Ainsi, à une émission du genre « Le téléphone sonne » de France Inter, la BBC s’est un soir d’août délicieusement vautré à plaindre le sort d’une petite fille gravement blessée alors que son père, membre du Djihad islamique, se transportait avec elle quand leur voiture rencontra une mire ciblée made in Tsahal. Mais, au lieu de percevoir cette tragédie comme l’irresponsabilité entière d’un dirigeant totalitaire se servant de sa progéniture comme bouclier, la mise en scène se construisit à la façon d’un documentaire victimaire : l’assassin est sinon excusé du moins compris, Tsahal fut donc lynchée sur la BBC un soir d’août par des auditeurs chauffés à blanc. On imagine sans peine la réaction de certains musulmans londoniens comme on peut encore la deviner dans certains quartiers chauds du 9-3 d’Ile de France avec l’accusation toujours sans fondement ayant accusé Tsahal d’avoir tué naguère le petit Mohamed Al Dura. Mais les services secrets occidentaux ne disent-ils pas que la moitié des préposés à la mort programmée provient de Nord Africains nés Européens ?
Dans un autre registre, CNN, campagne présidentielle américaine oblige, ne peut s’empêcher d’affirmer en bon haut parleur Démocrate, ce que tous les médias anglo-saxons et français, -(Bourdin de RMC, Elkabbach d’Europe 1 et Kahn de Marianne en tête, mais le Figaro n’est pas en reste, malgré un courageux Ivan Rioufol)-, hurlent à chaque instant à propos d’un « chaos » irakien qu’aurait fomenté, tout seul, Bush avec, désormais, la complicité d’un Ben Laden selon certaines sources proches de « La » Théorie du Complot (américano-sioniste).
Ainsi, tout récemment, CNN a mis en scène deux à trois « insurgés » sunnites censés contredire l’idée que certains d’entre eux auraient décidé de choisir plutôt l’alliance avec les USA (pour se protéger des chiites extrémistes) qu’Al Keida. C’est en tout cas ce que le général en chef Petraeus, -(dont l’optimisme fut immédiatement comparé à son homologue du temps du Vietnam, même si un « Irak du Nord » venant « libérer » un Irak du Sud semble être et rester une vue de l’esprit)-, témoigna devant un Congrès américain dominé par les Démocrates ; il démontra également comment l’Iran et la Syrie arment les résidus baathistes et djihadistes pour empêcher l’avènement d’un Irak « démocratique et pluriel ».
Sachez en même temps que cette analyse sera immédiatement récusée au profit d’une attaque en règle contre une telle perspective qui vous cataloguera déjà de «néocon », même si vous la partagez seulement qu’un tant soit peu : un Irak, en effet, ne peut pas être démocratique et pluriel, surtout lorsque cela provient de « l’extérieur » martèle un Edwy Plenel dans «On refait le monde » de RTL ; peu importe si les conditions de sa supposée émergence sui generis avaient été rendues impossibles par un Saddam Hussein ayant tué deux à trois millions d’Irakiens, bien peu néanmoins comparés aux massacres cumulés des communistes chinois cambodgiens et soviétiques tant vantés par nos pourfendeurs américano-sionistes qui ont, enfin, trouvé de nouvelles idoles en les personnes de Mugabe et de Chavez : le premier alors qu’il a ruiné le Zimbabwe mais ce au nom du Peuple (tout en accusant Blair et…la BBC de fomenter des… troubles), le second car il réincarne le Che mythifié, allant récemment jusqu’à sommer les écoles privées vénézuéliennes de se conformer au nouveau catéchisme socialiste sous peine de les fermer.
Qu’à cela ne tienne, forts de cette vieille analyse stipulant que le désir inconsidéré de puissance n’a pu être créé que par l’Occident judéo-chrétien alors qu’il est, aussi, une constante de la nature humaine, (mais celle-ci sera niée au profit des seules racines sociales ou culturelles selon l’obédience épistémologique), le moindre conflit d’intérêts entre personnes est et sera, toujours, considéré comme un défaut systématique qu’un Plan Social ou National selon l’obédience théologico-politique pourrait précisément aplanir à jamais. C’est d’ailleurs ce qui est reproché aux USA en Irak : n’avoir pas su « fixer » les problèmes ; sans se rendre compte qu’en énonçant ainsi l’on fait fi de tous ceux qui ne veulent pas et même jamais que cela s’arrange. Mais cette volonté négativiste est niée, alors que c’est cette négation, ce refus de désigner le mal –qui, visiblement, n’est pas concocté qu’en Occident-, qui s’avère être en réalité l’une des sources de toutes les déconvenues du sentimentalisme tiersmondiste qui a vu des générations entières préférer « avoir tort avec Sartre que raison avec Aron » selon le mot fameux de BHL.
