22 mars 2025

Crimes de l’État malien contre les Touaregs

Au moment où le nombre d’exécutions extrajudiciaires d’Azawadiens, majoritairement Touaregs, franchit le seuil de 10000 tués, la communauté internationale annonce, dans un élan de solidarité sans précédent, la colossale somme de 3,5 milliards d’euros ; deux fois plus que ce que les Maliens attendaient. Ce geste de magistrale générosité de par son volume court, cependant, le risque d’un vulgaire flétrissement.


Photo : Ferhat Bouda

 

En effet, pendant que ce bel aréopage se réunit sous les lambris tamisés de Bruxelles, les crimes et les massacres de populations civiles se poursuivent sur le terrain !! Motus et bouche cousue, bourse déliée. Le silence de la communauté internationale sur ce génocide de "faible intensité" peut paraître pour l’État malien un blanc seing lui permettant de massacrer des êtres humains en toute impunité.
Par ailleurs, la volonté unilatérale de la France à organiser pour l’État malien des élections précipitées rend impossible tout renouvellement de la classe politique de manière à créer les conditions optimales pour une gestion transparente de la manne financière annoncée. Ceux qui ont mis en faillite l’État malien sont encore aux manettes et leurs compères, tapis à l’ombre, se préparent à se repositionner pour poursuivre leur entreprise de corruption multi-facettes.

Pendant plus de cinquante ans, les seules performances dont a su faire preuve l’armée malienne et ses milices sont de s’attaquer aux personnes vulnérables de l’Azawad (personnes âgées, femmes, enfants, etc.) auxquelles elles ont fait subir tortures, pillage, viol, vol et décimation de bétail ou encore destruction de vivres et de biens lorsqu’elles ne peuvent les emporter.

Par conséquent l’opération Serval n’a fait que permettre l’intensification de ce genre d’exactions. Et grâce à l’argent du contribuable européen (auquel est appliquée la rigueur de l’austérité) l’armée malienne pourra former ses soldats afin de mener à son terme le génocide des Touaregs.

La presse et certaines personnalités politiques maliennes n’ont cessé, depuis le début du conflit, de distiller des propos d’un racisme rare à l’égard des Touaregs, sans que cela inquiète l’opinion aussi bien en Afrique qu’au sein du monde libre.

Les puissants de ce monde, et à leur tête la France qui est à l’origine du malheur récurrent que les Touaregs subissent depuis la décolonisation inaboutie du Soudan français, n’ont pas encore pris la mesure du drame touareg.

Depuis quelques jours, comme par enchantement, la négociation avec les Touaregs est mise au goût du jour… Pourquoi, subitement, ces "bandits", ces "terroristes" et ennemis de la factice nation malienne sont-ils devenus fréquentables ? Curieusement, comme sorti d’une léthargie commandée, le président de la supercherie malienne, issue d’un putsch militaire, est allé jusqu’à prôner des négociations avec le MNLA et a nommé un micci domini du sérail (dont le mentor n’est autre que Alpha Konaré, ancien président malien) au poste de conseiller spécial, chargé d’engager des contacts avec notamment le MNLA en vue des négociations annoncées [1].

En suscitant une mobilisation internationale qui promet plus de trois milliards d’euros pour aider l’État malien, François Hollande a l’intention d’en "finir avec ce problème". Pour les véreux dirigeants maliens, qui sont en fait les mêmes qui ont mis en faillite leur État, il s’agit de "mettre en place rapidement le scénario infaillible qui consiste à organiser la dilapidation et le pillage des ressources annoncées par la solidarité internationale’’.

Pour ce faire, la France manigance une grande supercherie de négociations avec des dirigeants du MNLA, exsangues, exténués, peu rompus aux subtilités et croques en jambes des joutes politiques internationales. Encore une fois, tout est concocté pour piéger les Touaregs grâce à ce simulacre de négociations qui débouchera sans doute sur un accord, énième tentative pour sceller le sort de l’Azawad.

Aujourd’hui, celles et ceux qui iront aux négociations avec les Maliens ont une responsabilité historique : ils n’ont surtout pas intérêt à brader cinquante ans de lutte et de résistance. L’Azawad n’est pas à vendre. Aucune erreur n’est désormais plus permise, et le peuple veillera au sort de ceux qui seraient tentés de troquer leur âme contre des miettes, alors que l’Azawad est libéré. L’histoire nous a montré que rien, mais vraiment rien, ne peut plus nous lier avec ceux qui nous haïssent et qui nous servent, en guise de citoyenneté, humiliation et barbarie depuis cinquante ans. A ceux-là nous ne pouvons plus accorder aucune confiance puisqu’ils n’ont aucune parole, et ils nous l’ont montré et à maintes occasions.

Seules la dignité et la liberté de l’Azawad doivent primer dans les négociations.

