19 janvier 2025

Mise en garde de la climatologue Judith Curry

La climatologue Judith Curry met en garde la chambre des représentants curry2015 US au sujet de la politique climatique du Président Obama.

Ce mois-ci, j’ai choisi de vous présenter une traduction de l’essentiel de la déclaration de la climatologue Judith Curry auprès de la Chambre des Représentants US (l’équivalent de la Chambre des Députés française) au sujet des engagements pris par le Président Obama auprès de l’ONU (sans consultation préalable du congrès US), prononcée lors de sa séance du 15 Avril 2015. L’original de cette déclaration est ici.

En effet, ce texte qui émane d’une professionnelle chevronnée et reconnue dans le domaine de la climatologie, résume parfaitement et de manière aisément accessible, notamment pour un personnel politique non spécialiste de ces questions, l’essentiel des anomalies ou/et des incertitudes qui affectent actuellement “l’épineuse question” du “changement climatique” (que Judith Curry qualifie volontiers de “wicked problem”, un problème pernicieux).

De fait, la déposition de Judith Curry me semble emblématique des informations qui pourraient être utilement communiquées à nos propres responsables politiques et notamment à ceux qui se sont engagés dans le processus d’organisation de la COP21 qui se tiendra à Paris en cette fin d’année.

Vous retrouverez ici, clairement résumés par la plume de Judith Curry, un certain nombre des constats factuels sur l’évolution des températures, sur celle des glaces polaires, sur les divergences entre les modèles et les observations, sur l’exagération de la sensibilité climatique au CO2, sur le prise en compte croissante de la variatibilité naturelle, longtemps négligée, et plus généralement sur l’état de la science climatique que j’ai fréquemment évoqués au cours de mes précédents billets.

Les caractères engraissés dans la traduction du texte de Judith Curry (cadre bleu-vert) sont le fait de PU. Ils sont destinés à attirer l’attention sur des points clefs. Hormis les sous-titres en caractères gras, le texte original en est dépourvu.

Voici une traduction de l’entête de la déposition de Judith Curry.

DECLARATION PRESENTEE DEVANT LE COMITE POUR LA SCIENCE, L’ESPACE ET LA TECHNOLOGIE DE LA CHAMBRE DES REPRESENTANTS DES ETATS-UNIS D’AMERIQUE

Audit sur
“L’engagement du Président des Etats-Unis auprès de l’ONU sur le Climat “

15 Avril 2015

Judith A. Curry
Institut de Technologie de Géorgie

Judith Curry a fait précéder le texte de sa déclaration par le bref résumé que voici :

“Les points principaux :

La recherche et les données récentes vont dans le sens de l’importance de la variabilité naturelle du climat. Ils remettent en question la conclusion que les humains sont la cause principale du changement climatique récent.

• La suspension du réchauffement climatique depuis 1998.
• Les estimations à la baisse de la sensibilité du climat au dioxyde de carbone.
• Les modèles climatiques prédisent beaucoup plus de réchauffement que celui qui a été observé au début de ce XXIe siècle.

Nous (NdT : La communauté des climatologues, le GIEC etc.) avons fait plusieurs choix qui posent problème quant à la définition de la situation du changement climatique et aux remèdes à y apporter.

• La définition d’un changement climatique “dangereux” est ambiguë et suppose l’existence de points de basculement catastrophiques qui sont considérés comme très peu, ou extrêmement peu, probables au cours du XXIe siècle.

Les efforts poursuivis dans le but d’établir un lien entre les catastrophes résultant des extrêmes climatiques avec le réchauffement climatique causé par l’homme, sont trompeurs et ne sont pas supportés par les observations.

• Le changement climatique est un problème épineux qui est mal adapté à une solution de “commandement et de contrôle”.

Il a été estimé que l’engagement des USA (INDC, Intended Nationally Determined Contribution) d’une réduction de 28% des émissions, réduirait de 0,03°C le réchauffement en 2100 (NdT : soit une baisse de quelques millièmes de degré pour des mesures équivalentes prises par la France).

Le caractère inadapté des politiques engagées qui reposent sur le Principe de Précaution laissent totalement sans solution les conséquences réelles du changement climatique et des événements météorologiques extrêmes (que ceux-ci résultent de la variabilité naturelle ou soient causés par l’humanité) :

• Nous devrions élargir le cadre de pensée pour la politique climatique et nous devrions fournir aux décideurs au choix plus vaste d’options lorsqu’il s’agit de gérer les risques liés au changement climatique.

• Des solutions pragmatique reposant sur des efforts pour accélérer l’innovation en matière d’énergie, pour accroître notre résilience aux événements météorologiques extrêmes et pour poursuivre des mesures effectives de réduction de la pollution, ont des justifications indépendantes de leurs bénéfices en terme d’atténuation du changement climatique et d’adaptation.”

