La première est celle de tendance. La tendance, ou « disposition à agir », est le noeud de nos forces à agir. C’est par nos tendances qu’on a déjà de la force, qu’on en reçoit encore plus, et qu’on la redistribue à nos diverses activités. La dynamique des tendances éclaire particulièrement bien les phénomènes psychologiques qui apparaissent « quand on tombe amoureux », c’est à dire le moment de la Rencontre, du coup de foudre.
La deuxième notion qu’il faudra approfondir, c’est l’action. L’action a reçu, dans recherche défunte, quelques propriétés psychologiques remarquables, en lien aux pensées et à la volonté, qui permettent de rendre compte simplement des phénomènes psychologiques qui suivent la Rencontre, précèdent ou suivent immédiatement le début de la relation.
Ce volet constituera la troisième partie : « Petite psycho – 3 L’amour (b) ».
LA RENCONTRE COMME DYNAMIQUE DES TENDANCES
La rencontre, un gain de force
La psychologie de bon sens admet généralement qu’un individu qui nous déplaît, qui nous indispose, est un individu qui nous fatigue, qui nous prend nos forces. C’est tout à fait vrai et ça a été démontré dans la recherche. Malheureusement, le bon sens n’est pas parvenu à faire entrer dans les croyances populaires l’effet inverse, qui est pourtant tout aussi publié dans la recherche et vraiment fondamental, surtout pour une psychologie de l’amour : un individu nous plait et nous réjouit dans la proportion qu’il nous donne de la force, qu’il nous « remonte ».
La rencontre, une recharge des tendances
Toutes nos conduites sont la manifestation de nos tendances, qui les déclenchent. Or, notre force est stockée dans nos tendances, c’est à dire dans nos dispositions à agir. Nos tendances correspondent à peu près à nos goûts ou à nos compétences. Nous avons parfois quelques tendances chargées, très fortes, qui sont nos goûts ou compétences les plus intenses, et nous avons surtout des tas et des tas de tendances moins chargées, qui sont tous nos petits intérêts variés, plus ou moins latents ou actifs, changeants ou stables. Globalement, la charge de l’ensemble de nos tendances se distribue sur un axe continu, des plus chargées aux presque vides, qui lui-même varie avec le temps. Une tendance presque vide est un goût qu’on n’a tellement pas du tout que c’est une répulsion. Le spectre de charge instantané des tendances définit donc nos affects, de la passion à la répulsion, à un moment donné de notre vie.
Ce sont nos tendances qui nous distribuent nos forces. Ce sont aussi nos tendances qui captent la force qu’elles pourront ensuite nous restituer. Etre fort, c’est avoir des tendances chargées, de fortes dispositions à agir dans différents domaines, par goût ou par compétence. De même, gagner plus de force, c’est recharger nos tendances encore plus. Par conséquent, un individu qui nous plait est un individu qui recharge nos tendances.
Cas particulier – recharge de la tendance au sexe
En raison d’une croyance erronée assez répandue en ce moment dans nos contrées mal desservies sur ce point, il faut rectifier une inexactitude hélas très populaire. Les études cliniques de psychologie dynamique pratiquées dans la recherche ont obtenu un fort consensus de la majorité des spécialistes mondiaux du domaine : la tendance aux activités sexuelles ne bénéficie d’aucun statut particulier au sein de toutes nos autres tendances.
1) statistiquement la charge de la tendance au sexe n’est pas plus intense que la charge de n’importe quelle autre tendance prise au hasard, comme celle de la nourriture, du sport, de l’alcool, du tabac, du cinéma, de la lecture, ou de la damasquinerie pré-ptolémaïque.
2) les individus qui possèdent une tendance extrêmement chargée, quelle que soit cette tendance, sont plutôt rares. L’énorme majorité des gens ne possède pas de tendance forte particulière, sexe ou autre, mais plutôt un ensemble de tendances de moyennement à faiblement chargées, au sein duquel la tendance au sexe ne se différentie nullement, et se place à des valeurs tout à fait banales.
A part d’avoir été malencontreusement trompée par l’influence de diverses communautés privées très actives en communication, l’intuition populaire a pu aussi être biaisée par le facteur suivant. Considérons justement les individus rares qui ont au moins une tendance forte, une réelle passion, un goût particulier, prononcé et mis en pratique. La statistique de complexité des goûts disponibles dans une société impose des contraintes simples à la répartition de ces passions. Il semble évident qu’on comptera plus de passionnés de sexe que d’électrotechnique des moteurs synchrones, pour la raison que l’activité sexuelle est connue de tous, tandis que l’électrotechnique des moteurs synchrones ne se découvre péniblement que par l’étude de livres spéciaux bien cachés, et constitue un domaine dont la majeur partie de la population ignore tout simplement l’existence.
