28 mars 2024

Paris COP21 : Tout ça pour ça ?

Un article de Björn Lomborg, revu par les pairs et publié dans une revue qui traite de politique à l'échelle du globe ainsi qu'un rapport récent du MIT (Massachusets Institute of Technology) montrent que la totalité des engagements (les INDC) de réduction des émissions de CO2 déposés auprès de l'ONU par tous les pays, en vue de la COP21, ne conduiront qu'à une baisse très faible de la température en 2100 et ceci, même dans les hypothèses les plus optimistes.

Au vu des enseignements apportés par l'échec de la Conférence des Parties n°15 (La COP15) qui s'est tenue à Copenhague en 2009, il a été décidé qu'en préparation de la COP21 à Paris, chaque pays déposerait, au cours des mois précédents cette réunion, une estimation chiffrée de sa propre contribution, à l'échelle nationale, en termes de limitation ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Ces engagements ou promesses, s'appellent les INDC en langage onusien (INDC : Intended Nationally Determined Contribution). C'est ainsi, qu'après quelques retards et/ou hésitations de la part d'un certain nombre de pays, le Ministre en charge de la COP21, Laurent Fabius annonçait, mercredi dernier, que 185 pays sur 195, couvrant quelque 95% des émissions de gaz à effet de serre, avaient déclaré qu'ils s'engageaient à prendre des mesures pour limiter, voire réduire, les émissions dites polluantes à l'horizon 2025 ou 2030.

J'avais déjà évoqué les INDC mentionnés par Judith Curry lors de son témoignage auprès de la Chambre des Représentants US qui a eu lieu le 15 Avril dernier.
Judith Curry disait que "… je suis préoccupée parce que l'engagement des USA auprès de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (UNFCC) ne fera pratiquement rien pour changer le climat" en avançant l'estimation d'une baisse de la température de seulement 0,03°C à la fin de ce siècle, résultant de la contribution américaine si celle-ci était maintenue sans faille jusqu'en 2100.

Dès lors, nombreux étaient ceux (qui comme moi-même) se demandaient ce qu'il en était pour les contributions des autres pays et, évidemment, pour ce qui concernait l'ensemble du globe. A l'époque de la déposition de Judith Curry, en Avril 2015, le tableau des INDC remis à l'ONU était encore très fragmentaire et il était impossible de faire le calcul complet. Il a fallu attendre le début du mois de Novembre de cette année pour avoir une vue pratiquement globale de la situation.

1) Les résultats du Dr. Björn Lomborg

C'est le statisticien danois Björn Lomborg qui s'est chargé d'effectuer et de publier le travail qui consistait à calculer les conséquences prévisibles sur la température moyenne de la planète en 2100, selon les modèles en cours, des contributions (INDC) de la quasi-totalité des pays du monde, en supposant, bien entendu que celles-ci seraient bien lomborg7 implémentées et, même (dans l'hypothèse optimiste), qu'elles seraient poursuivies, sans faille, jusqu'à la fin du siècle.lomborg8


Qui est Björn Lomborg (image ci-contre) ?

Bjørn Lomborg est un statisticien danois, professeur à la Copenhagen Business School et ancien directeur de l'Environmental Assessment Institute de Copenhague. Ancien membre de Greenpeace, il a acquis une renommée internationale pour son livre "L'Écologiste sceptique" (publié en danois en 1998 puis en anglais sous le titre Skeptical Environmentalist en août 2001, et en français en 2004).(source).

A noter que Lomborg ne remet en cause ni le réchauffement récent de la planète ni les modèles des gaz à effet de serre (qu'il utilise d'ailleurs ci-dessous) tout en estimant leur sensibilité au CO2 exagérée. Il pense qu'il s'agit simplement d'un problème mineur et qu'il y a beaucoup de problèmes plus urgents à traiter tels que, par exemple et entre autres, fournir de l'électricité et de l'eau potable à l'Afrique. Inutile de préciser qu'il n'a plus beaucoup d'amis chez Greenpeace et dans certains cercles universitaires.

Voici le fac-simile de l'article de Björn Lomborg avec son résumé.
Cet article est intitulé :
"Impact des propositions existantes pour le climat".
L'article complet (en pdf) est disponible en accès libre.

lomborg1

Voici une traduction du résumé :

"Résumé : Cet article analyse, en utilisant le modèle climatique standard MAGICC, l'impact en termes de réduction de la température résultant des principales propositions des politiques en matière de climat qui doivent être mises en place en 2030. Même si on suppose, en étant optimiste, que les réductions des émissions sont maintenues durant tout le siècle, les impacts sont, de manière générale, faibles.

