19 mars 2024

Les approximations de Slate sur quelques propos zemmouriens

Á nouveau, Florian Besson et Simon Hasdenteufel, les mêmes " historiennes et historiens" (dixit) qui s'étaient autrefois acharnés (vainement) sur Sylvain Gouguenheim (infra) s'en prennent (ici pour le compte de Slate) à quelques passages du dernier livre de Zemmour du haut de leur "savoir" de "médiévistes" en finissant leur diatribe par ceci (je commencerai  par là) :

" (…) Contrairement à ce qu'écrit Éric Zemmour à la page 71 –« Pour fonder et justifier leurs attaques meurtrières sur le sol français en 2015, les propagandistes du Califat islamique sonnèrent l'heure de la revanche contre les “croisés”. Cette appellation fit sourire nos esprits laïcisés et incrédules. Nous avions tort. Cette histoire longue est encore très vivante en terre d'Islam, alors que notre présentisme consumériste et culpabilisateur a tout effacé de nos mémoires »–c'est bien d'Occident qu'est venu un discours de la croisade appliqué au monde contemporain: le 16 septembre 2001, George W. Bush parlait ainsi de la «croisade» contre le terrorisme. Le mot provoqua alors un tollé de protestations, notamment venu du monde musulman, et le président américain tenta de s'en excuser et de rattraper sa bourde. Il n'y a donc pas d'oubli occidental: le vocabulaire de la croisade n'a jamais véritablement déserté les imaginaires contemporains, en Orient comme en Occident. (…) "

Or, qu'apprend-on à la lecture du recueil "Al-Qaida dans le texte" (PUF, 2008) rassemblant divers textes de "la Base" et "présenté par Gilles Kepel "? Qu'un opuscule du recueil (signé par Ben Laden, al-Zawahiri, Égypte), Mounir Hamza Pakistan, Khalil, Pakistan, Mohammad Khan, Bengladesh, Ahmad Taha, Égypte) et intitulé " Déclaration du Front islamique mondial pour le jihad contre les Juifs et les croisés" (pp.63-69) est paru le 23 février 1998 soit trois ans avant l'arrivée effective de GW Bush au pouvoir…

Cette erreur, grossière, pour des" historiennes et historiens" (il est vrai "médiévistes"…) n'est pas le produit du hasard tant il illustre cette idée préconçue de toute la gauche post-tiersmondiste, décolonialiste et aujourd'hui racialiste (qui servira d'ailleurs de cheval de bataille contre Gouguenheim, infra) stipulant que l'agression, la guerre, viennent surtout de l'Occident capitaliste (selon le vieil adage: "le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l'orage") donc que le terme même de "croisade" forgé pourtant, du moins au tout départ (la 1ère) pour libérer la terre dite sainte, ce terme serait en soi la preuve normative même de l'Occident impérialiste alors que cette terre, juive, était pourtant déjà occupée, administrée, par des individus se réclamant de l'islam (soyons prudent) après avoir chassé bien sûr devant eux les divers autres occupants qui les précédèrent…

Cette apparente boutade ci-dessus (terre occupée par des individus se réclamant de l'islam) n'en est guère une à vrai dire tant l'islam reste calqué par nos "historiennes et historiens" sur le narratif musulman lui-même, sans recul, en tant que l'islam aurait apporté la lumière (la "direction": coran) au sein de l'obscur, du "falsifié" (juifs, chrétiens, idolâtres) ce qui implique que toute affirmation agressive venant de sa part ne serait "que" défensive (définition usuelle du petit djihad) ce qui implique dans ces conditions, que l'islam des supposés islamistes en serait une déviation, et qu'alors employer un tel terme de croisade contre eux introduirait un amalgame entre le bon islam celui qui aurait apporter la connaissance en Israël occupé (appelé Palestine par les Romains) et le faux, le "falsifié" l'islam des islamistes donc, nos "historiennes et historiens" plaquant ainsi (sans s'en rendre compte?) le narratif musulman mainstream sur l'islam amenant la lumière (discours usuel en fait de tout narratif hégémonique, ainsi les Grecs appelaient "barbares" tout non grec, repris ensuite par le discours dit "progressiste et républicain" façon Jules Ferry) nos "historiennes et historiens" en viennent également à déployer ce même narratif contre Zemmour :

