30 mars 2023

Le renouveau du “Printemps des Peuples”?

L'effacement des peuples, réduits seulement en haut lieu à des atomes programmables interchangeables avec carte bleue calculant, à terme ou d'ores et déjà, diverses permissions selon la "civilité" en "carbone"(Suède) en "haine"(France) en "sociabilité" (Chine) se conjugue avec l'effacement de la filiation père-mère-enfant par volonté narcissique infantile d'imposer à la Nature le fer rouge de "son"choix (ce qui est pourtant reproché dans le domaine économique au nom de la "Planète").

Ces deux effacements se faisant bien sûr au nom du "Progrès" alors qu'il s'agit plutôt d'une Régression, personnalisée par le retour en force d'une masse indifférenciée d'esclaves volontaires isolés et branchés en bas et d'une techno-structure multiculturaliste en haut (comme l'indiquent aussi certains quoique si rares observateurs) ne voyant le réel que par simulations et estimations véhiculées pour certaines par de nouveaux prophètes numériques (les plus alarmistes d'entre-eux prévoyant sinon la fin du monde en 2050 du moins le déluge mettant par exemple New York, Londres sous l'eau).

Il n'est alors pas inutile de rappeler que lorsque apparut à la suite de 1830 et surtout de 1848 la notion de "Printemps des Peuples" les Monarchies et Empires étaient de plus en plus malmenés dans leur absolutisme multiforme (spirituel politique, économique…) qui cisaillait les peuples par ces deux mêmes extrémités réduisant le citoyen et ses affiliations ethnique/culturelle à sa seule force de travail et/ou de chair à canon révolutionnaire et/ou expansionniste.

L'idée des absolutismes et de leurs prophètes a toujours consisté à domestiquer le caractère articulé vivant, incarné, charnel du fait de se sentir appartenir, reconnu, aimé, élevé dans un imaginaire plus grand que soi fait d'échanges constants entre vécus et pratiques qu'apporte le pays et par coalition la Nation; celle-ci se structurant, conflictuellement, au sein d'une Solidarité organique c'est-à-dire qui dépasse les solidarités familiales (ou mécaniques disait Durkheim) pour forger une interdépendance permettant à tous de bénéficier à la fois du bien commun et de sa propre dextérité.

Voilà ce qui lie semble-t-il peuple (demos) et cratos (pouvoir) ; et les meilleurs en son sein (aristos) lui apportent Justice et Justesse si l'on suit la lecture grecque que l'on peut retrouver chez d'autres peuples également ;  la démocratie étant le "régime naturel" de l'Humanité formaté diversement selon l'histoire des agrégats familiaux sédimentés en clans/tribus/nations, particularisme se forgeant dans des langues et des affinités y compris physiologiques que l'idée de nation transcende en ce que même si par exemple le terme ethnie semble être plus vérifiable que celui de "race"  il n'empêche que l'on peut ne pas avoir les mêmes traits, la même couleur, et pourtant se considérer déjà par sa naissance en un lieu donné comme appartenant à celui-ci bien plus que le contraire (comme l'indique par quelques biais Pierre-André Taguieff dans son dernier Opus "Race" un mot de trop ?)….

C'est ce que comprennent bien d'ailleurs ceux qui refusent cette distinction du lieu (et non pas du seul milieu) en cherchant à arracher ceux qui lui appartiennent pour les rattacher à une seule affiliation supposée supérieure celle d'une religion d'une idéologie, d'un État, comme le fut Rome (Paris, Londres, Moscou…)…

Les Empires, "monstres froids" réalistes, eurent ainsi le dernier mot à l'époque du "Printemps des Peuples" en écrasant leurs aspirations, contradictoires. Celles-ci ressurgirent cependant à la fin du siècle et donnèrent le à la première moitié du XX°siècle avec les errements qui s'en suivirent (fascisme, communisme, nazisme) jusqu'à aujourd'hui (tiers-mondisme) et dans le monde entier.

