21 mars 2023

Mon Imam chez les nudistes

Par Marc Suivre

Alors que tout ce que ce pays compte d’Intelligences Certifiées Conformes tombe, à bras raccourcis, sur un Pape qui présente le tort immense d’ajouter une origine allemande à l’obscurantisme inhérent à ses fonctions, nos bouffeurs de curés se font les plus ardents défenseurs des bigoteries islamistes.

Il faudra un jour s’intéresser aux ressorts qui poussent des anticléricaux virulents à se lancer ainsi à corps perdu dans les bras des Barbus. Je veux bien comprendre que l’Eglise catholique ait des défauts, qu’elle n’ait pas toujours été dans le rôle modeste qui est le sien aujourd’hui ; qu’il fût, en effet, un temps où elle se mêlait à tort et à raison de la marche du monde et où le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle aimait à être César. Tout de même, tant de fascination pour les turbans, les fez et les keffiehs quand on ne peut pas voir un curé sans crier : « à poil la calotte », c’est suspect.

Individu et religion

Les temps de l’absolutisme ecclésiastique sont révolus. Les individus se sont libérés d’une tutelle temporelle pesante, et l’Eglise ne se préoccupe guère plus que des consciences de celles et ceux qui lui sont fidèles. Elle intervient bien encore un peu, parfois, dans les affaires de ce monde quand elle estime que l’essentiel est en jeu, mais son influence se cantonne au terrain des mœurs. Elle est en cela le pendant inverse des lobbies libertaires de tous poils, ni plus, ni moins. Ce faisant, elle ne prononce aucun oukase et, si elle exprime sa préférence, elle n’en laisse pas moins à chacune de ses ouailles ce qui fait le fondement du message chrétien : la liberté de conscience.

Cette liberté laissée à l’individu, c’est justement ce que refuse l’Islam dans une assez large mesure. L’absence d’autorité religieuse suprême, comme dans le cas du Pape, rend difficile cette généralisation. On constate cependant, sans trop de difficulté que l’individu n’est pas la valeur cardinale du monde musulman. Cette religion, à l’instar de toutes les autres, se fonde sur l’appartenance à une communauté, celle des croyants. Lorsqu’un culte aussi exigeant que l’est l’Islam s’adresse à des fidèles, qui n’ont souvent qu’elle à quoi se raccrocher pour se définir, la communauté vire facilement au communautarisme, la tolérance à l’exclusion et le vivre ensemble à l’apartheid. A quoi tient cette différence entre chrétiens et musulmans sur la place à accorder au fait religieux ?

Les traités de Westphalie, Münster et Osnabrück, fondement de l’identité nationale

En Europe, la nation s’est construite au détriment de l’Eglise. Alors que la communauté des chrétiens transcendait assez largement les frontières de l’Europe médiévale, les guerres de religions et l’affirmation de la puissance française ont finit par jeter bas l’édifice.

En Occident, la division entre le spirituel et le temporel, même si elle ne fut pas absolue, permit à l’Eglise d’assurer son emprise sur la société. L’unité religieuse dura mille ans. Le schisme fut d’autant plus brutal que l’unité avait été longue. Contrairement à l’hérésie cathare, le protestantisme avait pris racine dans le peuple et se voulait un retour vers les valeurs fondamentales de la chrétienté et non une évolution pour l’élite. L’effroyable boucherie qui s’en est suivie était d’autant plus inévitable que nombre de pouvoirs temporels procédaient, à des degrés divers, du divin. Il a  donc fallu inventer une nouvelle organisation sociale pour circonvenir l’incendie qui fit rage pendant deux siècles. On a donc inventé la Nation.

L'Europe des Traités de Westphalie

Il est convenu de fixer son apparition aux Traités de Westphalie en 1648. Ceux-ci, à l’issue de la Guerre de Trente ans, organisent la supériorité du territoire sur le fait ecclésiastique ou civil et érige la non ingérence dans les affaires religieuses et politiques d’un pays comme une règle absolue. L’Etat-nation souverain devient le socle du droit international.

