L‘Union Européenne, qui a déjà donné 100 millions d’Euros dans la foulée de la guerre provoquée par le Hezbollah contre Israël cet été, lors de la Conférence des donateurs de Stockholm – qui a récolté près d’un milliard de dollars-, a annoncé un nouveau don de quelque 400 millions d’Euros. Et chacun des quelque 40 pays, dont les Etats-Unis, mettront une nouvelle fois la main au gousset.
Fouad Siniora, pour sa part, a déclaré le 24 janvier à Paris qu’il espère voir demain « des résultats utiles et fructueux. » C’est-à-dire conséquents. Et, évoquant les menaces auxquelles sont gouvernement et son pays sont confrontés, il avertit que, selon lui, « le coût de l’aide accordée au Liban sera moins important que le coût encouru si on ne l’aide pas. »
Il y a le volet économique, avec une économie au bord du gouffre et qui ne peut plus faire face à une dette publique de quelque 41 milliards de dollars qui va croissant depuis la guerre civile de 1975 à 1990. Une dette principalement interne selon les experts. On comprend d’ailleurs que le prêt de la France risque fort d’être à fonds perdus.
Mais il y a aussi un volet politique. En effet, selon Joseph Bahout, -co-auteur du livre collectif « Le Liban, une guerre de 33 jours » (publié aux Editions La Découverte et qui sortira le 25 janvier) –, devant « le blocage, la polarisation, la paralysie institutionnelle, qui empêche, entre autres, de mettre en oeuvre le projet de privatisation, de juguler les circuits clientèlistes, Paris III a 2 objectifs : une anesthésie locale de 3 à 4 milliards qui permettra de payer les fonctionnaires et de rééquilibrer les bons du Trésor et sera un signal fort, un soutien massif à Fouad Siniora, à Mahmoud Abbas – le Président palestinien -, et à Nouri al Maliki – Premier ministre irakien – dont G.W. Bush a dit récemment qu’il était incapable, et il risque de s’en mordre les doigts». Remède temporaire, néanmoins, comme le pensent aussi d’autres chercheurs qui ont participé à cet ouvrage, dirigé par Franck Mermier, avec Elizabeth Picard. Ouvrage sur lequel on reviendra.
Les violences avaient (re)commencé le 23 janvier 2006 au Liban. On annonçait un mort, puis deux, puis trois et le nombre de blessés augmente aussi au fil des heures. Il sera de 110 en fin de journée, dont la moitié par balles..
Cela fait quelque temps que l’opposition défie le gouvernement en place et il y a eu de mega manifestations de part et d’autre. Mais le feu a été mis aux poudres à la veille de la Conférence, dite de Paris III.
Et si les médias disent en général que la situation s’est calmée aujourd’hui, cela n’est pas tout à fait exact et des troubles se poursuivent. Comme on le voit, par exemple, dans des dites Chroniques beyrouthines
Or, le Pays du Cèdre, est d’une complexité extrême et les lignes de fractures sont bien plus nombreuses que ce que l’on pourrait croire, faisant du pays un ensemble de poupées russes mouvantes, dans ce que Melhem Chaoul, l’un des auteurs de l’ouvrage collectif cité plus haut, appelle « une enchevêtrement entre communautés et politiques. » Avec « des communautés traditionnelles, un leadership traditionnel qui devraient chercher des formes de modernité, mais le peuvent-elles ? »
Il cite en exemple les Chrétiens libanais qui ne forment pas un groupe monolithique, tant s’en faut. Une population chrétienne qui, d’ailleurs, diminue au fil des ans et est passée de « 60 % dans les années 40 / 50 à 35 ou 40 % aujourd’hui, avec un taux de natalité de 1,8 enfants comme en Allemagne. Minorité qui recule dans les instances officielles libanaises également. » Et qui, homogène un temps, s’est scindée après le séisme de 2004, en un courant des Forces libanaises et un courant patriotique libre. » Division due, selon lui, à des différences de classes sociales. Ainsi « la majorité chrétienne bourgeoise était avec Hariri, » note Melhem Chaoul. Rafik Hariri, un Sunnite issu d’une famille très modeste, devenu multi-milliardaire, 5 fois Premier ministre du Liban, s’opposant à la main-mise syrienne sur le Liban, donna sa démission en 2004 et fut assassiné en février 2005.
Quant aux FL, elles soutiennent le gouvernement Siniora et le président de son comité exécutif, Samir Geagea, parle de coup d’Etat.
Tandis que le Chrétien Michel Aoun dirige le Parti du Bloc Parlementaire de la Réforme et du Changement, allié aujourd’hui du Hezbollah chiite, lui-même pro-iranien et pro-syrien. Engagement à géométrie variable.
Quant au Druze Walid Jumblatt, dirigeant du Parti Socialiste Progresssite libanais, dont le père a été assassiné, et qui a lui-même échappé à un attentat pour avoir été anti-syrien, ses rapprochements politiques ont été également fluctuants. Il est aujourd’hui menacé par Al-Manar, la voix du Hezbollah.
Commentaire quelque peu désabusé de Melhem Chaoul sur les hommes politiques libanais : « Ce qui est important n’est pas ce que disent Walid Jumblatt, qui dit tout et son contraire ou Hassan Nasrallah ou d’autres, mais leur place sociale. »
Mais cela ne sont que des aperçus de ce qu’est le Liban….Et, à la veille de Paris III ont ne peut que se demander, d’une part, où ira notre argent et d’autre part, ce qu’il adviendra de cet écheveau irrémédiablement emmêlé dans lequel s’emboîtent ce qui ressemble à des poupées russes à la sauce libanaise, constamment déboîtées et réemboîtées dans un puzzle le plus souvent bancale.