Voilà pourquoi certaines tendances seront statistiquement plus répandues que d’autres, comme la gastronomie, le sexe, l’habillement, les voitures, le jardinage, le bricolage bref tout ce qui est plus ou moins connu et pratiqué par tout le monde, et, en alimentant aisément les conversations ordinaires et en trouvant de nombreux relais dans la presse et la grande distribution, constitue un bon terreau de passion potentielle.
Originalité de la rencontre – Rendement de la recharge des tendances
La personne qui se met à nous plaire est celle qui sait soudain nous donner de la joie, donc de la force. Pour nous donner de la force, elle recharge certaines de nos tendances. Mais du fait que toutes nos tendances ont déjà en nous une charge qui leur est propre, et qui définit nos intérêts et répulsions, il va y avoir plusieurs modalités possibles a leur recharge supplémentaire : un gain de force donné sera obtenu, soit en rechargeant encore plus une tendance déjà très chargée, soit en rechargeant simultanément plusieurs tendances pas très chargées naturellement. Tous les intermédiaires sont possibles, sur un continuum graduel s’échelonnant de la forte tendance unique à la foule de petites tendances faibles. Il est possible de schématiser les deux extrêmes :
Il se peut qu’un individu partage avec nous une forte passion. Olivier est passionné de la numismatique hindoue du deuxième tiers du 5ème siècle, dans le sud ouest de la province d’Uttar Pradesh. Lors d’une soirée entre amis, une fille par ailleurs plutôt anodine qu’il n’aurait jamais remarquée, Francine, lui parle par hasard de la dernière monnaie du 5ème siècle découverte dans les fouilles de la couche IV-A du palais Sud d’Uttar Pradesh. Il y a des chances que ça interpelle vivement Olivier. Interprétation de la psychologie dynamique : Francine active chez Olivier une tendance déjà très chargée. Donc en une seule opération, elle lui procure soudain un important gain de force (de joie). C’est une Rencontre… mais pas encore un coup de foudre.
Il se peut qu’un individu nous plaise simultanément sur une foule de petits détails insignifiants en eux-mêmes, mais dont la somme devient considérable. Judith aime les cheveux roux, les lunettes rondes, les cravates vertes, les blousons en sky, est membre du parti sociaclique, fait du vélo tous les dimanche, adore les carottes râpées. Elle fait par hasard la connaissance de Georges, un roux à lunettes rondes avec une cravate verte sous son blouson en sky, qui lui explique fortuitement dans la conversation qu’il est allé acheter des carottes râpées en vélo avant sa réunion de quartier au parti sociaclique. Il y a des chances que ça interpelle vivement Judith. Interprétation de la psychologie dynamique : Georges active chez Judith simultanément une grande quantité de petites tendances pas très chargées isolément. La somme totale des forces libérées par cette foule de petites tendances faibles procure alors globalement, à Judith, un gain soudain et important de joie (de force). C’est une Rencontre… mais pas encore un coup de foudre.
Conséquence de la rencontre – Priorité de la recharge des tendances
Le coup de foudre va se produire sous l’effet de la loi d’irradiation, à laquelle obéit la recharge des tendances : le surplus de force obtenu par la recharge d’une tendance déjà forte ou de plusieurs tendances faibles, se redistribue à d’autres tendances plus faibles et les recharge à leur tour. Vous rencontrez quelqu’un qui active soudain violemment votre passion dévorante pour les subtilités de la Broderie Richelieu. Quelques heures ou quelques jours plus tard, vous aurez gagné tellement de forces que vous vous étonnerez vous-même à retrouver l’envie de faire une balade en forêt, votre passion oubliée depuis 10 ans, qui était devenue latente depuis toutes ces années. La tendance déjà forte et encore plus rechargée (broderie), a irradié la tendance faible (forêt), lui a redistribué de sa force excédentaire.