Dorénavant, l’appartenance à une nation passe avant les convictions religieuses. L’identité nationale se forge dans le sang versé pour la patrie et non plus dans le sacrifice pour la gloire de Dieu. Peu à peu, insidieusement, les sacrifices que l’on exigeait du peuple ne l’étaient plus au nom d’une place meilleure dans un royaume dont jamais personne ne revenait. Ce paradis, il convenait de le bâtir ensemble dans ce monde au sein d’une communauté humaine délimitée par ses frontières. Nos libertés individuelles dont nous sommes si fiers, sont le fruit de cette lente et douloureuse évolution de la communauté religieuse à la communauté nationale.

La nation arabe

Ce tournant, le monde musulman ne l’a pas pris. Plutôt moins que plus unifié sous la double férule de l’Empire perse et de la Sublime Porte, il n’en a pas ressentit la nécessité pour au moins deux raisons.

Il n’a pas fallu attendre un millénaire pour qu’un schisme naisse en terre d’Islam : la division des croyants entre Sunnites et Chiites n’a pas pris un siècle. La confusion des pouvoirs spirituels et temporels dans les mains des Califes portait dès le départ les germes de la scission, et les rivalités politiques se sont naturellement habillées d’oripeaux religieux. Les conséquences politiques et spirituelles n’ont, de ce fait, pas été les mêmes qu’en Europe.

Au morcellement des royaumes et principautés chrétiens a répondu la formation de deux vastes empires. Les Perses chiites, avaient pour eux l’antériorité organisationnelle et surtout une relative homogénéité culturelle. Ils nous intéressent moins, tant leur confrontation avec l’Occident est récente et, à tout prendre, conjoncturelle.

Blason de l'Empire ottoman

Le monde sunnite, en revanche,  s’est construit du Califat, de Bagdad à l’Empire ottoman en agrégeant à sa culture nomade tout ce que le monde gréco-romain comptait de diversité. Il s’est aussi bâti face à la chrétienté et en concurrence avec elle. La religion a été le ferment principal de l’unité des différents avatars de cet Empire. Le principe de ce type d’organisation politique est l’accommodement avec les particularismes locaux au profit d’une unité d’ensemble. Plus les différences culturelles sont marquées plus l’exercice est compliqué. La religion est un ciment puissant.

Cet Empire sans unité ethnique n’a été disloqué que très récemment sous l’action des Etats-nations européens. La puissance culturelle dominante a alors imposé son modèle et a réorganisé la zone en créant de toutes pièces des Etats, y compris là où il n’y en avait jamais eu. Le sentiment national dans ces nouvelles entités est en conséquence assez diffus et ne s’est construit que contre l’autre.

Israël au Proche-Orient et la France au Maghreb, particulièrement pour l’Algérie, ont tenu ce rôle. Les résultats ont été décevants  pour le nationalisme arabe, dont les aventures militaires ont été suivies de raclées mémorables. On se contente donc à présent, assez prudemment, d’incantations. La frustration est, cependant, immense et les rêves de gloires perdues entretiennent la docilité d’une foule qui, sans cela, se serait depuis longtemps débarrassée des parasites qui président fort mal à sa destinée. Ce que l’on qualifie un peu rapidement de « mythe de la nation arabe » n’est rien d’autre que l’espoir d’une renaissance de l’Empire sunnite. Le seul ferment d’unité de ces peuples qui n’ont qu’une conscience nationale trop récente, c’est la religion.

L’Islam et l’Europe

Le fait que le monde musulman ait été projeté dans la modernité sans être passé par le stade du développement d’une conscience nationale, explique en grande partie la difficulté des individus qui en sont issus à trouver leur place dans nos sociétés.