Nous publions ci-après une note d’information synthétique de l’ARVRA, loin d’être exhaustive, qui résume les exactions commises par l’État malien sur les Touaregs depuis plus de cinquante ans. C’est pour que personne n’ait le droit de dire "Je ne le savais pas !".

La Rédaction.

Par Masin






AZAWAD : plus de 50 ans de massacres, d’humiliation, de déni de justice et de culture de l’impunité par l’État malien

Note d’information synthétique



Créée en 1992, l’ARVRA (Association des réfugiés et victimes des répressions de l’Azawad) est une organisation internationale humanitaire, non confessionnelle, sans affiliation politique et sans but lucratif.
L’organisation fonde son action sur les droits de l’Homme et en particulier sur les droits des réfugiés et des victimes des répressions de l’Azawad. Durant les années 90, l’ARVRA n’a cessé de lutter contre l’impunité et avait déjà, à cette époque, averti que tout règlement du conflit au Mali qui passerait sous silence la question des droits de l’homme était voué à l’échec.
Malheureusement, la reprise du soulèvement en janvier 2012 avait rappelé que lorsque la justice et l’impunité sont entretenues, il ne peut y avoir de paix, ni de sécurité.
L’ARVRA tente ici de poser un bilan sommaire des violations des droits de l’Homme dans l’Azawad depuis près de cinquante ans.
Les informations ci-après ne constituent que des agrégats pour donner une idée de l’ampleur massive des violations des droits de l’homme que beaucoup essaient d’occulter, voire simplement nier.

Ce document est réalisé sur la base de témoignages des victimes et, pour certaines, de leurs ayant droits, ainsi que d’autres témoins ayant assisté à des arrestations ou exactions, des médias, des organisations internationales des droits de l’homme et souvent des responsables maliens eux-mêmes qui reconnaissent avoir arrêté des personnes.
Ces violations des droits de l’homme ne font l’objet jusque-là que d’un très faible intérêt de la part des organisations internationales des droits de l’homme et du monde dit libre. Il a fallu la menace terroriste pour que des voix s’élèvent pour esquisser des signes d’indignation contre ces violations permanentes.
Les plaintes des victimes n’ont jamais eu un écho, aucun commencement d’enquêtes n’a jamais eu lieu. Elles ont régulièrement, et depuis toujours, tenu informées les chancelleries, les ONG et les agences onusiennes en charge des droits de l’homme. Les alertes systématiques et constantes sont restées sans suite.
L’ARVRA, sans aucune aide ni appui extérieur, a mis en place une base de données documentée (nom, prénom, âge, sexe, année, lieu, circonstances, lieux de charniers, tombes, nom de témoins…).
L’écrasante majorité des victimes est de la communauté touarègue y compris des Touaregs à ‘’peau noire’’. Les Maures constituent le second groupe le plus touché. C’est à partir de janvier 2013 que les militaires maliens commencèrent à s’en prendre aux communautés songhaïs et peules. Les Peules ont été particulièrement victimes d’exécutions sommaires lors de la reprise de Konna par les troupes françaises qui y ont ramené l’armée malienne.

Trois grands épisodes marquent le drame vécu par les Touaregs et les maures au sein de l’État malien. Ces trois temps forts ont consacré le règne de violations flagrantes, souvent, massives, des droits de l’homme, le déni de justice et l’apogée de l’impunité.
Une première période allant de 1960 à 1990 avec une pointe dans les massacres, tueries, viols, extermination du cheptel, traitements inhumains et dégradants, criminalisation de la langue tamashagh et de la culture touarègue, empoisonnement des points d’eau entre 1963 et 1964. Les Touaregs ont été exclusivement visés par toutes ces violations flagrantes des droits de l’homme dans le silence absolu.
Ainsi, de 1960 à 1964, 265 personnes ont été exécutées sommairement dont certaines en public, notamment devant les membres de leur famille contraints d’applaudir, dans la ville de Kidal sous le commandement militaire du capitaine Diby Silas Diarra assistant personnellement aux exécutions qu’il ordonnait.
Une seconde période allant de juin 1990 à janvier 1995 : les exécutions extrajudiciaires avaient été généralisées dans toutes les régions de l’Azawad, des pogroms furent organisés contre les Maures et les Touaregs dans les grands centres urbains (Bamako, Ségou, Niono, Sevaré, Mopti..).
L’ARVRA a mis à jour une liste de plus de 8721 personnes identifiées et estime, sur la base de témoignages, à plusieurs centaines les victimes non identifiées (ARVRA détient un document produit à la demande du gouvernement malien établissant le nombre des victimes des massacres durant cette période).
Une troisième période en deux temps :
– Entre Janvier et février 2012, l’armée malienne, dans sa déroute face au mouvement armé de l’Azawad, a exécuté au moins une vingtaine de personnes dont une famille de 7 personnes dans les environs de Kidal en février 2012 suite à un bombardement aérien. Auparavant, les militaires maliens avaient exécuté et traîné plus de 10 personnes touarègues dans les rues de Ménaka.
Dans d’autres centres urbains du sud, en particulier à Kati et Bamako, des pogroms ont été organisés contre les populations civiles touarègues et maures entre le 1er et le 3 février 2012. Au cours de ces pogroms, les pillages et les saccages des biens de ces populations ont défrayé la chronique à Bamako et dans toute la sous-région.
– L’opération Serval de janvier à mai 2013 : à l’ombre de l’intervention française enclenchée le 11 janvier 2013, les soldats maliens au lieu de sécuriser le territoire reconquis par les français s’attaquèrent férocement aux populations civiles locales : 1643 victimes dont 347 exécutions sommaires (charniers sont mis à jour à Sevaré, Diabaly, Konna, Léré, Gossi, Tombouctou…), 300 arrestations déclarées ayant subi des tortures, 167 personnes disparues, 1235 personnes ont déclaré que leurs boutiques (points de ventes), domiciles, véhicules, épargne, stocks céréaliers, bétail ont été pillés et volés souvent sous les caméras des médias internationaux et avec la complicité active des soldats maliens notamment à Tombouctou le 28 janvier 2013.