L’activation d’une foule de tendances qui habituellement sont latentes correspond à l’apparition de plein d’envies, du sentiment d’avoir plein de choses à faire. Toute la vision du monde en est changée, puisque plein de choses y apparaissent soudain intéressantes et souhaitables. Le monde extérieur change d’apparence, il devient plus intéressant, plus riche, enchanté. C’est quand la vision du monde est changée par l’activation de tendances habituellement faibles que le sujet prend pleinement conscience d’être amoureux. C’est le coup de foudre avéré. Ces petites lois simples ont un pouvoir explicatif surprenant.
Prenez l’individu normal statistique. Il a peut-être quelques rares tendances fortes (quelques passions), mais surtout une foule de tendances moyennes ou faibles, dont celle du sexe, qui ne fait nulle exception. Jean n’a jamais été demandeur en sexe, pas plus par exemple que le tennis, dont il a fait, par hasard, 4 parties en 10 ans, avec une joie toute relative. Plutôt qu’une séance de jambes en l’air, il aimerait bien mieux, à tout prendre, un bon poker ou à la rigueur un saut à l’élastique. Mais bien sûr tout ça ne vaudrait jamais un concert symphonique. Jean découvre alors Eliane, une rencontre détonante qui active des tendances chargées, ou une multitude de tendances faibles. Bref, il gagne en tout cas subitement un surcroît exceptionnel de joie et de force du fait de cette rencontre. Voilà ce qui se passe alors en lui : une des premières idées qui lui vient, quasiment tout de suite, ce serait de partager un concert symphonique avec Eliane.
Quelques heures ou jours plus tard, il lui vient à l’esprit qu’il aimerait bien qu’elle joue au poker avec lui, et pourquoi pas qu’ils se fassent un saut à l’élastique (même si d’habitude c’est assez secondaire dans ses idées). Plus tard encore, quelques jours ou semaines après, il doit s’avouer à lui-même que même le tennis, avec Eliane, ça doit être vraiment cool, et finalement il lui arrive du désir sexuel pour elle (alors qu’en général, il ne se soucie guère de ces deux activités). Bref, les tendances se sont toutes déclenchées (rechargées) les unes après les autres, dans l’ordre inverse de leur charge naturelle, par irradiation de l’excédant de force inhabituel, subitement et exceptionnellement disponible.
Jean va prendre conscience d’être amoureux à partir du moment où même ses tendances faibles seront enfin rechargées. Quand il en arrive au point de désirer physiquement et de souhaiter le tennis, c’est vraiment qu’il s’est passé quelque chose en lui. Comme chez la plupart d’entre nous la tendance au sexe est faible, c’est ce qui explique qu’on définisse généralement le sentiment amoureux par l’apparition du désir sexuel. En effet, autant le désir sexuel est rare en tant que tendance forte, autant il est une des tendances faibles les plus universelles. Il constitue donc un bon marqueur de la recharge de l’ensemble de nos tendances faibles. Pour la plupart d’entre nous, quand la tendance sexuelle est activée, c’est qu’une foule d’autres tendances faibles le sont déjà aussi, et que toute notre vision du monde est bouleversée par la rencontre qu’on vient de faire.
Les gens qui ont une tendance au sexe naturellement chargée ne se sentent pas amoureux des personnes qui leur activent cette tendance, car pratiquement toute personne du bon sexe la leur active. Comme les autres, ils ne prennent conscience d’être amoureux que lorsqu’ils ont gagné tellement de forces que même leurs tendances faibles se sont trouvées rechargées. Voilà Marie, qui a un goût immodéré pour le sexe, plutôt faible pour le tennis, et sans pratiquement jamais d’envie de resto. Elle rencontre Bertrand, son alter ego sexuel, et engage avec lui une relation essentiellement basée sur cette activité. Ces tendances chargées vont irradier de leur force toutes les autres, qui sont plus faibles. Au début, quoiqu’elle fasse l’amour 20 heures sur 24, elle n’est pas plus amoureuse de Bertrand que ne l’est un passionné de calligraphie mandarine partageant sa passion avec un collègue de son association. Mais voilà qu’un jour, il lui prend l’envie de faire un tennis avec lui, soit que ça lui vienne toute seule, soit qu’elle se surprenne elle-même à y trouver quelque intérêt si c’est Bertrand qui le suggère.
Quelque temps plus tard, la voilà par hasard au resto avec son ami, et elle n’en revient pas, mais elle doit bien s’avouer à elle-même que non seulement elle ne s’ennuie pas mortellement comme prévu, mais qu’en outre elle y trouve de la joie, du fait de la présence de Bertrand. Son partenaire lui a donné tellement de forces que même ses tendances les plus faibles se sont rechargées les unes après les autres. Grâce au goût partagé des relations sexuelles, des tendances plus faibles sont irradiées d’un surcroît de force, comme de faire ensemble un tennis ou même aller au resto, des tendances très faibles pourtant avant la rencontre. C’est à ce moment qu’elle en prend réellement conscience : elle est amoureuse.