Voici de larges extraits de la déposition de Judith Curry.
Je n’ai pas inclus les nombreuses références/citations qui documentent le texte initial et qu’on pourra retrouver dans l’original..


“Je remercie le Président et le Comité pour me donner l’opportunité d’apporter mon témoignage, aujourd’hui, au sujet de “L’engagement du Président auprès de l’ONU sur le climat”. Je suis Professeur et ancienne Présidente de l’Ecole des Sciences de l’Atmosphère et de la Terre du Georgia Institute of Technology. En tant que climatologue, j’ai consacré 30 années à la poursuite de recherches sur une quantité de sujets qui incluent les processus de rétroaction de l’Arctique, sur le rôle des nuages et des aérosols sur le système climatique et sur l’impact du changement climatique sur les caractéristiques des cyclones tropicaux. En tant que Présidente du Réseau des Prévisions Climatiques LLCC, j’ai eu l’occasion de travailler avec les décideurs sur les questions d’attribution des impacts climatiques, de développer des stratégies d’adaptation au climat et de mettre en oeuvre des stratégies de prévision climatique sub-saisonnière dans le but de définir une politique et une tactique d’adaptation.

Je suis de plus en plus inquiète de constater que, tout à la fois, la question du changement climatique et ses solutions ont été envisagées de manière exagérément simplistes.
Ma recherche sur la compréhension de la dynamique de l’incertitude à l’interface de la politique du changement climatique m’a conduit à me questionner sur le fait de savoir si ces dynamiques fonctionnent de manière saine aussi bien pour la science que pour le processus politique.

Il en résulte que je suis préoccupée parce que que l’engagement des USA (INDC : Intended Nationally Determined Contribution, la contribution envisagée à l’échelle nationale) auprès de la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique (UNFCC) ne fera pratiquement rien pour changer le climat et que les USA et les autres nations resteront vulnérables face aux surprises climatiques et aux événements météorologiques extrêmes.

Mon témoignage se concentre sur les points suivants qui sont essentiels pour l’engagement des USA (INDC).

• L’affaiblissement des éléments de preuves supportant la notion d’un changement climatique dangereux et d’origine anthropique.
• Le challenge de la réponse au changement climatique.
• L’élargissement des options pour répondre au changement climatique.

Un affaiblissement des preuves supportant la notion d’un changement climatique dangereux et d’origine anthropique.

Les scientifiques sont d’accord sur le fait que les températures de surface ont augmenté depuis 1880, que les humains ont ajoutés du dioxyde de carbone dans l’atmosphère et que le dioxyde de carbone et les autres gaz à effet de serre ont un effet réchauffant sur la planète. Cependant, il existe un désaccord considérable sur les questions qui ont le plus d’importance du point de vue des conséquences :

• Sur la question de savoir si le réchauffement constaté depuis 1950 a été dominé par des causes anthropiques.
• De combien la planète va-t-elle se réchauffer au cours du XXIe siècle ?
• Sur la question de savoir si le réchauffement est “dangereux”.


Le point crucial dans le débat au sujet du changement climatique est de savoir dans quelle mesure le récent (et futur) réchauffement résulte des émissions anthropiques de gaz à effet de serre par rapport à la variabilité naturelle du climat
– c’est à dire les variations causées par le soleil, les éruptions volcaniques et la circulation océanique à grande échelle. Ma contribution devant le Comité pour l’Environnement et les Travaux Publics du Sénat en 2014, faisait remarquer que le support à la thèse du changement climatique anthropique dangereux était en retrait dans le document du GIEC de 2013 (GIEC AR5 WGI) par rapport au document du GIEC (AR4) publié en 2007.

Je présente ici un résumé des observations et des travaux récents qui vont dans le sens de la variabilité naturelle et qui remettent en question les conclusions du GIEC
que les humains sont la cause principale du changement climatique récent. L’implication, en matière de politique, de ces considérations sont que si les humains ne sont pas la cause dominante du changement climatique, les tentatives pour modifier le climat en réduisant les émissions de gaz à effet de serre n’auront que peu d’impact sur le changement climatique futur.

Le hiatus du réchauffement climatique :

Le rapport AR5 du GIEC note un ralentissement du réchauffement de la surface depuis 1998 :

Le taux de réchauffement durant les 15 dernières années (1998-2012) est de 0.05 [de –0.05 à +0.15] °C par décennie, ce qui est inférieur au taux calculé depuis 1951 qui est 0.12 [de 0.08 à 0.14] °C par décennie.
[…]
Les médias ont promu l’idée que 2014 était ‘l’année la plus chaude” des données historiques, mais, étant données les incertitudes, 2014 était statistiquement indiscernable de 2010 et 2005. Les données du HadCRU qui sont peut-être les plus réalistes du point de vue des incertitudes, ont montré que 2014 se classait parmi les dix années les plus chaudes qui ont toutes eu lieu depuis 1998. Bien que la dernière décennie ait été la plus chaude de l’histoire, les données pour l’année la plus chaude ne font que prolonger le plateau du réchauffement.

