles ou éco-favorables. De même, – mais ils considèrent que c'est plus risqué – ils envisagent la possibilité d'équiper les humains d'yeux de chat, capables de voir la nuit et donc de ne pas dépenser d'énergie pour un éclairage qui deviendrait superflu. Bref, de manière à faire adhérer le reste de l'humanité à leurs points de vue, ce trio d'émules du Dr Frankenstein ou du Dr Mengele, ce n'est plus de camp de rééducation qu'il s'agit mais bien de la transformation ad hoc des caractères physiques et psychiques de l'humanité toute entière, dans un sens favorable à leur point de vue. .

Les réactions à cet article aux outrances que l'on peut qualifier d'extraordinaires, ont été nombreuses et véhémentes, comme on s'en doute. Et comme toujours, en premier sur la blogosphère. En voici quelques-unes :

Du journaliste Harold Ambler (auteur, entre autres du "Don't sell your coat", "ne vendez pas votre manteau", un livre sur le climat actuel replacé dans son contexte historique). Harold Ambler nous avertit du danger imminent des dérives de ce genre de scientifiques.
Du Physicien Lubos Motl dont le blog "Reference Frame" traite de questions fondamentales de physique mais aussi du réchauffement climatique. Il qualifie sans ambages les trois auteurs de cet article de dangereux malades mentaux.
Du journaliste Bill Mc Kibben (qui est un des supporters les plus acharné des thèses du GIEC), un billet Twitter : "Les pires solutions de tous les temps au changement climatique. Je suis avec Climatedepot (un blog très climato-sceptique) sur ce coup-là."
Antony Watt du blog WUWT (régulièrement primé comme meilleur blog scientifique anglophone) a rédigé un billet très critique sur cette publication et ses auteurs. Ce billet est intitulé "Folie climatique de la semaine". Il est vrai qu'il y en a eu d'autres, de moindre insanité tout de même. Celle-ci dépasse les bornes tolérables.

Pour ma part, compte tenu des outrances et du caractère totalement ridicule de certaines affirmations contenues dans cet article ou dans cet interview, j'ai tout d'abord pensé qu'ils'agissait d'un canular. On sait que l'Université d'Oxford est friande d'humour noir et de ce genre de plaisanterie.

Après enquête et très malheureusement, je dois convenir, comme d'autres, qu'il n'en est rien et que ce trio de jeunes chercheurs quelque peu déjantés n'ont nulle envie de plaisanter. Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner d'un peu près, les précédentes publications des différents auteurs de cet article. Par exemple, le Dr Liao a rédigé plusieurs articles en faveur de l'amélioration "génétique" des embryons humains.

Il semble que, dans l'esprit de ces trois jeunes auteurs, l'un des plus grands tabous de nos civilisations millénaires qui est le respect de l'intégrité du corps humain, ait définitivement disparu. Dès lors, toutes les outrances deviennent possibles quand "la cause" (comme l'appellent Michael Mann et quelques autres) paraît être une justification suffisante. On sait que "les causes" ont beaucoup évolué au cours de l'histoire et notamment au cours du XXème siècle. On ne peut que frémir rétrospectivement en pensant aux conséquences catastrophiques qu'auraient eu, pour l'humanité, au cours du siècle dernier, l'utilisation des "techniques d'ingénierie humaine" mises en avant par notre trio de "savants fous".
Et ne croyez pas qu'il s'agisse d'un cas isolé. D'autres, tel Philip Calfaro ont promu la stérilisation forcée des populations dans le but de limiter le changement climatique, tout comme l'avait fait, pour d'autres raisons et dans les années 60-70, Paul Ehrlich, alors qu'il était biologiste à Stanford. Tout cela a des relents d'Eugénisme qui rappelle les années sombres de toute la première moitié du XXème siècle au cours de laquelle une grande partie des élites scientifiques adhéraient à ces thèses. Nous avions alors un quasi-consensus.

Note : Sait-on par exemple que Svante Arrhénius qui est l'inventeur du concept d'effet de serre atmosphérique à la fin du XIXème siècle était aussi un fervent eugéniste ? Il était notamment membre du bureau de la Société Royale de Suède pour l'Hygiène Racial (Eugéniste) qui a été fondé en 1909.
Il est d'ailleurs curieux que cette précision figure dans le Wikipédia anglophone au sujet de Svante Arrhénius mais ne figure pas dans le Wikipédia francophone. Ainsi peut on considérer que Svante Arrhénius était, lui-même, et bien avant le trio des jeunes auteurs sus-nommés, le premier lien entre le changement climatique et l'"amélioration" de la race humaine.

Il est évident que les trois chercheurs Liao, Sandberg et Roache de New York et d'Oxford, coauteurs de cet article, se voient, tous trois, gratifiés d'une série de bonnets d'âne.
Cependant et compte tenu de leur expertise et afin de leur laisser une plus grande liberté comme ils le préconisent eux-mêmes, je leur laisse le choix entre trois petits bonnets d'âne de taille réduite, deux de taille moyenne ou, s'ils le préfèrent, un seul mais très grand bonnet d'âne génétiquement modifié pour la protection de la planète. Cela va sans dire.

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Chacun en tirera ses propres conclusions. Pour ma part et en tant que scientifique, je redoute que ce genre de publication, lorsqu'elle sera connue et commentée dans la grande presse (si elle l'est un jour), ne renvoie au public l'image d'une science du XXIème siècle globalement dévoyée. Il est aisé de généraliser même si c'est immérité.

A suivre…

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