19 mars 2024

La condition néomoderne

Ainsi il se dit que le gouvernement français de la présidence Sarkozy est libéral et pis, atlantiste. C’est ce qu’ avaient tenté de faire croire la gauche et les syndicats à l’époque du CNE (Contrat Nouvel Embauche) et du CPE (Contrat Première Embauche) concoctés par Dominique de Villepin, Premier ministre de Jacques Chirac, ancien Président de la République, qui pourtant n’eut pas de mots assez durs contre le libéralisme en disant par exemple que cela ne marche pas.
Il aurait fallu croire ce qu’il dit. Car ces mesures, abandonnées aujourd’hui, n’ont jamais été en réalité libérales comme il a été dit, mais étatistes et conservatrices.

Que veulent en effet les entrepreneurs en priorité, en particulier ceux qui managent moins de vingt salariés ? La facilité de licenciement ? Non. Ils veulent la diminution des charges, verrou majeur qui empêche justement l’embauche parce que cela diminue de fait l’activité : en effet, les entrepreneurs, dont les produits ou les services plaisent, en embauchant dans les conditions actuelles voient leur bénéfice aller uniquement à recouvrir l’augmentation des charges qui en résultent ou alors le bénéfice devient si ridicule qu’il ne paye de toute façon pas le nombre d’heures supplémentaires fournies souvent par l’entrepreneur lui-même.

Les personnes que j’ai interviewées pour parfaire cette partie du livre me l’ont confirmé :

sitôt atteint un certain chiffre d’affaires, elles freinent leur activité pour ne pas entrer dans la spirale des coûts. Ce qui est un manque pour la Collectivité…Voilà le paradoxe majeur de l’étatisme.

Démultipliez ce problème (à vrai dire récurrent : ce n’est guère un scoop évidemment…) et vous comprendrez pourquoi SEB va s’exfiltrer désormais en Chine. Alors que dans le même temps de plus en plus d’étrangers se pressent aux frontières pour s’abreuver de protection sociale à la française, -bénéficiant par ailleurs plutôt aux familles nombreuses en général qu’aux personnes de souche souvent monoparentales et n’ayant qu’un à deux enfants ce qui leur interdit d’avoir une aide suffisante, malgré l’allocation parent isolé-, ce qui en réalité scie la branche sur laquelle le modèle social français est assis : l’activité économique, qui est pourtant, soit dit en passant, et pour l’essentiel, supporté par les petites et moyennes entreprises….Par ailleurs cela aggrave les tensions culturelles, c’est le moins que l’on puisse dire car s’il se comprend que le nombre d’enfants prévaut, le fait d’arriver de l’étranger avec une myriade pour toucher, sans vouloir s’insérer mais en reconstituant uniquement la structure d’origine n’aide pas à la paix entre civilisations…
Or, d’une part, en dynamisant (non artificiellement) l’activité on incite évidemment plus à consommer et/ou à épargner, ce qui renforce et l’activité et le crédit/investissement : c’est l’effet multiplicateur, sans ses effets pervers (comme les déficits publics…).
Et, d’autre part, on peut faire bien mieux dans la protection sociale que ne le pensent généralement la gauche, les syndicats, et…la droite. Comment y arriver ?

Je l’ai déjà formulé ici : il s’agirait de donner tout le salaire brut au salarié (ce qui augmente d’emblée son pouvoir d’achat) afin de choisir ce que l’on pourrait nommer l’assurance globale de son choix qui comprendrait diverses allocations (dont la formation), moins les charges patronales néanmoins, les deux tiers disparaissant, l’autre tiers allant à un Fonds Commun de solidarité (FCS) qui renforcerait l’assurance globale, déjà en assurant la transition vers le libre choix (conformément par ailleurs aux directives européennes).

L’avantage ? Il est évident :

-en permettant la concurrence, une compétitivité accrue peut apparaître, ce qui se traduira par une innovation dans les offres ;
-cette concurrence peut se mutualiser à l’extérieur, -(ce qui lui permettra d’atteindre la taille critique afin de pouvoir défier les grands groupes anglo-saxons et allemands d’assurance qui, d’ailleurs, aujourd’hui, débarquent en Chine…) ; et se mutualiser à l’intérieur afin de faire des économies d’échelle, d’une part concernant les équipements lourds et les maladies longues durées, et, d’autre part, en vue de renforcer le FCS : par exemple en lui versant quelques pourcentages déductibles, en progressivité, des impôts (qui, eux-mêmes, diminueront au fur et à mesure que tout le dispositif expliqué ci-dessus et ci-dessous fera son effet).

