28 mai 2023
Non classé

« Réforme et Modernité »: deuxième rencontre de ce nouveau Club : ou les bonnes intentions…

De nobles intentions que rappelait son fondateur et Président Hervé Mariton, député de la Drôme, maire de Crest, Vice-Président du groupe UMP à l’Assemblée Nationale.

Présidée et animée par François Goulard, Ministre délégué à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche et vice-Président du Club, la table-ronde a accueilli, non seulement une variété d’analystes, mais aussi le Premier ministre dont l’intervention a été particulièrement enthousiaste et qui avait semble-t-il, chaussé des lunettes roses pour l’occasion, tant il avait pris le parti de positiver. Son enthousiasme s’est avéré être communicatif à voir les réactions de l’assistance et sa prestation fit oublier toute idée de crise pourtant toujours sous-jacente et bien réelle comme il est apparu dans une partie des analyses faites en cette soirée du 6 juin à l’Assemblée Nationale.

A cette morosité indéniable, au fait tout aussi réel que « nous résistons de toutes les forces de notre tempérament national à l’évidence d’un changement nécessaire, » Dominique de Villepin voit « trois éléments structurants. » qui s’inscrivent dans un constat vrai :

D’abord « une difficulté de nous situer dans un espace qui a volé en éclats, » alors que « nous sommes attachés à la géographie française. » A cela s’ajoute « un monde instable, une société en mouvement. » Mais conseille le Premier ministre «il faut se laisser emporter et se débattre c’est se noyer. » Et, enfin, si crise il y a c’est « une crise de repères » car, en réalité, « il y a beaucoup plus d’opportunités mais il faut prendre le risque de les saisir. Plus on prend de risques plus on est grand et fort. »

C‘est à un plaidoyer en faveur d’une volonté d’agir que s’est alors livré le Premier ministre. Il s’agirait de « saisir de la liberté qui nous est offerte, » d’en « avoir envie ». Avis et méthode Coué qui ne mangent pas de pain. Cela fait en effet bon marché d’une réalité à laquelle se heurtent, par exemple, bien des jeunes diplômés contraints de s’exiler car ne trouvant pas de travail en France. Et ils sont légion. Dominique de Villepin disait, d’ailleurs en avoir rencontré à Londres. Liberté, oui, mais celle de… s’expatrier.
Et cela tient encore moins compte des demandeurs d’emploi qui, à partir de cinquante ans, n’ont plus aucune opportunité ni chance à saisir…

Faisant écho au constat dressé auparavant par Brice Teinturier, directeur adjoint de TNS-SOFRES, qui avait indiqué que « si le taux de pessimisme est élevé », la tonalité est différente en ce qui concerne la manière dont les « Français voient leur avenir personnel », Dominique de Villepin parla d’un « vertige collectif beaucoup plus que personnel. » Et mettait l’accent sur «notre patrimoine exceptionnel, » regrettant « une inquiétude qui plutôt que de dynamiser la France la fige », choisissant cette image littéraire : « nous avons l’esprit rationaliste de Descartes mais nous sommes les enfants de Rabelais aussi ! ».

S’il prêche le positivisme, Dominique de Villepin note néanmoins qu’il y a « de vrais injustices, des sujets de révolte », évoquant « les jeunes des quartiers et au-delà, à qui on ne tend jamais la main. » Mais à l’écouter on se demande s’il ne serait pas plus opportun de se demander pour quelles raisons le taux d’échec scolaire est si élevé dans ces populations ? Sans recourir à la tarte à la crème : c’est la faute aux profs ?…

Le Premier Ministre dénonça ensuite la manière dont l’apprentissage est considéré comme un pis aller pour ceux qui ne seraient « pas intelligents. » Ajoutant : « comme si il n’y avait pas plusieurs façons d’être intelligent. » On ne peut qu’approuver. Mais alors, pourquoi en est-on arrivé là ? Pourquoi cet apprentissage de métiers porteurs est-il décrié, voire inexistant en France ? La responsabilité n’en incombe-t-elle pas aussi – et surtout- à la manière dont les pouvoirs publics organisent l’enseignement en France ?…Le Premier Ministre entama enfin un plaidoyer pour que l’on « cesse de se battre pour rien » aussi et pour que « nous nous fassions confiance les uns les autres. » Et de prôner le modèle finlandais – il revenait de Finlande- qui veut que l’on « se réunisse dans différents domaines pour décider des grandes orientations. »

