– Mais vous portez-là une splendide chemisette des îles! Quelles couleurs ! Flamboyantes !!!
-La France est devenue une île…
– Ah ?
– Vous ne saviez pas ?…
-Euh non…
-Écoutez bien, le raisonnement est serré, un syllogisme de la plus belle espèce, je dirais même, le plus gros silure de la catégorie : La Guyane est une île, la Guyane est la France, donc la France est une île.
-Raisonnement imparable…
-Et ce n'est pas tout cher Bouvard ! Nous n'allons pas tarder à rentrer dans l'Alliance Bolivarienne…
-Ah ça cher Pécuchet ! Vous m'en direz tant ! En même temps cela s'explique !
-Ah ?
– D'après mes calculs la Guyane ne se trouve pas loin des pays ayant adhéré à cette Alliance..
-Exact…
-Donc que la France y adhère me semble tout à fait logique… Déjà géographiquement parlant…
-En effet, cher Pécuchet, mais il y a plus, nous allons adhérer ce faisant à la culture bolivarienne…
-Vous m'étonnez…
-Pourquoi donc ?…
– J'avais entendu qu'il n'y avait pas de culture française…
-Oui, c'est exact, et donc ?
-S'il n'y a pas de culture française il n'y a pas de culture bolivarienne…
-C'est là où vous vous trompez mon cher, mon très cher Bouvard, c'est précisément pourquoi nous y adhérons…
-Ah ?…
-Eh oui… N'ayant pas de culture, il nous en faut bien une, on peut pas se balader tout nu…
-Surtout au vu de la taille des moustiques dans les îles…
-Donc la culture bolivarienne va nous apporter tout ce qu'il faut…
-J'imagine que l'on va devoir changer de tailleur…
-Il paraît qu'on offre des costumes…
-Non ?!!!
– Si si…
-Le Maréchal ?…
-Quel Maréchal ?
-Le maréchal Sissi voyons !
– La Princesse Sissi est devenue Maréchal ?…
– Encore un coup de la théorie du Genre j'en ai peur…
-Mais revenons à votre culture bolivarienne cela m'intrigue…
-Dites-moi…
-Tout d'abord, je vous avoue que je suis soulagé d'avoir de nouveau une culture…
-Vous savez bien que la nôtre était devenue impossible, trop étroite, cela craquait de partout, et puis vous savez bien…
-Quoi ? Je sais quoi ?…
– Vous savez bien que notre culture a permis, a fomenté, à fait carrément des crimes contre l'Humanité…
-Ah oui ?
– Vous ne saviez pas ?…
-Non, pas vraiment, j'en suis resté à Rome ; mais bon c'est fini, maintenant que l'on va être plongé dans la culture bolivarienne…
-Le seul hic cher Pécuchet c'est que l'on y est déjà dans celle-ci…
– Non ?… Et pourquoi cela serait un hic ? Tant mieux si nous y sommes déjà en plus ! Nous sommes forts nous les Français non ! On y est déjà dites-vous et en plus sans s'en apercevoir, c'est ça ?…
– A peu près, on a un des modèles sociaux les plus chers au monde, eh bien ce n'est pas assez, pourquoi ne pas aller à 80, 90% de dépenses publiques…
-Cela veut dire quoi ?
-Nationaliser les boulangeries par exemple… Trouvez-vous normal que la boulangerie de votre rue gagne énormément d'argent alors que celle qui est dans ma rue est en quasi faillite…
-Euh… c'est que ma boulangerie produit du super bon pain tandis que la vôtre…
-Eh bien quoi la mienne comme vous dites ?
-Son pain…
-Son pain, son pain ! Mais justement, le boulanger a des problèmes, des soucis, sa femme, ses gosses, l'État va l'aider…
-En nationalisant ma boulangerie ?…
-Vous ne comprenez pas, je vais vous expliquer le principe suprême de la culture bolivarienne : on réunit tout l'argent gagné par toutes les boulangeries de la France…
-C'est facile, puisque c'est une île…
-Et puis on répartit cet argent entre toutes les boulangeries, moins une taxe pour la solidarité…
-Épatant ce système…
-Je dirais même plus, épatant…
-Mais ne croyez-vous pas que dans ces conditions les bonnes boulangeries vont faire du moins bon pain ou alors en moins grande quantité puisque quoiqu'elles fassent elles gagneront la même chose à l'arrivée ?…
-Non ce n'est pas possible ! La culture bolivarienne est une morale, les bonnes boulangeries qui dénatureraient leurs produits seraient sanctionnées.
-Normal…
-Oui…
-Et comment ?…
-En produisant gratuitement du pain…distribué aux plus nécessiteux…
-Très juste…
-Oui…
-Mais s'il y a de moins en moins de bonnes boulangeries, et si en définitive, peu importe que l'on travaille ou pas puisqu'il y aura toujours une répartition égale, n'y aura-t-il pas de plus en plus de nécessiteux ?
– Non, oui, peu importe, le problème n'est pas dans la production mais la redistribution…
-Ah ?
-Oui…
-Vivement que l'on adhère à cette culture bolivarienne !
– Eh bien dès dimanche 23 avril 2017…
– Vivement dimanche alors !
17 avril 2017