L'impact du Clean Power Plan des USA (USCPP) résulterait en une réduction de l'augmentation de la température de 0,013°C vers 2100. La proposition complète des USA pour la COP21 à Paris dite "La contribution envisagée par les états", (INDC) fera baisser la température de 0.031°C. La politique adoptée par l'Union Européenne aura un impact de 0.026°C, l'impact de l'INDC de l'Europe de 0.053°C et l'impact de l''INDC de la Chine sera de 0.048°C.

Toutes les politiques additionnées des Etats-Unis, de la Chine, de l'Union Européenne et du reste du monde réduiront probablement la température de 0.17°C en 2100. Les estimations de ces impacts sont robustes vis à vis des différentes estimations de la sensibilité climatique, du recyclage du carbone et des différents scénarios climatiques.

Les promesses actuelles de la politique climatique n'apporteront qu'une faible contribution à la stabilisation du climat et leurs impacts resteront indétectables pendant de nombreuses décennies."

Qu'est ce que le programme MAGICC utilisé par Björn Lomborg ?

Mis au point par des climatologues contributeurs au GIEC, le logiciel MAGICC est un programme simplifié de modélisation du climat, au sujet duquel Lomborg nous dit que :

"Cet article tire parti du modèle climatique MAGICC qui a été utilisé au cours de la totalité des cinq rapports du GIEC. Il a été co-financé par l'EPA (l'agence de l'environnement américaine). Il fonctionne avec les paramètres standards. Une analyse sur la sensibilité, montre que les différentes hypothèses sur la sensibilité et au sujet du modèle du cycle du carbone ou du scénario ne changent pas de manière appréciable les résultats. Ce papier utilise la même méthodologie de base que Tom Wigley qui a analysé le protocole de Kyoto dans un article de 1998 très fréquemment cité."

On peut, par exemple, vérifier que la dernière version (à l'époque) de MAGICC était mentionnée et utilisée dans le rapport du GIEC AR4 (en 2007). Ce programme est "simplifié" (mais conforme) dans le sens qu'il ne permet le calcul que d'un nombre limité d'observables comme, entre autres, la hausse de température globale en fonction du taux de CO2 atmosphérique.

Le communiqué de presse associé à cet article est intitulé : "Les promesses en matière de climat pour Paris feront baisser les températures mais seulement de 0,05°C en 2100."

A noter que le chiffre indiqué dans ce titre ne prend en compte que les promesses, stricto sensu, (INDC) déposées pour la COP21 à Paris, sans faire l'hypothèse optimiste que les restrictions pourraient être prolongées jusqu'à la fin du siècle (bien que cela ne figure pas nécessairement dans les INDC déposées) comme l'envisage aussi Lomborg.
Voici une traduction des extraits significatifs de ce communiqué de presse (caractères en gras de Lomborg) :

"Le travail de recherche du Dr. Lomborg montre que :

  • L'impact sur le climat de toutes les promesses (INDC) présentées à Paris, est minuscule : Si nous prenons en compte l'impact des promesses (supposées tenues) de chaque nation, pour 2030, la réduction totale de la température sera de 0,048°C (0,086°F) vers 2100.

     

  • Même si nous supposons que ces promesses seront prolongées pendant encore 70 années, l'impact est encore très faible : Si chaque nation remplit ses promesses en 2030 et continue à le faire fidèlement jusqu'à la fin du siècle et s'il n'y a pas de "fuite" de CO2 de la part des pays non souscripteurs, la totalité des engagements pris à Paris réduira la température du globe de seulement 0,17°C (0,306°F) en 2100. 

     

  • Les politiques des USA en matière de climat, dans les circonstances les plus optimistes, si elles sont intégralement respectées et poursuivies tout au long du siècle, réduiront la température du globe d'environ 0,031°C (0,057°F) en 2100.

     

  • Les politiques de l'Europe en matière de climat, dans les circonstances les plus optimistes, si elles sont strictement suivies et poursuivies tout au long du siècle, réduiront la température du globe d'environ 0,053°C (0,096°F) en 2100.

