1 juin 2023

Chi’isme et sunnisme : vers une radicalisation des dissensions

La guerre en Irak est à l'origine d'un changement considérable au Moyen-Orient et dans l'ensemble du monde musulman. Pour la première fois, un pays arabe est sous domination chi'ite. Toutefois, l'Occident n'a pas encore saisi la pleine signification du renouveau chi'ite : il n'est pas exclu que de nombreux régimes politiques de la région, où les Chi'ites sont majoritaires ou représentent une importante minorité, subissent de profonds changements.

Depuis le 11 septembre 2001, et plus spécifiquement depuis la guerre en Irak, l'une des questions importantes consiste à se demander si une coalition comprenant sunnites radicaux et forces chi'ites présentes dans la région pourrait en effet se concrétiser.

Parmi les différentes tentatives d'al-Qa'ida pour unifier la Oumma musulmane, la première était la formation du Front islamique mondial (FIM) pour la lutte contre les Juifs et les Croisés, tel que ben Laden l'annonça le 22 février 1998. L'objectif était de former une alliance internationale composée d'organisations et de groupes islamistes sunnites, ainsi que de dignitaires musulmans partageant une idéologie politique et religieuse commune et se retrouvant autour d'une stratégie mondiale de Guerre sainte (jihad). Toutefois, ce mouvement, ou cette structure, n'exista pratiquement pas en tant qu'organisation opérationnelle : les trois attentats terroristes organisés entre février 1998 et le 11 septembre 2001–les attentats à la bombe contre les ambassades américaines en Afrique en août 1998, l'attaque de l'USS Cole en octobre 2000, puis les attentats du 11 Septembre aux États-Unis–étaient en fait l'œuvre du noyau dur d'al-Qa'ida. Au lendemain de la guerre en Afghanistan, au cours du printemps 2002, le FIM fut rebaptisé Qa'idat al-jihad (" Base du jihad "), peut-être restructuré aussi, et l'appellation FIM pratiquement disparut.

Depuis la fin de la guerre en Afghanistan et jusqu'aux attentats de Madrid en mars 2004, tous les attentats terroristes ayant abouti visaient des pays musulmans (et des communautés musulmanes comme celle de Mombassa au Kenya), ceci en dépit des menaces répétées par ben Laden, al-Zawahiri et autres porte-paroles d'al-Qa'ida, de frapper implacablement le cœur des États-Unis et le monde occidental. Des groupes locaux ou régionaux affiliés à al-Qa'ida étaient essentiellement responsables de ces opérations. Ceux-ci incluent les factions salafistes en Tunisie et au Maroc, les islamistes yéménites, ou encore la Jema'a Islamiyya indonésienne (un groupe dirigé par Abu Bakar Bashir depuis l'Indonésie, mais comportant des ramifications malaisiennes, philippines et singapouriennes oeuvrant à la formation d'un nouvel État régional islamique). Même les attentats-suicides perpétrés en Arabie saoudite en mai 2003 n'ont pas été clairement attribués aux dirigeants d'al-Qa'ida[2].

Dans l'un des premiers documents d'al-Qa'ida, intitulé " Troisième lettre adressée au Corps d'Afrique ", l'un des stratèges de l'organisation avait déjà mis l'accent sur la difficulté de construire une coalition :

Nous devons absolument nous éloigner de toute tentative de fusion structurelle, car l'expérience concrète des Musulmans nous a démontré que toute tentative de fusion engendre nombre de divisions et de ruptures. C'est pourquoi, toute tentative de fusion doit prendre fin. Nous devons nous satisfaire d'une coordination dans des domaines concrets. À travers cette dernière, il pourra être élaboré un véritable travail préparatoire conduisant à une unité structurelle dans un avenir lointain, ou jusqu'à ce que Dieu veuille faire apparaître le Mahdi[3].

Depuis la nomination d'Abu Musab al-Zarqawi au poste de porte-parole d'al-Qa'ida en Irak par ben Laden en décembre 2004, des désaccords croissants d'ordre stratégique et tactique sont apparus entre les différents chefs des mouvements jihadistes. Ceux-ci se rapportent à trois points essentiels[4] :

La nécessité de définir le front où se déroulera la plupart des affrontements, suite au déclenchement de l'activité terroriste jihadiste en Arabie saoudite en mai 2003 : l'Irak, l'Arabie saoudite ou peut-être l'Égypte.
Le meurtre de Musulmans innocents : Le nombre croissant de Musulmans innocents tués lors d'attentats terroristes suite à l'accroissement de la violence en Irak et en Arabie saoudite a engendré des réactions négatives parmi l'opinion publique arabe, ce qui a entraîné la nécessité de définir des " lignes rouges " tactiques.
Le fossé entre Sunnites et Chi'ites, lequel représente probablement l'enjeu le plus important au Moyen-Orient. En effet, la communauté chi'ite à été désignée comme le principal ennemi du mouvement sunnite jihadiste, du fait de l'accroissement de son statut politique et stratégique en Irak, et de la menace potentielle qu'elle représente dans la région du Golfe tout entière.

UNE COALITION AU SEIN DU CAMP ISLAMISTE EST-ELLE DURABLE ? LES DISSENSIONS ENTRE SUNNITES ET CHI'ITES


Les nombreux conflits religieux, politiques, socio-économiques et parfois ethniques qui existent entre communautés sunnites et chi'ites au sein du monde musulman ont un impact sur le comportement d'organisations plus radicales, ainsi que sur les acteurs étatiques les soutenant, lesquels peuvent se servir de ces conflits dans un but idéologique et tactique, pour renforcer la solidarité avec les groupes alliés. L'existence de deux tendances islamistes parallèles–le modèle chi'ite révolutionnaire iranien opposé au modèle sunnite radical wahhabite ou salafiste–modifie l'idéologie et la stratégie des nombreux groupes violents agissant dans le monde musulman. Ceci est clairement illustré par la guerre terroriste ouverte opposant groupes chi'ites et sunnites au Pakistan, en Afghanistan et en Irak, ainsi que, récemment, au sujet de la guerre menée par le Hezbollah contre Israël.

Quelles sont les origines de ces conflits et comment influent-ils sur la potentialité d'une coalition entre sunnites radicaux d'al-Qa'ida et chi'ites radicaux du camp iranien ?

Selon le poète syrien Ali Ahmad Saïd Isbir :

L'histoire des Musulmans depuis la création de l'État islamique [est] une guerre permanente et sans fin qui s'acharne à nier l'existence d'un pluralisme au sein de l'islam, sur le fondement qu'il n'existe qu'un seul centre du pouvoir, qui prend sa source dans une religion unique. Ce conflit ne prit jamais fin : d'une manière ou d'une autre, son ardeur ne s'est jamais épuisée, non seulement au sein des deux groupes antagonistes, les Sunnites et les Chi'ites, mais également parmi les groupes moins connus et moins impliqués.[5]

Le chi'isme compte près de 130 millions d'adeptes et représente quelques dix pour cent du 1,3 milliard de Musulmans dans le monde. L'écrasante majorité des Chi'ites (approximativement 120 millions) vit dans la région comprise entre le Liban et le Pakistan, où ils sont majoritaires en Iran, en Irak, au Bahreïn et en Azerbaïdjan ; ils sont la communauté la plus importante au Liban ; et ils représentent des minorités non négligeables dans plusieurs émirats du Golfe, en Arabie saoudite, au Pakistan et en Afghanistan (de même au sein de pays limitrophes comme l'Inde et le Tadjikistan, ainsi qu'en Afrique australe). Depuis la frontière sud de l'Irak jusqu'aux ghettos de Karachi, les Chi'ites ont été les opprimés, marginalisés et oppressés des régimes politiques sunnites au pouvoir et des communautés majoritaires.

Dans un article concis et convaincant, Vali Nasr examine l'origine du renouveau chi'ite en Irak au lendemain de la chute de Saddam Hussein, ainsi que ses implications au sein d'un Moyen-Orient élargi. Il souligne ainsi le rôle de la révolution iranienne de 1979, laquelle a mobilisé l'identité chi'ite et encouragé le développement de programmes spécifiquement chi'ites en apportant un soutien financier et politique à des groupes tels qu'Amal (" espoir ", acronyme généralement utilisé pour désigner le mouvement des dépossédés) au Liban, al-Da'wa al-Islamiyya (" l'Appel islamique ") en Irak, Hizb-i Wahdat (" le Parti de l'unité ") en Afghanistan et Tehreek-e-Jafria (" Mouvement pour la jurisprudence chi'ite ") au Pakistan. L'axe Téhéran-Damas est également une composante du programme expansionniste de l'Iran chi'ite, à la faveur duquel le Hezbollah a pu s'implanter au Liban. En soutenant cette organisation dans les années 1980-90, l'Iran avait pour objectif de s'opposer à la présence américaine dans ce pays et de renforcer l'influence iranienne parmi les Libanais. Toutefois, selon Nasr, l'Iran révolutionnaire ne réussit pas à modifier l'équilibre des forces entre Chi'ites et Sunnites dans la région et se résout finalement à abandonner cet objectif, alors que les Saoudiens s'érigeaient en garants du sunnisme et se posaient en symbole de la résistance aux " usurpateurs " chi'ites[6].

Selon ce point de vue, l'Arabie saoudite était motivée par la volonté de contrôler sa propre minorité chi'ite et de répondre au défi de Khomeini quant à la légitimité islamique du royaume saoudien. L'implication de Riyad dans le militantisme sunnite ne suscita que peu d'inquiétude au sein du monde occidental au cours des années 1980-90 : durant cette période, l'Iran et son militantisme chi'ite furent considérés comme la face la plus dangereuse de l'islam et comme la menace la plus inquiétante pour les intérêts occidentaux. Les termes d'anti-américanisme, de révolution, de terrorisme, de prise d'otage et d'attentat-suicide furent alors associés aux Chi'ites. Nasr considère qu'après la mort de Khomeini en 1988, le militantisme chi'ite cessa d'être la force idéologique à la pointe de l'activisme islamiste et fut remplacé, après la première guerre du Golfe en 1991, par le militantisme sunnite, lequel se développa du moins partiellement, sinon essentiellement, en réponse à l'activisme chi'ite qui suivit la révolution iranienne[7].

