29 mars 2024

Rassemblement crépusculaire

Rassemblement crépusculaire à l’appel d’organisations Juives françaises

 

Le 20 novembre 2012, a eu lieu un « rassemblement unitaire » en soutien à Israël près de l’ambassade de cet Etat à Paris, à l’appel de la communauté Juive française institutionnalisée. Les sempiternels discours des mêmes dirigeants communautaires et édiles devant quelques milliers de Français Juifs. Un évènement significatif du fossé entre ce leadership communautaire, sans stratégie d’actions et de communication, et ses coreligionnaires.

« Les pro palestiniens défilent, les opposants au mariages gay défilent, les gays défilent aussi, les opposants syriens défilent, les opposants au traité européen défilent, les Anonymous, les néofascistes, et tout un tas de gens bizarres aux causes incertaines défilent… Nous, les Juifs, on se rassemble !!! On écoute des gens contents d'eux-mêmes parler dans un micro et s'accueillir à coups de « Hazak » (fort, en hébreu, Nda) et « Kol akavod » (bravo ; kavod signifie honneur, gloire, respect en hébreu, Nda), comme s’ils venaient de délivrer la parole de Dieu sur le Mont Sinaï !!! On fait du sur-place!!! », enrage un Français Juif, le 21 novembre 2012, en commentant ce récent rassemblement en soutien à Israël.

 

Désaffection croissante
A l’appel de la communauté Juive française institutionnalisée, les rassemblements en soutien à Israël se ressemblent : foule essentiellement Juive, discours convenus, orateurs identiques – dirigeants communautaires, édiles, ambassadeur d’Israël, artistes ou intellectuels –, absence de « nos-amis-musulmans-modérés », exagération dans le nombre de participants, appel au contenu parfois critiquable : « Parce qu'il est du devoir de chacun de vouloir que des négociations directes s’engagent pour la paix », donc la paix passerait par une négociation directe avec le Hamas ?! Et ce serait un devoir de l’accepter ?!


Souvent Gil Taïeb, notamment vice-président du FSJU (Fonds social Juif unifié), est à l'origine d’évènements parisiens similaires.


Le dimanche 18 novembre 2012, Gil Taieb exhortait donc par courriel à se réunir le jeudi 22 novembre, à 19 h, pour marquer sa solidarité avec l'Etat d'Israël. Il se prévalait de sa qualité de président de l'Association de soutien à Israël (ASI). Combien de manifestants aurait-il réuni sur son seul nom ?

Patatras ! Le lundi 19 novembre 2012, le CRIF, auquel se joignaient les grandes organisations françaises Juives, annonçait un « rassemblement unitaire » fixé au 20 novembre 2012, à 18 h 30 et que la manifestation prévue par Gil Taïeb était annulée.

Tout cela fleurait la précipitation, l'absence d'égard pour des conférences prévues les 20 et 22 novembre.

Seule différence, mais notable, entre tous ces rassemblements de la communauté française Juive : une foule de moins en moins nombreuse au fil des ans.

En ce froid 20 novembre 2012, ce « rassemblement unitaire » improvisé a attiré « 2 500 personnes selon la police, 5 à 7 000 selon les organisateurs », selon l’AFP, « environ 2 000 personnes » selon SIPA-AP.

Actualité juive a publié dans son numéro 1232 un reportage sur cette manifestation. Cet hebdomadaire communautaire incontournable a indiqué que Meyer Habib, vice-président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), l'avait "orchestrée", mais a omis curieusement le nombre de manifestants. Une information pourtant majeure et source de réflexions.


Le 22 juin 2010, un rassemblement similaire avait réuni 3 200 personnes selon la police, 10 à 15 000 selon les organisateurs.


Si ce trend se poursuit à ce rythme, le cap d’un nombre approchant 0 participant sera atteint entre 2018 et 2020 si l’on s’en tient aux chiffes de la police, entre 2013 et 2014 si l’on se réfère à ceux des organisateurs. Quel intérêt représenteront alors les dirigeants communautaires pour les autorités politiques françaises ? Et, faute de « plan B », comment exprimeront-ils leur « soutien à l’Etat d’Israël » ?


Le 20 novembre 2012, SIPA-AP indiquait : « Des centaines de CRS ont demandé à des membres de la Ligue de défense juive de baisser des drapeaux qui portaient leur insigne, une étoile de David et un poing serré ». Pourtant, des manifestants de la « rue arabe » haineuse ont brandi à Paris, et en toute impunité, des drapeaux de mouvements terroristes (Hezbollah, Hamas) lors de la guerre d’Israël contre le Hezbollah au Liban (12 juillet-14 août 2006) ou lors de l’Opération Plomb durci dans la bande de Gaza (27 décembre 2008-18 janvier 2009).


Le 21 novembre 2012, le CRIF et le Consistoire israélite de Marseille organisaient un rassemblement similaire près du consulat d’Israël. Dans la vidéo publiée sur le site du CRIF, on peine à distinguer les visages des orateurs tant la lumière est rare en ce début de soirée.