Ainsi, constations nous que nous n’avons pas observé de hausse de température depuis 1998 alors que cette période a connu une augmentation égale à 25% du total des émissions de CO2 anthropiques.

Ce hiatus contredit les conclusions du rapport AR4 (2007) du GIEC qui avait prévu un réchauffement avec un taux de 0.2°C par décennie au début du XXIe siècle. Un grand nombre d’articles scientifiques ont mis en lumière l’importance de la variabilité naturelle associée avec la circulation dans les océans Pacifique et Atlantique dont on pense, à présent, qu’ils sont la cause principale du hiatus. Si le hiatus récent du réchauffement résulte de la variabilité naturelle, alors ceci pose la question de savoir dans quelle mesure le réchauffement qui s’est produit entre 1975 et 1998 peut être, lui aussi, expliqué par la variabilité naturelle du climat.

Le rapport AR5 du GIEC reconnaît le rôle important joué par la variabilité naturelle dans le comportement des variations des banquises polaires et dans les variations à l’échelle multidécennale. Néanmoins, le rapport AR5 du GIEC a conclu que : ”

Il est très probable que la banquise arctique continuera à diminuer et s’amincira tout au long de l’année au cours du XXIe siècle. Il est aussi probable que l’océan arctique deviendra presque libre de glace en Septembre avant le milieu du siècle (confiance moyenne)

Voici les observations satellites de la variabilité des banquises (Ndt : Arctique à gauche, Antarctique à droite) jusqu’à la fin 2014.

seaice2015


En 2013 et 2014, la banquise arctique a récupéré depuis les minimas estivaux observés dans la période 2007-2012.

Il est remarquables que le volume de la glace arctique (une métrique qui combine l’extension horizontale et l’épaisseur de glace) montre une augmentation continue depuis 2012.
Durant l’année 2014, la glace antarctique a établi un record maximum hivernal. Un article récent de Swart et al. insiste sur le fait que la variabilité naturelle interne du climat peut masquer ou augmenter les pertes de glaces d’origine anthropique sur des échelles temporelles qui se prolongent sur des décennies voire sur un siècle. Un nouvel article de Zhang clarifie la question des fluctuations naturelles qui influent sur les pertes de la banquise arctique – la chaleur transportée par l’Atlantique et le Pacifique et la structure des vents au dessus de l’Arctique poussent la glace de mer en dehors de la partie centrale de l’Arctique où elle fond dans l’Atlantique Nord. En particulier,
le refroidissement récent des hautes latitudes de l’Atlantique Nord est associé avec la récupération actuelle de la mer glacée dans le secteur Atlantique.

Il est évident qu’il se passe beaucoup de choses au sujet de la variabilité des banquises arctique et antarctique et ceci ne peut être expliqué directement, ou même indirectement, par le réchauffement dû aux gaz anthropiques à effet de serre. Les modèles climatiques ne simulent pas correctement le transport de chaleur dans les océans, non plus que ses variations. Les scientifiques ne sont pas d’accord sur les raisons de l’augmentation de l’extension de la banquise antarctique et la question clef qui consiste à savoir si le réchauffement anthropique en est la cause principale, demeure sans réponse.

Sensibilité

Le réchauffement causé par l’homme dépend non seulement de l’augmentation des gaz à effet de serre mais aussi de la “sensibilité” du climat à cette augmentation. La sensibilité climatique est définie par l’augmentation de la température de surface qui résulte d’un doublement de la concentration de l’atmosphère en dioxyde de carbone. Si la sensibilité climatique est élevée nous pouvons nous attendre à un réchauffement substantiel au cours du siècle à venir si les émissions continuent à augmenter. Si la sensibilité climatique est faible, le réchauffement à venir sera substantiellement plus faible.
La définition la plus adaptée de la sensibilité climatique est le changement de température de surface en 70 ans si la concentration en dioxyde de carbone est doublée. Ceci est connu sous le nom de ” réponse transitoire du climat.
Le rapport AR4 du GIEC (2007) a conclu que la réponse transitoire du climat est très probablement supérieure à 1°C et très improbablement supérieure à 3°C. Le rapport AR5 du GIEC (2013) a conclu que la réponse transitoire du climat se situe probablement [ probabilités 17 à 83%] dans le domaine de 1°C à 2,5°C.

