Aussi me paraît-il utile et nécessaire d’aller plus loin dans un portrait moral et politique du héros de la fête pour éviter, autant que faire se peut, les mauvaises surprises. Par quoi commencer ? Ma foi, j’aurais avant tout tendance à essayer d’entrer dans l’esprit du sujet pour tenter d’en comprendre au mieux le fonctionnement.
Alors, qui est vraiment le président Sarkozy et de quoi va-t-il vraiment être capable ? Pour répondre aussi honnêtement que possible à cette question, je vais donc m’abreuver à trois sources différentes : le chef de l’Etat lui-même, la presse internationale et, pour faire bonne mesure, Margaret Thatcher en personne. Ainsi le lecteur, dûment averti, alors jugera.
Du dernier discours prononcé par le président de la République le 29 mai 2007, au Havre, j’ai retenu un certain nombre de traits qui me paraissent parfaitement définir la volonté de rupture qui anime Nicolas Sarkozy : à l’évidence, dès les premiers jours, le nouveau chef de l’Etat veut imprimer sa marque dans l’histoire de France.
Ainsi : “Je sais que le pays attend beaucoup (…) A force de ne pas tenir ses promesses, à force de mentir, à force d’expliquer que l’on avait tout essayé et que l’on ne pouvait rien, qu’il fallait apprendre à subir au lieu de s’efforcer d’agir, la politique s’était elle-même discréditée. Elle avait cessé peu à peu d’exprimer cette volonté collective qui est sa raison d’être pour ne plus exprimer qu’un renoncement”.
D’où la grande espérance venue avec lui au coeur des Français : “Ce fut le miracle de cette campagne que la France soit revenue au coeur du débat et que cela vous donne de nouveau envie de croire en la politique. La France ce n’est pas la droite, la France ce n’est pas la gauche, la France c’est tout les Français, disait le Général De Gaulle”.
Voilà, c’est dit. Mais pourquoi s’arrêter en si bon chemin : “J’irai le plus loin possible dans la réforme. Je ferai tout ce que j’ai dit (…)” même si, hélas, je n’ai pas trouvé le courage d’abroger les 35 heures et de supprimer l’ISF qui, moralement et financièrement, coûtent si cher à la nation pour ne pas traumatiser le peuple de gauche déjà largement orphelin…
Puis Nicolas Sarkozy s’en prend à la “pensée unique” à l’origine, depuis 40 ans bientôt sonnés, de tous nos maux. Aussi, pour recouvrer nos sens, s’agit-il “de comprendre que tout se tient, que tout doit être lié : l’offre et la demande; la politique européenne; la politique économique et la politique sociale; la politique industrielle, la politique énergétique, la recherche, la formation”.
C’est pourquoi, à l’instar du Général De Gaulle s’appuyant sur le plan Rueff en 1958, Nicolas Sarkozy ne craint pas d’affirmer : “Pour bousculer les contraintes, pour trancher les noeuds, il faut frapper fort, il faut agir sur tous les fronts à la fois, il faut créer un effet d’entraînement, il faut une masse critique”. Mais, ayant dit, le président de la République, en l’absence de tout plan Rueff, s’interdit néanmoins tout droit à l’erreur !
Par conséquent : “de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace et la France sera sauvée” car “sans cette audace, nous ne ferons rien” d’autant plus que “Dans les circonstances actuelles, face à l’attente si forte qui s’est exprimée, tenir ses engagements est une exigence morale. Cette exigence, je la fais mienne. Je ne transigerai pas. Je ne me laisserai pas enfermer dans la pensée unique”.
Et comme à la fin de l’envoi, je touche : “Vous attendez que la politique soit de nouveau au rendez-vous de l’histoire. Elle le sera (…) Françaises Français, je vous demande de donner une majorité à la France pour qu’elle puisse avancer. Elle ne peut plus attendre cinq ans de plus dans l’immobilisme”. Rendez-vous est donc bien pris avec l’histoire.
Hors de nos frontières (tiré de Valeurs Actuelles) et plus volontiers en Grande-Bretagne, le Guardian (grand quotidien britannique de gauche) écrit de Nicolas Sarkozy : “Il parle pour être compris. Nous, nous n’avons jamais compris le lyrisme, la poésie et la rhétorique des précédents présidents”. Qu’en termes galants ces choses-là sont dites… Au nom des poubelles de l’histoire !!
Le Sunday Times, édition dominicale du prestigieux Times, écrit à son tour : “Le nouveau président français, un admirateur de l’économie britannique, sait qu’il faudra un remède de cheval pour que la France réussisse dans un monde compétitif”. En clair, ce qui manque le plus à la France tient tout entier dans une posture thatchérienne !
Quant au conservateur The Daily Telegraph, il noircit le trait à dessein : “La France est un pays où le verdict des urnes est souvent contredit par la volonté de la rue. Nous pouvons être certains que, dès que M. Sarkozy agira pour honorer ses promesses, il y aura une avalanche de grèves, de blocages et d’occupation des lieux”. En effet, on peut tout craindre…
Enfin, Anatole Kaletsky, éditorialiste au Times, n’hésite pas quant à lui à franchir le Rubicon : “Les parallèles entre M. Sarkozy et Mme Thatcher sont évidents : l’image de quelqu’un d’abrasif et de radical, les mêmes promesses de rompre avec le passé, de libérer l’entreprise privée, de baisser les impôts et de limiter l’influence des syndicats”.
Au congrès de son parti à Blackpool, en octobre 1975, Margaret Thatcher brûle ses vaisseaux et gagne ses étoiles : “Permettez-moi de vous exprimer ma vision : le droit d’un homme de travailler quand il veut, de dépenser ce qu’il gagne, d’être propriétaire, de considérer l’Etat comme un serviteur et non comme un maître sont notre héritage. Nous devons remettre l’entreprise privée sur la voie de la guérison – non seulement pour donner aux gens une plus grande quantité d’argent qui leur appartient pour le dépenser à leur guise, mais pour avoir plus d’argent à donner aux vieillards, aux malades, aux handicapés (…) Je crois que, tout comme chacun de nous a l’obligation de tirer le meilleur parti de ses talents, les gouvernements ont l’obligation de créer le cadre au sein duquel nous pouvons le faire (…) Nous pouvons continuer à dégringoler. Ou nous pouvons arrêter et, par un acte de volonté décisif, nous pouvons dire : ‘assez'”.
Cette citation de la Dame de fer est tirée du remarquable ouvrage de Jean-Louis Thiériot : “Margaret Thatcher, de l’épicerie à la Chambre des Lords” (Editions de Fallois) dont je ne saurais trop conseiller la lecture. Car à trente ans de distance, en effet, je retrouve bien chez Sarkozy de ces accents thatchériens dont nous devons espérer pour la France que, envers et contre tous, il n’en déviera pas d’une ligne.
Librement !
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