Confrontés à des modèles d’organisation structurés, à un niveau de développement social économique et culturel à des années-lumières de ceux de leurs pays d’origine, les musulmans subissent un traumatisme certain. Comme en outre les nouveaux arrivants sont toujours les plus mal lotis, les frustrations sont immenses. Il s’ensuit la rémanence du problème bien au-delà de la seconde génération.

Certaines de ces difficultés ne sont pourtant pas exceptionnelles, étant le lot commun de tous les migrants. Admettons que les populations européennes s’acclimatent, peut être, plus facilement car leur cadre socio-culturel est plus proche de celui de leur société d’accueil. Mais pourquoi, en ce cas, les Chinois s’y adaptent-ils en l’espace de deux générations ?

C’est leur absence d’ancrage national solide qui rend extrêmement difficile l’assimilation des Maghrébins. Ils ne se définissent que par très peu de chose, tant leurs nations sont récentes. Abandonner cette couche superficielle d’identité leur est presque impossible du fait même de son manque d’épaisseur. Il s’ensuit un communautarisme qui les replie sur leur seul véritable identité : l’Islam.

Leur religion devient alors un moyen d’affirmation identitaire, un vecteur de refus de la dilution dans l’ensemble européen. Tout est prétexte à l’affirmation de sa différence. Le moindre interdit, et Dieu sait s’ils en ont, sert à se distinguer de la société hôte. Ce tropisme séparatiste n’a jamais été combattu. Au contraire, le culte  ambiant de la « diversité » a favorisé, quand il n’a pas encouragé, ses excès. Chaque jour apporte son lot de nouvelles exigences.

En France

La Fille aînée de l’Eglise n’a pas fait exception. Chez nous, l’anticléricalisme s’est allié avec le tier-mondisme, plus récent, et le complexe post-colonial de l’Homme blanc pour faire du musulman le nouvel opprimé à protéger. La montée en puissance des femmes dans nos sociétés et la concurrence qu’en conséquence ces dames font à ces messieurs dans le monde feutré des salons intellectuels parisiens, ne sont peut-être pas étrangères à la fascination qu’exerce un culte aussi ouvertement machiste sur certains de nos « grands » esprits. Tout est alors bon pour exalter les différences, et tant pis si au passage on foule aux pieds les principes républicains que l’on prétend défendre.

Car en France, c’est le modèle de l’assimilation de l’étranger au destin national qui a toujours prévalu. En l’espace de quelques dizaines d’années seulement, nous sommes passés de ce principe, généreux et peu courant de par le monde, à un salmigondis d’accommodements destinés à faciliter « l’intégration ». On notera au passage le glissement sémantique. Ces deux mots, de nos jours si facilement confondus par des journalistes incultes, relèvent de réalités fort différentes. Assimiler c’est faire de l’autre un Français. Intégrer c’est tolérer un étranger et faciliter son installation. Ce n’est pas la même chose, surtout quand c’est avec les outils de l’assimilation que l’on intègre. Autrement dit, quand on donne la nationalité française à des gens qui ne partagent pas du tout les valeurs qui y sont attachées et qui, au fond d’eux mêmes, demeurent des étrangers … parfois hostiles à la France.

De là un malaise croissant dans la population française qui voit s’installer chez elle des hordes d’étrangers qui la rejettent, tout en  prétendant, au nom de nos principes, vivre ici comme ils vivraient chez eux. L’accélération de ce phénomène, ces dernières années, est préoccupante et c’est dans cette perspective qu’il faut resituer le débat sur la Burqa.

La Burqa, symbole des crispations identitaires

Contrairement à ce que disent les partisans des « accommodements raisonnables », cette affaire n’est pas mineure et elle intéresse l’avenir du pays au plus haut point. Nous avons toujours été divisés entre la fermeté et les concessions, c’est un dilemme éternel.