Il n'est alors pas inutile d'observer que nous vivons une situation comparable: ce qui remplace les empires d'antan s'incarne sans doute dans cette techno-structure de type nouveau croyant avoir absolument raison grâce à sa modélisation scientiste du monde, tout en ayant toujours soin de se faire plébisciter par voie électorale ; sauf que ceux qui ne lui appartiennent pas et qui refusent aussi de la servir comme esclaves volontaires gardent le souvenir que ce qui les tissent en profondeur ne se réduit pas à obéir à des injonctions comportementales conformes aux desiderata de cette techno-structure; d'où le fait de voir cette dernière les taxer de "populiste", "d'extrême droite" puisque ces termes symbolisent historiquement les errements ayant été produits par le premier printemps des peuples.

La techno structure a alors beau jeu de mettre en avant les actions de quelques excités qui s'en réclament encore (tel le nazisme) ; instrumentalisant aussi les crimes de ceux qui en creux font partie d'autres types concurrents de techno-structure comme celle de l'Islam ; car ce terme de "techno-structure"ne doit pas être réduit à sa dimension scientiste occidentale mais peut être aussi être appliqué à tout groupement de type ésotérique prétendant à une supériorité de fait ; cela peut être donc le cas des diverses écoles islamiques (comme l'indique René Guénon) et à vrai dire de toute micro-société élitiste ayant rompu avec toute dimension populaire automatiquement infériorisée alors que l'élite en tant que telle s'en distingue (aristos) mais ne s'en sépare pas (demos) comme l'indiquent Platon et Aristote.

Dans ce cas de figure, complexe, il n'est guère étonnant d'observer aujourd'hui une alliance de fait entre toutes les structures ésotériques du monde contre les peuples et leurs élites refusant cette scission. Que par exemple l'Arabie Saoudite d'un côté, l'Iran de l'autre, soient soutenus simultanément par des pans pourtant opposés de la technostructure mondiale montre bien des affinités de principe entre eux les coagulant contre les peuples.

Le fait que la Turquie puisse encore appartenir à l'OTAN ne cesse d'étonner. Le fait qu'un Morsi mort certes au tribunal fasse oublier que les Frères Musulmans égyptiens ont été jusqu'à écarter les salafistes pour s'emparer de tout le pouvoir (comme ils l'ont fait en Turquie) n'est par contre guère étonnant (surtout dans les propos d'un François Burgat par ailleurs invité le 19 juin sur France Culture sur la mort de Morsi) tant toute une frange de prophètes ex-communistes se reconvertit dans le "vert" et ses désormais cinquante nuances.

Le fait enfin qu'au sein de l'ONU puissent encore rester des États qui mettent à feu et à sang leur propre pays forçant les populations à émigrer devient de plus en plus incompréhensible. Voilà pourquoi un nouveau Printemps des Peuples est à l'oeuvre et cette fois secoue toute la techno-structure, qu'il s'agisse de Hong-Kong, du Soudan, du Venezuela, l'Algérie, la France, le Royaume Uni, l'Italie, l'Espagne de plus en plus, sans parler des USA du Brésil, du Canada bientôt, et ce au-delà des errements et des formes souvent contestables que cela peut prendre (comme au Brésil, certains propos de Trump, certaines analyses étatistes du Rassemblement National français…).

Il n'empêche que ce Printemps est et que la techno-structure aura sans doute bien du mal à le détruire comme elle l'a fait au 19ème et 20ème siècle ; sans doute parce que les peuples refusant en leur sein la césure entre les classes ont pu apprendre des erreurs passées ; en l'occurrence l'idée que la propriété privée serait la source principale de l'inégalité alors que celle-ci a des racines bien plus psychologiques que précisément la solidarité apportée par la Nation peut suppléer comme l'ont démontré Durkheim et aujourd'hui Liah Greenfeld dans ses derniers travaux.

Mais rien n'est donné. Seuls des signes avant-coureurs peuvent être perçus.

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