23 mars 2023

Comment les chiffres judiciaires sont manipulés par les idéologues

Laurent Mucchielli, on le sait, est bien plus idéologue que "sociologue", on l'avait déjà remarqué lors de ses propos erronés sur les émeutes de 2005 n'y voyant qu'un vaste réactif à la violence policière anti-musulmane (une grenade ayant atterri sur le perron d'une mosquée aurait tout déclenché, vieille antienne (j'analyse sa prose dans un récent article, à la partie " LES ÉMEUTES DE NOVEMBRE 2005 ") ; aujourd'hui il se sert, adroitement il est vrai, du relativisme judiciaire ambiant classant par exemple x infractions en "incivilités" qui ne seront alors pas classées comme condamnations mais mises à l'épreuve, avertissements via des TUP ou des RUP (travaux ou réparations d'utilité publique), ce qui infirme d'autant évidemment la dérive nihiliste de certains mineurs et donc les récents propos du ministre de l'intérieur. Pendant ce temps, des policiers accompagnent certaines lignes de bus de banlieue parce que des bandes s'y battent dans ces véhicules à coup de hache… Voyons de plus près la prose de ce sieur que Le Monde s'est empressé d'amplifier :

" La statistique judiciaire des condamnations est donc la seule à fournir des tranches d’âge permettant de tester l’hypothèse du rajeunissement de la délinquance. Comme toujours, cet indicateur n’est pas parfait (ce sont seulement les personnes condamnées), mais c’est le seul disponible. Depuis 1989, pour les mineurs, cette série statistique distingue les moins de 13 ans, les 13-16 ans et les 16-18 ans. Il suffit alors de faire quelques calculs pour réaliser la comparaison dans le temps de cette répartition par âge des personnes condamnées par la justice. Et le résultat invalide l’hypothèse du rajeunissement, il montre en effet une stabilité quasi parfaite de la répartition par âge. " ( in http://champpenal.revues.org/7053#tocto1n7 ).

 

Et il insiste : " L’ensemble des faits susceptibles d’être qualifiés de criminels (à savoir les homicides, les viols, les vols à main armée, les prises d’otages et séquestrations et enfin les trafics de drogue) ne représentent que 1,3 % du total des infractions reprochées aux mineurs. A contrario 98,7 % de cette délinquance n’est donc pas constituée par des actes graves du type de ceux cités par la ministre (ce sont des vols, des dégradations, des bagarres, des simples usages de drogue, etc.). Cette dernière a donc présenté pour des généralités des crimes qui sont en réalité des exceptions".

 

Sauf que des "dégradations, des bagarres"  qui s'effectuent en plein bus, dans la rue, suscitent peurs angoisses au mieux puisque au pis l'on risque soi-même d'en subir les conséquences par des coups, par exemple si l'on ose regarder en face etc… Il faut lire à ce propos les travaux bien plus objectifs de Xavier Raufer en la matière : http://www.publications-justice.fr/publications/entretiens-temoignages/entretien-avec-le-criminologue-xavier-raufer

Mais allons voir sur le site du Ministère de la Justice pour se rendre compte : http://www.justice.gouv.fr/index.php?rubrique=10042&ssrubrique=10271:

On y verra que plus de la moitié des mineurs qui auraient pu écoper de sanctions pénales s'en sortent par de l'éducatif et que le résultat est bien fragile puisque les chiffres de non récidive ne courent que sur une année (je commenterai encore à la suite de ce document du Ministère ) :

" Les chiffres clés de la justice des mineurs (2008)

• Près de 218 000 mineurs mis en cause par la Police et la Gendarmerie

Soit 17% des 1 254 000 personnes identifiées comme auteurs présumés d'infractions en 2008

Sur ces 218 000 mineurs, près de 161 000 font l’objet d’une décision du procureur de la République, près de 57 000 affaires sont non poursuivables ou classées sans suite.

© DPJJ/SCoRE © DPJJ/SCoRE

 

• Près de 161 000 mineurs font l’objet d’une décision du procureur de la République

Soit 74% des 218 000 mineurs mis en cause par la Police et la Gendarmerie.

 

Près de 78 000 mineurs font l'objet de procédures alternatives aux poursuites

Soit un peu plus de 48% des 161 000 mineurs présentés au procureur de la République. Ces mineurs font l'objet de rappel à la loi par le parquet ou son délégué, d'une médiation ou d'une réparation pénale dont 9 000 réparations pénales prises en charge par des services de la PJJ.

 

Près de 83 000 mineurs présentés devant une juridiction pour mineurs ou le juge d'instruction

Soit un peu moins de 52% des 161 000 mineurs présentés au procureur de la République. Ces mineurs sont poursuivis par le procureur de la République devant le tribunal pour enfants ou le tribunal de grande instance compétent.

 

• Près de 92 000 mineurs pris en charge par les services publics ou associatifs de la PJJ

– Ils font l'objet d'un suivi par un éducateur intervenant auprès des familles ou dans l’environnement habituel des mineurs.

– Près de 33 500 réparations prises en charge par les services de la PJJ incluant les 9 000 réparations ordonnées par le procureur de la République au tire de l’alternative aux poursuites.

– Près de 5 500 mineurs font l’objet d’une décision de placement hors de leur famille.

