28 mars 2024

La question israélienne est la nouvelle question juive

 
« Israël, parce qu’il est juif et a une population juive, défie l’Islam et les musulmans. »

« Israël, parce qu’il est juif et a une population juive, défie l’Islam et les musulmans. »  Crédit Reuters

Certains prétendent qu’il est désormais « interdit de critiquer Israël ». On reste stupéfié devant une affirmation aussi fausse : jamais, depuis la création de l’État d’Israël, la critique systématique et diabolisante de ce petit État démocratique n’a été plus virulente ni plus répandue. Elle est au cœur du nouveau politiquement correct, elle est le signe de ralliement de tous les esprits conformistes, de droite comme de gauche. À proprement parler, il ne s’agit pas d’une critique de la politique menée un gouvernement de l’État hébreu, mais d’une mise en accusation de l’État-nation israélien comme tel, qui prend souvent la forme d’un appel à sa destruction. Cet appel à l’éradication forme le cœur du programme de  l’antisionisme radical, postulant qu’Israël est un État en trop. Le seul État au monde à être traité comme un intrus. 

 

Le discours politique de l'autorité palestinienne à surveiller

Comme le répète l’article 28 de la Charte du Hamas (1988), qui résume en une phrase l’idéologie antijuive du mouvement islamiste : « Israël, parce qu’il est juif et a une population juive, défie l’Islam et les musulmans. » Le programme « antisioniste », considéré dans ses formulations radicales, a un objectif explicite qui revient à vouloir « purifier » ou « nettoyer » la Palestine de la « présence sioniste » ou « juive », considérée comme une « invasion » qui souille une terre palestinienne ou arabe (pour les nationalistes) ou une terre d’Islam (pour les islamistes). La rhétorique raciste de la « purification » n’est pas le propre des islamistes du Hamas ou du Jihad islamique : en mai 2011, au cours d’une réunion de la Ligue arabe, Mahmoud Abbas a déclaré vouloir une Palestine « purifiée de la présence juive ». Ce programme ethno-nationaliste est parfaitement cohérent avec le refus de reconnaître Israël comme un État juif. L’enracinement et l’expansion, dans l’imaginaire du monde musulman, d’un grand récit négatif sur Israël et le « sionisme » constituent l’un des principaux obstacles à l’établissement d’une paix véritable et durable au Proche-Orient. La propagande et l’endoctrinement « antisionistes » entretiennent la haine et la méfiance à l’égard d’Israël, désormais profondément inscrites dans les mentalités des populations proche-orientales. En politique, prendre ses désirs pour la réalité, surtout quand vise à établir la paix entre les nations, c’est l’illusion dangereuse par excellence. Dans un Proche-Orient où les « démocrates » pèsent peu face aux forces militaires et aux organisations islamistes, il est politiquement et géopolitiquement irresponsable de rechercher la paix en continuant de sous-estimer la ré-islamisation dans un sens jihadiste de la cause palestinienne. C’est là rêver les yeux ouverts.

Quelques jours avant le dépôt, par Mahmoud Abbas, de sa demande de reconnaissance d’un État palestinien devant le Conseil de sécurité, le 23 septembre 2011, le représentant de l’OLP aux États-Unis, Maen Areikat, a déclaré ouvertement, comme l’avaient déjà fait Mahmoud Abbas et son Premier ministre Salam Fayyad, qu’il n’y aurait pas de Juifs dans le futur État palestinien. C’est là ériger la ségrégation ethnique en fondement de l’État palestinien. Concernant les mesures à prendre concernant les Juifs indésirables, Areikat a déclaré benoîtement : « Je ne parle pas de déporter tous les Juifs, mais simplement de les expulser. » La direction palestinienne a donc osé définir publiquement sa vision d’un État palestinien ethniquement « pur ». On pourrait s’étonner de ne pas assister, en réaction, à de fortes mobilisations dans les milieux antiracistes qui prennent la mouche pour une expression équivoque ou une formulation maladroite. Mais l’on ne s’étonne plus d’apercevoir une nouvelle preuve de l’extraordinaire complaisance dont bénéficient les Palestiniens, quoi qu’ils disent ou fassent. 

 

L'islamisation de la cause palestinienne, un obstacle à la paix

La dernière trouvaille des ennemis d’Israël est donc de prétendre imposer la reconnaissance unilatérale d’un État palestinien lors de la session de septembre 2011 de l’Assemblée générale des Nations Unies. Il s’agit d’abord pour eux d’alimenter le mouvement d’opinion international en faveur de la « cause palestinienne ». Mais il y a plus inquiétant. Cette opération qui se drape dans les grands principes est un nouveau coup de force publicitaire dans le cadre de la stratégie de délégitimation d’Israël, principale manière de rendre acceptable la destruction de l’État juif, non reconnu comme tel, démonisé comme l’État en trop, traité en paria des nations. Car soutenir le principe de la création d’un État palestinien sans négociations avec Israël, dans l’état de désordre conflictuel où se trouve la direction palestinienne soumise à des pressions islamistes permanentes et croissantes (qui se transforment en une tentation islamiste de moins en moins dissimulée), revient à faire confiance aux jihadistes dont l’objectif déclaré est l’éradication de l’État juif, parce que juif. L’horizon reste celui d’une troisième Intifada, soutenue de différentes manières par les États voisins hostiles et de multiples groupes islamistes armés. L’objectif à peine caché de la création imposée d’un État palestinien, c’est la destruction d’Israël. Ce qui devrait être pour nous, défenseurs des principes de la démocratie libérale/pluraliste, un scandale absolu, une perspective intolérable.