L’année dernière, Nicholas Lewis et moi avons publié un article qui montrait que la réponse transitoire du climat se trouvait probablement dans le domaine de 1.05°C à 1,8°C. A partir d’une approche observationnelle du bilan énergétique, nos calculs utilisaient les mêmes données sur les variations de l’équilibre énergétique de la planète soumise aux changements dus aux gaz à effet de serre, aux aérosols et aux autres pilotes du changement climatique utilisées dans le rapport AR5 du GIEC. Notre domaine pour la réponse transitoire du climat est plus resserré avec des limites hautes beaucoup plus basses que celles qui ont été rapportés par le rapport AR5 du GIEC.
Des résultats de recherche récents suggèrent des valeurs encore plus faibles pour la réponse transitoire du climat. La plus grande incertitude dans ces estimations provient des effets des petites particules d’aérosols contenues dans l’atmosphère, lesquelles induisent un refroidissement du climat (qui compense en partie le réchauffement dû aux gaz à effet de serre). Un article récent de Stevens trouve une limite inférieure pour l’impact des aérosols sur le climat qui est sensiblement plus faible que celui qui est postulé dans le rapport AR5 du GIEC. Nicholas Lewis a repris les calculs en utilisant les estimations de l’impact des aérosols en accord avec cet article (NdT : cad de Stevens). Le domaine probable d’évolution de la réponse transitoire du climat est alors de 1.05 à 1.45°C. Ceci contredit les estimations de la plupart des modèles climatiques dont la réponse transitoire est supérieure à 1,8°C. Les recherches se poursuivent pour valider les méthodes utilisées pour estimer la sensibilité climatique. Cependant, l’estimation à la baisse de l’effet du refroidissement dû aux aérosols conduit inévitablement à des réductions de la limite haute de la sensibilité climatique.

Les modèles du climat indiquent-ils trop de réchauffement ?

Ces récentes estimations de la sensibilité climatique combinées avec le ralentissement ou le “hiatus” du réchauffement depuis 1998, viennent s’ajouter aux éléments de preuve croissants que les modèles du climat ont tendance à “surchauffer” la planète.
Les projections à moyen terme des modèles climatiques sont indiquées ci-dessous, en comparaison avec les observations de la température du globe jusqu’à la fin 2014. RCP2015

Les températures globales observées, en particulier depuis 2011, sont plus basses ou juste à la limite inférieure de l’enveloppe (probabilité de 5 à 95%) des modélisations climatiques CMIP5. De manière générale, la tendance des simulations numériques est considérablement plus forte que la tendance observée depuis plus de 15 ans.

Remarquez que la zone hachurée semble être une concession au “hiatus”. Le GIEC cite “le jugement des experts” comme justification pour abaisser les projections (indiquées par la zone hachurée en rouge) pour prendre en compte l’hypertrophie apparente de la sensibilité par les modèles.


Au vu des projections des modèles climatiques, la probabilité que le hiatus se prolonge au delà de 20 ans est infiniment petite.
Le hiatus du réchauffement combiné avec les résultats de recherche qui montrent que les sensibilités des modèles climatiques sont trop élevées, pose de sérieuses questions quant à la pertinence des projections climatiques pour le XXIe siècle pour servir de base à la prise de décisions politiques. Ainsi :

• Les modèles climatiques sont-ils trop sensibles au forçage des gaz à effet de serre ?
• La prise en compte de la variabilité naturelle par les modèles est-elle inadéquate ?
• Le projections des modèles climatiques pour le XXIe siècle sont-elles exagérées dans le sens du réchauffement ?

Quid du climat du 21e siècle ?

La question la plus préoccupante est de savoir comment le climat va évoluer durant le 21e siècle.
Il y a deux point de vue distincts en réponse à cette question. RCP22015

Le premier point de vue est celui exprimé par le GIEC lequel projette un réchauffement continu tout au long du 21e siècle dont il s’attend à ce qu’il dépasse le seuil “dangereux” d’un réchauffement de 2°C dès 2040. La figure ci-contre qui provient du Résumé pour les Décideurs (SPM) du rapport AR5 du GIEC montre les projections climatiques pour le 21e siècle selon les modèles RCP8.5 qui prennent en compte une progression des émissions de gaz à effet de serre dans l’hypothèse où le comportement actuel reste inchangé.


L’autre point de vue insiste sur la variabilité naturelle.

• Notre compréhension des régimes de circulation des océans Atlantique et Pacifique (hypothèse de l’onde de stade) suggère que le “hiatus” se poursuivra pendant, au moins, encore une décennie et peut-être jusque dans les années 2030. La banquise arctique regagnera en extension au cours des deux prochaines décennies.

