25 mars 2023
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La violence antisémite a augmenté en France en 2006

Dans les statistiques du SPCJ, comme dans celles du ministère de l’intérieur, les faits antisémites sont classés selon deux catégories principales: les «actions», encore appelées «violences» (agressions physiques visant les personnes et/ou les biens), et les «menaces» (verbales, par voie de courrier ou par inscription sur des bâtiments). Le recensement du SPCJ repose sur les informations qui lui ont été communiquées sur son numéro vert (0800 18 26 26), toutes ces informations étant dûment vérifiées et faisant l’objet de plaintes ; à cela s’ajoutent les faits recensés par le ministère de l’intérieur dont le SPCJ n’a pas eu connaissance (ces dernières informations ne concernent que les «actions» et non les «menaces»).

Pour l’année 2006, le SPCJ a ainsi recensé:

– 213 «actions» contre 152 en 2005, soit une hausse de 40 % ;

– 158 «menaces» contre 148 en 2005, soit une hausse de 7 %.

Cela donne un total de 371 faits antisémites recensés, contre 300 en 2005, soit une hausse globale de 24 %.

Les 213 «actions» enregistrées en 2006 comportent:

– un assassinat (celui d’Ilan Halimi, le 13 février 2006) ;

– 112 agressions physiques ;

– 15 jets d’objets ou de gaz ;

– 9 jets d’objets incendiaires et/ou incendies ;

– 76 actes de dégradation ou de vandalisme.

On observe par ailleurs une très forte concentration des actes antisémites en région parisienne, et surtout dans Paris intra muros.

Peu après la publication de ces chiffres, le 21 mars 2007, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) remettait son rapport annuel sur la lutte contre le racisme. Nous reviendrons plus longuement, dans un prochain numéro de L’Arche, sur le contenu de ce rapport. Nous n’en retiendrons ici que les statistiques, fournies par le ministère de l’intérieur, sur les manifestations de racisme et d’antisémitisme en France au cours de l’année 2006.

Les deux bases statistiques du SPCJ et du ministère de l’intérieur ne sont pas identiques. Les différences entre les deux séries de chiffres s’expliquent essentiellement par les modes de classification: certains actes sont considérés par le SPCJ comme des «actions», et par le ministère de l’intérieur comme des «menaces». Par ailleurs, le ministère de l’intérieur enregistre chaque «action» comme un fait unique, quel que soit le nombre de victimes, alors que SPCJ enregistre le nombre de victimes. Cependant, si les chiffres diffèrent en valeur absolue, les deux séries dégagent depuis plusieurs années des tendances identiques. C’est encore le cas cette année.

Ainsi, le ministère de l’intérieur a enregistré cette année 134 actions violentes antijuives (et non 213, comme le SPCJ). Mais, l’année précédente (2005), elles étaient au nombre de 99 dans la base de données du ministère (alors que le SPCJ en dénombrait 152). D’une année sur l’autre, le rapport de la CNCDH indique donc une augmentation de 35 % des violences antisémites (40 % dans le rapport du SPCJ). La tendance, on le voit, est la même.

Cette montée des violences antijuives est d’autant plus frappante que, comme le souligne le rapport de la CNCDH, elle se produit sur un fond de baisse générale de la violence raciste en France. En 2006, le ministère de l’intérieur a enregistré 64 actes de violence raciste visant d’autres personnes que des Juifs (essentiellement, des Maghrébins), contre 88 actes en 2005, soit une baisse de 27 %.

On peut présenter cette évolution d’une autre manière. En 2005, selon la CNCDH, les violences antijuives constituaient un peu plus de la moitié de l’ensemble des violences racistes en France (99 sur 187, soit 53 %). En 2006, elles constituent à elles seules plus des deux tiers du total (134 sur 198, soit 68 %).

Les statistiques des blessés du fait de violences racistes, publiées par la CNCDH sur la base des chiffres du ministère de l’intérieur, vont dans le même sens. En 2005, il y avait 26 blessés juifs sur un total de 48 blessés du fait d’agressions racistes (soit 54 %). En 2006, les Juifs forment à eux seuls les deux tiers de l’ensemble des blessés: 30 sur 50 (les 20 blessés non juifs sont en majorité des Maghrébins). Si l’on tient compte de la disproportion entre les deux populations, le résultat est encore plus significatif. Il faut donc constater ce fait troublant: en France, aujourd’hui, les Juifs ne sont certes pas les seules victimes du racisme, mais la violence raciste est très majoritairement une violence antisémite.

Récits de la violence ordinaire


En annexe du rapport du SPCJ figure une liste de faits enregistrés, avec la date et le lieu. Voici quelques exemples d’agressions physiques, pris au hasard dans cette annexe. Ils ne sont évidemment pas représentatifs de la vie quotidienne des Juifs en France. Mais ils doivent constituer autant de signaux d’alarme.

Lundi 9 janvier 2006, Créteil

Deux enfants âgés de 11 et 12 ans, portant la kippa, ont été agressés physiquement, avec des insultes antisémites, par quatre individus. L’un des enfants a eu le nez cassé. Un jeune homme de confession juive, qui voulait leur porter secours, a été jeté à terre et roué de coups. Il a été transporté à l’hôpital (traumatisme crânien et ITT de 9 jours). Intervention de la police et interpellation des agresseurs. Deux plaintes ont été déposées.

Samedi 21 janvier 2006, Athis-Mons

Trois hommes de confession juive ont subi des insultes antisémites à la sortie de l’office le matin. L’un d’eux, en revenant à l’office l’après-midi, a été jeté au sol et roué de coups par quatre individus. Il a été conduit à l’hôpital (ITT de 10 jours). Une plainte a été déposée.

