Par André Waroch (sans son autorisation, il me pardonnera j’en suis sûr)
Nous nous approchons à grand pas de la situation ubuesque dans laquelle Le Pen n’obtiendrait pas les 500 signatures nécessaires pour sa candidature : un grand pas, à n’en pas douter, pour la démocratie !
Je vois fréquemment en ce moment, à la télé, les journalistes interroger les politiques sur « l’anormalité » (stupéfiant euphémisme !) que signifierait pour la démocratie l’absence de Le Pen aux élections présidentielles. C’est faire semblant d’oublier que ces mêmes journalistes ont quasiment banni le FN et ses dirigeants de leurs antennes, comme le montrent les statistiques tout à fait officielles du CSA et, presque aussi sûrement, l’expérience pratique du téléspectateur qui voit Le Pen deux fois par an pendant cinq minutes pendant que Besancenot et Laguiller ont droit aux complaisantes interviews des talk-shows de Ruquier ou Fogiel.
C’est-à-dire que les journalistes ont décrété que le FN était un parti fasciste, raciste, antisémite, xénophobe, et que pour ces raisons leur éthique leur interdisait de lui offrir une tribune… mais qu’il était anormal que ce même parti ne puisse pas présenter des candidats !
Il faut savoir : soit les lepénistes sont des Nazis, et alors on ne peut tolérer, dans une démocratie occidentale digne de ce nom, ni l’existence d’un parti se réclamant d’une idéologie de ce type – pas plus qu’on ne peut tolérer un parti des pédophiles – ni que les chefs de file de cette idéologie soient invités à la télévision française, ce qui est la position de Jean-Luc Mélenchon, qui a au moins le mérite de la cohérence ; Soit on considère que le FN est un parti normal, et dans ce cas-là il doit avoir le droit, et de se présenter aux élections, et d’utiliser les médias pour faire passer son messager politique, ce qui est aussi cohérent.
Mais dire que le FN ne mérite pas d’être invité à la télévision comme tous les autres tout en soutenant qu’il doit avoir moralement le droit de tenter sa chance dans la course au pouvoir ne peut signifier que deux choses :
Ou le pouvoir journalistique considère qu’occuper l’espace médiatique est beaucoup plus porteur politiquement que de se présenter à une élection. Et dans ce cas-là, la priorité pour neutraliser un courant se réclamant du Nazisme ou du Fascisme doit être effectivement de le priver de l’accès à cet espace. Mais cela voudrait dire que les élections sont devenues une mascarade, un simulacre de démocratie, et que nous sommes entrés, peut-être depuis déjà longtemps, dans l’ère du totalitarisme médiatique.
Ou bien ces journalistes, qui sont de gauche à 90%, savent très bien, au fond d’eux-mêmes, que les épithètes comme nazi, fasciste et maintenant « populiste » qu’ils ont accolés au FN depuis vingt ans n’étaient qu’une « façon de parler », comme le prouve la contagion du dernier terme, maintenant appliqué aussi au MNR de Mégret, au MPF de Villiers et à l’UMP de Sarko ! C’est-à-dire quatre partis qui vraisemblablement totaliseront en 2007 plus de soixante pour cent des suffrages exprimés. Cela voudra simplement dire qu’ils nous ont pris pour des cons depuis vingt ans. Et d’ailleurs on peut se poser la question : avaient-ils vraiment tort ?
Qu’un parti politique qui a réuni presque six millions de suffrages aux dernières présidentielles ; Qui a fait en moyenne, depuis la fin des années quatre-vingt, entre 10 et 15% à chaque élection doive suer sang et eau pour récolter les parrainages nécessaires à sa simple présence au premier tour de 2007, l’obligeant du même coup à délaisser la campagne électorale, alors que l’acquisition de ces signatures relève de la formalité pour des micro-partis tels que les Verts ou le PCF est déjà ahurissant et justifierait à lui seul l’invalidation du scrutin. Mais que signifierait l’impossibilité pour Le Pen de se présenter, comme on la voit se profiler de plus en plus clairement ? Tout simplement qu’on est entré dans un nouveau système politique, qu’on peut aimer, qu’on peut détester, mais qu’on ne pourra plus appeler, de près ou de loin, une démocratie.