     

  • Les politiques de la Chine en matière de climat, dans les circonstances les plus optimistes, si elles sont strictement suivies et poursuivies tout au long du siècle, réduiront la température du globe d'environ 0,048°C (0,086°F) en 2100.

     

  • Les politiques climatiques du reste du monde, dans les circonstances les plus optimistes, si elles sont intégralement respectées et poursuivies tout au long du siècle, réduiront la température du globe d'environ 0,036°C (0,064°F) en 2100.[…]

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"Tableau des changements attendus en 2100 en °C (à gauche) et en degrés Fahrenheit (à droite)" selon les hypothèses "Promesses à Paris" et "Promesses à Paris tenues durant 70 ans".

 

 

 

 

"La variation de la température globale depuis l'ère préindustrielle pour les scénarios suivants :

-Ne rien faire (RCP8.5) (en rouge) (NdT : On continue comme maintenant avec le scénario le plus pessimiste des modèles)

-Seulement avec les promesses INDC apportées à Paris pour la COP21 (en bleu)

-En supposant que les promesses apportées à Paris seront prolongées, sans faille, pendant encore 70 ans (en vert).
(NdT: c'est à dire jusqu'à la fin du siècle, les réductions devant être implémentées à parti de 2030).

Selon les données du logiciel MAGICC."

NdT : En réponse à plusieurs lecteurs, je précise bien que les courbes ci-contre représentent les résultats de modèles informatiques (ici MAGICC). Ce sont des "projections" informatiques et non pas des observations effectives. Comme on le voit, ces modèles sont incapables de reproduire "le plateau" des températures observé depuis une quinzaine d'années. De plus, comme nous l'avons montré à plusieurs reprises, ces modèles surestiment largement la hausse des température observée durant la période récente.

Comme on le voit, ces calculs montrent des impacts ridiculement petits résultant des engagements pris à Paris pour la COP21.
Dès lors, comment se fait-il que les politiques, les médias, les ONG et la responsable de l'ONU (Christiana Figueres) en matière de climat, nous affirment que les promesses faites à Paris nous engagent vers des températures globales à +2.7°C ( ou 3°C) à défaut des +2°C souhaités
(par rapport à l'ère pré-industrielle) pour 2100 ?

Björn Lomborg répond à cette question dans son communiqué de presse :

"Christiana Figueres a déclaré : "Les engagements des Etats (les INDC) ont la capacité de limiter la hausse de température projetée d'environ 2,7°C en 2100. Ce n'est en aucune manière suffisant mais c'est beaucoup plus faible que les valeurs estimées pour le réchauffement de 4°C, 5°C ou plus envisagées par beaucoup avant la mise en place des INDC."

Le Dr. Lomborg a dit : "Ceci est un représentation totalement fallacieuse des options offertes à la planète. Les 2,7°C proviennent de l'Agence Internationale de l'Energie (IEA) et elle suppose que si les gouvernements font peu à Paris et que, dès 2030, ils s'embarquent dans des réductions incroyablement ambitieuses, nous atteindrions les 2,7°C.

Cette façon de présenter le problème est semblable à celle qui consisterait à dire aux Grecs, lourdement endettés, que le simple remboursement de leurs dettes les plus pressantes les mettra sur une voie facile pour parvenir à résorber leur dette. Ceci est complètement illusoire.

L'organisation de Figueres estime que les promesse faites à Paris réduiront les émissions d'environ 33Gt de CO2 au total. Pour limiter l'augmentation à +2,7°C nous devrions réduire nos émissions d'environ 3000Gt – c'est à dire d'environ 100 fois plus que les engagements proposés à Paris.[…]. Ceci ne relève pas de l'optimisme, c'est un voeu pieux."lomborg6

 

 

NdT: Lomborg illustre ceci par le diagramme ci-contre qui indique les réductions des émissions de CO2 en gigatonnes selon les options de réduction.


La colonne de gauche est sous-titrée "
Promesses faites à Paris" (réduction de 33GT) et celle de droite "réduction requise (3066 GT) pour parvenir à 2,7°C".

