Il est difficile de saisir l’initiative.. Les conséquences de l’action sont effrayantes. Il vaut toujours mieux laisser les autres y aller en premier. Mais parfois, c’est impossible. Aujourd’hui, il devient clair que le Premier Ministre Benyamin Netanyahou n’a pas d’autre choix que de prendre la direction.
Les risques n’ont jamais été aussi élevés. Chaque jour nous sommes assaillis par une avalanche de preuves que l’Iran est au bord de devenir un Etat doté de l’arme nucléaire. Depuis l’installation secrète d’enrichissement de l’uranium à Qom, au test par l’Iran du combustible solide cette semaine, en passant par un engin détonateur de bombes nucléaires, il est clair que Téhéran construit un arsenal nucléaire et que – au minimum – il est déterminé à l’utiliser pour obliger les nations du Moyen Orient à se plier à sa volonté fanatique.
Jusqu’à présent, alors qu’Israël a fait face à cette menace croissante, il a essayé d’éviter de se placer en tête en cherchant à convaincre les USA d’agir contre l’Iran. Depuis 11 mois que le président Barack Obama est en poste, le désir d’Israël de convaincre les USA d’agir contre l’Iran a conduit Netanyahou à prendre des mesures drastiques pour parvenir à un compromis avec la Maison Blanche.
Netanyahou s’est incliné face à la pression américaine et annoncé son soutien à l’établissement d’un Etat palestinien au coeur d’Israël, même si les Palestiniens eux-mêmes ont fait connaître clairement leur rejet du droit d’Israël à l’existence.
Il s’est incliné face à la pression des USA et il met en oeuvre un gel draconien de la construction juive en Judée et Samarie, malgré le fait que les Palestiniens refusent de seulement discuter de paix avec Israël.
Netanyahou a autorisé le ministre de la défense Ehud Barak à dénouer l’unité nationale davantage en menant des combats avec des dirigeants de yeshiva qui s’opposent à la seule possibilité théorique que des soldats de Tsahal se voient ordonner d’expulser des Juifs de leurs foyers de Judée et Samarie dans le cadre d’un traité de paix avec les Palestiniens.
Comme avec l’Iran lui-même, le gouvernement et Tsahal expriment à voix haute le soutien d’Israël à des sanctions soutenues par les USA, malgré leur certitude que les mesures proposées n’auront aucun impact significatif sur la volonté ou la capacité de Téhéran de fabriquer des bombes nucléaires.
Hélas, les efforts de compromission de Netanyahou n’ont pas été payés de retour par les USA. Le gouvernement Obama continue de minimiser l’urgence de la menace nucléaire iranienne et ses appels à des sanctions sont un peu mous et n’empêcheront pas la République islamique d’acquérir des armes nucléaires.
De plus, le gouvernement Obama demeure opposé avec véhémence à l’utilisation de la force militaire pour détruire les installations nucléaires de l’Iran.. Cela a été démontré au cours d’un jeu de simulation de guerre de haut niveau à l’Ecole Kennedy de Gouvernement de Harvard au début de ce mois. A Harvard, l’ancien sous-secrétaire d’Etat américain Nicholas Burns tenait le rôle d’Obama et l’ancien ambassadeur à l’ONU Dore Gold jouait le rôle de Netanyahou. A la fin du jeu, les USA avaient désavoué leur alliance stratégique avec Israël parce que Jérusalem refusait de conférer un pouvoir de veto sur son droit à attaquer les installations nucléaires de l’Iran. D’un autre côté, l’Amérique a échoué à obtenir le soutien de la Russie et de la Chine pour des sanctions et l’Iran se trouvait à trois mois d’avoir la bombe.
Le jeu de Harvard a eu lieu seulement quelques mois après que le directeur de la CIA dans le monde réel, Leon Panetta, ait fait ce qui était supposé une visite secrète en Israël pour exiger qu’Israël n’attaque pas l’Iran sans la permission des USA.
Tout cela démontre qu’Israël ne peut pas dépendre des USA pour se défendre contre l’Iran. En fait, cela a démontré qu’une brèche dans les relations avec les USA est inévitable.
A la lumière de cette dure réalité, le temps est venu pour Netanyahou de prendre la tête. Bien qu’effrayant, il peut y avoir de l’espoir.
Si Israël se décide hardiment, d’autres peuvent le soutenir. C’était le message d’un éditorial de Une dans le « Wall Street Journal » de jeudi dont l’auteur est Olivier Debouzy, ancien diplomate français spécialisé dans le renseignement et les affaires militaires nucléaires, titré : « Comment arrêter l’Iran ».