La chute de Saddam bouleversa cet équilibre en renforçant la majorité chi'ite. La rivalité pour le pouvoir, opposant Chi'ites et Sunnites, se révéla être le principal déterminant à la paix et à la stabilité en Irak, influençant directement la région, du Liban jusqu'au Pakistan. Cependant, ce renouveau chi'ite et le déclin de l'influence sunnite en Irak ne firent que tonifier et renforcer un militantisme sunnite qui existait déjà. Les violences anti-chi'ites qui minent aujourd'hui l'Irak sont tout d'abord apparues en Asie du Sud et en Afghanistan dans les années 1990, engendrées par des groupes militants liés aux Talibans et à al-Qa'ida. Les attentats à la bombe de Bagdad, Kerbala, Najaf et autres bastions chi'ites en Irak ont fait de nombreuses victimes, mais ressemblent étroitement aux événements de Mashhad, de Karachi, de Quetta et de Mazar-i Sharif depuis le début des années 1990. La menace sectaire qui prend forme actuellement en Irak serait donc le résultat d'une rivalité profondément ancrée dans la région plutôt que la conséquence directe des derniers développements dans le pays[8].

Au Pakistan : un conflit intercommunautaire sanglant


La communauté chi'ite du Pakistan, traditionnellement liée aux ouléma (" savants de l'islam ") de Najaf et représentant 15 à 20 pour cent de la population, soit près de 25 millions de personnes, se tint à l'écart de la politique jusqu'au milieu des années 1970. La révolution iranienne, la guerre Iran-Irak, la transposition sur le territoire pakistanais de la rivalité entre l'Iran et l'Arabie saoudite, ainsi que la politique d'islamisation instaurée par le général Zia ul-Haq dès 1979 dans le but de transformer le Pakistan en État sunnite, tous ces facteurs contribuèrent à la mobilisation religieuse et politique de la communauté chi'ite. Le groupe Tehreek Nafaz-e-Fiqh-e-Jafria (TNFJ, " Mouvement pour l'application de la jurisprudence chi'ite ")–mouvement religieux fondé en 1980 et rebaptisé plus tard Tehreek-e-Jafria Pakistan (TJP, " Mouvement pour la jurisprudence chi'ite au Pakistan ")–se radicalisa dès 1985 sous l'influence d'Allama Arif Hussein al-Husseini et se transforma en parti politique en 1987. L'assassinat de ce dernier en 1988 marqua le début d'une violence intercommunautaire généralisée, qui perdure encore[9]. Afin de s'opposer à l'assurance politique croissante des Chi'ites et de leur parti politique, le TJP, Zia ul-Haq, dictateur militaire qui dirigea le Pakistan dans les années 1980, encouragea et assista des organisations extrémistes sunnites comme le Sipah-e Sahaba Pakistan (SSP, " Gardiens des amis du prophète au Pakistan ").

La campagne anti-chi'ite et la violence qui en découla furent orchestrées principalement par les militants déobandi-wahhabites, minoritaires au Pakistan mais jouissant d'une influence considérable due au soutien des élites militaires et de renseignement et à l'apport de fonds apparemment inépuisables en provenance de l'Arabie saoudite[10].

Entre janvier 1989 et le 31 mai 2005, le conflit intercommunautaire sanglant opposant Chi'ites et Sunnites au Pakistan fut la cause d'un total de 1 784 victimes pakistanaises et 4 279 personnes blessées à travers le pays, et certaines indications laissent à penser que la situation ne peut que s'aggraver. Ainsi, en 2004, au cours de 19 incidents de violence intercommunautaire, 187 personnes furent tuées et 619 autres blessées ; et durant les cinq premiers mois de l'année 2005, au cours de 30 tels incidents, 120 Pakistanais périrent et 286 autres furent blessés[11].

L'un des facteurs accablants de cette violence intercommunautaire est le nombre croissant d'attentats-suicides à l'intérieur ou à proximité de mosquées et autres lieux saints, ainsi que les assassinats d'éminents chefs religieux des deux parties (voir graphique ci-dessous) : Le 19 mars 2005, 50 personnes ont été tuées et 100 autres blessées lors de l'attentat à la bombe perpétré près du tombeau d'un saint chi'ite dans le village de Fatehpur, dans la province du Baloutchistan ; le 27 mai 2005, au moins 25 personnes ont été tuées et près de 100 autres blessées lors de l'attentat à la bombe perpétré sur le site du tombeau chi'ite de l'imam Bari dans la capitale Islamabad ; le 9 février 2006, 40 personnes ont été tuées et 50 autres blessées lors de ce que l'on suspecte être un attentat-suicide au cours d'une procession de musulmans chi'ites, à l'occasion de Muharram (premier mois du calendrier musulman) dans la ville de Hangu, située dans la province limitrophe du nord-ouest[12].

Violence intercommunautaire au Pakistan (1989 – 2002)[13]

 

Les différents groupes et membres affiliés à al-Qa'ida étaient directement impliqués dans ce conflit intercommunautaire : Sunnites pakistanais, Talibans et combattants d'al-Qa'ida unirent leurs forces lors d'opérations militaires en Afghanistan, comme lors des prises de Mazar-i Sharif et de Bamiyan en 1997, lesquelles entraînèrent le massacre de fidèles chi'ites. Les combattants pakistanais du SSP furent responsables de la plus grande partie des massacres et manquèrent de provoquer un conflit avec l'Iran lors de la prise de son consulat et du meurtre de 11 diplomates iraniens[14].

Selon des sources indiennes, Ramzi Youssef, actuellement emprisonné aux États-Unis pour son implication dans l'explosion du World Trade Center en février 1993, Maulana Masood Azhar, appartenant au Jaish-e-Mohammad (JEM, " Armée de Mohammad "), Fazlur Rahman Khalil, membre du Harkat-ul-Mujahideen (HUM, " Mouvements des guerriers saints "), et Abu Musab al-Zarqawi, tous débutèrent leur carrière de terroristes en tant que membres du SSP et furent impliqués dans de nombreux massacres anti-chi'ites au Pakistan, en Iran et en Afghanistan. Ainsi, à titre d'exemple, plusieurs attaques meurtrières contre la communauté chi'ite eurent lieu suite à des soupçons selon lesquels l'arrestation, en mai 2003 par les autorités pakistanaises à Rawalpindi, de Khalid Cheikh Mohammad (responsable du " Département des opérations extérieures " d'al-Qa'ida), ainsi que son transfert au FBI, était la conséquence d'une trahison des Hazaras (chi'ites) du Baloutchistan. De même, le massacre de Chi'ites à Quetta, en mars 2004, fut perpétré en représailles à la coopération suspectée de ces derniers avec les Américains dans leur traque de ben Laden, et d'autre part à l'assassinat de Maulana Azam Tariq, le chef du SSP, prétendument attribué aux extrémistes chi'ites[15].

En Arabie saoudite et au Golfe

Dès novembre 1997, soit presque en même temps que l'occupation du sanctuaire de la Mecque par des sunnites radicaux, aux ordres de Muhammad al-Utaybi et d'Abdallah al-Qahtani, des manifestations chi'ites dans la province orientale de l'Arabie saoudite marquèrent une nouvelle forme d'activisme, laquelle conduisit à leur première intifada, la révolte spontanée[16]. Le Hezbollah saoudien, localement connu sous le terme Ansar khat al-imam (" Partisans de la voie de l'imam "), en référence à Khomeini, fut fondé en 1987 par plusieurs éminents dignitaires religieux, dont cheikh Hashim al-Shukus, cheikh Abdulrahman al-Hubail et Abduljalil al-Maa, de la province orientale. L'organisation revendique le principe de Khomeini de velayat-e faqih (" guidance du juriste théologien ") et la plupart de ses membres imitent la marja'iyya (direction religieuse chi'ite) du chef suprême de l'Iran, l'ayatollah Khamene'i. Les Partisans de la voie de l'imam se méfient au plus haut point de la famille régnante et du gouvernement. Pour la plupart, ce sentiment se traduit par une attitude d'isolement, bien qu'il ait pu occasionnellement engendrer un comportement violent[17]. Il est intéressant de noter que l'ampleur de l'hostilité wahhabite à l'égard des Chi'ites s'est traduite depuis le début du 19ème siècle par la propagation d'un mythe selon lequel le fondateur du chi'isme aurait été un Juif nommé Abdallah ibn Saba[18].

En juin 1996, l'attentat à la bombe à l'extérieur d'un complexe d'appartements situé au sein des tours Khobar à Dhahran en Arabie saoudite–au cours duquel 19 membres du personnel de l'armée de l'air américaine furent tués et des centaines d'autres Américains blessés–fut l'attentat principal perpétré par les chi'ites radicaux en Arabie saoudite. Selon l'acte d'accusation américain contre les auteurs du forfait, des officiels iraniens ainsi que des membres du Hezbollah libanais auraient été impliqués dans cette affaire. Suite à l'attentat de Khobar, le gouvernement prit des mesures contre le Hezbollah saoudien, mais certaines indications laissent à penser que le Hezbollah/les Partisans de la voie de l'imam auraient dernièrement renforcé leur assise et leur influence en se concentrant sur des activités sociales et culturelles, à l'exclusion de la politique[19].

La guerre en Irak, et les responsabilités croissantes auxquelles les Chi'ites ont accédé depuis, ont à nouveau alimenté l'hostilité anti-chi'ite. Des slogans publiés sur un forum internet populaire ont énoncé : " Ils sont l'ennemi, ils sont l'ennemi, ils sont l'ennemi " et " Dieu damne la Rafida ". Les actes de violence anti-chi'ites ont augmenté ces dernières années et des rumeurs non confirmées d'attaques planifiées ou ayant échoué se sont rapidement répandues au sein de la communauté. En 2005-06, les incidents à connotation vraisemblablement sectaire ont inclus l'incendie de mosquées chi'ites à Qatif et de centres communautaires à Tarut, ainsi que des actes de vandalisme dans un cimetière chi'ite d'Annak. Les conflits entre Sunnites et Chi'ites s'emparent d'une importance publique grandissante en Arabie saoudite. L'un des faits particulièrement inquiétants liés à l'avenir des relations entre Sunnites et Chi'ites est l'augmentation alarmante du nombre de militants jihadistes saoudiens envoyés en Irak. L'hostilité envers les Chi'ites et leur rôle croissant en Irak est également important, alors que beaucoup de jihadistes saoudiens se rendent en Irak afin de " tuer des Chi'ites ". La perspective du retour éventuel de plusieurs centaines de mujahideen saoudiens aguerris augmente le risque qu'ils soient à la recherche d'un nouveau champ de bataille, à l'instar de leurs prédécesseurs s'en revenant d'Afghanistan, et deviennent ainsi une menace potentielle pour la communauté chi'ite[20].

