L'histoire du grand emprunt national de cent milliards lancé en fanfare à
la fin de l'année de 2009 est un de ces contes fantastiques dans lesquels se
complaît volontiers le pouvoir actuellement en vigueur. Admirons d'abord le
qualificatif de national : la situation était si grave qu'il fallait appeler
à un sursaut national pour sauver la France. Cela rappelle la triste histoire
de l'emprunt Giscard qui était tellement avantageux pour les souscripteurs et
désavantageux pour l'État que le parfum de la ruine en résultant se fait
sentir encore aujourd'hui.
La crise a été invoquée pour justifier une politique de relance ; au lieu
de libérer l'économie, le pouvoir a choisi une relance étatique, ce qui est
un concept faux par nature ; en outre, si elle pouvait fonctionner ce serait
avec des délais noyant tout effet éventuel. Il s'est ajouté la volonté de
singer le privé, détestable habitude des politiques ; la secte des
énarchos-socialos qui s'est emparé de la France depuis des décennies avait
lu dans les livres que les privés en combinant de l'endettement avec des
investissements rentables pouvaient créer de la richesse : ils ignorent ou
font semblant d'ignorer que ce mécanisme est absolument impossible au niveau
de l'État. L'effet de levier fut appelé aussi en renfort, sans que personne
ne pense à son inséparable frère jumeau, que j'ai nommé il y a longtemps
l'effet de massue.
Le projet lui-même comportait deux autres inconvénients majeurs. D'abord,
ainsi que beaucoup le soulignèrent, toute augmentation de l'endettement
public est dévastateur et, en outre, il assèche à proportion les
possibilités des privés de trouver des financements alors que ces privés
sont les seuls à pouvoir créer de la richesse. Un autre inconvénient, pas
souvent remarqué, est le suivant ; compte tenu de la durée de maturation
inévitable, une grande incertitude s'est prolongée et les firmes qui
voulaient investir dans les projets évoqués, parfois un instant, ont
retardé leur investissement dans l'espoir d'obtenir par l'intrigue ou la
corruption une partie de la manne annoncée.
Malgré l'urgence avoué, le plus pressé fut de lancer une grande parlotte
nationale, réunissant 24 membres avec pour chacun de solides intérêts à
promouvoir. Les deux personnages invités à diriger la parlotte étaient
Alain Juppé et Michel Rocard, deux anciens premiers ministres qui ont
participé largement lorsqu'ils étaient aux affaires à l'écroulement de la
France en particulier par les impôts qu'ils ont créé. Ils continuent d'y
participer encore par leur fabuleux statut d'ancien premier ministre qu'ils
partagent avec plusieurs autres. Ce statut ne suffisant pas à Michel Rocard
il a été nommé « ambassadeur de France chargé des négociations
internationales relatives aux pôles arctiques et antarctiques » ; il n'y
avait nul besoin de ce fromage créé tout exprès pour le satisfaire alors
que le Quai fourmille d'Ambassadeurs parfois en disponibilité connaissant le
métier et capables de s’occuper des problèmes s’il y en a ; il s'est
entouré d'une kyrielle de collaborateurs et n'a pas planté sa tente au froid
mais bien au chaud dans de luxueux bureaux.
La parlotte devait dresser la liste des futurs investissements baptisés
pour l'occasion d'investissements d'avenir. Les idées les plus folles ont
circulé chacun voulant se disputer cet argent hypothétique. Citons ces
idées abstraites : l'économie de la connaissance, la compétitivité des
entreprises, le soutien aux investissements industriels stratégiques,
l’énergie solaire, l'énergie marine, la fibre optique, les
nanotechnologies, le stockage de l'énergie électrique, la construction de
stades, de nouvelles places de prison (sic).
Qu'est devenu le beau rêve qui devait sauver la France ?
Il a rétréci comme une peau de chagrin : le projet est inscrit tout
simplement dans la loi de finances rectificatives pour environ trente cinq
milliards et les fonds seront obtenus dans le cadre de la gestion habituelle
du trésor.
Parallèlement le choix des dépenses s'est réduit. Il reste les
universités, le développement durable, l'économie numérique, l'industrie
et les PME ; le tout est une sorte de permis de gaspiller s'ajoutant à bien
d'autres. L'expression « développement durable » ne veut rien dire dans
la langue française telle qu'elle existe encore. Investir dans les
universités est aussi rentable que d'investir dans le trou de la sécurité
sociale : l'argent déversé sera absorbé dans un trou noir et ne reviendra
jamais ; la seule façon de porter remède à l'état de délabrement des
universités est de les vendre soit à des associations soient à des
investisseurs privés, qui les gèreront comme toute entreprise doit l'être.
Chemin faisant l'endettement de la France continue à s'envoler à grande
allure. Il est permis de se demander jusqu'à quand les agences de notation
lui assureront une note favorable, alors que l'Espagne, le Portugal et même
la Grande-Bretagne sont sur la sellette. Comment peut s'expliquer cette
exception ? Faut-il mettre en cause la manipulation des agences de notation
par les pouvoirs publics ? C'est une éventualité.
Il existe peut-être aussi une explication dans la présence de DSK à la
direction du FMI. La France a détourné ses affaires étrangères pendant
plusieurs semaines pour obtenir d'une façon surprenante cette nomination ;
personne ne saura jamais les contreparties qui ont été données avec les
intérêts supérieurs du pays pour réaliser l'objectif. Il est possible que
DSK s'affronte avec Sarkozy en 2012 ; soit avant, soit après l'élection
aucun des deux n'a intérêt à ce que la France rencontre des difficultés
financières majeures.
Quelles sont les interpénétrations entre le FMI et les agences de notation ?
A chacun d'imaginer.
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Dans le numéro de mardi 13 avril 2010
Le compte rendu de Francis Richard du livre de Pascal Salin :
Revenir au capitalisme pour éviter les crises
et
Un extrait de « unmondelibre » : Repenser l'Etat
3 réflexions sur « UN CONTE FANTASTIQUE »