Cette dynamique engendrera nécessairement de l’activité puisqu’elle ne sera plus un frein à l’embauche mais au contraire la garantie simultanée d’une souplesse et d’une solidarité que la pensée conservatrice de droite et de gauche imagine incompatibles.
En même temps, cette réelle détermination du choix doit s’accompagner d’une autonomie accrue, voire une indépendance, de tous les services d’intérêts généraux (sous surveillance d’une instance de régulation responsable devant le Parlement) ; ce qui impliquera à terme de les ouvrir au marché afin que l’apport de capitaux puisse simultanément augmenter la dimension de l’offre en améliorant sa qualité (comme le demandent par exemple les présidents d’université, ce qui a été en partie exaucé par la loi Pécresse, mais en partie seulement…). Cette redirection aurait pour effet de diminuer la charge du budget de l’Etat les concernant ; ce qui aurait pour résultat, d’une part, de diminuer la pression fiscale et donc de favoriser l’investissement la consommation l’emploi ; d’autre part, cela dégagerait des finances pour réformer la justice, pour renforcer la formation de la police et améliorer la présence française à l’étranger par le biais d’une francophonie réformée.

Car en réalité la vraie pensée libérale -(qui autrefois, au XIXème siècle, incluait les penseurs de gauche puisque c’est elle qui a imposé, contre les conservateurs, les libertés de la presse, du droit de grève et de la protection sociale)- combat bien plus pour le partage de la prospérité en permettant à tout le peuple d’y avoir accès, que les partisans dirigistes qui prétendent faire son bonheur…à sa place.

Sauf que « la » pensée libérale contemporaine n’a pas une vision claire de son rapport positif à l’Etat, sinon en lui refusant de s’inscrire comme partie prenante du jeu sociétal, lui concédant seulement les aspects régaliens.

Le point de vue néomoderne, au contraire, rectifie cette insuffisance conceptuelle et pratique du libéralisme trop tenté à surdéterminer, comme le marxisme à vrai dire, l’économique sur le politique alors qu’il s’agit de considérer que, sur le plan précisément politique, il faut pas confondre un rapport positif à l’Etat à ce dirigisme qui poursuit encore la dynamique jacobine, elle-même ayant parachevé plutôt qu’aboli la politique de la monarchie absolue.
Autrement dit, il existe une marge entre s’occuper de tout, y compris du contenu des contrats de travail, et le fait de veiller à ce que cela découle de la négociation, civile, entre acteurs, sous couvert bien entendu d’un certain nombre de points de passage obligés garantis constitutionnellement et que l’on peut même renforcer comme le droit d’avoir accès à une formation tout le long de sa vie, le nombre d’heures incompressible pour les travaux pénibles, l’âge limite d’accès à ces derniers alors que l’âge de retrait devrait être laissé libre pour tous les autres métiers… etc.

Quelle serait la politique à même d’accompagner de matière institutionnelle en France ce qui vient d’être énoncé, c’est-à-dire fondée sur une volonté qui refuse les factions, ce qui implique une gestion non partisane des intérêts de la politie ? Il est possible d’en repérer les contours en deux phrases (a et b).

a/ Du fait de l’histoire spécifique de la France, c’est-à-dire de sa création comme nation à la fois une et diverse, il s’agira de donner aux assemblées nationales et régionales (qui sont la base de l’édifice, l’exécutif étant chargé précisément d’exécuter…) deux tâches à la fois distinctes et complémentaires : celle d’une part de gouverner la France, d’autre part de défendre ses intérêts en Europe et dans le monde.

b/ Comment le faire concrètement ? De la façon suivante : chaque parlement régional (reconstituant les provinces originelles) se verra confier une question générale intéressant tout le pays : par exemple la Bretagne aura pour charge de penser à la réforme et au suivi permanent du système d’enseignement dans toute la France. Et ainsi de suite pour la santé, l’aménagement du territoire. Ainsi la Corse proposera tel projet national à l’assemblée des parlements régionaux. Qui tranchera en dernier lieu? Le Parlement national, et, plus précisément, le Sénat, regroupant, justement, les élus locaux mais dans un cadre national. L’assemblée nationale, c’est-à-dire les députés, elle, se chargera uniquement des affaires européennes et internationales.