En 2007, le président Nicolas Sarkozy a nommé Debouzy à la Commission Nationale de Sécurité et de Défense. Avocat dans le privé, Debouzy est en bons termes avec Sarkozy et son équipe de sécurité nationale.
Debouzy a commencé par une récapitulation de ce qui est déjà connu. L’Iran « n’est pas sérieux dans une négociation de bonne foi », et selon toute probabilité, il a « depuis plus d’une décennie maintenant, caché une part significative de ce qui apparaît un effort militaire nucléaire majeur ».
Puis il expliqua ce qui est en jeu pour l’Occident. L’échec occidental pour arrêter l’Iran convaincra les Etats du Golfe persique qu’ils ne peuvent se fier aux garanties de sécurité occidentales et seront mieux servis en développant leurs propres arsenaux nucléaires. Tout semblant de régime de Non Prolifération sera rejeté aux quatre vents.
Etant donnés les risques, Debouzy conclut qu’il est temps pour les USA, la France, la Grande Bretagne et Israël « d’essayer de parvenir à un accord sur la manière de mettre fin militairement au programme nucléaire iranien ». Il suggère d’abord de s’appuyer sur l’exemple de la crise des missiles cubains en 1962, et d’imposer une mise en quarantaine sur la navigation iranienne dans le golfe persique en convaincant les voisins de l’Iran de se refuser à tout échange commercial ou financier avec lui.
Si cela ne marche pas, Debouzy reconnaît : « il pourrait s’avérer nécessaire d’aller au-delà de cela et de recourir vraiment à la force pour empêcher les Iraniens de parvenir à la capacité nucléaire ». A cette fin, il propose de planifier « une attaque massive, aérienne et par missiles, sur les installations nucléaires de l’Iran ».
Alors que Debouzy invoque la crise des missiles de Cuba, étant donnée la position du gouvernement Obama sur l’Iran, la crise de Suez de 1956 est une analogie plus pertinente. Alors qu’en 1962 les USA ont agi seuls contre la menace du déploiement de missiles nucléaires soviétiques à Cuba, en 1956, la France, Israël et la Grande Bretagne ont agi contre l’Egypte sans la permission des USA pour limiter la nuisance que le président égyptien d’alors, Gamal Abdel Nasser, pouvait causer à leurs intérêts stratégiques respectifs.
Aujourd’hui, le traitement des alliés des USA et de ses ennemis par le gouvernement Obama comporte aussi bien plus de ressemblance avec la politique de l’administration Eisenhower qu’avec celle de Kennedy. Et au fond, le comportement de l’administration actuelle présente aux gouvernements alliés des options qui rappellent celles affrontées en 1956.
Dans la limite où l’article de Debouzy représente un courant de pensée significatif en France et peut-être en Grande Bretagne, il nous dit trois choses importantes. D’abord, il nous dit qu’un électorat significatif en Europe considère que le temps est venu d’agir militairement contre les installations nucléaires de l’Iran. Ensuite, il nous dit que des voix influentes en France ont perdu patience avec Obama. Sarkozy lui-même a accusé Obama de vivre dans le pays des fantasmes lors de la réunion de Conseil de Sécurité de l’ONU il y a quatre mois, à la lumière du soutien d’Obama à un désarmement nucléaire mondial et pour son attitude cavalière sur le programme nucléaire de l’Iran.
Enfin, en incluant Israël dans une alliance militaire théorique cotre l’Iran, l’article de Debouzy suggère qu’en dépit de ses positions anti-Israël sur les questions liées aux Palestiniens, la France peut vouloir aider Israël si Netanyahou décide d’attaquer les installations nucléaires de l’Iran. C'est-à-dire : son article laisse l’impression que si Israël veut agir hardiment, il pourrait bien ne pas agir seul.
La dernière fois qu’Israël a agi militairement avec d’autres sans le soutien des USA, c’était pendant la crise de Suez. La suggestion de Debouzy d’un soutien français pour une frappe d’Israël contre l’Iran devrait inciter nos dirigeants à reconsidérer les leçons de cette campagne.
En ce temps-là, la Grande Bretagne et la France ont associé leurs forces avec Israël parce que leurs intérêts nationaux étaient atteints par la nationalisation du Canal de Suez par Nasser. La décision de Nasser mettait en péril l’alliance britannique avec les régimes hachémites d’Irak et de Jordanie. Elle ouvrait la porte à l’influence soviétique en Egypte et sur l’ensemble du Moyen-Orient. Et elle mettait en danger le transport du pétrole à travers le Canal de Suez.
