Il est objectivement contradictoire de se plaindre du trafic poids lourds, de la pollution urbaine, et, à l’opposé, de certes promouvoir les transports en commun mais sans rien dire ou si peu sur le fait que la rénovation du fret et du transport ferroviaire et maritime est empêchée par certains cheminots et dockers extrémistes, tandis que le moindre incident bloque des millions de citadins forcés de prendre leur voiture ou l’avion, ce qui aggrave la pollution.
Cette contradiction objective entre les intérêts catégoriels et les intérêts communs existe depuis des dizaines années ; cependant elle sera masquée au profit d’une diabolisation de l’ouverture du fret et du transport commun à la concurrence qui permettrait précisément d’atteindre les objectifs de réduction des taux de pollution. Ce n’est pas parce que les libertariens anglosaxons ont fait l’erreur sous Miss Thatcher et Mr. Reagan de privatiser également l’Autorité de régulation qu’il faille jeter le bébé avec l’eau du bain. Faisons en sorte que le Service public joue, en indépendance, son rôle régalien, tout en laissant le marché et aussi la vigilance des citoyens agir en toute liberté. Par ailleurs les conflits qui en résultent (car il y a toujours des tricheurs et des affairistes) peuvent être dominés dans un État de Droit, ce qui n’est pas le cas dans un État totalitaire : on l’a bien vu dans les ex pays de l’Est aux industries excessivement polluantes mais qui n’ont connu pour toute protestation à l’Ouest qu’un silence assourdissant. La conception socialiste de la production a été mille fois plus polluante que la conception techno-affairiste du capitalisme obligée, elle, dans un État de droit, de tenir compte des protestations. Il est donc particulièrement détonant d’entendre certains leaders proches des ex-pays de l’Est entonner le refrain du développement durable alors qu’ils n’ont jamais rien dit lorsque les rivières russes et hongroises charriaient des taux de toxicité d’une teneur inégalée à l’Ouest.
Il est également contradictoire de dénoncer les inégalités entre pays du Nord et pays du Sud, d’aligner des chiffres tragiques sur les manques diverses et, pourtant, de ne pas observer qu’un meilleur développement pour le plus grand nombre présuppose une réelle séparation des pouvoirs, de réelles libertés de penser, de s’exprimer, de rendre justice, d’entreprendre, le tout permettant une réelle gouvernance et une moindre corruption en vue d’une vie meilleure. Or, lorsque l’on lit la littérature onusienne, écologiste, socialiste, altermondialiste, il est patent de constater que les principaux indicateurs du développement humain ne sont pas corrélés à ces présupposés de l’État de Droit, mais plutôt à des généralités sur la faim l’éducation la santé la désertification alors que si l’on veut, réellement, atteindre ces objectifs il s’agirait de mettre au centre du débat le type de régime politique qui permette un réel développement respectueux de la personne humaine et l’environnement (dont les animaux). Pourtant, qu’il s’agisse du Zimbabwe, de la Corée du Nord, des pays arabo-musulmans, et de divers pays d’Amérique du Sud, d’Afrique, de l’Asie, sans parler de la Chine et de la Russie, on ne voit guère un Hulot, un Cohn Bendit, encore moins un Besancenot, mettre en avant l’idée que c’est en articulant la liberté et la prospérité du grand nombre, au lieu de les opposer, que l’on peut atteindre l’optimisation qualitative des ressources (ou néomodernité) capable à la fois d’améliorer le sort des plus modestes et de préserver le cadre naturel, voire de le renforcer. Car il s’agit moins de régimenter, caporaliser, la consommation que de donner réellement les moyens à la population d’en réellement dominer le rapport qu’elle entretient avec celle-ci. Ainsi une réflexion approfondie sur la fatigue (d’être soi), les frustrations, permettrait de mettre en avant des médecines douces à même d’orienter les comportements autrement que vers la consommation quantitative des dépresseurs et autres médicaments. Or, n’est-ce pas en permettant là aussi une meilleure liberté des soins qui verrait par exemple la prise en charge d’une ostéopathie ou d’un cours de natation plutôt que la consommation de médicaments allopathiques souvent à effet placebo (du moins lorsqu’il n’y a pas infection) ? Nous sommes en vérité qu’au début d’une réflexion généralisée sur le type de société que l’on aimerait réellement, sans pour autant croire qu’un seul facteur soit la cause de tout ou la solution à tout, ce qui est non seulement simpliste mais dangereux.
Une réflexion sur « Contradictions autour de l’idée de “développement durable” »