Il est préférable pour certains de flinguer en effet Finkielkraut ou Gluksmann que d’admettre la faillite intellectuelle et médiatique complète d’une Génération personnifiée par la lente agonie de la presse quotidienne nationale française ; Le Monde et Libération étant ainsi devenus ces danseuses de quelques aisés soucieux de briller dans les salons mondains, mais de second rang, (dirait peut-être Jospin lorsqu’il caractérise ainsi Ségolène dans son dernier livre…) ; incapables de comprendre, par exemple, les actuels affrontements, «guerillero-urbains »et non pas « sociaux », de « bandes de Blacks » comme s’effraie à les appeler le Point. Guerillero-urbains en ce que la Ville devient de plus en plus un Réseau que certains pensent contrebalancer en s’appropriant à la façon ancienne de l’espace vital, ici une rue, un quartier, là un service public, plus loin une partie de l’Etat, comme si le seul moyen de briller aussi dans les salons serait l’avenir voyou tant chéri par une certaine intelligentsia depuis Jean Genet (si bien analysé par Éric Marty dans son Bref séjour à Jérusalem). Le fait que la série américaine les Soprano ait été récemment récompensé d’un Emmy Awards dévoile bien que la Ville n’est pas le Village de Mac Luhan, mais un Labyrinthe antique aux grilles secrètes électrifiées par diverses « mafias » qui tentent de les contrôler.
Mais aucune théorie sociologique sur le marché des idées (hormis celle d’un Raymond Boudon) n’est en mesure d’analyser un tel phénomène encore étudié par nos médias sous le prisme, bien insuffisant, des conditions sociales défavorables. Comme s’il faut avoir faim pour tuer. L’homme n’est pas seulement un animal. Il est d’ailleurs symptomatique de voir les médias brandir de telles analyses, tronquées, alors qu’elles ont été abandonnées depuis longtemps par les milieux savants. Comme ces étoiles déjà mortes mais qui brillent encore. Mais nos amis des médias en n’ont cure. L’adage de BHL fonctionne également ici à merveille dans une sorte de Realmediatik qui donne au faux l’apparence du vrai puisqu’il est « vu à la tv » ; les mêmes parlent aux mêmes en jouant aux chaises musicales dans des émissions alibi, peu importe, puisque ce qui compte sera la surface médiatique pas du tout la véracité du contenu échangé, de toute façon identique : nécessairement anti-américain anti-israélien avec quelques bémols selon l’heure et l’invité. Les médias palestiniens l’ont bien compris lorsqu’ils montent en épingle une riposte israélienne et relativisent complètement les méandres et autres soubresauts de l’Existé palestinien qui semble ni aimer ni espérer, hormis la mort, de toute façon inoculée par « l’occupation israélienne » et jamais par une idéologie mortifère qui ne voit en l’Autre qu’un Soumis.
Les médias qui nient cet aspect des choses assènent donc le faux, en vivent encore grâce à cette formidable synergie radio, TV, livre. Ils amplifient ainsi le faux et celui qui le produit jusqu’à en faire un « Membre de la Famille » voguant d’émission en «blog », coqueluche des Politiques en quête secrète de paparazzis désormais pour précisément tenir un peu plus que dix minutes sur le Rollerball médiacynique.
Mais, précisément, cette dérive qui allège le contenu jusqu’à (presque) valoriser son CV sexuel plutôt qu’intellectuel, avec quelques diatribes anti-Bush et anti-israéliennes lorsqu’il s’agira de le compléter dans les émissions people idoines, pourrait permettre à d’autres médias, plus conforme à la nouvelle période, de surgir enfin ; parce qu’il apparaît de plus en plus, et heureusement, qu’une frange du Public ne se satisfait plus d’un tel décervelage. Le sevrage risque cependant d’être long.