La décision de Nasser atteignait Israël en menaçant de fermer en permanence le Canal de Suez à la navigation israélienne. Israël tenait aussi à bénéficier d’une attaque conjointe contre l’Egypte parce qu’elle lui fournissait l’opportunité d’affaiblir sévèrement les forces régulières de Nasser dans le Sinaï et ses cellules terroristes de fedayins à Gaza.
Malgré l’escalade des liens de Nasser avec l’Union Soviétique, le gouvernement Eisenhower s’opposa à son éviction du Canal de Suez pour quantité de raisons. Les USA souhaitaient complaire à leur allié saoudien qui, comme l’Egypte, cherchait à affaiblir les régimes hachémites d’Irak et de Jordanie. Les USA souhaitaient annuler les capacités résiduelles de la Grande Bretagne et de la France de l’après-guerre d’agir sans le soutien des USA, alors que Washington consolidait sa position de leader incontesté de l’alliance occidentale contre l’Union Soviétique.
Washington était politiquement incommodé par le besoin de soutien de l’invasion franco-anglo-israélienne de l’Egypte alors qu’il condamnait l’invasion soviétique de la Hongrie. Enfin , le gouvernement Eisenhower s’opposait à un Israël puissant.
Bien que les trois pays eurent atteint leurs objectifs militaires, la décision des USA de se tenir contre eux aux côtés de l’Egypte provoqua chez eux un dommage politique immense. Washington força Israël à se retirer du Sinaï et menaça la Grande Bretagne de conséquences économiques dévastatrices jusqu’à ce que le premier ministre d’alors, Anthony Eden donne son accord de retrait des forces britanniques de la zone. La France fut pareillement humiliée jusqu’à son retrait.
La réaction brutale de l’Amérique conduisit beaucoup d’analystes israéliens à conclure qu’Israël ne devait jamais aller en guerre sans la permission des USA. Et depuis David Ben Gourion, tous les dirigeants israéliens ont conféré un veto de facto sur toutes les décisions militaires d’Israël.
Alors que la crainte d’Israël de provoquer la colère de l’Amérique est compréhensible, il est loin d’être certain que ses intérêts ont toujours été servis par cette politique. Le fait est, alors qu’Israël était obligé de se retirer du Sinaï, le bénéfice qu’il retira de la campagne de Suez dépassa largement son coût. Grâce à la guerre, Israël sécurisa son droit maritime sur le Canal de Suez et affaiblit significativement les forces régulières et irrégulières de l’Egypte dans le Sinaï et à Gaza.
Ce qui est clair, c’est qu’il y a 53 ans, entrer en conflit ouvert avec Dwight Eisenhower n’avait pas de sens. Comme ancien commandant en chef des Forces Alliées en Europe, les qualifications stratégiques d’Eisenhower étaient inattaquables, aussi bien à l’intérieur qu’à l’étranger. Puis également, en 1956, les USA disposaient d’une croissance et d’une prospérité économiques sans précédent. Politiquement, à l’intérieur et à l’étranger, Eisenhower était immunisé contre la critique.
Obama n’est pas Eisenhower. Les USA endurent leur pire déclin économique depuis la Grande Dépression. Après seulement 11 mois à son poste, le taux de satisfaction en faveur d’Obama a plongé à 50 %. Son manque de crédibilité en matière d’affaires étrangères est à son nadir ce mois-ci alors que seulement 26 % des Américains pensent qu’il a mérité son Prix Nobel de la Paix.
Dans le même temps, Israël n’a jamais fait face à une menace aussi grave que celle d’un Iran doté de l’arme nucléaire. Il y a peu de doute que si Ben Gourion et Eisenhower étaient en fonction aujourd’hui, Ben Gourion n’hésiterait pas à défier de nouveau Eisenhower et à attaquer l’Iran – avec ou sans la France et la Grande Bretagne. Certainement , Netanyahou ne peut justifier de remettre le destin d’Israël entre les mains d’Obama.
Heureusement, alors que le temps de la décision de Netanyahou s’approche rapidement, nous voyons que s’il s’empare de rênes, il aura probablement la surprise de trouver beaucoup d’autres dirigeants pour lui tendre une main secourable.
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Adaptation française de Sentinelle 5770
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