Comparons avec le rassemblement « en solidarité avec Gaza », « contre l’attaque israélienne sur Gaza » du samedi 17 novembre 2012 à l’initiative de la mouvance communiste, gauchiste, écologique et droitsdel’hommiste.


Le moment ? Le samedi après-midi. Donc la lumière naturelle et pendant le week-end, jour de grande affluence.


Le lieu : une partie de la place de l’Opéra, située dans un quartier animé par des touristes et des chalands amenant leurs enfants admirer les automates des vitrines du Printemps, et heureux de préparer leurs achats pour Noël et le Jour de l’An.


Les actions : slogans et banderoles scandaleuses, mais percutantes – « Ici, les enfants perdent leurs doudous, à Gaza ce sont les doudous qui perdent leurs enfants », « Israël casse-toi, la Palestine n'est pas à toi » -, distributions de tracts aux passants.


Le nombre : environ un millier d’individus selon la police, 5 000 selon les organisateurs.


Un parallèle guère flatteur pour ces « rassemblements unitaires » Juifs tenus dans l’obscurité automnale : plus nombreux, ces Français Juifs sont inaudibles, et quasi-invisibles, dans leur ville.


En effet, le leadership communautaire a abandonné les artères prestigieuses de la capitale aux haineux, et s’est retranché près de représentations diplomatiques israéliennes en France. Qui a vu leurs rassemblements ? Qui a entendu leurs gentils slogans : « Israël vivra, Israël vaincra » ?


Pourquoi des dirigeants communautaires et leurs services de communication persistent-ils dans cette voie qui signe leur faiblesse ? Par manque d’imagination ou de compétences ? Pour éviter de s’interroger sur leur part de responsabilité dans ces défiance et désaffection croissantes ? Pour masquer une incapacité à agir efficacement sur l’opinion publique ou le rééquilibrage de la diplomatie française ? Pour justifier leur fonction, se reconstituer une légitimité ébranlée ou préparer leur candidature à un poste électif ?


Le 24 novembre 2012 après-midi, un imposant dispositif policier était installé place de l’Opéra et dans les rues avoisinantes en prévision de l’arrivée de la manifestation « Halte aux agressions contre Gaza » qui partait à 14 h, du métro Barbès Rochechouart, et était organisée par le Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens (CNPJDPI).

Que va faire la communauté française Juive institutionnalisée ? Pourquoi aucun média communautaire ne s'interroge sur ces mobilisations si réduites ?

 


Absence de stratégie
Seule la manifestation à l’appel d’organisations françaises Juives, dont le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France), le dimanche 7 avril 2002, « contre les actes antisémites et en solidarité avec le peuple israélien » ciblé par le terrorisme palestinien, avait rencontré l’adhésion d’environ 50 000 à 100 000 Français Juifs qui avaient arpenté, en famille les boulevards d’un Paris printanier et ensoleillé.


En phase avec leurs dirigeants communautaires, ces manifestants avaient exprimé alors leur indignation à l’égard de l’attitude du gouvernement français – indifférence, inaction, minoration des actes antisémites – et de la désinformation.


Las ! Au fil des ans, la défiance s’est incrustée chez nombre de Français Juifs.


Et elle est fondée sur des constats inquiétants : niveau élevé du nombre d’actes antisémites, assassinats antisémites – Sébastien Selam (nuit du 19 au 20 novembre 2003), Ilan Halimi (13 février 2006), Jonathan, Arye et Gabriel Sandler ainsi que Miriam Monsonego (19 mars 2012) –, isolement et marginalisation dans la société française (absence de solidarité de la Nation, discrimination positive), « politique arabe » visant la destruction d’Israël et l’avènement d’Eurabia, désinformation non sanctionnée dont est emblématique l’affaire al-Dura.

Sans oublier le fonctionnement communautaire cacophonique, anachronique et émaillé de rivalités d’egos, la cooptation ou l'élection de dirigeants « communautairement corrects », une incapacité à élaborer une stratégie d’actions, un dialogue judéo-musulman superficiel et décevant, la défense de l’islam malgré son antisémitisme et son antijudaïsme, des migrations intra-régionales pour fuir des environnements devenus hostiles.

N'omettons pas un sexisme affligeant, par exemples l'inégalité homme/femme dans le calcul du minyan (quorum de dix hommes Juifs ayant fait leur barmitzva) indispensable pour certaines prières, oule divorce religieux (Guet) accordé par le seul mari, etc. Une preuve récente de ce sexisme ? Le site Internet du CRIF a publié les discours des orateurs mâles – directeur de l'école, père et grand-père des vicitmes de l'école Ozar HaTorah, etc. – lors de la cérémonie à Toulouse (1er novembre 2012). Mais il manque le discours d’Eva Sandler, dont l'époux et les deux fils ont été assassinés par le djihadiste Mohamed Merah le 19 mars 2012.


Aussi leur soutien à l’Etat d’Israël, les Français Juifs l’ont exprimé par mille et une manières – séjours touristiques, aliyah, etc. -, et en ignorant ces évènements sans suite, et non intégrés dans une réflexion globale ou un plan d’actions et de communication.


 
 

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