A ce propos, il est fréquent de faire référence aux accords que Daladier signa à Munich avec Hitler. Il existe, pourtant, une grande différence entre la situation actuelle et ce fâcheux précédent : lorsqu’il se posa au Bourget, le Président du Conseil, bien conscient de la lâcheté insigne de son acte, fut très surpris d’être acclamé pour sa clairvoyance par un peuple d’aveugles qui préférait le déshonneur à la guerre, et qui eut les deux pour salaire de ses péchés. A l’époque l’élite était consciente de son indignité ; les masses, elles, voulaient la paix à tout prix. Aujourd’hui, c’est l’inverse : c’est le Peuple qui se révolte contre l’inaction et la complaisance de ses dirigeants, et ces derniers qui se voilent la face pour ne pas avoir à combattre ce qu’il faut bien appeler une tentative de sédition.

L’islam n’est pas un bloc unitaire, et nombre de nos compatriotes qui pratiquent ce culte ou qui y sont culturellement attachés, ne partagent pas les volontés ségrégationnistes voire sécessionnistes des éléments les plus radicaux de ce qui n’est encore qu’une minorité religieuse. Jusqu’à une époque récente, ceux que l’on qualifiait de « modérés » se faisaient très discrets. On ne les entendait guère condamner les excès des fanatiques que du bout des lèvres. Cependant, depuis l’apparition dans nos rues de l’expression du « bon goût vestimentaire  afghan », même les autorités religieuses interviennent au grand jour. Le très sensé et trop peu entendu Recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, condamne sans ambages, au nom des principes de la République, la prison de tissu imposée aux femmes. Le « vivre-ensemble » suppose que l’on ne considère pas l’autre comme indigne de vous regarder. On ne saurait plus clairement afficher son opposition au fondamentalisme et son attachement au contrat social national.

La burqa une pudeur à sens unique ?

Tout n’est donc pas perdu, et si les nouvelles Belphégors sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase, alors tant mieux ! Evidemment, dans les salons « où l’on cause » on s’exclame qu’il est techniquement impossible de sanctionner ces « goules ». Or, celle qui vient d’être verbalisée pour conduite encapuchonnée prouve, si besoin est, que dans ce domaine comme dans bien d’autres, lorsqu’il y a une volonté, on trouve un chemin. En prime, on découvre que son charmant mari est polygame et qu’il escroque allégrement de ce fait les allocations familiales : on envisage même maintenant de le déchoir de sa « nationalité française » acquise par mariage. Là, on touche au sublime. Il en aura fallu du temps et des coups de pieds au fondement pour que nos élites comprennent.

Tout cela vient sans doute un peu tard. Le mal est ancien et dénoncé depuis des années par de nombreux observateurs. Les professionnels de la concession et de l’ « anti racisme » vont sans doute se bousculer pour crier à l’opportunisme politique afin de tenter de couvrir cette affaire d’un voile d’opprobre. Il n’empêche : même s’il s’agit, pour le Président, d’une posture tactique, elle n’en répond pas moins à une demande de l’opinion. Le message a été passé « fort et clair » lors des régionales. Ce faisant, Nicolas Sarkozy ne fait rien que les socialistes ne lui réclament à cor et à cri depuis le soir du second tour : il tire les enseignements du scrutin. Il a pris la mesure de son échec et de la grogne de son électorat. Tout l’enjeu stratégique des deux ans qui le séparent de 2012 se résume à sa capacité à faire comprendre, comme d’autres avant lui, à des électeurs échaudés qu’il les a compris. Il ne doit plus se contenter de faire, comme en 2007, un constat que personne, avant lui, n’osait énoncer dans les partis de gouvernement. Pointer les disfonctionnements c’est une chose, s’attacher à les résoudre c’en est une autre. Jusqu’ici, il n’avait pas fait montre d’une grande énergie réformatrice dans ce domaine. A présent, il doit agir pour persuader le Peuple qu’il s’attaquera sans faiblir, d’ici à 2017, à ce cancer qui ronge l’unité et le moral de la nation, aussi sûrement que la crise économique.

Qui pourra encore dire après cela que les élections régionales ne servent à rien ?

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