Partons de la question du premier référendum, celui du 8 janvier 1961, qu’il faut concevoir dans le contexte 1958 du ” je vous ai compris” gaullien marquant la victoire militaire de l’armée contre les djihadistes en costume-cravate ; une formule ambiguë énoncée devant une foule en liesse, autochtones et pieds noirs au dire même d’un Jacques Soustelle enthousiaste, et dont voici l’intitulé :
« Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et concernant l’autodétermination des populations algériennes et l’organisation des pouvoirs publics en Algérie avant l’autodétermination ? »
Relisez bien : il est ainsi d’abord question “des” populations algériennes, et non de “la” population algérienne ; ce qui impliquait, au moins, un “vivre ensemble ; ensuite il s’agissait d’organiser le pouvoir “public” et ce “avant” l’autodétermination, ce qui signifiait de penser la répartition et la hiérarchisation des responsabilités…
Passons aux accords d’Évian du 19 mars 1962 : (les commentaires seront faits en italique et les points cruciaux mis en caractères gras).
” (…) ARTICLE 2
– Les deux parties s’engagent à interdire tout recours aux actes de violence collective et individuelle.
– Toute action clandestine et contraire à l’ordre public devra prendre fin. (Il n’en fut rien comme on le sait, mais sans qu’une rupture des accords ne soit envisagée…).
ARTICLE 3
– Les forces combattantes du FLN, existant au jour du cessez-le-feu se stabiliseront à l’intérieur des régions correspondant à leur implantation actuelle.
– Les déplacements individuels des membres de ces forces en dehors de leur région de stationnement se feront sans armes. (Et, idem, il n’en fut rien bien entendu…)
(…)
ARTICLE 6
En vue de régler les problèmes relatifs à l’application du cessez-le-feu, il est créé une Commission mixte de cessez-le-feu.
ARTICLE 7
La Commission proposera les mesures à prendre aux instances des deux parties; notamment en ce qui concerne:
– la solution des incidents relevés, après avoir procédé à une enquête sur pièces;
– la résolution des difficultés qui n’auraient pu être réglées sur le plan local.
(No comment).
(…) II. A) DÉCLARATION GÉNÉRALE
” Le peuple français a, par le référendum du 8 janvier 1961, reconnu aux Algériens le droit de choisir, par voie d’une consultation au suffrage direct et universel, leur destin politique par rapport à la République française.”
(Faux, il était question dans le texte même “des” populations algériennes, ce qui induit tous ceux nés là-bas, certains pieds-noirs se considérant “algériens” en ce sens là très strictement dit, même s’ils étaient français. Les Corses, Basques, Antillais, se disent Corse, Basque, Antillais, en même temps que Français... Preuve supplémentaire ? La composition du corps électoral du second référendum de référendum du 1 juillet 1962: ” Il comprend les citoyens résidant en Algérie (art. 1), les citoyens inscrits sur une liste électorale en Algérie résidant hors du territoire (art. 2), et certains citoyens nés en Algérie et résidant en France métropolitaine ou d’outre-mer (art. 3)”
Mais continuons tout d’abord sur les Accords avant d’aborder la question posée en juillet 62:
“(…) CHAPITRE II
De l’indépendance et de la coopération
Si la solution d’indépendance et de coopération est adoptée,
Le contenu des présentes déclarations s’imposera à l’État algérien.
A) DE L’INDÉPENDANCE DE L’ALGÉRIE
I. – L’État algérien exercera sa souveraineté pleine et entière à l’intérieur et à l’extérieur.
Cette souveraineté s’exercera dans tous les domaines, notamment la défense nationale et les affaires étrangères.
L’État algérien se donnera librement ses propres institutions et choisira le régime politique et social qu’il jugera le plus conforme à ses intérêts.
Sur le plan international, il définira et appliquera en toute souveraineté la politique de son choix.
L’État algérien souscrira sans réserve à la
Déclaration universelle des droits de l’Homme
et fondera ses institutions sur les principes démocratiques et sur l’égalité des droits politiques entre tous les citoyens sans discrimination de race, d’origine ou de religion. Il appliquera, notamment, les garanties reconnues aux citoyens de statut civil français.
II – Des droits et libertés des personnes et de leurs garanties
Dispositions communes
Nul ne pourra faire l’objet de mesures de police ou de justice, de sanctions disciplinaires ou d’une discrimination quelconque en raison:
– d’opinions émises à l’occasion des événements survenus en Algérie avant le jour du scrutin d’autodétermination;
– d’actes commis à l’occasion des mêmes événements avant le jour de la proclamation du cessez-le-feu.
– Aucun Algérien ne pourra être contraint de quitter le territoire algérien ni empêché d’en sortir.
Dispositions concernant les citoyens français de statut civil de droit commun
(Les Pieds noirs)
a)
Dans le cadre de la législation algérienne sur la nationalité, la situation légale des citoyens français de statut civil de droit commun est réglée selon les principes suivants.