À Bahreïn

Les musulmans chi'ites de Bahreïn, largement présents au sein des 35 îles qui composent l'archipel de cet État du Golfe Persique, représentent une majorité défavorisée. Ils partagent avec les autres Bahreïnis des origines ethniques arabes communes, ainsi qu'une même langue : l'arabe. Toutefois, ils se distinguent de la minorité sunnite et de la royauté au pouvoir, également d'obédience sunnite, par des croyances religieuses spécifiques[21].

Au cours des années 1980, l'opposition au régime se manifesta par des actes de sabotage de petite envergure menés par de petites factions bien organisées. Suite à la mort, en mars 1999, de l'émir de Bahreïn, cheikh Isa bin Salman al-Khalifa, et suite aux troubles sporadiques causés par les activistes chi'ites depuis 1994, l'opposition fit part de sa volonté de mettre un terme aux protestations. Cette approche plus conciliatrice eut pour conséquence de réduire les tensions. Par ailleurs, bien que des rencontres de moindre envergure continuèrent d'être organisées ces dernières années, cheikh Hamad, le nouveau dirigeant bahreïni, décida d'adopter une nouvelle constitution à la fin du mois de décembre 2000. Ainsi, en 2002, le pays devint officiellement une monarchie constitutionnelle ; en octobre de la même année, plus de la moitié des électeurs en droit de voter se rendirent aux urnes lors des premières élections organisées depuis 1973. Ils élurent à cette occasion 40 membres du Conseil des députés–la chambre basse de l'Assemblée nationale bahreïnie. Parmi ces élus figurent une douzaine de députés chi'ites, ce nombre étant toutefois loin d'être proportionnel à la place des Chi'ites au sein de l'ensemble de la population[22].

Bahreïn est souvent décrit comme un indicateur des relations entre Sunnites et Chi'ites, du fait de l'influence grandissante de ces derniers dans la région. Certains associent ainsi les Chi'ites de Bahreïn à une enclave qui reproduirait les schémas de l'importante population chi'ite en Irak, particulièrement affectée par la situation en Iran et en Irak. Les extrémistes sunnites de Bahreïn dépeignent d'ailleurs le pays comme la pointe d'un croissant chi'ite contrôlé par l'Iran et menaçant le reste du monde arabe, largement plus étendu et essentiellement sunnite.

Depuis décembre 2005, date à laquelle un dignitaire religieux iranien fut arrêté à l'aéroport, les heurts planifiés entre jeunes chi'ites et forces de sécurité bahreïnies sont devenus presque hebdomadaires. Les hommes politiques chi'ites prétendent que ces jeunes manifestants revendiquent simplement des emplois, une égalité des chances et une représentativité au gouvernement plus importante, alors qu'ils brandissent des portraits de dirigeants iraniens et de leaders du groupe militant Hezbollah, soutenu par l'Iran. Le Mouvement des jeunes sans-emplois a d'ailleurs adopté un étendard de couleur jaune, très similaire à la bannière du Hezbollah, et des photographies des dirigeants de ce mouvement trônent souvent sur les murs des foyers chi'ites du pays. Les sunnites modérés eux-mêmes soulignent que l'opposition chi'ite se bat pour le pouvoir plutôt que pour des réformes[23].


En Irak

Al-Qa'ida


Depuis l'assassinat en 2003 de l'ayatollah al-Hakim, Abu Musab al-Zarqawi a redoublé d'efforts pour inciter la communauté chi'ite d'Irak à user de représailles contre les Sunnites et provoquer ainsi une guerre civile. Cette stratégie, reflet de la doctrine wahhabite commune, devint évidente suite à la divulgation, en janvier 2004 par les autorités américaines, d'une de ses lettres. Les Chi'ites y sont décrits comme " les plus malfaisants du genre humain […], le serpent menaçant, le scorpion rusé et malveillant, l'ennemi qui espionne et le venin qui s'insinue ". Leurs crimes sont : " un polythéisme avéré, l'adoration de tombeaux et leurs lieux de pèlerinage où se pratique la circumambulation "[24].

La position de Zarqawi contredit les opinions de ben Laden et d'al-Qa'ida quant à la question chi'ite. Précisons que ben Laden insiste, dans son message audio de février 2003, sur l'importance pour les Sunnites et les Chi'ites de s'unir dans la lutte contre les Américains. Il énonce même que l'attentat-suicide perpétré par le Hezbollah en 1983 contre des casernes de marines américains à Beyrouth était la première " défaite américaine " perpétrée par des islamistes radicaux[25].

L'image victorieuse qu'ont réussi à imposer le mouvement chi'ite Hezbollah et son leader Hassan Nasrallah au sein du monde arabo-musulman après le retrait unilatéral israélien du Sud Liban en mai 2000, et plus récemment suite à l'échange de prisonniers (dont de nombreux Palestiniens) entre Israël et le Hezbollah en janvier 2004, a créé un fort ressentiment et une critique virulente parmi les éléments salafistes jihadistes saoudiens. De surcroît, l'image d'un Nasrallah présenté comme le " nouveau Saladin " compromet le rôle d'avant-garde mondial de l'islam, joué par Qa'idat al-Jihad, et l'expose au risque d'une prédominance du Hezbollah. Depuis le début du processus d'instauration d'un nouveau gouvernement en Irak, composé d'une nette majorité chi'ite, les sites internet et les forums salafistes ont intensifié leurs attaques contre les Chi'ites et leurs doctrines, et contre l'Iran[26].

Notons qu'en fin de compte, ben Laden accepta la stratégie de Zarqawi et des jihadistes salafistes, reconnaissant ainsi la prépondérance des dirigeants agissant sur le terrain, plutôt que celle de chefs symboliques cachés quelque part au Pakistan. Ce processus prit une année entière (de décembre 2003 à décembre 2004) et eut pour conséquence la nomination de Zarqawi comme " émir " d'al-Qa'ida en Irak[27].

Dans une vidéo diffusée par al-Jazeera–qui semblait être une réponse à l'appel au vote lancé par le grand ayatollah Ali al-Sistani à ses fidèles chi'ites, dans laquelle ce dernier qualifie ceux qui boycotteraient les élections d'" infidèles "–ben Laden mit en garde contre la participation aux élections (en Irak) : " Quiconque participera à ces élections […] aura commis le crime d'apostasie contre Allah ". Ben Laden y revendique également le meurtre de personnels de sécurité " au nom d'Allah "[28].

Cependant, ben Laden resta prudent dans son attaque contre la communauté chi'ite, évitant de se référer directement à ses dirigeants. Remarquons que, dans l'ouvrage qui compile la plupart de ses déclarations, ne figure aucune mention au chi'isme en tant que tel et a fortiori aucune attaque n'est dirigée contre celui-ci[29].

Ce point important continue d'être un facteur de dissensions entre les dirigeants d'al-Qa'ida et al-Zarqawi, comme le prouve la lettre adressée à ce dernier par Ayman al-Zawahiri en juillet 2005. Dans ce document de première importance, Zawahiri énonce " l'ampleur du danger que représente, pour l'islam, le chi'isme duodécimain […], école religieuse fondée sur l'excès et le mensonge " et qui " fait preuve de connivence avec les Croisés ". Il admet que " le heurt opposant tout État fondé sur le modèle de la prophétie et le Chi'isme surviendra tôt ou tard ". La question que lui-même et les " cercles mujahideen " posent à Zarqawi " concerne la justesse, présentement, de ce conflit avec les Chi'ites. Est-ce inévitable ? Ou peut-il être différé jusqu'à ce que le mouvement mujahid se renforce en Irak ? ".

D'autre part, Zawahiri rappelle à Zarqawi que " plus de cent prisonniers–dont beaucoup sont des dirigeants recherchés dans leur pays–[sont] captifs des Iraniens ". Les attaques dirigées contre les Chi'ites en Irak pourraient pousser " les Iraniens à prendre des mesures de réaction ". En fait, al-Qa'ida " et les Iraniens doivent actuellement se garder de se mettre réciproquement en défaut, tant que les Américains les visent "[30]. C'est en effet une realpolitik d'un nouveau genre de la part des dirigeants d'al-Qa'ida.

Toutefois, ceci n'a pas altéré la position d'al-Zarqawi. Dans son dernier message audio, il s'attaqua violemment au plus haut dignitaire du clergé chi'ite en Irak, l'ayatollah Ali Sistani, le qualifiant de " leader des croyances infidèles et de l'athéisme ", et accusa les groupes chi'ites et les forces du gouvernement d'être responsables de nombreuses attaques dirigées contre les Sunnites. Il suggéra également que les Chi'ites étaient eux-mêmes à l'origine de l'attentat à la bombe survenu sur le lieu de pèlerinage chi'ite de Samara en février 2006. Il critiqua par ailleurs la milice du dignitaire chi'ite radical Moqtada al-Sadr pour avoir cessé le combat contre les forces américaines[31].

Au cours d'un récent entretien avec l'unité chargée des relations médiatiques d'al-Qa'ida, lors du cinquième anniversaire des attentats du 11 septembre, Ayman al-Zawahiri a laissé entendre pour la première fois que le comportement meurtrier de Zarqawi à l'encontre des Chi'ites n'avait pas été cautionné par ben Laden : " Les consignes du cheikh Oussama–puisse Dieu lui apporter sa protection–à nos frères d'Irak et à leur dirigeant Abu Musab consistaient à concentrer leurs efforts sur les Américains et à neutraliser le reste des forces présentes de leur mieux ". Al-Zawahiri écarta l'affirmation du journaliste selon laquelle il était admis que le conflit entre Chi'ites et Sunnites avait été provoqué par al-Qa'ida : " Al-Qa'ida ne s'est jamais attaqué à eux [les Chi'ites], car le jihad contre l'occupation croisée l'accaparait totalement "[32].

