1 juin 2023
Non classé

La plainte de la sympathisante du Hezbollah est classée.

Le Procureur motive sa décision d’abord en doutant que Genève puisse être le for de l’action en question, puis en indiquant que la notion de «terroriste» n’a toujours pas de définition précise au niveau international, contrairement à ce que qu’allègue Bechara. Or, en l’absence d’une telle définition, c’est celle du langage courant qui fait foi et le Procureur, se basant sur le Larousse, estime que l’action de Bechara, telle qu’elle la revendique elle-même, «rentre dès lors dans la définition large admise (…), raison pour laquelle l’on ne peut admettre, sous le plan pénal, que les personnes visées dans la plainte aient voulu calomnier» Soha Bechara.

Le Procureur relève également que le prix de la Ville de Genève «Femme exilée, femme engagée» octroyé à Bechara en 2006 «ne l’exonère pas de la responsabilité de l’acte qu’elle a commis en 1988, qui demeure inscrit dans l’Histoire».

Et le procureur, se référant notamment à une déclaration de Soha Bechara dans le film qui est à l’origine de cette affaire, ajoute cette phrase:

Enfin, le classement s’impose en opportunité, dès lors qu’il est établi que de toute manière, [Soha Bechara] a tenté de tuer autrui au moyen d’une arme à feu en préméditant son acte, comportement qui, quels que soient les mobiles politiques de son auteur, se définit en droit suisse comme un crime manqué d’assassinat, acte qui se rapproche fort peu de l’action de Mohandas Karamchand GANDHI, qui n’a jamais tenté de tuer quiconque et qui prônait à l’inverse la non-violence.

Notre sympathisante du Hezbollah a maintenant dix jours pour recourir contre cette décision auprès de la Chambre d’accusation. Si elle n’obtient pas gain de cause, les personnes qu’elle vise dans sa plainte pourront tenter de l’attaquer à leur tour pour les accusations qu’elle a lancées publiquement contre elles, notamment dans le journal Le Monde. Un journal que l’agence de notation des médias Media-Ratings place sous sa loupe aujourd’hui, pour cette même affaire. Extrait:

La première chose qui choque dans cet article est l’insignifiance de l’information développée.

Rendez-vous compte: une personne a déposé une plainte en diffamation contre une autre personne qui s’est indignée du caractère propagandiste d’un reportage dans lequel se trouvait la première personne. Tout ceci se passe en Suisse et concerne un reportage tourné au Liban. Dernier point: la plainte n’a pas encore été reçue…

Cette information était-elle si importante pour les lecteurs du Monde? Ou bien était-ce un coup de main apporté à la sympathisante d’un mouvement terroriste?

Voilà une excellente question. Et je rappelle que pour autant que je sache, Le Monde n’a toujours pas publié le droit de réponse que la loi française l’oblige, dans un tel cas, à faire paraître dans les trois jours.

À PROPOS: La SSR avait demandé un nouveau délai pour déposer sa prise de position sur la plainte administrative attaquant le film en question, avec Soha Bechara dans le rôle de la «perle rare», si bien que son examen par les juges ne débute en fait que ces jours-ci. À suivre aussi.

UPDATE: L’avocate de Soha Bechara annonce qu’elle fera «probablement» recours contre la décision du Procureur général, dont elle critique le point de vue sur le terrorisme:

Avec son approche, «n’importe quel assassin pourrait être qualifié de terroriste». Selon Mme Leuenberger, le terrorisme a pour but de faire peur à la population civile, ce qui n’était pas le cas pour sa cliente.

Rappelons les termes du Procureur général sur cette question:

En second lieu, contrairement à ce qu’allègue [Soha Bechara], la notion de terrorisme n’a pas reçu à ce jour de définition précise au niveau international. Plusieurs tentatives de définitions du terrorisme ont été faites à l’ONU, mais aucune n’a abouti, notamment pas la proposition de définition à laquelle [Soha Bechara] se réfère. Il y a dès lors lieu de se rapporter à l’acception généralement admise de la notion de terrorisme en langue française. Selon le Larousse, le terrorisme se définit comme un ensemble d’actes de violence commis par une organisation pour créer un climat d’insécurité ou renverser le gouvernement établi. En l’occurrence, [Soha Bechara] admet avoir tenté d’assassiner de deux coups de feu le Général Antoine LAHAD, alors qu’elle militait au sein du Front de la résistance nationale libanaise. Cette action rentre dès lors dans la définition large admise par le dictionnaire précité, raison pour laquelle l’on ne peut admettre, sous le plan pénal, que les personnes visées dans la plainte aient voulu calomnier [Soha Bechara]. Cela est d’autant plus vrai que tant la plainte adressée à l’organe de médiation de la RTSR que les articles de presse subséquents laissent clairement entendre que l’acte commis par [Soha Bechara] a été de tenter d’assassiner un militaire, représentant l’ordre établi à une certaine époque au Liban, et non un civil, de telle sorte que tout lecteur peut aisément comprendre la portée des actes imputés à [Soha Bechara], qu’elle revendique au demeurant.

Et ma propre approche, telle que je l’avais rédigée sur le présent blog, dans le cadre d’une conversation avec Yvan Rochat, le mari de Soha Bechara:

[Mes déclarations] consistent à rappeler que Soha Bechara a préparé un assassinat politique, s’est introduit par la ruse et le mensonge au coeur d’une famille dans le but d’en tuer le père, qu’elle a effectivement tenté de le faire en tirant deux balles à bout portant sur sa poitrine. Et elle a fait cela avant, selon ses propres termes, prononcés devant une caméra de télévision, qu’elle ou sa famille ait eu a se plaindre d’une atteinte à leur intégrité. En outre, [Soha Bechara], loin de regretter ce geste meurtrier et raté (car l’homme a survécu), s’en vante à qui veut l’entendre, jusque sur les ondes du principal média audiovisuel de la région. Et une personne, voyez-vous, qui tue ou tente de tuer, de manière préméditée, à froid, sans avoir souffert dans sa chair ni dans son coeur, mais seulement dans ses convictions politiques, et qui ne s’en repent pas, est un ou une terroriste jusqu’à preuve du contraire.

Yvan Rochat et moi avions poursuivi cet échange un moment.

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