Il ne faut pas, dit-il, « discuter en permanence des fondements et résultats d’une action car alors il n’y a plus d’action. » Ni se crisper sur « une idéologie. » A cela rien à dire. Nécessité aussi « d’une conférence sur la dette publique » source de bien d’inquiétudes et que le PDG d’ESSILOR, l’un des intervenants, avait qualifié de « gros problème reporté sur nos enfants. » Dominique de Villepin rappelait, à cet égard, son « engagement de la faire baisser. » La question restant de savoir quand baissera réellement cette dette vertigineuse qui hypothèque l’avenir du pays….

Quant à « la place de la France en Europe et dans le monde, il faut, asséna le Premier Ministre, « s’affirmer dans le domaine de la recherche, avoir la volonté de donner plus d’emplois aux jeunes, abaisser les barrières entre le monde de l’emploi et de l’étude, et pourquoi ne pas imaginer plus de passerelles. » Encore faut-il s’en donner les moyens et on ne peut que se demander pourquoi ce travail de longue haleine n’a pas été entrepris plus tôt. D’ailleurs, du CPE et de son cortège de manifestations et de casseurs, et ce fait grave qui a vu la rue faire reculer le Parlement, il se sera pas question…. Et Dominique de Villepin de donner plutôt un petit coup de griffe aux entreprises où règne « le poids de la hiérarchie. » «Pas chez nous, » protesta Xavier Fontanet PDG d’ESSILOR.

Plus tard, en répondant à la critique que faisait ce dernier d’impôts trop lourds et dont le montant s’oppose au principe d’une nécessaire « récompense », ce qui mettait « en colère » Xavier Fontanet, Dominique de Villepin les justifiait en avançant l’idée très Etat providence du « souci de réparer les accidents de la vie puisque l’on ne laisse personne au bord du chemin. Ce que je considère comme normal, mais tout cela a un prix.» Certes, mais, dans les faits, il s’avère pourtant que ce coût est exorbitant et n’a pas lieu d’être si on le compare avec d’autres pays qui font mieux. Ce matraquage des impôts et charges décourage, en réalité, bien des entrepreneurs. Donc empêche l’emploi. Pourquoi nos dirigeants ne le comprennent pas ?… N’est-ce pas parce qu’ils confondent Etat Nurserie et Etat de l’Equité qui aide mais n’assiste pas ?

Répondant peut-être par la bande aux émeutes des banlieues et à l’échec du CPE, le Premier ministre prôna par la suite «une irrévérence culturelle dont nous avons besoin, » évoquant l’enthousiasme que l’on trouve, selon lui, dans les quartiers…. Affirmation qui laisse toutefois quelque peu rêveur. Car si, à l’instar de ce qu’avait dit le PDG de PhoneHouse lors de la rencontre inaugurale du Club, il y a bel et bien des talents aussi dans ces banlieues, il y a, hélas également, un enthousiasme pour des activités peu licites, comme on le constate au quotidien avec une criminalité qui y est endémique. Alors, la banlieue comme modèle…De Villepin doit sans doute fréquenter Jack Lang ces temps-ci…

Non, conclua-t-il, « notre société ne va pas mal et il faut retrouver la force de l’émerveillement. » Discours très applaudi. Public conquis. Bel enthousiasme. Oui, mais, dans les faits ?
François Goulard en rajoutait une louche
en expliquant que c’est dans des « Clubs comme le nôtre » que peut se mener « une réflexion » vraie sur tous ces thèmes, loin de tout électoralisme, notait-il tout en s’interrogeant de façon quelque peu ironique sur l’engouement du moment pour Ségolène Royal : « voulons-nous pour les prochaines élections présidentielles quelque chose qui ressemble à la Star Academy ? ! »…