L’intérêt d’une telle organisation ?

Elle est double : d’une part elle permettra à la fois de prendre plus de temps pour étudier les détails d’une question et à la fois de renforcer la cohésion nationale puisque les régions se verront confier des questions qui dépassent leurs propres intérêts forcément centripètes ; d’autre part, cela laissera aux députés élus sur la base d’un programme général et national de défendre au mieux les intérêts de la France dans son ensemble, c’est-à-dire sa destinée qui l’a faite défenseuse intransigeante de l’universel et, aujourd’hui, défenseuse de la diversité culturelle, (universalité et diversité se complétant au lieu de s’opposer comme dans le multiculturalisme).

Mais que deviendrait l’exécutif dans ce dispositif ?

Aux niveaux des municipalités et des conseils régionaux travaillant de concert avec le Sénat, l’exécutif serait issu de leurs rangs comme aujourd’hui.
Mais au niveau national le Premier ministre et son gouvernement, toujours nommés par le Président, s’occuperait seulement des affaires intérieures françaises, mises sous la responsabilité première du Sénat et non plus de l’Assemblée nationale.
Car l’innovation majeure consistera d’une part en ce qu’il y ait désormais un Vice Premier Ministre pour les affaires extérieures. Et d’autre part en ce que l’Assemblée nationale serait de plus en plus en réalité un des éléments du futur Sénat européen, contrepoids nécessaire au renforcement de l’Assemblée Européenne  ; et aussi l’un des éléments des futures Institutions mondiales réformées ; ce qui impliquera par exemple de s’occuper de très près des intérêts français à l’OMC, mais aussi à l’ONU, au FMI, dans la Francophonie. En un mot le Parlement s’occupe des affaires françaises en externe. Le Sénat des affaires françaises en interne. Le Président supervise le travail du Premier Ministre et de son Vice Premier Ministre en se portant garant de la Constitution, en faisant appel au Peuple s’il y a un désaccord majeur.
Quant à l’indépendance du Parlement, l’on peut envisager que selon les lois organiques en jeu l’une et l’autre des Chambres se réunissent sinon en Congrès du moins ensemble pour discuter, sans que le Président n’ait à le convoquer. Cependant ceci ne doit pas venir se substituer au référendum qui reste de l’apanage du Président. Il s’agit de rester dans l’esprit de la Vème qui a voulu préserver la souveraineté populaire du pur jeu représentatif, celui des Partis, renouant ainsi, même partiellement, avec l’une des exigences de Rousseau sur l’idée de démocratie directe. De ce fait, la fonction du Président de la République qui incarne aussi cette dernière atteindrait enfin ce qui fut vainement cherché durant la brève période de la Monarchie Constitutionnelle et de la Troisième République : garante de la bonne marche des Institutions et aussi de la cohésion nationale elle se ferait porte parole de la fonction référendaire ; c’est-à-dire défendrait telle ou telle pétition populaire qui pourrait se transformer en référendum ; tout en ayant toujours un droit de veto sur les lois, et toujours le pouvoir de dissoudre si l’urgence l’exige.

Une politique néo-moderne reprendrait à son compte l’ensemble des propositions faites ci-dessus en matière économique et institutionnelle afin de marquer son orientation vers le qualitatif et la prospérité en direction, réelle, du Peuple. Or, en observant la politique actuelle du pouvoir en place depuis la fin de la Troisième République on voit bien que l’on est bien loin du compte et pis encore on peut observer qu’elle scie toute possibilité de bien faire comprendre au peuple de France que, loin de lui nuire, la liberté retrouvée permettrait au contraire de le sécuriser et de l’encourager à se laisser aller à son réel tempérament celui de l’intrépidité dans l’innovation et l’universalité des Droits, ce qui faisait autrefois dire qu’impossible n’est pas français… Mais l’actuelle élite au pouvoir ne veut pas de cela, aussi diabolisera-t-elle la liberté toujours comparée à celle du renard dans le poulailler ou des USA dans le monde. Comme si le génie français ne pouvait pas inventer mais seulement imiter…

Extrait de Nature et politique

Lucien SA Oulahbib

https://en.wikipedia.org/wiki/Lucien-Samir_Oulahbib

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