Mme Ali, qui venait de Somalie avec son père, fuyant la guerre civile, avait obtenu le droit d’asile aux Pays-Bas en 1992. Femme de ménage, postière, étudiante en sciences politiques, Ayaan Hirsi Ali avait rejoint les libéraux du VVD, dont elle est devenue députée en 2002. Proche du cinéaste Van Gogh assassiné par un extrémiste islamique, elle a vivement dénoncé les abus subis par les femmes au nom de la religion musulmane. Menacée de mort, elle était protégée en permanence. Mais elle gênait.
Elle a décidé de se retirer de la vie politique après une campagne contre elle déclenchée par une émission de télévision dans laquelle elle était accusée d’avoir menti sur son itinéraire pour s’installer aux Pays-Bas. Le reportage, s’appuyant sur le témoignage – rémunéré – d’un frère, a contesté sa version des menaces de crime d’honneur dont elle aurait été victime en refusant un mariage forcé. La députée avait reconnu au fil des ans, auprès de membres de son parti et de journalistes, qu’elle avait pris quelques libertés avec son parcours pour obtenir l’asile.
Nasr Joemman, secrétaire du comité chargé des contacts entre les musulmans et l’Etat, s’est réjoui de ce départ “qui permettra de poursuivre la construction d’une société harmonieuse”. Rita Verdonk, la ministre de l’immigration, membre du parti libéral, a mis en cause la légitimité de la naturalisation de Mme Ali, dont d’autres responsables réclamaient la démission. “Cela en dit beaucoup sur l’état du pays : irritable et provincial”, a jugé Jozias van Aartzen, l’ex-président du VVD.
Jean-Pierre Stroobants
Article paru dans l’édition du Monde du 17.05.06