Longtemps déchirée par les Barbares du Nord, l’Europe se voyait menacée des plus grands maux.
Les redoutables Sarrasins fondaient sur elle et déjà ses plus belles provinces étaient attaquées, conquises ou entamées. Déjà maitres de la Syrie, de l’Egypte, de la Tingitane, de la Numidie, ils avaient ajouté à leurs conquêtes d’Asie et d’Afrique une partie considérable de la Grèce, l’Espagne, la Sardaigne, la Corse, la Pouille, la Calabre et la Sicile en partie. Ils avaient fait le siège de Rome et, dès le VIIIe siècle, c’en était fait déjà de l’Europe, c’est à dire du christianisme, des sciences et de la civilisation sans le génie de Charles-Martel et de Charlemagne, qui arrêtèrent le torrent.
Le nouvel ennemi ne ressemblait point aux autres: les nobles enfants du Nord pouvaient s’accoutumer à nous, apprendre nos langues et s’unir à nous enfin par le triple lien des lois, des mariages et de la religion. Mais le disciple de Mahomet ne nous appartient d’aucune manière: il est étranger, inassociable, immiscible à nous. Voyez les Turcs!
Spectateurs dédaigneux et hautains de notre civilisation, de nos arts, de nos sciences; ennemis mortels de notre culte, ils sont aujourd’hui ce qu’ils étaient en 1454: un camp de Tartares assis sur une terre européenne. La guerre entre nous est naturelle et la paix forcée.
Dès que le chrétien et le musulman viennent à se toucher, l’un des deux doit servir ou périr : entre ces ennemis, il n’est point de traité.
Heureusement la tiare nous a sauvé du croissant. Elle n’a cessé de lui résister, de le combattre, de lui chercher des ennemis, de les réunir, de les animer, de les soudoyer, et de les diriger. Si nous sommes libres, savants et chrétiens, c’est à elle que nous le devons.
Qu’on lise l’histoire avec des yeux purs, et on verra que les Papes ont fait tout ce qu’ils ont pu dans ces temps malheureux. On verra qu’ils se sont surpassés dans la guerre qu’ils ont fait au mahométisme.
Déjà dans le IXe siècle, lorsque l’armée formidables des Sarrasins semblait devoir détruire l’Italie et faire une bourgade mahométane de la capitale du christianisme, le Pape Léon IV, prenant dans ce danger une autorité que les généraux de l’empereur Lothaire semblaient abandonner, se montra digne en défendant Rome, d’y commander en souverain.
Mais à la fin, toute résistance eut été vaine et l’ascendant de l’islamisme l’eut infailliblement emporté si nous n’avions été de nouveau sauvés par les Papes et par les croisades, dont ils furent les auteurs, les promoteurs , et les directeurs, hélas! autant que le permirent l’ignorance et les passions des hommes. Les Papes découvrirent, avec des yeux d’Annibal, que pour repousser ou briser sans retour une puissance formidable et extravasée, il ne suffit pas de se défendre chez soi mais qu’il faut l’attaquer chez elle. Les Croisés, lancés par eux sur l’Asie, leur donnèrent ainsi d’autres idées que celles d’envahir ou seulement d’insulter l’Europe. Sans ces guerres saintes, toute la race humaine serait peut-être encore de nos jours, dégradée jusqu’aux plus profonds abîmes de la servitude et de la barbarie.
Ceux qui disent que les croisades ne furent, pour les Papes, que des guerres de dévotion, n’ont pas lu apparemment le discours d’Urbain II au Concile de Clermont. Jamais les Papes n’ont fermé les yeux sur le mahométisme, jusqu’à ce qu’il se soit endormi lui même de ce sommeil léthargique qui nous a tranquillisés pour toujours. Mais il est bien remarquable que le dernier coup, le coup décisif, lui fut porté par la main d’un Pape. Le 7 octobre 1571 fut enfin livré ce combat à jamais célèbre. Cette immortelle journée brisa l’orgueil ottoman, et détrompa l’univers qui croyait les flottes turques invincibles.
Mais cette bataille de Lépante, l’honneur éternel de l’Europe, époque de la décadence du Croissant, à qui la chrétienté en fut-elle redevable? Au Saint-Siège. Le vainqueur de Lépante fut moins don Juan d’Autriche que ce Pie V dont Bacon a dit: “Je m’étonne que l’Eglise romaine n’ait pas encore canonisé ce grand homme”. Lié avec le roi d’Espagne et la république de Venise, il attaqua les Ottomans; il fut l’auteur et l’âme de cette glorieuse entreprise qu’il aida de ses conseils, de son influence, de ses trésors et de ses armes meme, qui se montrèrent à Lépante d’une manière tout à fait digne d’un Souverain Pontife.