Vendredi 3 février 2006, Brunoy

Trois jeunes étudiants de confession juive, dont deux mineurs, ont été frappés à coups de poing et ont subi des propos antisémites de la part d’un groupe d’individus. Les agresseurs majeurs ont été interpellés. Trois plaintes ont été déposées.

Dimanche 26 février 2006, Paris

Un homme de confession juive a été agressé physiquement, avec des commentaires antisémites («Ça, c’est Auschwitz»), dans une rame de métro. ITT de 21 jours. Une plainte a été déposée.

Vendredi 3 mars 2006, Sarcelles

Un jeune homme de confession juive a été agressé physiquement par deux individus en sortant de la synagogue. Il a eu le nez cassé. Une plainte a été déposée.

Samedi 4 mars 2006, Villejuif

Deux jeunes portant la kippa ont été roués de coups par une bande d’individus majeurs, avec des insultes antisémites («Sales Juifs, fils de p…»). Pas de plaintes déposées, par peur de représailles.

Vendredi 10 mars 2006, Charenton-le-Pont

Un groupe d’écolières de confession juive ont été prises à partie, giflées et victimes d’injures antisémites de la part d’un groupe de jeunes. Une plainte a été déposée.

Lundi 13 mars 2006, Antony

Un homme de confession juive, handicapé, a été frappé par deux individus dans le parking de son immeuble. Mâchoire et nez cassés. ITT de 15 jours. Une croix gammée a été dessinée sur son véhicule. Une plainte a été déposée.

Lundi 27 mars 2006, La Charité-sur-Loire

Un collégien, sous prétexte que ce qu’il portait au cou ressemblait à une étoile de David, a été frappé au visage et a subi des insultes antisémites dans l’enceinte de son collège. ITT de 10 jours. L’agresseur a été exclu de l’établissement et mis en examen.

Vendredi 31 mars 2006, Paris

Deux mineurs de confession juive ont été agressés par une dizaine de jeunes. L’un d’eux a eu le nez cassé et une double perforation du tympan. Une plainte a été déposée.

Lundi 10 avril 2006, Serris

Alors qu’il arrivait dans un centre commercial, un homme de confession juive, portant une kippa, a été traité de «sale Juif» par quatre individus. À l’intérieur, il a été frappé, projeté contre une vitre et roué de coups à la tête (10 jours d’ITT). Les agents de la sécurité sont intervenus. Deux des agresseurs majeurs ont été interpellés par la police, déférés en comparution immédiate et condamnés à quatre mois de prison (dont un ferme) et 3 000 euros de dommages et intérêts.

Mardi 27 juin 2006, Paris

Une bande d’une vingtaine d’individus, armés de battes de base-ball, ont commis des violences accompagnées d’insultes antisémites à l’encontre de cinq collégiens de confession juive dans l’enceinte d’un collège où ils passaient le brevet. Deux plaintes ont été déposées.

Dimanche 9 juillet 2006, Paris

Suite à un différend de voisinage, un couple de confession juive a été agressé physiquement avec une matraque et a subi des insultes antisémites («Retourne dans ton pays, sale Juif»). ITT de 2 jours pour le mari et 3 jours pour son épouse. Deux plaintes ont été déposées.

Samedi 29 juillet 2006, Lille

À une manifestation anti-israélienne durant la guerre du Liban, un jeune homme de confession juive, qui prenait en photo avec son portable une pancarte représentant côte à côte une étoile de David et une croix gammée, a été agressé physiquement par trois individus, avec des insultes antisémites: «Sale israélite, t’as rien à faire là… Vous faites exactement ce que les Allemands vous ont fait». Ils ont également arraché sa chaîne et volé son portable. La police est intervenue et a arrêté l’un des agresseurs. Une plainte a été déposée.

Dimanche 6 août 2006, Annecy

À la simple évocation de son prénom (Abraham), un jeune touriste vénézuélien a subi une agression physique accompagnée de propos antisémites de la part de trois individus majeurs. ITT de 6 jours. Les auteurs ont été arrêtés et condamnés à 9 mois de prison ferme.

Mercredi 13 septembre 2006, Bagnolet

Un collégien de confession juive, âgé de 12 ans, a été violemment agressé dans l’enceinte de son établissement scolaire par cinq élèves. Intervention du SAMU. Le Procureur a été saisi. Une enquête est en cours par la Brigade des mineurs.

Mardi 17 octobre 200, Sarcelles

Un jeune homme de confession juive a été agressé par un individu, qui a été rejoint par deux autres jeunes. Ils l’ont frappé, jeté à terre et roué de coups en le traitant de «sale feuj». Une plainte a été déposée.

Vendredi 24 novembre 2006, Paris

Un lycéen de confession juive a été traité de «sale Juif» et agressé physiquement par deux jeunes filles. Une plainte a été déposée.

Lundi 4 décembre 2006, Sarcelles

Un homme de confession juive, portant une kippa, a fait l’objet d’un vol assorti de coups et d’insultes antisémites. Une plainte a été déposée.

Mercredi 20 décembre 2006, Paris

Un individu, qui avait un différend avec un avocat, l’a traité ainsi que sa secrétaire de «sales Juifs» et a lancé un objet à la tête de la secrétaire, la touchant à l’œil. L’homme a été interpellé. Une plainte a été déposée.

Extrait de L’Arche n° 588, avril 2007

Numéro spécimen sur demande à info@arche-mag.com <mailto:info@arche-mag.com>

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