Treize ministres des affaires étrangères, dont Laurent Fabius, viennent de demander à Catherine Ashton, commissaire aux Affaires étrangères de l’U.E., de procéder au plus vite à l’étiquetage, dans les pays de l’Union, des productions agricoles et industrielles des « colonies israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem- Est ». Cette demande pressante relaie en fait la pétition publiée dans tous les pays européens d’un groupe d’anciens fonctionnaires et ministres des affaires étrangères européens, qui s’auto-intitule, sans craindre le ridicule, « groupe d’éminentes personnalités », et qui a pour objectif de placer la Palestine au sommet de l’agenda politique de l’UE. N’hésitant pas à prendre des postures grandiloquentes, elle intime l’urgence de condamner « l'expansion des colonies, y compris à Jérusalem-Est, et l'emprise israélienne sur les Territoires occupés, en violation du droit international ». C’est la deuxième fois (2009) que ces «éminentes personnalités » appellent à prendre, toutes affaires cessantes, des sanctions contre Israël.
Il faut faire un sort, tout d’abord, à l’invocation pathétique du « droit international » que les ennemis d’Israël agitent de partout pour prétendre que « les colonies israéliennes au-delà des frontières de 1967 sont illégales». Le Rapport Lévy, du nom d’un juge de la Cour Suprême israélienne, a démontré que c’est là une interprétation contestable du droit international. Il n’y a pas de « frontières de 1967 », du fait des Arabes qui n’ont jamais voulu signer de cessez-le-feu et il n’a jamais existé de territoire « palestinien » ressortissant d’un Etat. Il n’y a pas là d’« occupation » comme l’est celle de Chypre par la Turquie, par exemple, sur laquelle ces illustres personnalités sont restées toujours silencieuses.
Mais ce qui frappe surtout dans cette affaire, c’est l’acharnement à nul autre pareil à promouvoir la cause palestinienne, comme si l’Union européenne n’avait pas suffisamment de très graves problèmes. Cet acharnement a quelque chose de métaphysique. Il s’agit bien plus que d’un intérêt politique. On y retrouve intacte l’inimitié de l’empire chrétien d’Occident des temps médiévaux envers l’Israël éternel. La rage mise à déposséder Israël de sa capitale éternelle en est le stigmate le plus fort.
La Palestine est devenue le « nouvel Israël » par procuration d’une Europe chrétienne qui n’a plus la force d’assumer son identité. C’est d’une forme de théologie de la substitution qu’il s’agit, dans laquelle « l’Israël selon la chair » se voit assigné à une condition diminuée et fragile, que le « devoir de mémoire » est censé travestir en moralité. Il y a une nouveauté cependant car la théologie politique de l’UE distingue entre de « bons » Juifs et de mauvais Juifs, dénommés « les colons ». Si les premiers sont célébrés et soutenus (l’appel de Jcall fut lancé depuis la tribune du Conseil de l’Europe qui finance, par ailleurs, les pacifistes israéliens), les seconds sont, eux, voués à l’exécration, voire tuables (rappelons-nous l’expression journalistique de « bébé colon » justifiant l’assassinat d’un enfant) et les « bons Juifs » sont convoqués pour le justifier « moralement ».
Est-ce autre chose qu’une discrimination que d’apposer sur les produits des « Territoires » une étiquette comme pour signifier aux consommateurs : « attention il y a ici une race bannie et paria, écartez-vous ! » ? « Garantir une application correcte et cohérente de la protection des consommateurs de l’UE et de la législation » comme ose l’écrire Fabius ? Les tomates et les roses contamineraient-elles ? C’est là une « traçabilité » politique à des fins de boycott, une forme d’étoile jaune. Le ban porte aujourd’hui sur des produits, demain sur des citoyens israéliens.
En 1938, on commença par les magasins juifs avant de s’attaquer aux personnes. La discrimination porte, de plus, bien plus loin qu’Israël. On voit très bien, en effet, comment en Europe, en France, les faiseurs d’opinion discriminent déjà objectivement les Juifs en distinguant en leur sein les « Républicains », les Juifs « éclairés », adeptes du « vivre ensemble », et les « communautaristes » et « intégristes », les « sionistes » en un mot, un terme d’opprobre, voire d’insulte. Les premiers sont célébrés et occupent toutes les scènes, les autres sont exclus en silence, enfermés dans une sorte de ghetto mental et symbolique, qu’on appelle « repli communautaire », ce qui revient à une double peine. Nous retrouvons ici la caractéristique principale du nouvel antisémitisme : Israël est formellement ciblé mais ce sont les Juifs qui sont objectivement touchés et d’abord en Europe.
* A partir d’une tribune dans Actualité Juive du 10 mai 2013.
2 réflexions sur « L’ÉTOILE JAUNE DE L’UNION EUROPÉENNE »