" A l'issue de la tentative des activistes pro-Hamas de faire une brèche dans le blocus de Gaza, on doit se poser un peu plus de questions sur les relations entre la Turquie et le groupe terroriste Hamas – et surtout sur l'attitude américaine à l'égard de la Turquie et ses alliés pro-Hamas. Un point est d'ores et déjà évident: le 1er ministre turc Recep Tayip Erdoğan, président du parti AKP de la Justice et du Développement, est un soutien indéfectible de la campagne anti-blocus. Cette campagne a été organisée par une ONG turque "de charité", connue sous le nom d'İHH (İnsan Hakları ve Hürriyetleri Vakfı) et considérée par Israël et les Etats-Unis comme un soutien du Hamas. L'İHH est elle-même soutenue par le sheikh fondamentaliste Youssef al Qaradawi, dont le partenaire est Tariq Ramadan, petit fils du fondateur des Frères Musulmans Hassan el Banna.
Dans son effort pour définir une politique nouvelle à l'égard des pays Musulmans, le président B H Obama a fait de son mieux pour se faire aimer aussi bien d'Erdoğan que de Ramadan. Obama a mis un point d'honneur à visiter en 1er lieu la Turquie, en avril 2009, avant d'aller au Caire prêcher la bonne parole. Il a rencontré Erdoğan, s'est adressé au Parlement turc et s'est rapproché plus étroitement du régime turc. De même, l'administration Obama a levé l'interdiction faite à à Ramadan d'entrer aux Etats-Unis – interdiction due à ses contributions financières au Hamas –et l'a accueilli à Washington en avril 2010 par des discours obséquieux de Farah Pandith, la représentante des communautés musulmanes auprès de Hillary Clinton, secrétaire d'Etat, et de Rashad Hussein, le représentant américain à l'OCI (Organisation de la Conférence Islamique) basée en Arabie. On se demande si cette administration a fait attention aux nombreux avertissements liés à la politique de plus en plus franchement anti-israélienne du gouvernement d'Erdoğan et des points de vue antisémites des chefs de l'AKP, non moins que ceux, extrêmes, de Ramadan. Négligeant tous ces faits, cette administration a pris la décision d'abandonner son allié Israël à l'Onu, votant au Conseil de Sécurité un texte condamnant les actes d'Israël au large de Gaza.
Jusqu'ici, on avait largement considéré l'Islam radical de la Turquie comme se situant à un niveau un peu plus élevé que le fondamentalisme "soft" musulman, loin des exemples d'al Qaeda, du djihadisme pakistanais, du mouvement Deobandi du Pakistan ou du cléricalisme khomeiniste. Mais aujourd'hui ce qui est vraiment inquiétant, c'est le franc éloignement de la Turquie de son alliance avec Israël et son nouvel alignement avec l'axe Iran-Syrie. Le parti AKP a comme ambition de faire renaître l'hégémonie turque dans la région, pour retrouver l'ancien empire ottoman et le califat. Cet empire allait des Balkans et de Libye jusqu'aux côtes orientales de la péninsule arabique et en Irak. De plus, 5 pays de l'ancienne URSS sont turcophones — l'Azerbaijan, le Kazakhstan, le Turkménistan, l'Ouzbekistan, et la Kyrgyzie – et la majorité musulmane de la Chine occidentale est aussi de culture turque.
L'alliance du parti AKP avec le Hamas peut être vue comme une des expressions de ces prétentions impériales qui ressuscitent, ayant commencé bien avant l'élection d'Erdoğan en 2002. En effet, alors que la Turquie était gouvernée par le CHP, parti républicain du peuple, parti fanatiquement laïc, l'opposition islamique a pénétré la société et le pouvoir, à travers le soufisme comme couverture. Des membres de groupes soufis sont devenus des personnages éminents dans l'establishment des nouveaux partis islamiques, dont Necmettin Erbakan, l'ancien Premier ministre.
En 1995, les élections turques ont amené au pouvoir une coalition entre des laïcs conservateurs du parti "le Vrai Chemin", avec des Islamistes du parti de la Bienfaisance, dirigé par Erbakan. Nommé 1er ministre, celui-ci s'est empressé d'orienter sa politique en dehors des alliances avec l'Occident et Israël, en direction des pays arabes, en attisant un certain antisémitisme. Il fut éloigné du pouvoir en 1997 et son parti interdit. Mais il devint le mentor politique d'Erdoğan et le parti du "Vrai Chemin" s'est transformé en parti AKP d'Erdoğan . Aujourd'hui Erbakan a une influence considérable à travers un organe transnational appelé Milli Görüş (MG) ou "Vision Nationale" qui coopère avec al Qaradawi et avec Ramadan, à travers le Conseil Européen de la Fatwa et de la Recherche (ECFR) dirigé par Al Qaradawi.
On ne saurait pas exagérer la grossièreté de la haine d'Erbakan à l'égard des Juifs. En 2007
le Middle East Media Research Institute a retransmis une interview télévisée d'Erbakan où celui-ci affirmait que les Juifs cherchaient à dominer le monde depuis la réception de la Torah. Selon lui, "la sécurité d'Israël" signifie que
"ce pays doit gouverner 28 pays du Maroc jusqu'en Indonésie…et toutes les croisades ont été incitées par des Sionistes".
Or il y a au moins 8 siècles d'écart entre les Croisades et le mouvement sioniste, et les Juifs furent les premières victimes des Croisades. Mais Erbakan soutient toujours que
"le sionisme raciste et impérialiste a organisé 19 croisades pour atteindre ses objectifs, en se servant des Chrétiens"
Erbakan a traité les Juifs de "bactéries", allant jusqu'à affirer qu'ils auraient créé le Protestantisme. Dans un accès particulier de paranoïa, il a déclaré qu'un Juif nomme "Qabala" avait inventé un système pour dominer le monde. Cette dernière litanie, répétée à l'infini par lui, est tirée du précédent tsariste russe diffamatoire, les "Protocoles des Sages de Sion".
Erbakan est un pionnier dans le désir d'alliance avec l'Iran, et son mouvement Milli Görüş (MG) a une influence considérable auprès des 3 millions de Turcs vivant en Allemagne. MG y a 200 000 membres, et contrôle 400 à 600 salles de prière. De même aux Pays Bas et dans l'administration Erdoğan. Par le biais du bureau Diyanet, le service d'état religieux, celle-ci exerce un pouvoir extra-territorial et contrôle 900 mosquées importantes en Allemagne. Autrefois le prêche était modéré et les mosquées étaient un lieu de surveillance politique des fidèles d'Allemagne. Aujourd'hui le prêche se radicalise. Erdoğan est lié à Erbakan, à al Qaradawi, à Ramadan et au Hamas. Aujourd'hui la Turquie représente un atout majeur dans le panorama global de l'Islam radical.
La réponse d'Obama à cette réalité est une véritable faillite – son administration fantasmant que l'idéologie extrême de l'Islam proviendrait de problèmes socio-économiques plutôt que du soutien officiel de l'Arabie wahabite, du Pakistan et de la Turquie et pas moins que du soutien obtenu de l'Iran et de la Syrie".
Par Stephen Schwartz, journaliste, The Weekly Standard blog- 03/06/10, Traduction par Albert Soued – pour www.nuitdorient.com
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