Citons comme exemple trois phénomènes psychologiques intéressants que la loi de l’irradiation permet d’éclairer simplement.
1) L’amour du psychasténique. Considérons un individu psychasténique. Sa vie n’a guère de relief, il n’a de goût à rien ou pas grand chose. Il se lève le matin avec difficulté et sans aucun enthousiasme. Il n’éprouve jamais de joie pour rien, trouve tout laid ou inintéressant, les choses comme les gens. Tout ce qu’il voudrait tout le temps, c’est dormir. Comme vous l’aurez sûrement deviné à ces symptômes, la psychasténie se définit par la décharge généralisées de toutes les tendances, même les fortes (le concept moderne le plus proche, la « dépression », n’a lui aucune définition car les psychiatres ne reçoivent pas de formation en psychologie). Le psychasténique n’a plus aucune disposition à agir, en rien (bien sûr il existe tous les degrés de gravité).
Chez l’individu à peu près en forme, une Rencontre se ressent principalement à l’irradiation des tendances faibles, en donnant envie de faire des choses dont on n’avait pas eu envie depuis longtemps (en effet, les tendances fortes donnaient déjà des envies avant la Rencontre, l’effet est donc moins flagrant, quoique réel). L’irradiation des seules tendances faibles avait déjà le pouvoir de rendre le monde tout merveilleux et enchanté. Imaginez alors l’effet que va produire une Rencontre chez le psychasténique. Par le surcroît de forces qu’il reçoit, ce sont toutes ses tendances sans exception qui vont se recharger ! D’abord et surtout les fortes, celles qui constituent le noyau de la personnalité : il va enfin retrouver tous ses principaux goûts qui l’avaient quitté, il va se retrouver lui-même, il va enfin se reconnaître. Les tendances moyennes et faibles suivront aussi et il retrouvera intérêt à son quotidien, il aura enfin des envies, des choses à faire. Chez le psychasténique, une rencontre fait l’effet d’un miracle surnaturel, d’une hyperbombe psychologique, l’amour lui redonne tout simplement la vie.
Ces phénomènes expliquent l’apparition d’une dépendance étroite envers le partenaire, qui littéralement tient entre ses mains la vie de son ami(e). Si la relation capote, ils expliquent les suicides, mais pour les cas moins graves et beaucoup plus répandus dans la société, ils expliquent la formation d’obsessions aiguës à propos d’un individu unique. Dans tous les cas, l’irradiation du psychasténique explique les formes les plus exaltées de « l’amour fou », amical ou amoureux.
2) La fin de l’irradiation. Quand l’état amoureux va décroître dans quelques temps, chaque tendance va disparaître exactement dans l’ordre inverse de son apparition. Chez les individus les plus nombreux, bien au contraire de l’intuition faussée, la tendance au sexe fait partie des plus faibles. De ce fait, elle était apparue en dernier dans la rencontre. Dans le processus de la décharge des tendances, et bien elle est une des premières qui va disparaître.
Dans l’exemple de Jean, la première chose qui disparaîtra envers sa partenaire, c’est le tennis et le désir, puisqu’en fait il n’a jamais éprouvé de besoin dans ces domaines, qui n’avaient été activés que sous le coup de foudre, la bouffée de forces. Tandis que pour un temps encore, plus ou moins long, il continuera à trouver quelque intérêt à jouer au poker avec elle ou à faire un saut à l’élastique. Si ces tendances finissent par se décharger également, alors c’est que l’irradiation est terminée, et l’état amoureux avec. Il reste encore à Jean la possibilité, pour un temps variable, de partager avec son amie les seules tendances internes intrinsèques, déjà chargées avant sa rencontre, comme celle d’aller au concert symphonique.
