Dans ce courrier les policiers se disent choqués par cette décision qu’il est interdit de commenter mais insistent sur le malaise qu’elle provoque.

Paris, le 09 avril 2009

Monsieur le Procureur de la République,

C’est avec quelques semaines de décalage, que je me tourne vers vous pour faire part du profond désarroi des Officiers de Police que je représente suite au verdict rendu dans l’affaire de Raynald CARON, jeune policier tué en 2007 à la Foire du Trône dans des circonstances épouvantables. En effet, contrairement à certains contempteurs de la chose judiciaire, je ne pense pas que l’émotion soit un sentiment méprisable quand on prend soin de l’équilibrer par la raison.

Le 16 Janvier dernier, le Tribunal Correctionnel de Paris par sa juridiction réservée aux mineurs, rendait un jugement condamnant le jeune Kevin TOUNDE à une peine de 5 ans de prison dont six mois ferme pour sa responsabilité dans la mort de Raynald CARON. Il convient de rappeler que les six mois de prison ferme correspondent au temps déjà effectué par le mis en cause lors de sa détention préventive en 2007. Je sais, nous savons tous, qu’il est encore aujourd’hui interdit de commenter une décision de Justice. L’hypocrisie générale liée à cette tartufferie me permettra pourtant de m’en affranchir ici.

Ce verdict a choqué les Officiers de Police. En effet, cette décision de justice n’est pas perçue comme un désaveu de plus de l’action policière ou une remise en cause du statut particulier de l’agent de l’Etat mais comme la négation même de la nature humaine du policier contemporain. La concomitance d’autres verdicts rendus par la Justice délivre un message dévastateur. Tuer un policier en service ne coûte pas plus cher voire même moins, que de détériorer un bien public, insulter un élu ou tuer un dealer.

Les policiers sont aussi des mères et des pères de famille. Ils savaient que la Justice se devait de tenir compte de la minorité de Kevin TOUNDE et de l’absolue nécessité de lui offrir une seconde chance. Le verdict du 16 Janvier 2009 a balayé l’ensemble de ces valeurs républicaines. Et que dire de la famille de Raynald CARON. Même l’appel interjeté par le Parquet a été perçu comme un acte à part entière de cette tragédie cruelle.

Et le malaise augmente quand les policiers se souviennent du soutien qu’avait apporté le Président de la République à la famille de Raynald CARON et à ses collègues. La décision du 16 janvier dernier a-t-elle été réellement prise dans l’intérêt de la collectivité ou n’est-elle qu’une réponse politicienne dans le conflit récurrent qui oppose une part de la magistrature avec l’exécutif actuel?

Océane, preuve vivante que Reynald CARON n’était pas qu’un matériel administratif, se moque bien sûr de tout cela. La seule chose qui comptera pour elle sera d’être assurée par son entourage que son père n’était pas qu’un « bien public» détérioré mais un homme de bien, fait de chair, de sang et de cœur.

Je vous prie de croire Monsieur le Procureur de la République, en ma respectueuse considération.