Déjà risquée pour des Juifs, l’entreprise de penser à la place de ce peuple reconstitué sur une partie de sa patrie d’antan, et de “hâter” la fin annoncée par les Ecritures en provoquant une effervescence messianique, devient déraisonnable, voire démentielle, lorsqu’elle est le fait de chrétiens qui se prennent pour des prophètes et prétendent dicter sa politique à un Etat contraint, pour survivre, de se plier aux exigences de la communauté internationale. Le problème, quasi-névrotique, de ces amis importuns est qu’ils font fi de l’incarnation – un comble pour des chrétiens ! – et des servitudes concrètes, inhérentes à l’insertion d’une communauté nationale dans l’espace international.
Qu’on ne se méprenne pas, je ne suis pas moins inquiet que M. Farah des mesures de retrait et de repli territorial, mises en oeuvre par les dirigeants d’Israël. Mais, à la différence de son attitude et de celle de ses semblables, impatients de voir advenir le Royaume de Dieu sur la terre, hic et nunc, et qui se permettent de fustiger ce malheureux Etat mondialement contesté, en employant le langage des prophètes, alors qu’ils ne sont pas prophètes et qu’ils ignorent tout des desseins de Dieu sur l’histoire, en général, et celle d’Israël, en particulier, je me garde de m’ériger en contempteur des dirigeants de celles et ceux de mon peuple qui, contrairement à moi, vivent dangereusement dans le creuset moyen-oriental, en butte à la haine et à l’hostilité irréductibles de leurs ennemis.
Original anglais : “I give up on Israel”.
J’ai la réputation d’être l’un des plus fidèles partisans d’Israël. Cette réputation est due à plusieurs facteurs :
En tant que journaliste américain d’origine arabe, j’ai fait de mon mieux, durant les vingt dernières années, pour faire voler en éclats les mythes relatifs au conflit arabo-israélien – toutes perceptions erronées, largement basées sur des mensonges flagrants, et des déformations intentionnelles – et pour dénoncer les efforts incessants de propagande des régimes arabes et musulmans et de leurs apologistes auprès de ceux qui haïssent l’Amérique et Israël, dans le monde.
En tant que journaliste américain chrétien amoureux de la liberté, qui a eu l’occasion de fouler le sol du Moyen-Orient, il est évident, à mes yeux, que les Arabes et le monde musulman sont dominés par la tyrannie, le fascisme et l’antisémitisme – et c’est un monde que nous n’avons pas du tout envie de voir s’étendre.
En tant que journaliste, j’ai estimé qu’Israël était le seul pays du Moyen-Orient, qui respecte la liberté de la presse. Nous en avons d’ailleurs eu la preuve récemment, au World Net Daily, à l’occasion de l’interdiction faite au directeur de notre bureau de Jérusalem, Aaron Klein, de se rendre en Syrie, parce qu’il est Juif.
Les Juifs, qu’avaient tenté de détruire de nombreux empires aujourd’hui disparus – Egyptiens, Romains, Babyloniens et Perses, entre autres –, ont survécu et n’ont qu’une seule patrie, Israël, qu’ils n’ont jamais cessé d’occuper durant 4.000 ans, et qui ne fut jamais un état-nation dépendant des autres.
Pourtant, malgré cela, c’en est fini pour moi de défendre Israël – du moins le régime actuellement au pouvoir à Jérusalem, cette coalition inutile, apparemment déterminée à commettre un suicide national.
La semaine prochaine, le Premier ministre, Ehoud Olmert – un homme que j’ai jadis considéré, ainsi que son prédécesseur, Ariel Sharon, comme un défenseur, raisonnable, logique et déterminé, de son pays – s’apprête à se rendre à Washington, la main tendue.
Il demande un engagement pour une aide directe américaine de plus de 10 milliards de dollars, en vue de réaliser son plan de retrait national, de parvenir à une conciliation avec le djihad mondial, et de trahir à nouveau plus de 200.000 civils israéliens venus habiter des terres juives historiques de Judée et de Samarie, à la demande et avec la recommandation de précédents gouvernements israéliens.
Olmert vient [aux Etats-Unis] demander l’appui de l’Administration et du Congrès pour une nouvelle phase du “désengagement” – qui concerne, cette fois, de 90 à 95 % de ce qu’on appelle souvent “la Cisjordanie”, et qui inclut même de larges parties de la ville de Jérusalem, jadis considérée comme la capitale éternelle du peuple juif.
Il le fait, bien qu’il sache parfaitement que l’évacuation de la bande de Gaza, l’été dernier, a été un désastre total pour le peuple juif, la civilisation occidentale et la liberté, en général, puisque les terroristes du Hamas – cousins par alliance d’Al-Qaïda d’Osama bin Laden et de l’organisation du Hezbollah d’Iran – contrôlent aujourd’hui ce territoire et menacent, plus que jamais, la vie de citoyens israéliens.
