Place Bellecour, 16h, cela va et vient par grappes d’un peu partout depuis 8h, quelques centaines, un bon début, la pêche, débonnaires, rigolards (“Brigitte! pédophile”) on attend les motards qui ont été bloquer quelques axes le long du rhône, d’autres groupes reviennent des tunnels, les flics semblent plutôt protéger alors que la manif n’est pas déclarée, une jeune fille, drapeau français prend la parole pour informer qu’en attendant on va faire le tour de la place, une dame discute vivement dans un petit groupe dénonçant la traque fiscale auprès d’un questionneur un peu trop collé-monté tout de suite démasqué comme “bobo” par le groupe tant il semble être là pour “analyser”, la dame est aussi outrée que Macron ait pu critiquer les français de l’étranger (l’épisode des gaulois réfractaires) et met en avant “le fric de dingue” claqué par l’État, je fais observer que c’est une goutte d’eau à côté des dizaines de milliards dépensés pour des “aides” du genre “je te casse les jambes et je te pique de l’argent pour te fournir des béquilles” cela fait sourire, quelqu’un monte dans un monte-charge servant au déménagement et harangue la foule mais on n’entend rien, il fait frais, sec, peu de pollution, les lumières de la ville scintillent plus fort au fur et à mesure que le soir tombe, ici et là les gens vaquent en même temps à leurs occupations d’un samedi soir.
Une fanfare s’époumone au coin de la rue de la République, indifférentes aux appels des GJ pour les rejoindre, ouvrir la manif peut-être, les motards arrivent, grande clameur, ils font gronder leurs moteurs, la grogne cela réveille sûr, ils jouent le rôle d’éperon, même les flics de la police municipale eux aussi à moto semblent plutôt leur ouvrir le chemin que barrer la route, déjà le matin j’avais remarqué la présence forte, décidée, des motards du mouvement qui bloquaient pour qu’une manif improvisée débouchant de la rue Grenette vienne se répandre cette fois sur les quais de Saône je les voyais tranquilles le long du marché.
17h, après avoir fait un bilan des différentes actions de la journée en faisant parler uniquement ceux qui ont quelque chose à dire à leur sujet les animateurs annoncent que l’on va se diriger vers la Guillotière, pas mal de monde encore quand même, les slogans se font plus trash “Macron on t’encule”, j’ai indiqué que ce n’était pas approprié étant donné que cela pourrait lui faire plaisir (quelques sourires) plus drôle ” Macron, mon pognon” (les taxes se montent à 60%, la France “pollue” à moins de 1%) “Macron dégage !” lance une dame perchée sur son vélo, quelqu’un me récite un vers de Racine “ Nous partîmes cinq cents ; mais par un prompt renfort – Nous nous vîmes trois mille (…)”oui c’est un peu ça, un bon début, l’UPR distribue des tracts en loucedé, une banderole dénonce les cadeaux faits aux riches, j’aurais aimé discuter sur les mensonges du gouvernement sur le nombre de morts dû au “particules fines”, 35.000 à 50.000 disent-ils sur 500.000 morts par an en France, il faudrait d’autant plus vérifier que le taux baisse, les filtres sont meilleurs, moins de 10%, pas du tout la principale cause en tout cas, et, au niveau mondial, 2,9 millions sur 7 milliards, soit moins d’un demi pour cent, le diesel l’équivalent de l’amiante ? Le gouvernement de plus en plus démagogue, alors que le tabac et l’alcool tuent deux fois plus, et que rien n’a été fait pour penser la “transition” déjà mettre à niveau les transports en commun, mais tout le monde ici semble être là pour bien plus qu’un débat chiffré, on sent un désir de se réapproprier quelque chose, d’ailleurs avant de partir en manif la Marseillaise a retenti, et lorsqu’un animateur a demandé par exemple que l’on fasse le bilan tout à l’heure il a commencé par les “représentants” des groupes de blocage avant de l’effacer d’un revers de main en demandant “quelqu’un” qui y a participé, certains aussi lors de la traversée du pont voulaient bloquer encore plus, d’autres non, je me suis demandé alors, devant une telle “liquidité” (mot à la mode) si un groupe plus organisé ne pouvait pas dans ce cas imposer petit à petit ses mots d’ordre, un peu comme en février 17, le tsar implose, un vide s’impose, tous les groupes agissent, personne ne s’impose vraiment, sauf dans les urnes, mais les bolcheviks, minoritaires, sont mieux organisés et vont faire l’OPA sur le mouvement avec l’aide des naïfs anars, on en est encore pas là, et puis il y a l’expérience, les gens ne sont pas dupes, à voir le Venezuela crever, Mélenchon a beau vouloir surfer sur la vague pas sûr qu’il sache tenir sur le surf, qui va vite…trop vite pour la “récup”… Pour l’instant…