• Les modèles climatiques sont trop sensibles au forçage anthropique. Le réchauffement du 21e siècle se trouvera dans l’extrémité basse des projections du GIEC (ou même, peut-être, en dessous).

• Les variations du soleil et les éruptions volcaniques représentent un joker. Des scientifiques russes avancent l’idée qu’il y a eu un Grand Maximum Solaire qui est survenu en 2000 et que nous pouvons nous attendre à un Grand Minimum Solaire (qui contribuerait au refroidissement) vers 2060.

• Et enfin, nous ne pouvons écarter la possibilité de surprises imprévues. Le hiatus du réchauffement survenu au début du 21e siècle a été une surprise imprévue.

L’avenir nous dira lequel de ces deux points de vue est correct.

Résumé :

Le changement climatique anthropique est une théorie dont le mécanisme de base est bien compris mais dont l’amplitude est hautement incertaine. Nous savons que le climat évolue naturellement sur des échelles de temps allant de décennies aux siècles mais nous n’avons pas d’explication pour un grand nombre de variations répertoriées au cours de l’histoire ou vues dans les données paléo-climatiques. Ces dernières incluent le réchauffement de 1910 à 1940, le refroidissement de la moitié du 20e siècle et les hiatus observé au début du 21e siècle. Les désaccords au sujet du changement climatique résultent de l’incertitude reconnue au sujet de la variabilité naturelle du climat.

Les projections des modélisations du climat pour le 21e siècle voient leur crédibilité s’amenuiser à cause de :

• L’échec des modélisations dans la prédiction du hiatus du réchauffement de la surface au début du XXe siècle.
• L’incapacité de simuler l’organisation et le timing des oscillations océaniques multidécennales.
• L’absence de la prise en compte des variations solaires futures et des effets indirects du soleil sur le climat.
• L’apparente exagération de la sensibilité vis à vis de l’augmentation des gaz à effet de serre.

Ainsi, comment le climat du 21e siècle va-t-il évoluer ?

Outre le manque de confiance dans les projections des modèles climatiques qui se focalisent principalement sur l’impact de l’augmentation des gaz à effet de serre, notre connaissance est insuffisante pour être capable de projeter les effets des variations du soleil, les conséquences des éruptions volcaniques futures et des variations décennales et centennales de la circulation des profondeurs océaniques. Nous ne pouvons pas éliminer la possibilité d’une continuation du hiatus ou même d’un refroidissement à venir durant une partie du 21e siècle.
Nous ne pouvons pas prévoir, avec la moindre certitude, comment les variations solaires, les éruptions volcaniques, les circulations océaniques et l’influence humaine vont interagir pour déterminer l’évolution du climat durant le 21e siècle et les scientifiques ne sont pas d’accord sur lequel de ces facteurs dominera les autres.

[…]

Le changement climatique est-il dangereux ?

La question cruciale pour ce qui est du changement climatiques est celle-ci : Le réchauffement climatique est-il dangereux ?
La convention internationale de l’ONU, l’UNFCC (1992) affirme que son objectif est de parvenir à ” la stabilisation de la concentration des gaz à effet de serre à un niveau qui éviterait une ,interférence anthropique dangereuse avec le système climatique”.

Les troisième et quatrième rapports du GIEC font état de “raisons d’inquiétude”. Ce n’est qu’en 2010 qu’une clarification au sujet du mot “dangereux” a été apportée par les négociateurs internationaux de l’ONU. En 2010 les gouvernements sont tombés d’accord sur le fait que les émissions doivent être réduites de manière à ce que l’augmentation de la température du globe soit limitée à 2°C. La cible des 2°C est demeurée le point central des accords internationaux et des négociations bien que cette définition reste controversée et soit actuellement remise en question.

La justification originale de la cible des 2°C repose sur l’idée que des “points de basculement”, – c’est à dire des transitions abruptes et non linéaires vers une état différent – pourraient se produire si ce seuil était franchi avec des conséquences qui seraient grandement non maîtrisables et hors de notre contrôle.
Le rapport AR5 du GIEC a envisagé la possibilité d’un certain nombre de points de basculement incluant la disparition de calottes glaciaires, l’effondrement de l’AMOC ( NdT : dont fait partie le Gulf Stream) et le relâchage du carbone par le pergélisol.
Chacun de ces scénarios catastrophiques a été analysé par le GIEC (table 12.4) et ils se sont vus attribuer des qualificatifs de “très improbable” et “exceptionnellement improbable” ou bénéficient d’une faible confiance. Le seul point de basculement que les GIEC considère comme probable pour le 21e siècle est la disparition de la glace arctique en été (qui se reforme en hiver quoiqu’il arrive). […]