Il le fait, bien qu’il sache parfaitement que le Hamas se prépare à créer, au travers de l’Autorité Palestinienne, un Etat de type Taliban, qui comprendra les nouveaux territoires ethniquement purifiés de leurs Juifs.
Il le fait, bien qu’il sache parfaitement que ces terres récemment abandonnées serviront, comme Gaza, de sanctuaires et de futures bases d’opérations terroristes, qui menaceront non seulement Israël, mais également la Jordanie et le Liban voisins, et, en fin de compte, l’Iraq libéré.
Aussi, c’en est fini pour moi de trouver des excuses à Israël. Fini d’essayer de comprendre les attitudes incompréhensibles d’une nation qui se flagelle elle-même. Fini d’attirer l’attention sur la rectitude morale d’un Etat et d’un peuple qui sont eux-mêmes incapables de discerner le bien du mal.
Comme Jésus, il y a 2.000 ans, je regarde Jérusalem, aujourd’hui, et je pleure.
Je sais que j’exprime le sentiment de nombreux Juifs et chrétiens dans le monde, qui considèrent la reddition d’Israël comme une lâche trahison, un signe que l’Etat juif fait davantage confiance à Washington et à la “diplomatie internationale” qu’au Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.
A maintes reprises dans l’histoire, Israël a fait l’erreur de se détourner de son Dieu.
A maintes reprises dans l’histoire, Israël a fait l’erreur de se fier davantage à des rois et à des hommes, qu’aux promesses célestes.
A maintes reprises dans l’histoire, Israël a fait l’erreur de transiger avec ses plus cruels ennemis, qui veulent non seulement détruire les Juifs, mais opprimer leur propre peuple.
J’en ai assez des “territoires en échange de la paix”. Cela n’a jamais marché, ni dans l’histoire d’Israël, ni dans celle d’aucune autre nation. J’en ai assez du regroupement. Assez des retraits unilatéraux. Assez de la reddition manigancée. Assez de la conciliation avec le mal. Assez de la folie.
Transiger avec le mal est malfaisant. Et c’est ce qu’Israël est en train de faire. Quant à moi, je ne m’y résoudrai pas. Je continuerai à servir le Seigneur et à prier pour la paix de Jérusalem.
Une chose est certaine : la paix n’adviendra pas sous la direction d’hommes comme Ehoud Olmert et Ariel Sharon. Si le peuple israélien veut se désengager, ce sont de soi-disant “dirigeants” comme celui-ci [Olmert] qui le feront, des “dirigeants” à l’image, à la ressemblance et dans la tradition de Neville Chamberlain.
Joseph Farah
Note de la Rédaction d’upjf.org
[1] Dans un article mémorable de 2001, Daniel Pipes avait déjà anticipé le danger de l’engouement chrétien pour Israël sur base d’attentes et de spéculations de nature fondamentaliste :
« C’est assurément un signe inquiétant lorsque chaque partie d’une relation fonctionnelle abrite ses propres attentes à l’ombre de l’autre; ou quand, ainsi que l’écrit Gorenberg, chaque partie “considère souvent l’autre comme un instrument inconscient pour atteindre un but plus élevé”. Son souci est que, déçus de voir que les Juifs n’entreprennent pas le travail de reconstruction attendu, les chrétiens fervents risquent de considérer les juifs comme faisant obstruction à l’enlèvement [de l’Eglise] et qu’ils manquent encore Jésus. “Quand la génération ‘ultime’ [des Juifs] refuse d’atteindre son terme, une ancienne frustration à l’endroit des Juifs qui ne joueront pas leur rôle a toutes les chances de ressurgir.”
Il y a au moins un précédent à un tel changement d’humeur, non mentionné par Gorenberg, mais récemment étudié par Michael Barkun, de l’Université de Syracuse. L'”Israélisme” britannique [British-Israelism], mouvement chrétien qui était pro-sioniste avant la naissance de l’Etat d’Israël, est devenu antisioniste quand il ne s’est pas vu associer à la construction du nouveau pays. “Comme les fondamentalistes contemporains”, écrit Barkun, “ils avaient besoin d’un Etat juif en Palestine pour des raisons théologiques, mais cela ne signifiait pas nécessairement qu’ils aimaient les Juifs”. Le mouvement “British-Israel” a, par la suite, donné naissance au mouvement de l'”Identité Chrétienne”, également connu sous le nom de “Nation Aryenne”, qui est peut-être le mouvement chrétien le plus violemment raciste et antisémite qui existe aujourd’hui. » (D. Pipes, “La ‘Fin des Temps’: Fondamentalisme et lutte pour le Mont du Temple”).
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