Le « mouvement social » contre la réforme des retraites prend un tournant surprenant pour certains, prévisible pour d’autres. En effet, on connait assez bien les méthodes des syndicats enseignants les plus à gauche et le goût des élèves pour les sorties ludiques. Il semble donc que les grèves actuelles aient pris la forme de sorties pédagogiques non encadrées.
La manip n’est pas nouvelle, j’étais d’ailleurs encore élève à l’époque où les profs nous expliquaient l’intérêt d’aller manifester, précisant bien que de toute façon personne ne viendrait en cours… C’est que les jusqu’au-boutistes de la grève, quelque minoritaire qu’ils soient dans leur corps de métier, ont pour habitude de détourner à leur profit ce qu’il considèrent comme leur outil de travail : les cheminots bloquent les trains, les aiguilleurs du ciel les avions, les marins se mutinent et les profs « syndicalistes et unitaires » travaillent leurs élèves.
Évidemment, je n’écarte pas qu’il puisse se trouver des convaincus parmi les « apprenants », mais conviction n’est pas raison. En effet, les jeunes ont-ils bien saisi les véritables principes sur lesquels repose le système des retraites par répartition ? Savent-ils que les retraites d’aujourd’hui sont perçues à partir des écrasantes cotisations sociales des actifs. Que ces mêmes actifs, qu’ils soutiennent ou non la réforme, espèrent que les jeunes d’aujourd’hui paieront pour leur assurer leur retraite de demain ? Savent-ils surtout que les futurs salariés qu’ils sont cotiseront très probablement à fonds perdus ?
Oui à fonds perdus ! Car selon le Conseil d’Orientation des Retraites, le déficit de financement va dépasser cette année 30 milliards d’euros, et sans réforme il atteindra les 100 milliards d’euros dans 30 ans. Autrement dit, il sera insupportable, à moins d’augmenter pour les jeunes manifestants le montant des déjà très lourdes cotisations et de leur imposer d’ici là de travailler jusqu’à 75 ans. Je comprends qu’une tel avenir ne leur convienne pas, et que dans une telle perspective leur grève soit légitime.
Mais faudrait-il encore que leurs revendications soient révisées car leur lutte n’est pas celle des syndicats, mais celle d’en finir avec cette pyramide financière qui finira par s’écrouler. En effet, s’ils s’inquiètent de leur avenir alors il leur faut revendiquer le droit de cotiser pour eux-mêmes afin de choisir le montant de leurs cotisations et l’âge de leur retraite. Faute d’aller dans ce sens nos jeunes seront les dindons de la farce, une farce certes cocasse mais cruelle car ceux qui manifestent avec leurs profs le font contre leurs propres intérêts.