– Près de 2 000 mineurs font l’objet d’une décision de placement dans un établissement renforcé ou fermé.

– Près de 3 500 mineurs sont suivis en détention par des éducateurs de la PJJ, soit dans des maisons d’arrêt, soit dans les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). 58% des mineurs sont incarcérés en tant que prévenus et 42% en tant que condamnés.

 

• Près de 291 000 mineurs sont pris en charge au titre de l’enfance en danger ou de la protection des jeunes majeurs

– Près de 73 000 mineurs font l’objet d’un suivi par un service public ou associatif de la PJJ.

– Près de 212 500 mineurs sont confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ou au secteur privé à la charge financière des départements, dont près de 105 000 sont suivis par un éducateur intervenant auprès des familles ou dans l’environnement habituel des mineurs et près de 107 500 sont pris en charge dans des structures d’hébergement.

– Près de 5 500 jeunes majeurs sont suivis par des services public ou associatif de PJJ dans le cadre de la protection jeunes majeurs.

Au total, cela représente près de 452 000 mineurs et jeunes majeurs qui sont présentés à la justice et, pour 386 000 d’entre eux, pris en charge au titre des mineurs délinquants, de l’enfance en danger et de la protection des jeunes majeurs.

 

• 383 000 mineurs pris en charge chaque année par la justice

© DPJJ/SCoRE

Répartition des 170 500 mineurs pris en charge par les service de la PJJ en 2008

© DPJJ/SCoRE

 

• Délais de prise en charge des mineurs délinquants
De la notification judiciaire à la prise en charge par les services de la protection judiciaire de la jeunesse

– 15 jours pour les enquêtes avec intervention dans les familles.

17 jours pour un suivi de longue durée en milieu ouvert, dans la famille.

3 jours pour les investigations sans intervention dans les familles.

Moins de 1 jour pour les mineurs accueillis dans les établissements éducatifs ou en famille d'accueil.

Moins de 1 jour pour les mineurs accueillis en centres éducatifs avec contrôles de jour et de nuit.

 

• Récidive et réitération un an après le suivi

66% des mineurs qui font l'objet d'une décision pénale ne commettent pas de nouvelle infraction dans l'année qui suit.

© DPJJ/SCoRE

 

 

Sources :

Ministère de l'Intérieur : Institut national des hautes études de sécurité (INHES) & Observatoire national de la délinquance (OND)

Ministère de la Justice : Secrétariat général / Sous-direction de la statistique et des études

ONED : Observatoire national de l'enfance en danger

Exploitation et consolidation : Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) / Sous-direction du pilotage et de l'optimisation des moyens (SDPOM) / Bureau des systèmes d'information (BSI)

Voir chiffres clés 2007

 
Commentaire :
 
En fait et comme je l'analyse dans un récent article avec des termes il est vrai moins vifs (   http://www.espritcritique.fr/Dossiers/article.asp?t03code=133&varticle=esp1202article04&vrep=1202             ) la faillite des modèles explicatifs et des remèdes pédagogiques ne découragent pas mais au contraire semble exciter les études irréalistes cherchant coûte que coûte à relativiser en y voyant la réitération des violences juvéniles classiques genre blousons noirs sauf que ceci ne s'en prenaient guère à des jeunes issus des milieux populaires comme eux, on ne se volait pas entre ouvriers, ou encore les attaques des bus des pompiers des médecins n'étaient pas dominantes, et ce sans avoir besoin d'expliquer qu'ils étaient tenus par la présence forte du PCF dont l'effondrement a déclenché la montée des incivilités, car d'autres facteurs doivent être pris en compte tels la dérive nihiliste de certains cadres de référence dont la récente affaire Polanski-Mitterrand en est le fumet, sans négliger l'impact des médias, la culture "people", le refus d'intégration, l'éclatement des familles, leur tiraillement entre plusieurs systèmes de valeurs mis en équivalence par le relativisme normatif ambiant se hérissant à la moindre notion de renforcement de l'identité, de la solidarité culturelle ou du sentiment d'appartenance.

Nous en sommes là : plus la réalité se fissure et dément des modèles explicatifs ayant des râtés depuis plusieurs dizaines d'années, plus ces modèles persistent et signent, tels les sophismes d'un Muchielli, qui s'appuie d'ailleurs sur un Vincent Geisser pour étayer certaines de ses analyses… on voit alors le sérieux "scientifique" dans lequel nous baignons de plus en plus, un sérieux solidifié par une "com" il est vrai très bien faite puisque le tout sera relayé de radios en quotidiens en passant par les émissions TV adéquates. Bref, plus le réel s'effondre, plus seront au contraire médiatisées des explications tout à fait obsolètes mais qui, tels ces personnages de bandes dessinées continuant à marcher dans le vide alors qu'ils ont quitté depuis longtemps le bord du précipice, remplissent la même fonction en attendant la prochaine flambée etc… Il est vrai que ses pyromans seront ensuite invités à devenir les pompiers officiels qui s'afficheront sur les beaux calendriers des fêtes de Noël et du jour de l'An… Oh ! pardon ! je voulais dire des fêtes de fin d'année, ne "troublons" personne…

Lucien SA Oulahbib

https://en.wikipedia.org/wiki/Lucien-Samir_Oulahbib

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