2) Le MIT a obtenu et publié sensiblement les mêmes conclusions que Lomborg :

Au vu des chiffres précédents, on pourrait penser (espérer, diront certains) que Lomborg s'est fourvoyé dans ses calculs et que les examinateurs du Journal of Global Policy n'ont pas fait correctement leur travail de vérification, ce qui n'est pas exclu mais qui reste hautement improbable, compte tenu de l'importance et du caractère polémique de ces résultats. Il est, au contraire, pratiquement certain que ce travail a été examiné avec soin et dans ses moindres détails avant que l'autorisation de publier ne soit accordée.
Et de fait, il apparaît que les résultats présentés par Lomborg sont confirmés, à très peu près, par les chercheurs du MIT qui travaillent sur le "Joint Program on the Science and Policy of Global Change". Ces chercheurs ont publié, de manière indépendante, des résultats qui corroborent ceux de Lomborg, comme nous allons le voir. Voici l'en-tête du programme du MIT : lomborg4

 

 

 

 

 

 

 

Dans le rapport du MIT on peut lire ceci (repris à plusieurs reprises et sous d'autres formes dans le texte, comme nous le verrons)

"Une question qui vient à l'esprit est celle-ci : De combien les promesses (INDC) déposées à Paris avant la réunion de la COP21 vont-elles réduire le futur réchauffement, en supposant que notre estimation rend compte d'un accord et de sa mise en oeuvre ? …La différence entre les lignes rouges et vertes représente la contribution additionnelle des politiques de la COP21 et celle-ci représente environ un amoindrissement du réchauffement de 0,2°C vers la fin du siècle."

Voici des fac-simile d'autres extraits du rapport intitulé "MIT’s Joint Program on Global Change in Energy and Climate Outlook 2015" .

Traduction : lomborg3
(à gauche) : "En supposant que les réductions d'émissions proposées
(NdT : Les INDC) seraient prolongées jusqu'en 2100 mais non amplifiées, on trouve que cela conduit à une réduction du réchauffement d'environ 0,2°C à la fin du siècle, à comparer avec nos estimations, avec les mêmes hypothèses pour Copenhague et Cancun.

(à droite) : "Comme il est mis en lumière dans le résumé des principaux résultats ainsi que dans l'encart N°2, les mesures additionnelles de réduction par les principaux pays émetteurs (basés sur les INDC proposés en avance de la COP21) ont abaissé nos précédentes estimations du réchauffement à venir d'environ 0.2°C."

On peut faire remarquer, comme Judith Curry qui a écrit un billet à ce sujet, qu'une telle variation de 0,2°C restera noyée dans le bruit des fluctuations et des variations naturelles du climat. Judith Curry conclut :

L'article de Lomborg est le premier publié au sujet de la réduction du réchauffement résultant des engagements INDC. J'imagine que nous verrons beaucoup d'autres analyses de ce genre de la part des économistes mais je ne vois pas comment les conclusions de base pourraient changer – Les engagements INDC pris à Paris n'entraîneront qu'une faible limitation du réchauffement vers la fin du XXIe siècle."

Personnellement, je ne serai pas aussi optimiste de Judith Curry. Je vois mal un certain nombre d'économistes particulièrement engagés dans ces affaires, publier ce genre d'observations.. Si les résultats de Lomborg et du MIT sont corrects – et il n'y a aucune de raison de supposer qu'ils ne le soient pas – il est probable qu'ils s'abstiendront et que l'on n'en entendra pas parler comme c'est déjà le cas dans la presse nationale et internationale où la plus grande discrétion est observée à ce sujet… surtout pendant le déroulement de la COP21.

3) Conclusion :
Elle sera brève.

Au vu des engagements volontaires déposés auprès de l'ONU, en vue de la COP21, par la quasi-totalité des pays du monde et pour ce qui concerne "l'atténuation" c'est-à-dire pour la limitation du réchauffement envisagé pour la planète à la fin de ce siècle, la COP21, les efforts remarquables déployés par les organisateurs, par les chefs d'état, par les ministres, par les délégués, par les ONG et, last but not least, par les médias, ainsi que les substantielles dépenses engagées à Paris, ne serviront pratiquement à rien.
Et ceci, même si un accord est obtenu pour que les pays respectent leurs engagements (leurs INDC) et qu'ils continuent de les respecter, sans faillir, jusqu'à la fin du siècle, ce qui est assez improbable au vu des lendemains chaotiques qu'ont subi les accords de Kyoto.

Assez ironiquement, ce sont précisément ces mêmes modèles numériques du climat qui sont à l'origine de l'angoisse irrépressible que semblent éprouver les participants/organisateurs de la COP21 au sujet d'une future hausse des températures, qui le leur disent…

Stay Tuned !


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