Dans le cas de Marie, dont les tendances les plus chargées sont le sexe, voilà ce qu’il se passe au bout de quelques temps. Chaque tendance disparaît dans l’ordre inverse de son apparition : Marie commence par supprimer le resto. Un peu plus tard, elle ne trouve plus d’intérêt à faire un tennis avec son ami. Peu après, aucune de ses tendances secondaires ne bénéficie plus de l’irradiation du début, elles sont toutes déchargées comme avant la rencontre. Il lui reste encore son unique tendance forte, la seule qui ne s’est pas déchargée pour la bonne raison qu’elle ne résulte pas de l’irradiation, mais lui est intrinsèque, le sexe. C’est comme ça qu’il arrive que des couples finissent par se détester sur tous les plans, se rendent la vie impossible au jour le jour, et ne se retrouvent qu’au moment de faire l’amour. Tout est possible… et il n’y a que la psychologie dynamique des tendances pour l’expliquer.
3) Les envies des femmes enceintes. Il faut tout de même dire un petit mot de cette légende tenace, car pour n’avoir pas de lien à la rencontre amicale ou amoureuse, elle est une application magistrale de la loi de l’irradiation. L’état de grossesse est plaisant à certaines femmes, déplaisant à d’autres (je n’ai pas la statistique mais on serait probablement surpris de la bonne proportion de femmes qui détestent cet état). Pour ressentir de la joie, il faut avoir reçu de la force. Dès qu’on a de la force, les tendances faibles sont une à une irradiées, et d’anciennes envies disparues réapparaissent.
Il est donc possible, effectivement, que les femmes qui aiment l’état de grossesse en reçoivent de la force, et manifestent donc des envies. Toutefois, premièrement, il est très imprécis de se focaliser sur ce terme d’« envies ». En effet, une joie procure globalement un surplus de goût à la vie, qui se manifeste psychologiquement par bien plus que de simples envies. Le tableau clinique comporte aussi des projets, une humeur meilleure, optimisme, patience, courage, gaieté, confiance, un goût renouvelé à plein d’activités, et la force de les accomplir. On est très loin de l’impulsion à manger des fraises. Deuxièmement, ces « envies » de l’état de grossesses, quand elles existent, ne se distinguent en rien, psychologiquement, de celles que procurent tout autre état de force (de joie) quel qu’il soit, comme une rencontre amoureuse ou amicale, la réussite à un examen, les vacances, un succès professionnel. Troisièmement enfin, il y a bien des femmes qui n’aiment pas être enceintes. Chez elles, c’est l’effet inverse qui se produit : cet état leur prend des forces, les fatigue. Celles-ci au contraire perdent alors toutes leurs « envies », et bien entendu le tableau clinique est à l’avenant : morosité, pessimisme, inquiétudes, activité ralentie.
Quelques conclusions
Ces quelques petites règles simples de la dynamique des tendances, établies rigoureusement par la recherche expérimentale, en laboratoire, à partir d’une comparaison des cas sains et pathologiques n’ont pas comme seul avantage de servir à ce pour quoi elles ont été développées, c’est à dire expliquer la psychologie humaine. Elle permettent aussi de critiquer de façon constructive certaines des coutumes et croyances de notre société actuelle.
Par suite d’aléas historiques sans lien avec le savoir établi par les chercheurs, on considère généralement que le sexe est le fondement du couple. Cette formulation est extrêmement confuse. Beaucoup de personnes y adhèrent par principe, alors même qu’ils constatent autour d’eux que nombre de leurs amis restent malgré tout en couple avec plaisir, alors qu’ils ont considérablement réduit ou arrêté la pratique sexuelle. Les principes sont plus forts que les observations des faits réels.
Ça n’est pas parce que cette idée est généralement fausse qu’elle est impossible. Le sexe est comme toutes les autres tendances imaginables, le tennis ou le cinéma, et il y a effectivement des couples qui l’ont chargée, et qui perpétuent cette activité comme l’un des fondements de leur couple. Mais c’est rare. De plus, même dans le cas de couples à tendance sexuelle assez chargée, d’autres tendances équivalentes jouent souvent aussi, en même temps, un rôle important dans leur pérennité.
Pour la majorité de la population, le sexe est la preuve intime d’un état amoureux en raison même qu’il est justement une tendance faible et rarement active. La sexologie, une discipline de communautés privées sans lien à la recherche ni à l’enseignement, néglige qu’en tant que tendance faible, quand le sexe disparaît dans un couple, il n’est qu’une des nombreuses autres tendances faibles à s’éteindre en même temps, ce que le moindre entretien clinique établirait immédiatement. De ce point de vue, s’il s’agit de faire « durer » le couple, il est absurde de se concentrer arbitrairement sur sa sexualité en négligeant toutes les autres tendances faibles qui viennent de s’éteindre avec elle. La sexologie n’a pas plus de légitimité que la pokerologie, la restologie, la broderilogie, ou la baladenforêtlogie et n’importe quelle autre tendance qui ne s’était péniblement déclenchée que par l’irradiation exceptionnelle d’un coup de foudre.
