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C’est dans un hôtel miteux, à l’orée du Caire islamique, que Heim, converti à l’islam, avait élu domicile sous le nom de Tarek Hussein Farid, y décédant d’un cancer, à 77 ans, en août 1992. Longtemps perdue, la piste du tortionnaire, devenu au fil des ans le criminel nazi le plus recherché au monde, a été retrouvée grâce à une enquête de la télévision allemande ZDF et du quotidien américain The New York Times.
"Une sorte de géant, peu causant, mais ne ratant pas une prière à la mosquée", a confié Gamal Abou Ahmad, qui occupe aujourd’hui son ancienne chambre de l’hôtel "Qasr el-Medina". Pour l’ambassadeur d’Allemagne au Caire, Bernd Erbel, "il était inconnu de nous, cela aurait été trop dangereux". "Je pense qu’il n’était plus citoyen allemand mais était devenu égyptien", a-t-il dit.
Dans l’atmosphère troublée de l’après-guerre, des nazis ont afflué par centaines sur les bords du Nil où ils bénéficiaient d’amitiés "hauts placées" dans l’entourage du roi Farouk, selon les historiens. Déjà, pendant la guerre, des réseaux pro-allemands s’étaient activés en Egypte, au sein desquels se serait retrouvé le futur président Anouar al-Sadate, contre la Grande-Bretagne, la puissance occupante. Figure du nationalisme palestinien, le mufti de Jérusalem Hajj Amin al-Husseini, qui avait prêté allégeance à Hitler en 1941 estimant que l’Islam et les nazis avaient pour ennemi commun les juifs, s’était réfugié au Caire après la guerre.
Aussi, l’organisation internationale "Odessa", montée pour exfiltrer les criminels nazis, a disposé de "taupes" sur le sol égyptien, comme en Syrie, en alternative aux filières d’Amérique Latine. Mais c’est au nom de la lutte contre Israël, qualifiée "d’entité sioniste", que Gamal Abdel Nasser, arrivé au pouvoir par un coup d’Etat militaire, va recycler des cohortes de nazis au service d’une virulente propagande anti-juive. Ainsi Johann Von Leers, un proche de l’idéologue nazi Goebbels s’installe en Egypte dans les années cinquante et se convertit à l’islam. Il devient le chef du département étranger du "service de propagande anti-sioniste".
Le ministère de l’Information, mais aussi de la Défense, sont alors truffés d’anciens SS ou SA, également convertis, comme Louis Heiden, Walter Bollmann, Wilhelm Bocker, note un historien allemand du nazisme, Kurt Tauber. Rencontré au Caire, où il était directeur financier, le fils d’un ancien nazi a confié sous un strict anonymat, comment sa famille avait gagné l’Egypte, après s’être d’abord enfuie en Suisse. "Mon père était un espion nazi dans les Balkans, agent de liaison auprès des nationalistes serbes. Nous sommes venus ici grâce à des relations à la cour de Farouk. Puis il a travaillé dans l’industrie militaire sous Nasser", a-t-il dit.
Combien sont ces nazis à avoir été accueillis sur les bords du Nil, et que sont-ils devenus ? Si les listes dressées par les "chasseurs de nazis" sont longues, les autorités égyptiennes restent toujours muettes. Une chose est sûre, elles n’ont rien fait pour interdire la littérature nazie. "Mein Kampf" d’Adolf Hitler ou le libelle antisémite les "Protocoles des sages de Sion" sont en vente sur les étals de livres dans les rues du Caire.