En dépit de cela, le seuil de 2°C est utilisé dans un but politique pour motiver sur l’urgence à agir pour limiter les émissions de CO2.
Lors d’un récent sommet climatique de l’ONU, le secrétaire général
Ban-Ki-Moon a averti que ” En l’absence de réductions significatives des émissions de tous les pays et dans des secteurs clefs, la fenêtre d’opportunité pour rester dans la limite des 2°C ( de réchauffement) sera fermée pour toujours.” En réalité, cette fenêtre d’opportunité pourrait rester ouverte beaucoup plus longtemps encore. Les valeurs plus faibles de la sensibilité climatique trouvées par Lewis et Curry et par d’autres études récentes impliquent que l’on s’attend à ce que le réchauffement climatique anthropique ne dépassera pas la limite “dangereuse” des 2°C au cours du 21e siècle. Un taux d’augmentation plus faible du réchauffement signifie qu’il est moins urgent d’éliminer les émissions de gaz à effet de serre et que l’on dispose de plus de temps pour trouver des solutions acceptables du point de vue économique pour décarboner l’économie. Cela procure aussi plus de flexibilité pour réviser nos politiques au fur et à mesure que de nouvelles informations deviendront disponibles. […]

Une cascade d’informations biaisées

Le changement climatique peut exacerber les problèmes environnementaux qui résultent de la surpopulation, de l’utilisation mal programmée des sols et de la sur-exploitation des ressources naturelles. Cependant il est très difficile de séparer les impacts des variations climatiques anthropiques de ceux qui résultent des variations naturelles du climat et des autres impacts sociétaux.

Il n’en reste pas moins que le changement climatique est devenu l’objet d’un grand plaidoyer selon lequel les variations anthropiques du climat sont devenues la cause dominante des problèmes sociétaux. Tout ce qui tourne mal et y compris jusqu’à des problèmes qui existaient auparavant, renforce la conviction qu’il n’y a qu’une seule chose que nous puissions faire pour résoudre le problème du changement climatique, c’est d’arrêter de brûler des combustibles fossiles. Ce grand plaidoyer est trompeur parce qu’il nous persuade que si nous résolvions la question du changement climatique la situation des autres problèmes serait alors résolue.

Les politiciens, les activistes et les journalistes ont mis en place un système de cascade d’informations biaisées et alarmantes quant au changement climatique anthropique
dans le but de renforcer un agenda politique dont l’objectif est de réduire les émissions des carburants fossiles.

Une cascade d’informations est un processus qui s’amplifie de lui-même pour participer à la mise en place d’une croyance qui déclenche une réaction en chaîne auto-entretenue à l’image de la constitution d’une foule ou de la formation d’une boule de neige qui dévale une pente : Plus un danger retient l’attention, plus le public s’en inquiète, ce qui conduit à une amplification de la couverture médiatique et, donc, de l’alarme.
Du fait que la lente augmentation des températures ne semble pas alarmante, ceux qui mettent en place ces processus mettent en avant l’idée que les événements météorologiques extrêmes et les impacts sur le santé résultent du changement climatique anthropique et que l’avenir est encore plus sombre si nous n’agissons pas rapidement pour refroidir la planète en réduisant les émissions des carburants fossile.

Une déconstruction de la cascade d’informations est impérative si nous voulons éviter de voir notre raisonnement biaisé et si nous voulons améliorer notre compréhension des véritables risques encourus du fait du changement climatique :

• L’origine de cette cascade se trouve dans
le traité de l’UNFCC (NdT : La Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique) de 1992 qui était destiné à éviter le changement climatique anthropique dangereux au moyen de la stabilisation des émissions de CO2. Il est remarquable que ce n’est qu’en 1995 que le second rapport du GIEC a identifié une influence humaine “discernable” sur le climat du globe. Il est donc évident que le “char” de la politique” a précédé le “cheval” de la science.

• Par la suite l’UNFCC a modifié la définition du changement climatique pour se référer à un changement climatique qui est attribué directement ou indirectement à l’activité humaine. Ceci a conduit à la perception que tous les changements climatiques sont dus à l’homme.

• La hausse du niveau des océans et les événements météorologiques extrêmes tels que les ouragans, les sécheresses et les vagues de chaleur résultent du changement climatique dont on suppose, de facto, qu’il est causé par les hommes.

• Les impacts sur la santé humaine, les risques pour la sécurité nationale etc. qui sont exacerbés par les événements météorologiques extrêmes sont alors fallacieusement attribués à des causes liées au changement climatique anthropique.

Le point clef de cette cascade est le lien suggéré entre le changement climatique anthropique et les événements météorologiques extrêmes.

