Surtout, dans un extraordinaire éditorial, Michel de Jaeghere écrit :
«L’un des mérites d’Apocalypto est de réduire [le mythe amérindien] en cendres ; de rendre dérisoires ces indignations bien-pensantes en montrant, dans une succession de scènes insoutenables, la réalité d’un culte qui tenait le sacrifice humain pour «la première source de régénération des forces de l’univers», l’inhumanité d’une société fondée sur le mépris absolu de la vie innocente. Le lui pardonnera-t-on ? Notre époque a ceci de particulier que le passé de l’Occident semble mériter seul d’être inlassablement mis en accusation […].
Nourri par les travaux les plus récents des historiens, le film de Mel Gibson nous rappelle que les victimes se comptaient par milliers ; que leur corps s’entassaient, dans la forêt vierge, en d’immenses charniers qui préfiguraient le spectacle qu’a donné, depuis, la barbarie contemporaine. Le sang, sur leurs autels, n’aura guère cessé de couler, pendant des siècles, et si la Conquête espagnole n’a pas été exempte des abus et des heurts qui sont le lot de toute l’histoire humaine, nul doute qu’elle n’ait eu, pour les populations, le caractère d’une délivrance.
Plus encore qu’un appel à la réflexion sur la cruauté de leur civilisation, Apocalypto est cependant une méditation sur la condition humaine. Dans l’histoire des Mayas, réduite à épure par notre identification au héros, captif, déporté, puis victime, presque nu, dans la jungle, d’une épuisante chasse à l’homme, le cinéaste a vu la figure de l’interminable passion d’une humanité réduite à l’esclavage, soumise à la violence, par le règne du mal. Entrevu que sa rédemption passait par l’oubli de soi, le refus de la peur, le retour aux vertus naturelles qui donnent seules à la vie un sens.»
Du courage de Mel Gibson nous est venu ce premier miracle : un Français réalise à nouveau qu’il fait partie de cette magnifique, grandiose, somptueuse histoire qu’est l’aventure occidentale.