Cette ironie est facile…car il faudrait que l’on propose au pays une alternative attrayante, un projet incontournable, pour que, côté avenir de la France, nous ne sombrions pas dans le divertissement. Et il reste moins d’un an pour cela. Mais…, il ne faut pas oublier qu’il y a un homme politique qui rivalise avec Ségolène Royal dans le coeur des Français…. Et on ne peut imaginer que le ministre imaginait également Nicolas Sarkozy en candidat à la chansonnette. Alors…un oubli ?…

Côté diagnostic, et en plus réaliste, cette fois, Brice Teinturier, directeur adjoint de TNS-SOFRES, analysait pour sa part les raisons de ce pessimisme collectif :

« Pour les Français le rôle de la France s’affaiblit. D’où une blessure narcissique. » Mais, il y a aussi et surtout « les projections et anticipations du chômage corrélées au moral des Français. »

Encore faut-il s’en donner les moyens à l’écouter… Car on ne peut que se demander pourquoi ce travail de longue haleine n’a pas été entrepris plus tôt. D’ailleurs, du CPE et de son cortège de manifestations et de casseurs, du fait que la rue ait fait reculer le Parlement, il se sera pas question, du moins explicitement.

Certes le directeur adjoint de TNS-SOFRES a fait des constats forts : « 30 ans de chômage de masse qu’aucune politique n’a fait reculer. » Et il y a eu « des mensonges d’Etat » quand Mitterand avait promis en 1981 que l’on « ne dépasserait pas le cap du million de chômeurs, » ou quand « en 1995 il avait été promis de lutter contre la fracture sociale, mais qu’en 4 mois on avait expliqué que la politique menée ne serait pas celle qui avait été promise. »… On avouera qu’il y a de quoi être dégoûté de la gauche et de la droite…

Et puis il y a d’autres peurs, comme celle de la mondialisation ou l’idée que « les politiques ne se préoccupent pas de ce que pensent les Français. » Ce qui explique aussi selon lui « l’abstentionisme et l’augmentation du vote pour les partis périphériques. »
Pourtant, rappelait-il, « la France est la cinquième puissance économique, il y a un taux de natalité élevé et c’est l’une des destinations touristiques les plus appréciées. »

Constat fait également par Jean-Jacques Descamps, député-maire UMP d’Indre et Loire qui estimait que « la voie libérale est la seule voie » et affirma que « le changement de la façon de parler est essentiel. » Sans doute, car si le phénomène Star Ac marche aussi en politique c’est bien qu’il y a maldonne dans le ton. Et ce surtout dans le contenu. Un contenu tangible, concret. Car, allez dire à un jeune Bac + 5 qui fait des missions au SMIC pour ADDECO ou à un informaticien de 50 ans licencié par une entreprise qui a dû fermer et sait qu’il ne trouvera plus d’emploi que la France est la cinquième puissance économique !

Autre volet de la rencontre : la France vue par un Anglo-Saxon, dans un tableau dressé par Peter Gumbel, du bureau de TIME Magazine à Paris. Des constats qui, s’ils sont entendus, (mais le seront-ils ?), devraient être source de réflexions et de solutions.
Oui, dit-il, « il y a eu des réformes, mais en retard, pas assez et pas assez vite. » Un exemple : « les quatre à cinq millions de fonctionnaires
» aux buts mal définis. Un espoir : « la taille des organismes étatiques se réduira en douceur grâce au cadeau démographique des départs à la retraite. » Côté chômage la France « manque de vrai programme d’action cohérent, les autres pays ont réussi à faire passer leur chômage sous les 5 %. » Pourtant « on sait ce qu’il faut faire, mais les rapports officiels ne sont pas lus.. »

Nous y voilà….