Les Chi'ites


Pendant un an et demi, d'août 2003 à février 2005, les Chi'ites, dans leur grande majorité, ont très peu répondu aux attaques perpétrées par les Sunnites. Seuls les membres de l'organisation Badr ont été accusés d'actes de représailles dès les prémices du conflit : ils auraient été responsables des assassinats d'officiels ayant appartenus au régime précédent, de membres suspectés d'appartenir au parti Baas et d'insurgés présumés. Toutefois, pendant longtemps, ces actions n'eurent aucun impact notable. En revanche, dès que les partis chi'ites, réunis dans l'Alliance irakienne unifiée, gagnèrent la majorité simple des votes lors des élections de janvier 2005, puis, unis à la liste kurde, accédèrent au pouvoir trois mois plus tard, le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (CSRII) s'arrogea les prérogatives du ministère de l'Intérieur, permettant aux troupes de l'organisation Badr d'infiltrer sa police et ses unités de commandos. Suite à cela, les Irakiens assistèrent à une augmentation rapide du nombre de meurtres de fidèles sunnites, lesquels ne pouvaient être expliqués par le conflit contre les seuls insurgés[33].

Les populations arabes chi'ites se sont de plus en plus polarisées sur les attentats-suicides visant des cibles chi'ites et sur les enlèvements et disparitions en nombre croissant depuis les élections de janvier 2005. Ils sont en réalité bien conscients que des personnages comme Zarqawi ont menacé de jihad l'ensemble des Chi'ites, les accusant de ne pas être des adeptes authentiques de l'islam. C'est pourquoi, bien que l'autorité provisoire de la coalition ait tenté, par des moyens légaux, de faire disparaître les milices, le CSRII ainsi que la faction d'Abdul Aziz al-Hakim continuent d'entretenir de nombreux éléments s'y rattachant. Depuis le printemps 2005, des groupes sunnites accusent de plus en plus souvent ces derniers de commettre des atrocités contre eux. Les Sunnites se sentent particulièrement menacés par l'organisation Badr, créée par le CSRII et entraînée par l'armée iranienne. Selon eux, cette organisation est responsable de la prise pour cible puis de l'assassinat de nombreux dignitaires sunnites de haut rang, dont beaucoup étaient membres du Muslim Scholars Board (" Conseil des érudits musulmans "). Entre août et novembre 2005, des hommes se prévalant d'appartenir aux forces du ministère de l'Intérieur ont été impliqués dans certains des massacres au cours desquels quelques 700 Sunnites ont péri. Des sources américaines ont également rapporté que depuis la formation du nouveau gouvernement en avril 2003, beaucoup de membres de l'organisation Badr ont rejoint les forces du ministère de l'Intérieur, dont la police et les unités de commando : de plus en plus, unités du ministère de l'Intérieur et organisation Badr tendent à se confondre[34].

Dès les premiers jours qui suivirent la chute de Saddam Hussein, le rôle de Moqtada al-Sadr devint source de division. D'aucuns l'accusèrent d'avoir été impliqué dans le meurtre de dignitaires chi'ites rivaux, comme celui du grand ayatollah Abdel Majid al-Khoï le 10 avril 2003. En octobre 2003, ses hommes de main attaquèrent des partisans du grand ayatollah chi'ite modéré Ali al-Sistani près du tombeau de l'imam Hussein à Najaf. Durant la plus grande partie de l'été et au début de l'automne 2004, sa milice, l'Armée du Mahdi, représenta une sérieuse menace pour les forces de la coalition et du gouvernement à Najaf, dans le quartier bagdadi de Sadr City, ainsi que dans d'autres régions chi'ites du sud. Depuis les élections, Sadr a contribué au renouveau de l'Armée du Mahdi, laquelle a recommencé à agir ouvertement dans certaines parties du sud de l'Irak, comme à Bassorah, à Amarah et à Nassiriyah ; elle a également conservé ses cellules actives à Najaf et à Qut. Depuis l'automne 2005, son organisation, alliée à d'autres groupes chi'ites réunis autour de convictions similaires, a été accusée d'assassinats politiques et d'enlèvements[35]. Certains dirigeants iraniens semblent considérer Sadr comme un allié potentiel utile pour une éventuelle coopération du même type que celle engagée avec le leadership du Hezbollah, du fait des similitudes que présente le mouvement de Sadr avec le groupe libanais. Dans les circonstances actuelles, Téhéran pourrait vouloir transposer le modèle de cette organisation en Irak[36].

L'Armée du Mahdi et les brigades de Badr se partagent, avec les forces de police irakiennes, le contrôle des principales villes du pays : Bagdad et Bassorah. Ces deux milices sont bien organisées et bénéficient d'un soutien populaire du fait de leur orientation religieuse et de leur capacité à maintenir l'ordre et à fournir certains services à caractère social. De plus, quelques unités de police et de l'armée appartenant aux Forces de sécurité irakiennes (FSI) ont abandonné leur formation initiale et développé des méthodes d'opérations indépendantes, souvent problématiques[37].

Au Liban

Au cours de l'année 2006, un changement de stratégie semble avoir été opéré par al-Qa'ida et Zarqawi quant à l'Iran et à son organisation mandataire, le Hezbollah libanais. Il est possible que les attaques à la roquette, perpétrées en décembre 2005 par les hommes de main de Zarqawi depuis le sud du Liban en direction du nord d'Israël, aient représenté la première étape d'une sorte d'entente mutuelle entre al-Qa'ida et l'Iran, permettant ainsi ces attaques, menées depuis un territoire notamment connu pour être sous le contrôle strict du Hezbollah[38].

Il aura fallu deux semaines au Hezbollah pour démentir avoir eu connaissance de l'attaque et mettre en garde contre l'utilisation d'un territoire considéré être sous sa responsabilité : " Certains [agents] sont présents au Liban ", déclara alors cheikh Naïm Qassem, secrétaire général adjoint du Hezbollah:

Nous n'en connaissons pas le nombre ni ne sommes informés de leurs intentions. Nous ne savons pas non plus s'ils envisagent des opérations [militaires] ici […]. Il est important de mettre en garde quiconque envisage de prendre le Liban comme terrain d'un règlement de compte.[39]
Il déclara ainsi qu'il était effectivement possible d'agir sans que cela ne fut porté à la connaissance du Hezbollah et que l'organisation continuait d'enquêter sur les déclarations d'al-Qa'ida.

Dans diverses régions du pays, les autorités libanaises arrêtèrent 13 membres suspectés d'appartenir à al-Qa'ida, les accusant de " constituer une équipe chargée de mettre en oeuvre des actes terroristes, de falsifier des documents officiels et personnels, et de posséder des armes sans autorisation ". Parmi ces 13 suspects, se trouvent sept Syriens, trois Libanais, un Saoudien, un Jordanien et un Palestinien. Le Daily Star de Beyrouth rapporta une déclaration présumée d'al-Qa'ida stipulant que l'organisation mettait en garde les camps palestiniens de Sabra et Shatila au Liban : ils seraient confrontés à des attaques d'al-Qa'ida s'ils ne se conformaient pas à leur idéologie[40].

Il est intéressant de préciser qu'en avril 2006, neuf hommes ont été inculpés de complot visant à l'assassinat du secrétaire général du Hezbollah, cheikh Hassan Nasrallah. Ils ont été dépeints comme " Salafistes qui voyaient en cheikh Nasrallah la cible chi'ite idéale pour se venger de la mort de Sunnites en Irak ". Nasrallah déclara lui-même qu'il ne tiendrait pas les sunnites libanais responsables si les conspirateurs s'avéraient avoir été incités à un tel acte par le militantisme sunnite[41].

Notons que quelques jours avant sa mort, Zarqawi appela au désarmement du Hezbollah libanais, si l'on s'en réfère à un message audio parvenu via Internet. Il y accuse le Hezbollah de servir de " bouclier afin de protéger l'ennemi sioniste [Israël] des frappes des mujahideen au Liban ", en référence aux militants arabes sunnites se réclamant du réseau al-Qa'ida. En réaction, un porte-parole du Hezbollah rejeta les dires de Zarqawi et l'accusa d'essayer de " fausser l'image de la résistance et de ses leaders " à travers les médias[42].

Il est possible que cette volte-face de Zarqawi–laquelle fait suite à sa tentative d'opérer à partir du Sud Liban, sous la bienveillante neutralité du Hezbollah–soit le résultat de sa relation complexe avec l'Iran.

Le 2 juin 2006, le Hezbollah organisa de violentes manifestations à Beyrouth, afin de protester contre la diffusion, sur la chaîne de télévision LBC, d'un programme tournant en dérision la position de la milice chi'ite quant à un éventuel désarmement et suggérant que le Hezbollah s'empresserait de présenter ses excuses si cela pouvait lui éviter de déposer les armes. Les regrets du producteur de l'émission ne réussirent toutefois pas à faire cesser les manifestations : seule l'apparition de Nasrallah lui-même sur le propre réseau du Hezbollah al-Manar, ainsi que ses appels au calme, y parvinrent. Ces manifestations organisées par la milice étaient en fait destinées à soutenir le groupe dans le cadre du Dialogue national libanais, le Hezbollah n'étant pas pressé de déposer les armes. En effet, ces dernières servent non seulement à renforcer l'image de " résistance " du parti chi'ite, mais elles représentent également pour ce dernier une police d'assurance contre l'éventuel retranchement d'al-Qa'ida au Liban. Nasrallah se montra ainsi conscient du danger du " phénomène Zarqawi " lors d'interviews qu'il accorda en février et juin 2006. Selon ce point de vue, la présence d'éléments anti-chi'ites se réclamant d'al-Qa'ida ne fera que renforcer le Hezbollah dans sa détermination de maintenir les armes, qu'il considère comme essentielles pour la défense de la communauté chi'ite[43].