" (…) De fait, l'Europe n'émerge véritablement comme concept que dans la pensée des humanistes au XVe siècle, qui, inquiets de la montée de l'Empire ottoman, vont opposer l'Europe chrétienne à l'Asie musulmane.Deuxième erreur: l'assimilation entre culture grecque et Europe. En effet cette culture grecque –il faudrait d'ailleurs plutôt parler de culture gréco-romaine– a également été reçue par le monde musulman.C'est d'ailleurs, dans la quasi-totalité des cas, via des textes arabes que l'Occident latin va redécouvrir le corpus grec (les textes médicaux, scientifiques ou philosophiques, notamment Aristote). L'affirmation d'Éric Zemmour ne sort pas de nulle part. Il semble en effet reprendre la vision avancée en 2008 par Sylvain Gouguenheim, qui provoqua à l'époque une très vive réaction du monde universitaire européen. En plus de sa vision politiquement orientée, l'auteur fut accusé d'avoir manipulé, voire inventé des sources pour soutenir ses idées.(…)" 

Nonobstant le fait que la dernière affirmation reste totalement fausse voire diffamatoire (Sylvain Goughenheim n'a rien inventé du tout, et il a même étendu précisé ses recherches si contestées dans son livre sur Byzance pour montrer l'apport décisif de cette dernière à la civilisation européenne sans passer par l'islam) observons qu'à nouveau nos "historiennes et historiens" avancent que c'est via des "textes arabes" et ce "dans la quasi-totalité des cas" que l'Occident aurait redécouvert "le corpus grec" (supra) ; comme si les travaux d'Augustin (datant de deux siècles avant l'arrivée de l'islam) n'avaient jamais existé (ne parlons pas de Plotin bien auparavant) ou que Thomas d'Aquin aurait eu besoin de la lumière "arabe" pour commenter Aristote. (infra).. Ne parlons pas des mathématiques (les chiffres étant par ailleurs indiens) car même l'algèbre, terme persan, et malgré Al-Khwarizmi (perse), et Al-Bathani (turc) son réel développement aura plutôt débuté avec François Viète (non?)…

Autrement dit, s'il est possible de parler de textes écrits en arabe (ce qui n'est pas la même chose) provenant par exemple d'Avicenne (qui est perse) concernant la médecine et la psychologie, d'Al-Fârâbi (également perse) à propos de Platon, Al Kindi (mésopotamien) sur Plotin, par contre la façon dont Averroës (d'origine maure/berbère/andalou) s'est appuyé sur Aristote reste si sujet à caution (ainsi pour lui l'homme ne pense pas mais est pensé par un intellect greffé en quelque sorte par le milieu, Helvétius, Marx et Bourdieu ont repris ce béhavorisme avant la lettre) que Thomas d'Aquin se crut obligé d'écrire un Contre Averroës tant ce dernier déforme Aristote en faisant de l'homme un ectoplasme (ou "monopsychisme") et surtout rate l'objet de la philosophie distinct de la théologie: ainsi dans son "Discours décisif" (ici Gf Flammarion, bilingue,1996) en prise implicite avec Al-Ghazali (perse, très prisé par Ben Laden and Co, cité dans le texte ci-dessus, note 12 p.64) parce que celui-ci considère que la philosophie s'avère en fin de compte nuisible, Averroës ira jusqu'à concéder que la philosophie avec sa dialectique et ses interprétations doit être réservé à l'élite tandis que le peuple peut toujours trouver ce qu'il faut pour penser (puisque "l'homme ne pense pas") dans la vraie religion (paragraphes 46 et suivants) ainsi les 55, 56, 57, et 58 explicitent (pp.157-159 du Discours décisif) que les