Puis, il s’exclame : « où est l’homme politique qui osera élever la voix pour dire que la mondialisation est aussi bénéfique ? » D’ailleurs, notait-il avec une pointe d’humour : « malgré le chômage il n’y a pas de plombiers polonais ici ! » Et enfin, « ce qu’il faut craindre, c’est l’immobilisme, » estimait-il, ajoutant : « mais comment convaincre les Français ? » En leur donnant du travail, par exemple, sans doute…. Il finit par une touche optimiste à la limite du tragi-comique, pourtant : « il y a un avantage à tirer d’un pays qui n’attend rien… et tout petit succès donne de l’espoir. Et l’espoir se nourrit d’espoir. »

Pour Martine Aurillac, député UMP de Paris, 3ème circonscription, il y a, en effet « un certain jacobinisme français et un vrai problème pour susciter l’adhésion des citoyens. » Or, il faut « une mobilisation citoyenne. » Dur, dur, quand on a l’angoisse du chômage chez soi…

Le PDG d’ESSILOR en appelait, pour sa part, à « une liberté d’initiative, » avec un Etat nécessaire, certes, mais « qui fasse confiance. » Ses modèles : « le Canada, la Nouvelle-Zélande et l’Angleterre aussi. » En réponse à Marie-Anne Montchamp, ancien ministre, député du Val de Marne, autre vice-président du Club, Xavier Fontanet précisait que « lorsque l’Etat prend du poids, cela casse les liens au sein d’une entreprise. Il faut laisser les gens discuter. » A bon entendeur… Il regretta ensuite que « l’image de l’entreprise et du libéralisme ait été déformée. »

Le philosophe Pierre Manent, professeur à l’EHESS, a fait part, quant à lui, d’un « triste diagnostic » loin de tout faux-semblant et de toute langue de bois.
Il releva « pour le P.S. une interminable fin de règne avec Mitterand et pour l’UMP une interminable fin de règne avec Jacques Chirac. » « Gauche et droite ont disparu, » dit-il, ajoutant que « la cohabitation a été un vrai complot permanent » et que « les partis politiques à programmes intenses ont été déchirés avec la cohabitation. » D’où l’émergence d’un Jean-Marie Le Pen et «la mauvaise pensée transformée en parole. » Il estime d’ailleurs que « depuis vingt ans on tourne autour des pensées de Jean-Marie Le Pen, ce qui affaiblit la capacité représentative du dispositif français. » Et nous en sommes désormais là, selon lui : « Qui parle comme Jean-Marie Le Pen ? Tout le monde. C’est la seule façon de se faire entendre. » « La Gauche, » dit-il, « c’était le peuple et elle a renoncé à le représenter. » Et d’évoquer « le chômage de masse, » ou « le projet Europe qui a remplacé le projet socialiste. » Quant à « la droite, qui était la nation, elle a renoncé à être la droite et le projet Europe a été opposé au projet socialiste. » « Droite et Gauche ont conflué sur un projet Europe indistinct où les citoyens se reconnaissent de moins en moins. »

Tonalité très différente d’Yves Censi, député UMP de l’Aveyron, qui parle, lui « des nombreuses réformes accomplies depuis un an, » et nie que l’on soit « au chevet d’un grand malade, » ce que démentent « tous les indicateurs. » Il fait état de «résultats exceptionnels depuis 2002, en dépit de la tare des 35 heures. » A l’écouter, on se demande pourquoi ces résultats si brillants sont si invisibles… Et pourquoi n’ont-ils pas résorbé l’angoisse de ce chômage, première préoccupation ?…

Il faut, dit-il encore, « faire confiance à l’arsenal des valeurs constituant l’Histoire et la Constitution françaises, » rappelant également que « les libéraux et les centristes croient en l’homme. » Hervé Mariton estimant lui aussi qu’il faut « croire en l’homme et réconcilier la personne et le système. » La lancinante question à l’écoute de tant de voeux pieux étant de savoir comment le faire. Et le faire d’urgence.

Conclusion de François Goulard : « notre pays a besoin de Réforme et Modernité, » il ajouta qu’ « il est rare en politique d’entendre des discours aussi intelligents. » Dominique de Villepin avait d’ailleurs estimé, pour sa part, que ce Colloque était loin « des réunions arides. » Vrai, du moins en partie. Mais où cela nous mène-t-il ? Car les Français ont besoin de réalisations concrêtes, visibles, fondamentales. Pas de paroles, aussi belles et profondes soient-elles. Et vite.

Une réflexion sur « « Réforme et Modernité »: deuxième rencontre de ce nouveau Club : ou les bonnes intentions… »

  1. Ping : Travailler moin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


%d blogueurs aiment cette page :