LE CROISSANT CHI'ITE


Selon le roi Abdallah de Jordanie, l'ingérence de l'Iran dans les récentes élections irakiennes avait pour objectif de " créer un croissant chi'ite partant de l'Iran jusqu'à la Syrie et le Liban ". Selon certains analystes arabes, ce projet stratégique n'est pas viable : un Irak divisé pourrait en effet affecter l'équilibre régional des forces mais pas nécessairement en faveur de l'Iran, tandis qu'un Irak unifié autour d'un partage du pouvoir entre les trois grandes communautés servirait les intérêts de l'Iran mais restreindrait son influence. Dans tous les cas, il existe d'importantes disparités au sein des communautés chi'ites : les chi'ites irakiens sont arabes et, de fait, plus proches culturellement des sunnites irakiens que des chi'ites perses ; les Alawites de Syrie ne représentent qu'un faible courant au sein de l'islam chi'ite et, de surcroît, 85 pour cent des musulmans syriens sont sunnites ; au Liban, le dangereux brassage ethnique et religieux est si instable que les Chi'ites, à l'instar des autres communautés, ne souhaitent pas assister à un embrasement de la violence intercommunautaire[44].

Zaman, un journal turc à tendance islamiste, souligne avec inquiétude que l'Iran est en train d'étendre son influence économique, militaire et religieuse, même si ce dernier aspect n'est pas empreint d'une connotation révolutionnaire. Ce développement s'est réalisé à la faveur d'une force " centripète " dirigée vers l'Irak et ses villes saintes chi'ites de Najaf et Kerbala, étant donné le potentiel que celles-ci représentent pour la réalisation de changements radicaux au sein de la structure théologique chi'ite ; force centripète également dirigée vers le Liban, au sein duquel le Hezbollah dispose d'un potentiel aussi important qu'en Irak pour tirer avantage du conflit avec Israël et se faire le champion de la cause des opprimés. Essentiellement, l'auteur estime que, suite à la guerre au Liban, il est plus probable que Hassan Nasrallah se retrouve à la tête des chi'ites libanais plutôt que cheikh Mohammad Hussein Fadlallah. L'expansion de l'axe iranien vers l'ouest se manifeste à la fois à l'est et au sud : il existe aujourd'hui une présence chi'ite plus affirmée et plus active politiquement au Pakistan, au Tadjikistan et en Azerbaïdjan ; à Bahreïn, la population principalement chi'ite voit son influence grandir au sein de la société et redouble d'efforts pour implanter ses organisations en Arabie saoudite.

À la fin du mois d'août 2006, l'exercice militaire iranien portant le nom de code " Coup de Zulfikar " devait servir d'avertissement aux forces américaines et britanniques afin qu'en aucun cas elles ne pénètrent le territoire iranien. Toutefois, note le journal Zaman, au vu du conflit entre chi'isme et sunnisme, il parait évident que ce coup n'était pas uniquement destiné aux occupants occidentaux[45].

D'un point de vue iranien, ce concept de croissant chi'ite prit forme il y a de cela vingt-cinq ans, quand Téhéran commença à entretenir, organiser, entraîner et armer des groupes chi'ites irakiens opposés à Saddam Hussein. Cette intégration de l'Irak dans une alliance formée par Téhéran, Damas et Beyrouth, aurait également une influence sur l'équilibre des forces dans la région : elle fournirait à la Syrie une assise politique, financière et militaire, ainsi qu'une plus grande profondeur stratégique. Cette alliance tendrait, de surcroît, à renforcer l'assise de groupes islamistes tels que le Hezbollah, le Hamas et le Jihad islamique. Toutefois, les tenants de la politique iranienne sont conscients du fait que le régime syrien n'est pas un régime chi'ite et que sa politique étrangère ne tend pas à servir les intérêts chi'ites. L'actuel régime baasiste se réclame plutôt du nationalisme arabe et l'objectif premier de sa politique étrangère est de contribuer au développement des intérêts arabes, tels qu'ils sont définis par Damas. D'un point de vue iranien, l'alliance scellée avec la Syrie est fondée sur son opposition aux États-Unis et à Israël, sans que la question chi'ite n'interfère. Par conséquent, bien que l'avènement d'un " croissant chi'ite " ne soit pas à l'ordre du jour au Moyen-Orient, l'arrivée au pouvoir en Irak d'un gouvernement à dominante chi'ite engendrerait plusieurs conséquences importantes : elle renforcerait les droits politiques de la communauté chi'ite, serait à l'origine d'une alliance Iran-Irak contre le Conseil de coopération du Golfe (CCG) et renforcerait la position de la Syrie et de groupes islamistes au détriment d'Israël[46].

Vali Nasr, dont nous avons mentionné précédemment l'analyse des conséquences régionales du renouveau chi'ite en Irak, soutient que la plus grande menace aux intérêts américains provient aujourd'hui du militantisme sunnite et de l'activisme wahhabite, non de la ferveur révolutionnaire chi'ite, du fait de leur caractère dominant, violent et idéologique, non seulement anti-chi'ite mais également résolument anti-américain. Cet analyste considère que, pour l'essentiel, l'activisme chi'ite révolutionnaire est daté et que l'Iran ne représente " actuellement [plus qu'] une dictature usée et vacillante, sur le point de s'effondrer ". Selon lui, le chi'isme n'est plus en mesure de produire le type d'idéologie politique que le sunnisme continue de générer. De plus, les pays à prédominance chi'ite (Iran et Irak) parviendraient plus aisément au développement économique et à la démocratie que leurs voisins sunnites (à l'exception de la Turquie)[47].

Cependant, l'article de Nasr a été publié au cours de l'été 2004, soit avant l'élection d'Ahmadinejad en Iran, avant la radicalisation de la politique de Téhéran sur le nucléaire–qui engendra des heurts avec l'Organisation des Nations Unies et la communauté internationale–et avant la violente crise dirigée contre Israël, laquelle fut engagée par le Hamas et le Hezbollah mais clairement orchestrée par l'Iran dans une stratégie de déstabilisation du Moyen-Orient[48].

Selon l'ouvrage publié au cours de l'année 2005 par le journaliste jordanien Fouad Hussein, qui rencontra al-Zarqawi en prison, ce dernier aurait évalué qu'une confrontation entre Israël et les États-Unis d'une part et l'Iran d'autre part était inévitable et serait à même de détruire l'ensemble des infrastructures iraniennes. Par conséquent, l'Iran se préparerait à user de représailles en s'armant des puissantes cartes dont elle dispose. Le conflit s'étendrait alors aux communautés chi'ites pro-américaines en Irak et en Afghanistan, lesquelles seraient en position suffisamment inconfortable pour reconsidérer leurs alliances. Ce serait alors pour al-Qa'ida l'occasion d'étendre son espace vital, qui inclurait le Liban, afin de mener à bien ses activités[49].

Toutefois, un récent document publié après la mort de Zarqawi évoque la " sombre situation " de l'insurrection islamiste en Irak, à tel point qu'elle conduit Zarqawi à concevoir une stratégie de substitution dans le but de provoquer une " guerre par délégation ", dont le meilleur scénario serait :

une [guerre] entre les Américains et l'Iran car elle présentera de nombreux avantages en faveur des sunnites et de la résistance, tels que : la libération du peuple sunnite en Irak, qui représente 30 pour cent de la population mais vit sous le joug chi'ite ; l'embourbement des Américains dans un autre conflit qui engagerait une partie importante de leurs forces ; la possibilité de faire l'acquisition de nouvelles armes en provenance du camp iranien, soit après la chute de l'Iran, soit durant les combats ; l'incitation de l'Iran à apporter son soutien à la résistance, du fait de la nécessité de cet appui ; l'affaiblissement de la voie de ravitaillement chi'ite.[50]
Le document conclue sur divers projets d'opérations visant à provoquer ce conflit.

LES CONSÉQUENCES DE LA GUERRE AU LIBAN


L'auteur estime que l'escalade de la violence perpétrée aux frontières d'Israël au cours des mois de juin et juillet 2006 fut déclenchée par des acteurs soutenus par l'Iran : Hamas, Hezbollah et Syrie. L'idée était d'alléger les pressions qui pèsent sur l'Iran en déclenchant un conflit militaire de grande envergure au Moyen-Orient, créant ainsi une diversion dans le but de détourner l'attention de la communauté internationale quant au programme nucléaire iranien. Conjointement, cette opération servait les intérêts stratégiques principaux des trois autres parties. Plus précisément, l'intervention du Hezbollah dans ce conflit à ce moment précis–laquelle fut préparée stratégiquement au cours des six dernières années par l'Iran, qui munit la milice d'une artillerie et de roquettes de longue portée–avait pour objectif d'envoyer un message clair aux États-Unis, à l'Occident et à Israël sur ce qui se passerait en cas de lourdes sanctions internationales imposées à l'Iran, ou bien dans l'éventualité d'une attaque américaine ou israélienne visant à détruire les capacités nucléaires de ce pays[51].

En réalité, la stratégie hésitante des Israéliens lors de la guerre, ainsi que la résistance du Hezbollah au cours des trois semaines d'offensive militaire israélienne ont eu pour conséquence de renforcer l'image et la position de la milice chi'ite au sein du monde arabo-musulman. Bien qu'Israël ait reçu un soutien indirect des principaux régimes sunnites (Arabie saoudite, Égypte et Jordanie) dans sa tentative d'endiguer le Hezbollah, la population arabe de ces pays ainsi que des mouvements tels que la confrérie des Frères musulmans ont massivement soutenu le mouvement radical chi'ite libanais. Hassan Nasrallah est ainsi devenu le nouveau Saladin, regagnant l'honneur perdu des Arabes et des Musulmans–élément éminemment présent au sein de la culture arabo-islamique. Quant au Hezbollah, il apparait à présent comme le modèle de la lutte menée au nom de l'islamisme.

En juillet 2006, le Saoudien Salman al-Awdah publia une fatwa dans laquelle il proclama son soutien au Hezbollah et en fit même un devoir, malgré les différends qui les opposent. Sa position fut toutefois durement condamnée par les théoriciens du jihad mondial. L'un d'eux l'accusa même de fomenter un complot interne (fitnah) au sein du monde musulman, du fait de son soutien au mouvement chi'ite apostat[52].

Dans un message diffusé sur al-Jazeera le 27 juillet 2006, le bras droit de ben Laden, Ayman al-Zawahiri déclara qu'al-Qa'ida ne resterait pas sans réagir alors que " les obus [israéliens] brûlent nos frères " au Liban et à Gaza. Il appela les Musulmans à unir leurs forces et à lutter contre ce qu'il qualifia de " guerre croisée-sioniste " contre les nations musulmanes[53].

