29 mars 2024

Obama attaquera-t-il l’Iran dans les mois qui viennent ?

Faut-il s’attendre, dans les prochains mois, à une épreuve de forces américano-iranienne ? De nombreux analystes stratégiques le pensent. Le débat porte moins, désormais, sur l’opportunité d’un tel conflit, ou les risques qu’il implique, que sur les conditions dans lesquelles il pourrait se dérouler.
 
Ce qui donne plus de crédit à une option militaire, ce sont d’abord les faits en Iran même. Le régime de l’ayatollah Ali Khameinei et du président Mahmoud Ahmadinejad semble avoir perdu toute légitimité populaire depuis les élections controversées du printemps 2009. S’il conserve le pouvoir, c’est au prix d’une répression brutale. Abandonné par les classes moyennes depuis longtemps, il est désormais confronté à la défection des milieux d’affaires, les bazaris, à la désaffection des milieux populaires, frappés par de graves difficultés économiques, et même à la dissidence d’une partie du clergé chiite traditionnel. Un seul milieu lui reste fidèle : les Gardiens de la Révolution, qui sont à peu près, dans l’Iran du XXIe siècle, ce que furent les SS dans l’Allemagne hitlérienne et la police politique (NKVD puis KGB) en URSS.
 
Des foyers de résistance armée semblent se multiplier. Plusieurs régions seraient touchées par des guérillas. En octobre 2009, une partie de l’état-major  local des Gardiens de la Révolution a été anéanti dans un attentat au Baloutchistan, dans le sud-est du pays. Le 15 juillet 2010, un attentat a fait vingt morts au moins et plus de cent blessés à Zahedan, dans la même région. Début août, Ahmadinejad aurait échappé de justesse à un attentat à la grenade à Hamadan, dans l’ouest du pays.
 
Cette situation, selon les analystes, a deux conséquences. La probabilité d’un effondrement du régime sur lui-même semble plus forte que jamais. Mais également la probabilité que, se sentant de plus en plus fragile, le régime ne voie son salut que dans une sorte de « coup de poker » militaire de grande envergure. C’est le scénario qui a conduit le Japon à ses agressions des années 1937-1941, contre la Chine, les Etats-Unis, et accessoirement l’Empire britannique et les Pays-Bas. Ou Hitler et Mussolini, mutatis mutandi, à leurs propres agressions des années 1936-1941. Ou encore Saddam Hussein à ses agressions contre l’Iran en 1980, puis contre le Koweit en 1990.
 
Logiquement, la communauté internationale devrait intervenir maintenant. Pour tirer profit des difficultés internes du régime. Et pour l’empêcher de se livrer à des actes de désespoir aux conséquences incalculables.
 
Encore faut-il qu’une « communauté internationale » existe, et avalise cette intervention. Non pas au sens strictement juridique – Onu, Conseil de sécurité… – mais au sens géopolitique d’une convergence d’intérêts entre les principales puissances mondiales ou régionales. Jusqu’à ces derniers jours, celle-ci n’existait pas. La Russie et la Chine, chacune à sa façon, jouaient double jeu, et soutenaient l’Iran tout en feignant de le condamner sur certains points. Mais la Russie a été déstabilisée par le drame écologique qu’elle a subi cet été, qui a révélé, comme une sorte de « rappel » de la catastrophe de Tchernobyl, son archaïsme et ses fragilités. Et la Chine a constaté, au cours des derniers mois, que sa politique de plus en plus nationalise suscite la méfiance du reste de l’Asie et de l’Occident – c’est à dire des partenaires dont elle ne peut se passer si elle veut mener à bien son développement économique et technologique.
 
Enfin, il y a l’attitude des pays arabes, ou du moins des plus conservateurs d’entre eux, Egypte, Arabie Saoudite, pays du Golfe. Ceux-ci savent que si l’Iran acquiert l’arme atomique, c’en est fait de leur indépendance et peut-être de leur existence. Depuis un peu plus d’un an, ils ont commencé à soutenir tacitement Israël, tant dans sa lutte contre l’Iran que dans ses combats contre les auxiliaires de ce pays, notamment le Hezbollah libanais et le Hamas palestinien. Aujourd’hui, ils tiennent des propos presque explicites. Saïd Mashaal, le ministre égyptien des Industries de sécurité, affirmait fin août, selon le journal faisant autorité  A-Sharq al-Awsat , que les armes nucléaires iraniennes allaient « mettre en danger tout le Moyen-Orient, et non pas seulement Israël ». Il se félicitait également, selon la même source, de ce que « toutes les nations européennes, désormais cibles potentielles de l’Iran, ne pouvaient que prendre des mesures pour empêcher cette montée en puissance militaire ».
 
Le troisième facteur qui laisse présager une intervention américaine, c’est Barack Obama. Eliott Abrams, qui fut le principal conseiller stratégique de George W. Bush, et passe aujourd’hui pour le néoconservateur le plus influent des Etats-Unis, vient d’expliquer, dans le magazine The Atlantic, pourquoi le président actuel peut être amené à employer la force contre l’Iran. En un mot, les deux premières années de l’administration Obama se soldent  par un échec complet, tant sur le plan intérieur (la crise continue, les réformes n’ont pas convaincu) que sur le plan international (la politique d’ouverture à l’islam et au tiers-monde, hâtivement récompensée d’un prix Nobel de la paix l’année dernière, n’a pas eu le moindre résultat). Les élections de la mi-mandat (midterms), en novembre 2010, pourraient envoyer une majorité républicaine au Congrès. Si de surcroît Obama « perd » le Moyen-Orient – et son pétrole -, en permettant à l’Iran d’accéder au rang de puissance nucléaire, il aura été, tout simplement, le pire président de l’histoire américaine. L’homme qui a entrainé le plus grand pays de tous les temps vers le déclin.
 
Pour complexes que soient la personnalité d’Obama, et sa psychologie, il y a lieu de penser que le facteur communautaire y prime tous les autres. Et donc que le premier président noir américain ne peut se permettre, vis à vis de lui-même et de ses « frères d’âme » (soul brothers), cet échec absolu, que rien ne pourra laver.
 
L’Amérique attaquera-t-elle l’Iran en octobre ? Cela permettrait à Obama de redresser sa position et celle des démocrates au moment des midterms. Attaquera-t-il après ? Un Congrès républicain peut l’aider à mener une politique authentiquement bipartisane. Comme ce fut le cas avec un certain Bill Clinton, à partir de 1994.

 

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