En 2012, le GIEC a publié un Rapport Spécial sur la Gestion des Événements Extrêmes et des Désastres pour la Promotion de l’Adaptation au Changement Climatique (Rapport SREX). Ce rapport a accordé une confiance basse à moyenne pour une tendance des sécheresses dans plusieurs régions du monde et une confiance élevée pour les vagues de chaleur en Australie. Il n’y a aucune tendance pour ce qui est des ouragans et des feux de forêts. L’attribution de quelque tendance que ce soit pour les événements météorologiques extrêmes ne peut être effectuée avec quelque degré de confiance que ce soit.
Pour ce qui concerne la perception (et les statistiques sur les dommages) selon laquelle les événements météorologiques extrêmes deviendraient plus fréquents, il y a plusieurs facteurs à prendre en compte.
Le premier est la vulnérabilité croissante et l’exposition associées avec une concentration croissante de la richesse dans les zones côtières et dans d’autres régions naturellement exposées aux désastres.
Le second facteur résulte de la variabilité naturelle. Nombre d’événements météorologiques extrêmes ont été attribués à la variabilité naturelle du climat. Aux Etats-Unis, les événements météorologiques extrêmes (e.g. les sécheresses, les vagues de chaleur et les ouragans) ont été notablement pires durant les années 1930 et 1950.

La cascade des informations sur le changement climatique décrit comme une apocalypse, obère notre capacité à raisonner rationnellement sur la manière dont nous devrions répondre au changement climatique et agit en rétrécissant les points de vue et les options politiques sur lesquels nous pourrions converger pour ce qui concerne la santé publique, les désastres météorologiques et la sécurité nationale.

Devrons nous être surpris si la réduction des émissions de CO2 n’améliore aucun de ces problèmes ? ”
[…]

Dans la suite de son exposé que vous pourrez retrouver dans le texte original, Judith Curry évoque, avec quelques détails, l’utilisation du Principe de Précaution dans les cas où demeurent un grand nombre d’inconnues aussi bien sur la définition du problème que sur l’évaluation des risques (“le réchauffement climatiques est un problème pervers”) que dans l’évaluation des conséquences des mesures adoptées. Plus spécifiquement pour ce qui concerne les engagements du Président Obama auprès de l’ONU (l’INDC), Judith Curry précise que :

Le Principe de Précaution – plus de regrets que de sécurité ?

L’
UNFCC a formulé le problème du changement climatique et sa solution dans des contextes irréductibles du globe et du Principe de Précaution avec une solution qui reste focalisée dans la réduction globale des émissions de gaz à effet de serre.

Chaque pays est, à titre individuel, chargé de soumettre son INDC (ses intentions) à l’UNFCC. Les Etats-Unis (NdT : cad l’administration du Président Obama sans consultation préalable du congrès US) poursuivent le but de réduire leurs émissions de 28% en dessous de celles de 2005 et ceci avant 2025. En dehors de toute considération sur la faisabilité et sur les coûts résultants, il a été estimé par le modèle MAGICC de l’EPA ( l’Agence US pour la Protection de l’Environnement directement placée sous la responsabilité de la Maison Blanche) que cet engagement réduirait le réchauffement de 0,03°C en 2100. Lorsque l’on combine cet engagement avec celui des autres nations, seule une petite fraction du réchauffement futur projeté sera limitée par ces engagements. Si les modèles climatiques surestiment vraiment le réchauffement, la quantité du réchauffement qui serait éliminée serait encore plus petite.

Même si les émissions tombaient immédiatement à zéro et s’il faut en croire les projections des modèles climatiques, l’impact sur le climat ne serait pas décelable avant la seconde moitié du 21e siècle. On ne sait pas exactement ce que les INDC (les engagements) espèrent réaliser.

Les politiques de l’UNFCC et le Principe de Précaution nous ont placés entre le marteau et l’enclume. C’est une situation dans laquelle les politiques qui sont proposées, avec leurs coûts extensifs et leur faisabilité problématique, sont inadéquates pour réaliser une brèche significative et un ralentissement du réchauffement attendu. Et les conséquences sociétales réelles du changement climatique ainsi que les événements météorologiques extrêmes (qu’ils résultent de l’action humaine ou de la variabilité naturelle) restent largement irrésolus.” […]

Après avoir évoqué les difficultés et les dangers auxquels s’expose la société en voulant, à tout prix, prendre des mesures définitives pour résoudre un problème entaché d’aussi grandes incertitudes (“Stratégies de prise de décision en présence de profondes incertitudes“), Judith Curry suggère, comme alternative au Principe de Précaution, d’adopter une politique de “Pragmatisme Climatique” qui consiste essentiellement à favoriser l’innovation, la résilience (aux événements météorologiques extrêmes) et la poursuite des efforts pour réduire la pollution.
Voici sa conclusion finale qui, comme il se doit, s’adresse directement aux représentants US :

“Conclusion

Il y a des raisons de se soucier du changement climatique. Cependant, répondre efficacement aux menaces potentielles résultant d’un réchauffement climatique est rendu très difficile du fait des graves incertitudes qui pèsent sur les risques qui résultent à la fois du problème lui-même et des solutions envisagées.
L’incertitude est une épée à deux tranchants. Les conséquences du climat futur pourraient être meilleures ou plus mauvaises que ce qu’on envisage actuellement.
Cependant, les résultats de recherche récents ont affûté la lame de l’épée dans le sens d’impacts moindres du fait du changement climatique d’origine anthropique et d’une plus grande infaisabilité politique et économique des réductions significatives des émissions de CO2.