Selon Reuven Paz, le message qui circula au sein des forums jihadistes provoqua un débat animé parmi les jihadistes sunnites. À titre d'exemple, l'Égyptien Saïf al-Din al-Kinani publia une analyse intéressante sur le site internet Global Islamic Media Front (GIMF, " Front global des médias islamiques "), intitulée " L'Énigme de l'oppressé et les lignes rouges", dans laquelle il interprète le message de Zawahiri comme la nécessité pour les Musulmans de lutter pour la Palestine et le Liban, alors que seuls les Sunnites sont considérés être les vrais croyants. Par conséquent, puisque, selon cette analyse, les Chi'ites ne sont pas des Musulmans, le combat qu'ils mènent contre Israël n'est pas considéré comme jihad et ne sert que des intérêts étrangers. Abdallah bin Jaberin, l'un des dignitaires religieux les plus influents parmi les salafistes saoudiens, renouvela sa fatwa populaire d'avril 2002 dirigée contre le Hezbollah[54]. Khubab bin Marwan al-Hamad, un autre théologien salafiste, énonça sur le site internet Nour al-Islam que l'attaque juive dirigée contre les musulmans libanais devait être considérée comme une partie de l'épreuve voulue par Allah afin de sanctionner leur manque de foi et la culture corrompue qu'ils ont empruntée à l'Occident. Toutefois, lui aussi considère que tout soutien au Hezbollah et aux Chi'ites doit être exclu, du fait des nombreux péchés qu'ils ont commis.

Paz considère qu'à la fin de la guerre, l'ensemble des jihadistes estimait que le principe sacré d'al-Wala' wal-Bara' (" alliance et désaveu ") s'opposait à toute forme de soutien au Hezbollah, à Nasrallah ou encore à l'Iran, et ceci bien que le mouvement chi'ite mena la lutte contre les Juifs, apporta sa protection au Hamas et au jihad palestinien, et fut à l'origine de l'image de défaite associée au camp israélien. Bien souvent, le Hezbollah fut surnommé Hizb al-Shaytan (" Parti du diable") et Hassan Nasrallah rebaptisé Hassan Nasr, ôtant ainsi le terme Allah de son patronyme. Dans la plupart des cas, l'image victorieuse du Hezbollah semble avoir accru davantage la fureur anti-chi'ite au sein des jihadistes sunnites[55].

Le dignitaire religieux salafiste et jihadiste koweïtien, cheikh Hamed al-Ali, dirigea l'attaque contre le chi'isme et nia toute possibilité de soutien au Hizb al-Shaytan. Dans une fatwa datée du mois d'août 2006, il critiqua violemment " la campagne orchestrée par l'Iran dans le but de détruire les Musulmans ", la qualifiant de " conspiration safavide impérialiste et raciste semblable à [celle] en Irak ". Dans une autre fatwa, publiée après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, il soutint que ce conflit aura engendré un chaos tel que seule une guerre étendue à l'Iran pourrait le résoudre. La politique iranienne fut qualifiée de " projet safavide / iranien […] plus dangereux que le projet croisé-sioniste ". De fait, il appela au " jihad contre l'Iran […], lequel viendrait s'ajouter au [jihad contre] les Juifs et les Chrétiens "[56].

Dans ce contexte d'opposition arabe au Hezbollah, menée par l'Arabie saoudite et l'Égypte, le quotidien conservateur iranien Jomhouri-ye Eslami, proche des ayatollahs iraniens, publia un éditorial au ton méprisant, dans lequel il attaqua à la fois les dirigeants saoudiens et égyptiens, ainsi que les grands muftis. Le journal accusa ces derniers de trahir l'islam en servant les intérêts des rois arabes sunnites pro-occidentaux, des Américains et des infidèles occidentaux.

Le succès du Hezbollah représente en effet un défi pour les mouvements islamistes sunnites : le fait qu'une organisation chi'ite de moindre envergure ait réussi à ébranler Israël là où les armées arabes sunnites ont échoué peut être perçu comme une preuve de l'authenticité de l'islam chi'ite, alors que les tenants de ce courant sont stigmatisés par les jihadistes sunnites d'Irak et par leurs leaders spirituels comme infidèles et apostats. Les islamistes sunnites tiennent par conséquent à démontrer que les Sunnites aussi peuvent mener la lutte contre Israël. Tout au moins, ils tiennent à montrer que le Hezbollah ne fait pas face à l'État juif seul, délaissé par les Sunnites, et qu'ils ne sont pas moins efficaces que les chi'ites dans la lutte pour la défense de l'Islam et de l'honneur arabe[57].

Des observateurs arabes soutiennent que l'opinion publique arabe–galvanisée par la position du Hezbollah, la capacité toujours effective du Hamas à envoyer des roquettes sur le sol israélien, les victoires électorales des islamistes chi'ites en Irak, au sein de l'Autorité palestinienne et en Égypte, le défi posé par l'Iran à l'Occident et à Israël, ainsi que sa promesse de se doter du nucléaire–semble pencher de nouveau vers une vielle approche rejectionniste, laquelle vise à la destruction de l'État d'Israël, considérée comme réalisable. Cette approche est considérée comme une sérieuse menace non seulement pour Israël, mais également pour les régimes politiques arabes. Toutefois, étant donné que le Hezbollah a réussi à minimiser son appartenance chi'ite et son allégeance au principe du velayat-e faqih, le soutien de l'Iran au Hezbollah et son influence grandissante au Moyen-Orient sont soigneusement dissimulés[58].

Lors d'un discours tenu le 19 novembre 2006, le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah (également représentant personnel du leader spirituel iranien l'ayatollah Ali Khamene'i au Liban[59]) appela ses partisans à prendre le contrôle de la rue et à renverser le gouvernement libanais de Fouad Siniora. Un quotidien proche du Hezbollah promit que dans l'éventualité où la chute du gouvernement ne serait pas effective dans une période de 40 jours, ce dernier aurait à subir un " coup décisif " visant à son renversement. D'éminentes personnalités issues de la coalition politique libanaise, rassemblées dans l'" Alliance du 14 mars ", mirent ainsi en garde contre la menace imminente de putsch politique pesant sur le Liban. Ils dénoncèrent également le rôle décisif de la Syrie et de l'Iran dans la fomentation de cette crise par le Hezbollah. La toile de fond de ces troubles fut l'assassinat, le 21 novembre 2006, du ministre de l'Industrie, le chrétien libanais Pierre Gemayel[60].

Les manifestations organisées en plein cœur de Beyrouth à l'instigation de Nasrallah le 30 novembre 2006 se poursuivirent au cours de la première semaine de décembre. Dans un contexte d'émeutes et d'affrontements entre tenants de l'opposition et partisans de l'Alliance du 14 mars, le terme d'" intifada " fut employé pour décrire ces manifestations. L'Opposition nationale libanaise émit un communiqué appelant à participer à un rassemblement massif le 10 décembre " afin de prendre des dispositions visant à l'établissement de nouvelles formes et moyens de protestation, dans un esprit de non-violence ". Le journal iranien Sobh-e Sadeq, porte-parole du Guide suprême iranien l'ayatollah Khamene'i, affirma que la victoire du Hezbollah " dans la tenue d'élections anticipées ou dans la modification de la composition de la [structure] politique du gouvernement libanais signifierait […] l'échec de la politique occidentale et la défaite du régime sioniste au Liban "[61].

Certains analystes envisageaient déjà avant la guerre que le Hezbollah puisse se servir d'un processus démocratique pour faire basculer le Liban en une république islamiste chi'ite. Dans un article publié au lendemain de la guerre au Liban, l'intellectuel et chercheur réformiste américano-jordanien Shaker al-Nabulsi mit en garde contre l'objectif du Hezbollah d'instaurer une république qui s'alignerait aux principes régissant le régime iranien actuel. Pour al-Nabulsi, la menace la plus inquiétante réside dans la propagation de l'idéologie du Hezbollah au sein du monde arabe tout entier, à tel point qu'il ne serait alors plus nécessaire d' " exporter " le modèle de révolution de l'ayatollah Khomeini. Le danger pour la démocratie et la liberté se trouve ainsi dans la victoire possible de l'idéologie du Hezbollah, plutôt que dans ses exploits militaires.

Selon l'analyse d'un observateur saoudien libéral, l'une des conséquences les plus intéressantes de la guerre opposant Israël et le Hezbollah fut la mise à l'écart du mouvement jihadiste mondial et, en parallèle, le soutien plus large à des courants salafistes, lesquels, en dépit de leur rhétorique, furent relégués au rang de simples spectateurs tandis que le Hezbollah entamait sérieusement, une fois encore, le prestige d'Israël. Selon le même journaliste, bien que certains analystes aient pu interpréter le dernier message d'Ayman al-Zawahiri comme une main tendue à l'Iran, au Hezbollah et aux militants chi'ites plus généralement, celui-ci ne reflétait en réalité aucun changement dans la ligne directrice du réseau terroriste quant aux relations entre les différents courants de l'islam. Quoi qu'il en soit, al-Qa'ida tend de plus en plus à être marginalisé au sein du mouvement jihadiste salafiste et son influence idéologique est loin d'être aussi prépondérante auprès des nouvelles générations de militants radicaux que ce que l'on présume généralement[62].

CONCLUSION


L'alliance entre l'Iran, la Syrie, le Hezbollah et les Palestiniens (Hamas, Jihad islamique palestinien et certains éléments du Fatah) laisse à penser qu'une telle union est non seulement de l'ordre du possible, mais qu'elle opère victorieusement contre ses ennemis déclarés : les États-Unis, Israël, l'Occident dans son ensemble et les régimes arabes modérés.

Cependant, ce cas précis est différent : le moteur et le soutien de cette alliance proviennent de deux États " voyous " (ou rogue states), l'Iran et la Syrie, régimes autoritaires ayant usé pendant trente ans d'une stratégie de terrorisme à un niveau international, sans avoir à subir de réelles sanctions. Leur position dominante face à des organisations terroristes satellites ou mandataires, le soutien politique, financier et militaire ainsi que l'asile qu'ils accordent aux membres secondaires de l'alliance, sont ainsi des éléments déterminants facilitant le fonctionnement de cette alliance.

