Nous sommes consternées par l’acharnement de la Halde à vouloir légitimer « le voile islamique » dans des lieux hautement symboliques de la République :
-dans les préfectures, lors de la cérémonie de remise des certificats de nationalité française, par votre délibération 2006-131 du 5 juin 2006 que nous avons dénoncé comme discriminante à l’égard des femmes, dans un courrier en date du 23 janvier 2007
-à l’école de la République, par la délibération citée en référence.
Nous relevons que votre instance, dite « Haute Autorité » prétend se substituer aux juridictions judiciaires ou administratives. Nous nous arrêtons sur quelques arguties dans le galimatias de votre délibération.
1-Vous annoncez avoir été saisi par une association de lutte contre « l’islamophobie ». Votre collège a-t-il examiné l’habilitation à agir de ceux qui vous ont saisi ? Le terme « d’islamophobie » est sans contenu. L’islam n’étant pas une personne, ce terme ne peut en aucun cas définir du racisme. A quel titre soutenez-vous l’interprétation de l’islam qui considère « le voile islamique » comme une obligation religieuse sexuée? Prétendez-vous trancher en matière d’interprétations religieuses, sur les croyances intimes des personnes ?
2-Des règlements intérieurs des écoles, dont les parents ont eu connaissance, l’avis des Inspecteurs d’Académie, un courrier du Ministre, dont « la portée au regard de la question expressément posée n’est pas explicite » de votre point de vue, rappellent clairement les règles de neutralité du service public. Mais comme ils ne partagent pas votre obsession de voiler les femmes, vous les réfutez en vous appuyant sur « une situation similaire ».
Il s’agit d’une jurisprudence concernant les établissements pénitentiaires (sic). L’école serait-elle une prison ? Les règlements concernant l’application de la laïcité dans les milieux fermés (détenus carcéraux ou militaires en opération) sont bien évidemment différents. On sait cela depuis 1905.
3- Vous citez un extrait de l’article 9 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. Mais vous savez que:
« L’article 9 ne protège toutefois pas n’importe quel acte motivé ou inspiré par une religion ou conviction et ne garantit pas toujours le droit de se comporter dans le domaine public d’une manière dictée par une conviction (voir, parmi plusieurs autres, Kalaç c. Turquie, arrêt du 1er juillet 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, p. 1209, § 27, Arrowsmith c. Royaume-Uni, no 7050/75, décision de la Commission du 12 octobre 1978, Décisions et Rapports (DR) 19, p. 5, et C. c. Royaume-Uni, no 10358/83, décision de la Commission du 15 décembre 1983, DR 37, p. 142) » Arrêt de la Cour européenne des Droits de l’Homme, présidée par Sir Nicolas BRATZA, du 29 juin 2004 concernant l’affaire Leyla Sahin c.Turquie.
Ce même arrêt « dit » :
«Il n’y a pas eu violation de l’article 9 de la Convention par la réglementation de l’université d’Istanbul, qui soumet le port du foulard islamique à des restrictions, et les mesures d’application y afférentes, étaient justifiées dans leur principe et proportionnées aux buts poursuivis et pouvaient donc être considérées comme « nécessaires dans une société démocratique ».
Vous connaissez également la résolution votée le 4 octobre 2005 par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe exhortant tous les pays membres à : « Veiller à ce que la liberté de religion et le respect de la culture et de la tradition ne soient pas acceptés comme des prétextes à la justification des violations des droits des femmes, y compris lorsque des jeunes filles mineures sont contraintes de se soumettre à des codes religieux (y compris à des codes vestimentaires), … » (article 7.3) que nous vous avons déjà rappelé dans notre courrier du 23 janvier.
4- Vous avez décidé de considérer les parents des élèves participant « bénévolement au service public de l’Education Nationale comme des usagers, sans tenir compte de la spécificité de l’école de la République « lieu où s’opère la transmutation d’un petit humain réalisé à partir d’une dotation génétique en une personne rendue singulière par la pluralité de ses rencontres, capable de savoir être. ( …) Toutes les attitudes qui manifestent une soumission à des impératifs venus d’ailleurs, que ce soit la famille ou la religion, doivent donc être proscrites. »» (Albert Jacquard).
Cet espace de liberté est un sanctuaire, c’est-à-dire un lieu à l’abri des combats, à l’abri des luttes idéologiques, religieuses ou politiques, qui peuvent avoir lieu à l’extérieur.
Les auxiliaires de l’éducation, bénévoles ou non, doivent respecter tous les élèves et ne sont pas appelés pour s’occuper uniquement de leur(s) enfant(s). Il vous échappe que, dans le cas particulier, il s’agit de parents en uniforme, religieux ou politique, qui prétendent encadrer et influencer des mineurs, élèves de l’école publique.
Quelles représentations des rapports entre les femmes et les hommes, la présence d’une femme voilée « contribuant au service public de l’éducation » induit-elle chez les enfants ? Comment construire le principe d’égalité en droit entre les hommes et les femmes, si les femmes doivent se cacher dans l’espace public parce qu’elles représenteraient une source de désordre et si on considère les hommes comme des brutes incapables de maîtriser leurs pulsions sexuelles à la vue de la moindre mèche de cheveux? Comment tolérer l’endoctrinement des enfants ? Comment éduquer les enfants au principe constitutionnel d’égalité entre les hommes et les femmes ?
5- Vous relayez l’argument absurde de femmes qui se discriminent volontairement en portant un signe, un stigmate qui les séparent des autres personnes, femmes et hommes et qui s’offusquent d’être discriminées ! Elles font appel à la Halde lorsque les magistrats des tribunaux administratifs, qui jugent en fonction de la loi, déboutent leurs réclamations. Vous vous érigez en recours sans légitimité constitutionnelle et populaire. Or personne ne peut imposer son interprétation personnelle de sa religion comme supérieure aux lois communes de la République. La République, une et indivisible, ne saurait accorder de droits particuliers en fonction de convictions philosophiques ou croyances religieuses qui relèvent de l’intime.
Le présent courrier par lettre recommandée ouvre les voies et délais de recours selon la législation et n’exclut pas les recours que permet le cadre législatif dans la mesure où votre « délibération » porte atteinte et fait grief à l’objet social de « Regards de Femmes »
Nous vous demandons de réexaminer votre position et nous vous prions de croire, Monsieur, en l’expression de notre considération.
Pour le bureau
Michèle Vianès
Présidente