C’est pour cette raison que je m’inquiète que l’engagement (INDC) proposé par les USA pour traiter les problèmes envisagés liés au changement climatique ne fera pratiquement rien pour modifier le climat et que les USA, comme les autres nations, demeureront vulnérables aux surprises climatiques et aux événements météorologiques extrêmes.

La structuration de la question du changement climatique par le GIEC de l’UNPCCC et le choix effectué, dès le départ, d’une politique déterminée, ont marginalisé les recherches sur les questions plus générales qui concernent la variabilité naturelle, et obéré l’adoption d’une palette plus étendue d’options politiques.
Le caractère épineux de la question du changement climatique ouvre de grandes opportunités de désaccord parmi les gens raisonnables et intelligents. On peut défendre l’idée que le principal problème de la politique climatique a été de réduire les discours et les options politiques à un éventail de possibilités excessivement réduit.
C’est en ouvrant le cadre de raisonnement sur la politique et sur ses relations avec les autres problèmes sociétaux que l’on pourra développer un éventail d’options politiques plus aisées à mettre en oeuvre, ce qui pourrait procurer aux décideurs politiques un choix plus vaste d’options pour le traitement des risques liés au changement climatique.”

Le CV complet (et impressionnant) de Judith Curry est disponible sur le site du Tech. Institute de Géorgie. Voici comment elle est brièvement présentée au Représentants US :

“Le Docteur Judith Curry est Professeur et ex-Directrice de l’Ecole des Sciences de l’Atmosphère et de la Terre de l’Institut de Technologie de Géorgie. Elle est Présidente du Réseau des Applications des Prévisions Météorologiques (CFAN). Le Dr Curry a reçu son diplôme de doctorat es Sciences de l’Atmosphère à l’Université de Chicago en 1982. Avant de rejoindre la faculté Tech. de Géorgie elle a occupé des postes académiques à l’Université du Colorado, à l’Université de Pensylvanie et à celle de Purdue. La recherche du Dr. Curry porte sur toute une série de sujets en relation avec le climat. Ses recherches actuelles portent sur les interactions atmosphère/océans, sur les processus de rétroaction associés aux nuages et aux mers glacées ainsi que sur la dynamique climatique des ouragans. Elle est une personnalité publique reconnue pour les questions qui traitent de l’intégrité dans le domaine de la climatologie et elle est propriétaire du weblog Climate Etc. judithcurry.com. Le Dr Curry a récemment participé au NASA Advisory Council Earth Science Subcommittee, au DOE Biological and Environmental Research Advisory Committee, au National Academies Climate Research Committee and the Space Studies Board et au NOAA Climate Working Group. Le Dr Curry est membre élu de l’American Meteorological Society, de l’American Association for the Advancement of Science, et de l’American Geophysical Union.”

Depuis plusieurs années, et après avoir été pendant un temps et autrefois, considérée comme la “Grande Prêtresse du Réchauffement Climatique” (Sic), Judith Curry a très sérieusement révisé ses positions, essentiellement au vu des observations objectives qui se sont accumulées au cours des années passées.
Elle fait désormais partie, aux côtés d’autres climatologues chevronnés comme Richard Lindzen, John Christy, Roy Spencer, Lennard Bengtsson et bien d’autres fréquemment cités dans ces colonnes et, entre autres, dans une page dédiée de ce site, des scientifiques qui tirent la sonnette d’alarme et s’inquiètent sérieusement des graves conséquences que pourraient avoir des politiques aussi inadaptées qu’inutiles, engagées sur des bases scientifiques qu’ils estiment manifestement hasardeuses.

Dans ces conditions, ne serait-il pas souhaitable que le témoignage et la mise en garde du Professeur Judith Curry, énoncés le mois dernier devant les parlementaires US, bénéficient également de l’écoute de nos propres parlementaires et de nos décideurs ?

Ne serait-ce que parce que, selon le vieil adage, “qui n’entend qu’une cloche n’entend qu’un son”…

Jugez-en vous-mêmes…

Stay tuned !

15 Avril 2015

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