L'expérience historique de ces trente dernières années démontre que la plupart des coalitions rassemblant organisations terroristes radicales et groupes issus de toutes origines n'auront fonctionné que partiellement et généralement duré que peu de temps[63].

Les dissensions qui existent entre Chi'ites et Sunnites montrent l'extrême difficulté pour les mouvements religieux islamistes et les groupes faisant usage du terrorisme et de la violence de construire de véritables coalitions, qui puissent durer suffisamment longtemps pour aboutir à la création d'une Oumma musulmane unifiée et victorieuse.

Toutefois, des coalitions d'ordre tactique pourraient se créer à la faveur de périodes de fragilité opérationnelle et de pression, ou de menace, extérieure accrue. De telles coalitions auraient pour principales conséquences une déstabilisation des régimes politiques fragiles dans la région, un ébranlement du processus démocratique qui se met en place dans certains pays, ou encore un affaiblissement du processus de négociation engagé entre Israël et les Palestiniens.

*Ely Karmon est directeur de recherche à l'Institute for Counter-Terrorism (ICT) et chercheur à l'Institute for Policy and Strategy (IPS), tous deux rattachés à l'Interdisciplinary Center (IDC) basé à Herzliya, en Israël. Il enseigne le terrorisme et la guérilla à l'époque moderne à l'IDC, à l'Israeli Defense Forces (IDF) Military College, ainsi qu'au National Security Seminar of the Galilee College. Ely Karmon est l'auteur de Coalitions of Terrorist Organizations. Revolutionaries, Nationalists and Islamists [Coalitions d'organisations terroristes. Révolutionnaires, nationalistes et islamistes], Leiden, Boston, Brill Academic Publishers, 2005.

NOTES


[1] Traduction par Stéphanie Lévy de l'original " Radicalization of the Sunni-Shi'a Divide ". Cet article est une version éditée et actualisée de deux présentations : " Is a Coalition Viable in the Islamist Camp? The Sunni – Shi'a Divide " [" Une Coalition au sein du camp islamiste est-elle durable ? Dissensions entre Sunnites et Chi'ites "], réflexion proposée lors de la tenue du Proteus Futures Academic Workshop, intitulé " Analyzing Future National Security Challenges " [" De l'analyse des futurs defis sécuritaires nationaux "], organisé par le Center for Strategic Leadership, rattaché à l'U.S. Army War College, à Carlisle Barracks (Pennsylvanie, États-Unis), du 22 au 24 août 2006. La seconde présentation s'intitule " Radicalization of the Sunni-Shi'a Divide: from Pakistan and Afghanistan to Iraq, Lebanon, and the Gulf " [" Chi'isme et sunnisme, vers une radicalisation des dissensions : du Pakistan et de l'Afghanistan jusqu'en Irak, au Liban et dans le Golfe "] ; elle fut présentée lors de la sixième édition annuelle de la Conférence internationale sur le terrorisme mondial, organisée par l'Institute for Counter-Terrorism (ICT) à Herzliya (Israël), du 11 au 14 septembre 2006.

[2] Al-Qa'ida ne s'est sérieusement attaqué à sa cible principale, à savoir la royauté saoudienne, qu'elle exècre, qu'après sa défaite en Afghanistan. Il semble plus réaliste de considérer qu'il existait un accord tacite entre les dirigeants saoudiens et ben Laden, selon lequel aucune attaque ne serait menée contre les intérêts et le territoire saoudiens. Ceci peut également expliquer le fait que l'Arabie saoudite ait été l'un des trois seuls pays (avec le Pakistan et les Émirats Arabes Unis) à reconnaître la légitimité du régime taliban en Afghanistan, l'avoir soutenu financièrement et avoir maintenu ses relations diplomatiques avec lui jusqu'à la fin. Selon le Dr. Saad al-Faqih, dont l'expertise sur al-Qa'ida est largement reconnue, les dirigeants saoudiens auraient pris " un assez grand nombre de décisions maladroites " dans un passé récent. De plus, " à un niveau opérationnel, il existe à présent un lien très fragile entre ben Laden et ses conseillers d'une part, et les responsables locaux d'al-Qa'ida en Arabie saoudite d'autre part ". Voir Mahan Abedin, " New Security Realities and al-Qaeda's Changing Tactics: An Interview with Saad al-Faqih " [" Nouvelles Réalités sécuritaires et évolution de la tactique d'al-Qa'ida : entretien avec Saad al-Faqih "], Spotlight on Terror, Jamestown Foundation, vol. 3, no. 12, 15 décembre 2005. Le Dr Saad al-Faqih est à la tête du groupe d'opposition saoudien Mouvement pour une réforme islamique en Arabie (MRIA).

[3] " The Third Letter to the Africa Corps " [" Troisième lettre au Corps d'Afrique "], traduit en anglais, figurant dans l'ouvrage Harmony and Disharmony : Exploiting al-Qa'ida's Organizational Vulnerabilities, Combating Terrorism Center, Department of Social Sciences, United States Military Academy, 14 février 2006, http://www.ctc.usma.edu/aq/AFGP-2002-600053-trans.pdf.

[4] Ely Karmon, " The Implications of Zarqawi's Death " [" Les conséquences de la mort de Zarqawi "], Institute for Counter-Terrorism, 21 juin 2006, http://www.ict.org.il/articles/articledet.cfm?articleid=570.

[5] Adonis, " Le Chiavi del Islam ", L'Espresso, 29 juin 2006.

[6] Il semble que l'article de Nasr ait également influencé le débat au sein de l'establishment et du monde universitaire américain sur cette importante question. Voir Vali Nasr, " Regional Implications of Shi'a Revival in Irak " [" Conséquences régionales du renouveau chi'ite en Irak "], The Washington Quarterly, vol. 27, no. 3, été 2004.

[7] Cf. supra.

[8] Cf. supra.

[9] " The Ottoman Policy Toward the Shia Community of Iraq in the Late 19th Century " [" La Politique ottomane à l'égard de la communauté chi'ite d'Irak à la fin du 19ème siècle "], texte présenté au cours de la conférence sur " Images, Representations and Perception in the Shia World ", présentée à l'Université de Genève, 17-19 octobre 2002, http://www.unige.ch/lettres/meslo/arabe.

[10] B. Raman, " Islamabad Blast: Gilgit-Related " [" Explosion d'Islamabad: en relation avec Gilgit "], South Asia Analysis Group, no. 1393, 29 mai 2005.

[11] South Asia Intelligence Review (SAIR), vol. 3, no. 47, 6 juin 2005. A participé à ce numéro : Amir Mir, rédacteur en chef assistant, Herald mensuel, Dawn Group of Newspapers, Karachi.

[12] Se référer à l'article " Major Incidents of Terrorist Violence in Pakistan, 1988-2006 " [" Principaux actes de violence terroriste au Pakistan, 1988-2006 "], South Asia Terrorism Portal, http://www.satp.org/satporgtp/countries/pakistan/backgrounders/index.html.

[13] Cf. " Pakistan Backgrounder " [" Pakistan – Éléments de base "], South Asia Terrorism Portal, http://www.satp.org/satporgtp/countries/pakistan/backgrounders/index.html.

[14] Nasr, " Regional Implications of Shi'a Revival in Iraq ".

[15] B. Raman, " Massacres of Shias in Iraq & Pakistan – The Background " [" Les Massacres de musulmans chi'ites en Irak et au Pakistan – Éléments de base "], South Asia Analysis Group, no. 941, 3 mars 2004.

[16] Yitzhak Nakash, Reaching for Power. The Shi'a in the Modern Arab World [Quête du pouvoir : le chi'isme au sein du monde arabe moderne], Princeton University Press, New Jersey, 2006, pp. 50-51.

[17] Nasr, " Regional Implications of Shi'a Revival in Iraq ".

[18] Nakash, Reaching for Power. The Shi'a in the Modern Arab World, p. 45.

[19] " The Shiite Question in Saudi Arabia " [" La Question chi'ite en Arabie saoudite "], Middle East Report, no. 45, The International Crisis Group, 19 septembre 2005, http://www.crisisgroup.org/home/index.cfm?1=1&id=3678.

[20] Cf. supra.

[21] " Assessment for Shi'is in Bahrain " [" Estimation des Chi'ites à Bahreïn "], The Minorities at Risk (MAR) Project, Center for International Development and Conflict Management, University of Maryland, 31 décembre 2003, http://www.cidcm.umd.edu/inscr/mar/assessment.asp?groupId=69201.

[22] Cf. supra.

[23] Hassan M. Fattah, " Ripples from Iraq disturb Bahrain " [" L'Agitation irakienne perturbe Bahreïn "], The New York Times, 15 avril 2006.

[24] Nimrod Raphaeli, " The Sheikh of the Slaughterers: Abu Mus'ab Al-Zarqawi and the Al-Qa'ida Connection " [" Le cheikh des meurtriers : Abu Musab al-Zarqawi et sa relation à al-Qa'ida "], MEMRI Inquiry and Analysis Series, no. 231, 1er juillet 2005.

[25] Reuven Paz, " Global Jihad and the Sense of Crisis; al-Qa'ida's Other Front " [" Le jihad mondial et l'idée de crise ; l'autre front d'al-Qa'ida "], PRISM Occasional Papers, vol. 1, no. 4, mars 2003, http://www.e-prism.org/images/PRISM%20no%204.doc.

[26] Reuven Paz, " Hizballah or Hizb al-Shaytan? Recent Jihadi-Salafi Attacks Against the Shiite Group " [" Hezbollah ou Hizb al-Shaytan ? Les récentes attaques jihadistes salafistes contre la communauté chi'ite "], PRISM Occasional Papers, vol. 2, no. 1, février 2004, http://www.e-prism.org/images/PRISM_no_1_vol_2_-_Hizbullah_or_Hizb_al-Shaytan.pdf.

[27] Ely Karmon, " Al-Qa'ida and the War on Terror – After The War In Iraq " [" Al-Qa'ida et la guerre contre le terrorisme – Apres la guerre en Iraq "], The Middle East Review of International Affairs (MERIA) Journal, vol. 10, no. 1, mars 2006, http://meria.idc.ac.il/journal/2006/issue1/jv10no1a1.html.