" interprétations ne doivent donc pas être révélées à la foule, ni couchées par écrit dans des livres rhétoriques ou dialectiques (…) celui qui expose ces interprétations à ceux qui ne sont pas hommes à les connaître, c'est un infidèle dans la mesure où il incite les gens à l'infidélité, ce qui est le contraire de ce à quoi appelle le Législateur, en particulier lorsqu'il s'agit d'interprétations viciées au regard des principes dogmatiques fondamentaux de la Révélation, comme cela est arrivé à certains de nos contemporains. Car nous en avons vu certains qui croyaient avoir appris la philosophie, et compris grâce à leur merveilleuse sagesse des choses contredisant la Révélation de toutes les manières, c'est-à-dire des choses non interprétables, et qui se sont estimés dans l'obligation de les exposer à la foule. En exposant ces croyances viciées à la foule, ils ont ainsi causé la perdition de la foule et la leur, dans ce monde comme dans l'autre ! (…)"

Peine perdue, Averroès croyait bien faire en amadouant ainsi les durs tels Ghazali, il ne fit ouvrir la voie à plus dur encore comme Ibn Taymiyya, principal inspirateur du wahhabisme à partir du XVIIIème siècle où pour l'essentiel même la tentative de Ghazali de s'accaparer uniquement les sciences physiques et organiques ou celle d'Averroës de réserver à l'élite la dialectique et la Révélation au peuple ne trouvent grâce à ses yeux en ce que tout doit être inspiré par cette dernière de façon scrupuleuse jusqu'au chant du Muezzin qui ainsi désigne la direction, amène le jour, l'élève à son zénith, et l'accompagne dans son déclin nécessaire, unicité cosmique dont le Révélateur (Mahomet) est lien d'où le fait de suivre à la lettre ce qui est incréé et donc désigné, gravé, telles les Tables, de toute éternité.

On est bien loin alors de l'autonomie voire l'indépendance offerte par Dieu à Adam lorsque (Gen, livre II, v.19) Il lui donne la possibilité de créer lui-même le nom des animaux, des choses, alors que dans le coran Adam ne fait que les réciter puisque l'homme ne pense pas, "il est pensé", ce qui fausse l'idée que l'humain aurait été fait à "son image". Dans ce cas en quoi cette penséeaurait pu être un "progrès" dans la lecture d'un Aristote, dans l'émergence de la philosophie occidentale non pas séparée de la théologie mais distincte d'elle respectant ainsi le défi même du divin lorsqu'il accepte la liberté humaine y compris lorsqu'elle accomplit le mal y compris lorsque la théologie officielle le lui a refusé pendant des siècles ?…

N'allons pas plus loin ici, il suffit juste de rappeler que le discours hégémonique actuel stipulant qu'au fond la philosophie occidentale en se séparant, en se distinguant, peu importe, de l'eschatologie serait en elle-même porteuse de nihilisme (ce qui est faux, l'eschatologie reste là, ne serait-ce que sous la forme d'éthique, celle refusant la soumission par exemple) ce discours complaisant envers le narratif du "bon" islam ne fait qu'ouvrir les portes à une mise en ordre des apparences dont la supposée révélation est en réalité bien plus sujette à caution que celles qui se nomment Christ ou Moïse car elle efface la liberté d'être comme il se voit tous les jours: puisque l'homme de toute façon ne "pense pas" pourquoi en effet aurait-il besoin d'interpréter ses actes ? Qu'il change donc comme la mise en ordre (la "direction") le somme de le faire…le léninisme avait bien commencé, le maoïsme aussi, l'alter-écologisme son allié actuel fait le reste. Il est dommage que les idiots utiles qui attaquent ce passage là du livre de Zemmour ne voient pas à quel point ils se font manipuler…mais comme ils ne pensent pas, "on" pense donc pour eux… Sauf que cela ne va pas se passer ainsi…La Table Ronde est là, toujours.


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