En 2013, dans le sillage de l’opération Serval, contrairement aux périodes précédentes, le viol, la torture et les exécutions par arme blanche sont devenus des pratiques courantes utilisées par les soldats maliens.
400 tonnes de céréales ont été détruites, 687 têtes de bétail (bovins, caprins, ovins) enlevées, 43 véhicules volées : en 2013, à l’ombre de l’opération Serval, les pillages et destructions systématiques des vivres que les militaires et leurs milices supplétives ne peuvent emporter sont apparues comme de nouvelles pratiques jusque-là inconnues à l’armée malienne lors des conflits précédents.
Principaux lieux des exactions : Seribala, Ménaka, Diabaly, Sévaré, Konna, Hombori, Gossi, Axes : Gossi-Tombouctou, Gossi – Gao, Gossi – Rharous, Léré, régions et villes, villages et campements des régions administratives de Tombouctou, Gao et Mopti.
Auteurs présumés des exactions : Les témoins sont unanimes à reconnaître que toutes les exactions sont l’œuvre de soldats maliens généralement sous les ordres d’officiers souvent supérieurs. Les colonels Dakouo (Gao) et Sangaré (Tombouctou) sont souvent cités comme ayant personnellement avalisé les tueries, les pillages et viols. La foule a dans la plupart agit sous la protection des forces de sécurité malienne. L’ARVRA est disponible pour contribuer à la construction d’une paix durable pour le Mali, mais cela n’est simplement pas possible sans la justice pour toutes les victimes et leurs ayant droits des violations des droits de l’homme.

Si la communauté internationale persiste à faire l’impasse sur l’impunité qui sévit au Mali depuis près de 50 ans alors le Mali n’existerait plus. Si la communauté internationale ne fait rien pour que la justice soit rendue, il est illusoire de chercher à refonder le Mali.
C’est la culture de l’impunité, de la corruption qui a fait s’effondrer le Mali que pourtant beaucoup d’États, d’institutions internationales considéraient comme un modèle exemplaire, presque parfait de démocratie.
Si la communauté internationale n’est pas attentive aux plaintes et souffrances des victimes des violations flagrantes et massives des droits de l’homme dans cette partie du Sahel, alors elle aura failli à sa mission et ne pourra pas sauver le Mali.

Malheureusement, le Mali a érigé les exactions contre les Touaregs, les Maures et depuis peu, contre toutes les communautés de l’Azawad, en politique d’Etat et les exactions se poursuivent encore au moment de la rédaction de cette note synthétique d’informations.
Pour parler de respect des droits de l’homme, de refondation, de justice, d’enquêtes, de lutte contre l’impunité, de réconciliation et de paix, il faudra :
– d’abord que cessent les exactions contre d’innocentes populations civiles ;
– qu’ensuite, l’État malien arrête de s’enfermer dans le ridicule déni des exactions commises souvent sous les caméras des médias internationaux ;
– enfin que les institutions internationales de défense des droits de l’homme et la justice internationale assument les responsabilités découlant de leurs mandats en engageant des enquêtes sur les allégations de crimes et d’exactions diverses.


Nouakchott, le 3 mai 2013,
ARVRA,
Département "Justice et lutte contre l’impunité".

Association des réfugiés et victimes des répressions de l’Azawad (ARVRA)
Nouakchott – Mauritanie.
Tél : +222.47.99.02.31.
E-mail : arvra.bureau@hotmail.fr & tabsit@hotmail.com



Notes

[1] Dioncounda Traoré a nommé Tiébilé Dramé au poste de conseiller spécial, chargé d’engager des contacts avec les groupes armés du Nord. Tiébilé Dramé est président du Parti pour la renaissance nationale (Parena) et ancien ministre malien.

 

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