[28] Nimrod Raphaeli, " Iraqi Elections (III): The Islamist and Terrorist Threats " [" Élections irakiennes (III) : les menaces islamistes et terroristes "], MEMRI Inquiry and Analysis Series, no. 202, 18 janvier 2005.

[29] Voir Bruce Lawrence, Messages to the World. The Statements of Osama bin Laden [Messages adressés au monde. Déclarations d'Oussama ben Laden], London, New York : Verso, 2005.

[30] " Letter from al-Zawahiri to al-Zarqawi " [" Lettre d'al-Zawahiri adressée à al-Zarqawi "], ODNI News Release, no. 2-05, 11 octobre 2005. Le bureau du directeur du Renseignement national a publié cette lettre, datée du 9 juillet 2005, obtenue à la faveur d'opérations contre-terroristes en Irak.

[31] " Zarqawi's tape demands that Hizbullah lay down its arms. Head of Al-Qaeda in Iraq lashes out at 'infidel' Shiites " [" La cassette de Zarqawi exige du Hezbollah qu'il dépose les armes. Le chef d'al-Qa'ida en Irak s'en prend violemment aux 'infidèles' chi'ites "], Daily Star, 3 juin 2006.

[32] Michael Scheuer, " Al-Zawahiri's September 11 Video Hits Main Themes of al-Qaeda Doctrine " [" La vidéo d'al-Zawahiri sur le 11 septembre heurte les principaux thèmes de la doctrine d'al-Qa'ida "], Terrorism Focus, vol. 3, question 36, Jamestown Foundation, 19 septembre 2006.

[33] " The Next Iraqi War? Sectarism and Civil Conflict " [" La Prochaine guerre en Irak ? Sectarisme et guerre civile "], Middle East Report, no. 52, International Crisis Group, 27 février 2006.

[34] Anthony H. Cordesman, The Iraqi Insurgency and the Risk of Civil War: Who Are the Players? [Insurrection en Irak et risque de guerre civile : qui sont les acteurs ?], Center for Strategic and International Studies, travail préparatoire, révisé le 1er mars 2006.

[35] Cf. supra.

[36] W. Andrew Terrill, Strategic Implications of Intercommunal Warfare in Iraq [Implications stratégiques de la lutte intercommunautaire en Irak], The Strategic Studies Institute, février 2005, http://www.Strategicstudiesinstitute.Army.Mil/Pubs/Display.Cfm?Pubid=595.

[37] Pour un compte-rendu détaillé des unités chi'ites anti-sunnites, se référer à Cecile Zwiebach, " The Confused Security Situation in Iraq: Some Less Publicized Units " [" La Confusion sécuritaire en Irak : quelques unités peu médiatisées "], PolicyWatch, no. 1114, The Washington Institute for Near East Policy, 21 août 2006.

[38] Ely Karmon, " Who bombed Northern Israel? Al-Qa'ida and Palestine " [" Qui a bombardé le nord d'Israël? Al-Qa'ida et la Palestine "], Institute for Counter-Terrorism, 1er janvier 2006, http://www.ict.org.il/articles/articledet.cfm?articleid=553.

[39] Ilene R. Presher and Nicholas Blanford, " Al Qaeda takes aim at Israel " [" Al-Qa'ida vise Israël "], The Christian Science Monitor, 13 janvier 2006.

[40] Steve Schippert, " Al-Qaeda Branching into Lebanon, Hezbollah Unimpressed " [" Al-Qa'ida s'implante au Liban, le Hezbollah reste peu impressionné "], Threats Watch, 14 janvier 2006, http://inbrief.threatswatch.org/2006/01/alqaeda-branching-into-lebanon/.

[41] Hamza Hendawi, " Hezbollah Links Plot to Clashes in Iraq " [" Le Hezbollah fait la relation entre le complot et les affrontements en Irak "], Associated Press, 15 avril 2006.

[42] " Zarqawi's tape demands that Hizbullah lay down its arms. Head of Al-Qaeda in Iraq lashes out at 'infidel' Shiites " [" La Cassette de Zarqawi exige du Hezbollah qu'il dépose les armes. Le chef d'al-Qa'ida en Irak s'en prend violemment aux 'infidèles' chi'ites "], Daily Star, 3 juin 2006.

[43] David Schenker, " One Year after the Cedar Revolution: The Potential for Sunni-Shiite Conflict in Lebanon " [" Un an après la révolution du Cèdre : le conflit potentiel entre Sunnites et Chi'ites "], Policywatch, no. 1114, The Washington Institute for Near East Policy, 20 juin 2006.

[44] Mourhaf Jouejati, " Much ado about nothing. Shi'ite crescent " [" Beaucoup de bruit pour rien. Le croissant chi'ite "], bitterlemons-international.org, ed. 4, vol. 3, 3 février 2005.

[45] Kerim Balci, " Zulfikar Coup " [" Le Coup de Zulfikar "], Zaman, 14 septembre 2006, http://www.zaman.com/?bl=columnists&alt=&trh=20060914&hn=36501.

[46] Kamran Taremi, " Shi'ite Crescent. An Iranian Perspective " [" Le Croissant chi'ite. Une perspective iranienne "], bitterlemons-international.org, ed. 4, vol. 3, 3 février 2005.

[47] Nasr, " Regional Implications of Shi'a Revival in Iraq ".

[48] Ely Karmon, " The Axis of Destabilization of the Middle East " [" L'Axe de déstabilization du Moyen-Orient "], Institute for Counter-Terrorism, 18 juillet 2006, http://www.ictconference.org/s119/apage/ 2803.php.

[49] Fuad Husayn, The Second Generation of Al-Qa'ida (Part 13) [La seconde génération d'al-Qa'ida (treizième partie)], ouvrage sur al-Zarqawi et al-Qa'ida, publié en épisodes par al-Quds al-Arabi, Londres, 11 juillet 2005.

[50] " Text of a document discovered in terror leader Abu Musab al-Zarqawi's hideout. The document was provided in English by Iraqi National Security Adviser Mouwafak al-Rubaie " [" Texte d'un document découvert dans la cache du chef terroriste Abu Musab al-Zarqawi. Le document a été fourni en anglais par le conseiller iranien à la sécurité nationale Mouwafak al-Rubaie "], The Associated Press, 15 juin 2006.

[51] Voir Ely Karmon, " The Axis of Destabilization of the Middle East ".

[52] Reuven Paz, " Hotwiring the Apocalypse: Jihadi Salafi Attitude Towards Hizballah and Iran " [" L'Apocalypse mise en marche : la position des jihadistes salafistes quant au Hezbollah et à l'Iran "], Project for the Research of Islamist Movements (PRISM) Occasional Papers, vol. 4, no. 4, août 2006.

[53] Aljazeera.net, " Al-Zawahiri urges attacks on Israel " [" Al-Zawahiri incite aux attaques contre Israël "], http://english.aljazeera.net/NR/exeres/1D608570-C11E-4AEB-B14B-84B47DC401E7.htm.

[54] Paz, " Hizballah or Hizb al-Shaytan? Recent Jihadi-Salafi Attacks Against the Shiite Group ".

[55] Paz, " Hotwiring the Apocalypse: Jihadi Salafi Attitude Towards Hizballah and Iran ".

[56] Cf. supra.

[57] Israel Elad Altman, " Some Regional Implications of the Hizbullah-Israel War " [" Conséquences régionales de la guerre opposant Israël au Hezbollah "], The Project for the Research of Islamist Movements (PRISM), 4 août 2006, http://www.e-prism.org/images/Some_regional_effecs_of_the_Hizbullah-Israel_war_-_4-8-06.pdf.

[58] Bernard Haykel, " A Hizbullah 'Victory'? " [" Une 'Victoire' du Hezbollah ? "], Al-Sharq al-Awsat, 5 août 2006.

[59] Lors d'une entrevue avec le Guide suprême iranien Khamene'i en 2001, Nassrallah baisa publiquement la main de ce dernier, reconnaissant ainsi de facto l'ayatollah comme son leader.

[60] Pierre Amine Gemayel, fils de l'ancien président libanais Amine Gemayel, fut le porte-parole des Phalanges libanaises sous le gouvernement de Siniora. Il fut également l'une des figures éminentes de la coalition politique " Alliance du 14 mars ". Voir H. Varulkar, " Lebanon on the Brink of Civil War (3) " [" Le Liban au bord de la guerre civile (3) "], MEMRI Inquiry and Analysis Series, no. 302, 23 novembre 2006.

[61] " Lebanon on the Brink of Civil War (6): Beirut, December 10 at 3 PM — A Mass Rally for a 'Second Phase' and Escalation of Actions to Topple the Government " [" Le Liban au bord de la guerre civile (6) : Beyrouth, 10 décembre, 15 heures — rassemblement massif afin d'entrer dans une 'seconde phase' et d'intensifier les mesures visant au renversement du gouvernement "], MEMRI Special Dispatch Series, no. 1385, 8 décembre 2006.

[62] Mahan Abedin, " Al-Qaeda eclipsed by rise of Iran as Islamists bask in success against Israel " [" La montée en puissance de l'Iran éclipse al-Qa'ida, tandis que les islamistes célèbrent leur victoire contre Israël "], 18 août 2006, http://www.saudidebate.com/index.php?option=com_content&task=view&id=268&Itemid=123.

[63] Cf. Ely Karmon, Coalitions of Terrorist Organizations. Revolutionaries, Nationalists and Islamists [Coalitions d'organisations terroristes : révolutionnaires, nationalistes et islamistes], Martinus Nijhoff Publishers, Leiden, Boston, 2005.

Équipe du Journal MERIA
Directeur de publication et rédacteur en chef : Prof. Barry Rubin
Rédactrices adjointes : Déborah Touboul, Stéphanie Lévy, Maureen Meyer
Le Journal MERIA est un projet du Centre GLORIA (Centre de recherches
mondiales en affaires internationales), Centre Interdisciplinaire.
Site Internet : http://meria.idc.ac.il/journal_fr – Email : meria@idc.ac.il

© MERIA. Il a été publié dans le Journal d'étude des relations internationales au Moyen-Orient (MERIA), vol. 2, no. 1 (janvier 2007) :


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