L’état amoureux, juste avant ou après une rencontre, est l’état nécessairement temporaire d’activité maximale de l’individu, celui où il atteint le maximum possible de tendances déclenchées en même temps, et d’actions qui s’ensuivent. Ensuite elles s’éteignent une à une, dans l’ordre des plus faibles, et les deux individus se retrouvent à leur état normal, sauf que maintenant, ils vivent avec quelqu’un chez eux. Une bonne cohabitation dans ce nouvel état d’esprit repose sur l’ensemble des tendances qu’ils présentaient naturellement, en commun, avant la rencontre, avant l’irradiation. Il est rare qu’ils le sachent à l’avance, puisqu’au moment de se mettre ensemble, toutes leurs tendances, même les plus faibles, étaient activées, et tout leur semblait beau et intéressant (non seulement chez leur partenaire, mais dans l’ensemble de la vie).
Tenter de remonter une tendance faible au hasard, comme le sexe ou le resto, est une méthode bien incomplète qui néglige les acquis de la dynamique des tendances. Pire encore, tenter de remonter quelque tendance que ce soit, est une entreprise aux présupposés hardis, car personne n’a jamais prouvé dans la recherche qu’il est possible de remonter durablement une tendance au delà de sa charge naturelle, par une médication psychologique (nos tendances ne sont pas fixées, elles évoluent. Certaines apparaissent et d’autres s’affaiblissent, mais l’échelle de temps, à l’âge adulte, est de plusieurs années. Il n’existe pas de méthode validée pour provoquer artificiellement et plus rapidement ce changement).
Du fait que les couples, de nos jours et sous nos latitudes, se constituent en raison du coup de foudre, ils sont fondés sur le seul état psychologique qui rend temporairement impossible de connaître précisément les réelles tendances profondes que les partenaires présentent en commun à leur état normal. Pour dire les choses intuitivement, le choix du partenaire est peu « objectif ». Après la fin de l’irradiation, la possibilité de cohabitation est donc, en majorité, un coup de bol, un pur hasard. A Paris, un couple sur deux découvre, après l’irradiation, que leurs principales tendances normales, les seules qu’il leur reste, rendent la cohabitation moins souhaitable que la séparation.
La psychologie des tendances précise aussi un point important, lourd de conséquences agréables et désagréables : bien souvent, et probablement même en général, nous ne tombons pas amoureux parce que nous avons trouvé une personne unique qui nous correspond de façon irremplaçable. Il faut tenter d’intégrer ce résultat de la recherche : nous tombons amoureux parce qu’une personne a rechargé certaines de nos tendances. Entre nos tendances fortes, moyennes ou faibles, il existe des millions de combinaisons pour gagner de la force par rechargement des tendances.
De ce fait, il existe des millions d’individus qui ont ce pouvoir sur nous. Certains nous activeront une seule tendance forte, d’autres quelques tendances moyennes, certains autres des multitudes de tendances faibles, et certains encore, toute une série graduelle de ces trois cas à la fois. De ce fait, le sentiment amoureux n’a qu’un lien faible avec la personnalité de notre élu(e), et le prince charmant ou la belle princesse, ça n’est pas qu’ils n’existent pas, c’est plutôt au contraire qu’il y en a des millions, tous prêts à pointer leur nez à tout moment de la vie, qu’on soit déjà en couple ou pas. Ceci pose la question du bien fondé d’un engagement de vie commune basé sur le coup de foudre, l’état amoureux (qui rappelons-le est une tradition récente, et propre à l’Occident). Le choix de vie à deux est un choix rationnel de mode de vie qui pour s’exercer de façon lucide devrait s’affranchir au moins partiellement de l’irradiation des tendances consécutive à une rencontre.
Une conséquence négative, c’est que bien des individus ont un nouveau coup de foudre alors qu’ils sont déjà en couple, ce qui vient considérablement compliquer leur vie, et les prive d’une partie de la joie exceptionnelle que permet un tel état. Une conséquence positive, c’est qu’il est possible de considérer que ces élans amoureux incessants au niveau de la durée d’une vie sont l’un de ses aspects les plus extraordinairement merveilleux.
Une réflexion sur « Petite psycho – 2 L’amour(a) »