Pour une période de trois années à dater du jour de l’autodétermination, les citoyens français de statut civil de droit commun:
– nés en Algérie et justifiant de dix années de résidence habituelle et régulière sur le territoire algérien au jour de l’autodétermination;
– ou justifiant de dix années de résidence habituelle et régulière sur le territoire algérien au jour de l’autodétermination et dont le père ou la mère né en Algérie remplit, ou aurait pu remplir, les conditions pour exercer les droits civiques;
– ou justifiant de vingt années de résidence habituelle et régulière sur le territoire algérien au jour de l’autodétermination, bénéficieront, de plein droit, des droits civiques algériens et seront considérés, de ce fait, comme des nationaux français exerçant les droits civiques algériens.
Les nationaux français exerçant les droits civiques algériens ne peuvent exercer simultanément les droits civiques français.
Au terme du délai de trois années susvisé, ils acquièrent la nationalité algérienne par une demande d’inscription ou de confirmation de leur inscription sur les listes électorales; (…). ”
Venons-en maintenant à la question du second référendum (1er juillet 1962) avant de commenter plus avant ce qui précède :
“Voulez vous que l’Algérie devienne un État indépendant coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations du 19 mars 1962 ? »1.”
Vous avez bien lu, cela s’inscrivait au chapitre II des “Accords” et non dans l’idée que cela devait se traduire par une sorte de “frankreichrein” doublé d’un “Judenrein” (car les Juifs heureux d’être sortis du joug dhimmi que lui avait imposée l’occupation ottomane avec la présence française, formalisée par le décret Crémieux, ne voulait pas réintégrer cette situation de sous-citoyen hormis bien sûr les Juifs compagnons de route (comme Roger Hanin) mais qui ne réagissaient en tant que tels mais plutôt comme parties prenantes eux-aussi de toute cette gauche et droite, “porteuses de valises”…
Ainsi, sartriens transis, trotskistes invétérés et staliniens le doigt sur la couture puis gaullistes (aroniens compris) enfin racialistes arabo-musulmans (berbères soumis) et également français ethno-séparatistes façon Lyautey, tous ceux qui (à la différence de Jacques Soustelle) refusèrent tout partage du pouvoir (bien avant l’OAS) tous, au-delà de leurs motivations singulières, ont la responsabilité, toujours actuelle, de ce qui s’est passé depuis le bourrage des urnes du second Collège (à la portée pourtant facultative) en 1947, fourvoyant les francophones (pour une part chrétiens et laïcs, comme les Amrouche, mais il y avait aussi des arabophones urbanisés à l’esprit moderne); ce qui aggrava la provocation de Sétif de 1945 (avec le piège de la répression qui s’en suivit, idem pour Philippeville en 1955, et bien avant en 1871, voir Le monde arabe existe-t-il ?…) puis le coup d’État djihadiste de 1954 (“ils” jurèrent tous sur leur livre nous dit Gilbert Meynier dans Histoire intérieure du FLN); enfin vint le 1958 du ” je vous ai compris” volontairement ambigu de De Gaulle (alors que la guerre contre les djihadistes en col cravate avait été gagnée mais De Gaulle avait décidé de contrer l’alliance anglo-saxon-israélienne de 1956 en s’acoquinant comme à l’époque du second Empire, avec l’arabisme wahhabite débouchant ensuite sur Eurabia...).
Ce qui a conduit, du fait de l’ambiguïté de la formule gaullienne, au premier référendum “d’autodétermination” de 1961, puis des accords d’Évian du 19 mars 1962 enfin du second référendum qui s’ensuivit (1er juillet) prélude aux massacres de type génocidaire d’Oran (5 juillet) puis extermination liquidation des Harkis aboutissant à la situation actuelle dans laquelle les fossoyeurs des accords d’Évian se font les accusateurs alors qu’ils ont en plus ruiné le pays et tentent d’entraîner, actuellement, dans leur chute celle de leur mère (toujours) nourricière, la France, et non l’Égypte post-nassériste ou l’Arabie et autre Qatar wahhabites qui préfèrent financer le séparatisme religieux que “le” vivre ensemble alors qu’une solution aurait été possible : les clauses miroirs qui ne comptent pas seulement pour le Mercosur : à chaque demande de construction d’édifice cultuel et culturel doit correspondre la réciprocité de son identique dans le pays demandeur …
De plus, il apparaît clairement que les familles ayant subi des assassinats doivent continuer à se porter parties civiles contre les deux États, français et algérien pour non assistance à personne en danger (même si le Pouvoir en France refuse, par exemple en 2002) pour violation des Accords d’Évian, pour tous les assassinats s’étant effectués durant cette période couverte par ces derniers ? Pourquoi ne pas demander également réparation pour les dizaines de milliers de combattants harkis morts pour la France ?… Et, pour commencer, enseignons cela afin précisément de ne plus alimenter l’animosité à sens unique, faisons un réel travail de mémoire effectué par de réels historiens mais aussi des politistes, sociologues, réellement indépendants, intègres, tout en recueillant enfin, devant une commission parlementaire, les milliers de témoignages encore disponibles…
Mais prévenons tout de suite: l’idée que tout ceci permettrait, peut-être, de normaliser les relations avec ce pays, s’avère illusoire, surtout avec son actuelle surenchère non seulement envers la France mais Israël à la différence du Maroc. Néanmoins il ne faut pas s’empêcher de mettre les points sur les i, déjà en France, et ceux qui ne l’admettent pas peuvent toujours aller rejoindre ce pays de Cocagne au dire de certains…