Derrière la flambée d’illusion lyrique qu’a provoquée le « printemps arabe » des premiers mois de 2011, l’islamisation de la cause palestinienne est loin de refluer. Or, elle rend impossible toute véritable négociation susceptible d’aboutir à un compromis. Dans l’Égypte post-Moubarak, où l’on observe une flambée d’accusations conspirationnistes visant Israël, les Frères musulmans relèvent la tête, envisagent publiquement d’imposer la Charia par une « action graduelle », « étape par étape », et rêvent de « restaurer le califat ». On oublie trop souvent que le Hamas a été créé pour constituer la « branche palestinienne » des Frères musulmans. Le 10 septembre 2011, plus de 5 000 manifestants ont attaqué l’ambassade d’Israël au Caire en criant « Mort aux Juifs ! ». Après le printemps, et les vacances d’été, on passe à l’« automne arabe ». Et ce, pendant que le gouvernement islamiste d’Ankara menace explicitement Israël. Le conte de fées n’est plus crédible.
 

Israël, la nouvelle question juive

La mise en question du droit à l’existence d’Israël constitue le thème central de la nouvelle « question juive ». La déjudaïsation de la nation israélienne par le « retour des réfugiés » en masse est aujourd’hui à l’ordre du jour. Promesse d’une mort douce. Mais il est d’autres formes de provocation visant à rendre acceptable aujourd’hui la destruction d’Israël, comme la campagne de boycottage visant à isoler et diaboliser Israël, ou comme la mise en scène pseudo-humanitaire de telle ou telle « flottille pour Gaza » jouant la carte du défi en vue de fabriquer des « martyrs », qu’il faudra bien sûr « venger ». Pour les dictatures proche-orientales menacées de déstabilisation, le choix le plus simple est de susciter ou de soutenir par tous les moyens une troisième Intifada. C’est-à-dire de lancer une forme de jihad adaptée au système de croyances et de valeurs dans lequel le Palestinien est la victime absolue et l’Israélien l’agresseur sanguinaire, résultat de ce « transfert de compassion » qui s’est lentement opéré après la guerre des Six-Jours. Un jihad compassionnel, mimant l’impératif majeur du droit humanitaire international : la protection des populations civiles. 

Le 19 juillet 2011, visant à la fois le « Grand Satan » et le « Petit Satan », le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a réitéré sa menace en forme de prophétie d’extermination : « Nous lutterons de toutes nos forces contre Washington et Israël, jusqu’à leur destruction. Nous les enverrons dans les cimetières. Téhéran coupera les mains de celui qui voudrait nous attaquer. » Tel est le langage jihadiste tenu par l’un des hauts dirigeants d’une dictature islamiste qui s’est imposée comme le plus ferme soutien du Hamas. C’est cet inquiétant illuminé, doublé d’un négationniste militant, qui doit ouvrir la réunion organisée par l’ONU le 22 septembre 2011 à New York pour commémorer la Conférence internationale de Durban « contre le racisme » (fin août-début septembre 2001), qui se transforma en un pogrom symbolique visant « les sionistes », diabolisés en tant que nouveaux « nazis ». Cette Conférence fut la plus flagrante des manifestations publiques d’une perversion de la lutte contre le racisme dont on connaît le résultat : l’apparition d’un pseudo-antiracisme faisant de la nazification d’Israël et du sionisme son principal objectif, jumelé avec une prétendue « lutte contre l’islamophobie » destinée à interdire toute critique de l’islam politique, voire de l’islamisme radical.

À travers le boycottage multidimensionnel d’Israël ou la création d’un État palestinien « Judenrein » assortie du « droit au retour » des « réfugiés » en Israël afin de substituer à l’État juif un État judéo-arabe, il s’agit d’éliminer l’État hébreu par une euthanasie imposée, sous contrôle juridico-humanitaire international. Dans les démocraties occidentales, le propalestinisme aveugle et compassionnel représente la dernière forme historique observable de la judéophobie « de salon » (« salonfähig », disait-on naguère en Allemagne), une version euphémisée, diplomatiquement acceptable et culturellement attrayante, de la vieille haine des Juifs. 

 

Comment ne pas avoir à l’esprit la percutante formule : « Si les Arabes palestiniens déposaient les armes, il n’y aurait plus de conflit. Si les Israéliens déposaient les armes, il n’y aurait plus d’Israël. » La formule n’a jamais aussi conforme à la réalité historique et aux rapports de force observables que depuis l’été 2011, alors que la région proche-orientale tout entière, après l’ébranlement du régime en Égypte, jusque-là l’allié le plus sûr d’Israël, est devenue une zone de turbulence et d’instabilité dans laquelle l’hypothèse de nouveaux affrontements armés paraît la plus vraisemblable. Aussi faible soit-elle, la probabilité d’une reconnaissance entre Israël et ses ennemis actuels doit cependant faire l’objet d’une espérance active. Il n’est pas impossible qu’une telle paix soit possible. Mais il est sûr que le chemin tortueux qui y conduira ne sera pas jonché de roses. L’Histoire ne saurait échapper au tragique. Elle demeure imprévisible

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