28 mars 2024

Les ‘Frères Musulmans’ réussiront-ils ?

L’auteur des livres à grand tirage « Infidèle » et «Nomade »,  Ayaan Hirsi Ali, examine les objectifs du groupe terroriste et trois facteurs travaillant en leur faveur :

" Comme des milliers de gens à travers le monde, j’ai fêté la capture et l’élimination  d’Oussama ben Laden. Il se réjouissait de tuer. Mais le meurtre de ben Laden n’est pas la fin d’al Qaïda. Et même si al Qaïda était totalement éliminée, le monde devrait encore s’occuper de la progéniture d’al Qaïda.
Ben Laden était beaucoup de choses, mais il n’était pas original. Il fut lui-même initié à la doctrine du jihad par le dernier théologien palestinien Abdullah Yussuf Azzam. De façon significative, avant qu’Azzam n’ait commencé d’enseigner à ben Laden et à d’autres en Arabie saoudite, il était membre des ‘Frères Musulmans’ palestiniens.
Contrairement à al Qaïda, les ‘Frères Musulmans’ ont évolué et appris durement que l’usage de la violence croisera une violence supérieure de la part des acteurs étatiques. La chose intelligente à faire, est-il désormais avéré, était d’être patient et d’investir un mouvement du bas vers le haut plutôt que dans une structure commando qui risquait d’être effacée par des forces plus puissantes. A côté de cela, l’approche graduelle a beaucoup plus de chances de conquérir le pouvoir d’Etat. Tout ce que Khomeiny a fait avant d’arriver au pouvoir en Iran était de prêcher les mérites d’une société fondée sur la loi islamique. Il ne s’est pas engagé dans le terrorisme. Le point notable est que combattre des terroristes violents n’est qu’une partie de la bataille ; peut-être la partie la plus facile. Le plus grand défi pourrait être de traiter avec les islamistes qui veulent jouer à un jeu à plus long terme.
En Occident, la mort ignominieuse de ben Laden dans un lieu caché pakistanais a été souvent comparée aux protestations de masse qui se sont étendues au Moyen Orient dans les mois récents. Les décideurs politiques et les commentateurs en ont tiré la conclusion que le Printemps Arabe a triomphé du jihadisme, plaçant la région sur une autoroute vers la démocratie. Voilà une conclusion trop hâtive. Prenons l’exemple de l’Egypte.
Quelle est au juste la probabilité pour que l’Egypte finisse – après l’inévitable période de transition – par être dirigée indirectement ou directement par les ‘Frères Musulmans’ ?

TROIS FACTEURS

La réponse dépend de la combinaison de trois facteurs – deux intérieurs et un extérieur :
1. La force des ‘Frères’ avec l’armée égyptienne, qui est encore en charge du pays ;
2. L’absence d’un rival laïc redoutable en Egypte ;
3. La volonté de l’Amérique et de ses alliés de sous-estimer les ambitions et les capacités politiques des ‘Frères Musulmans’.
Pour le moment, il semble que les trois facteurs travaillent tous en faveur des ‘Frères Musulmans’.
Ne vous méprenez pas : Les ‘Frères’ travaillent à réaliser la vision résumée dans leur slogan : « Allah est notre objectif ; le prophète est notre chef ; le coran est notre loi ; le jihad est notre voie ; mourir dans la voie d’Allah est notre plus grand espoir ».
Des séries d’objectifs concrets dérivées de ce slogan étaient disponibles sur leur site Internet, bien que cela ne soit plus (peut-être sans surprise) disponible actuellement. Heureusement, certains des contenus ont été republiés sur : http://mideastweb.org
 
UN COUP D’OEIL PLUS SERRE AUX OBJECTIFS DES ‘FRERES MUSULMANS’Parmi les « sous objectifs » des ‘Frères Musulmans’ :
Construire l’individu musulman… avec un corps fort, de bonnes manières, une pensée cultivée, la capacité de gagner se vie, une foi forte, un culte correct, la conscience du temps, du bien-être des autres, d’être organisé, et une personnalité qui se combat ;
Construire la famille musulmane : choisir une bonne femme ou un bon mari, éduquer les enfants islamiquement ;
Construire la société islamique ;
Construire le ‘Califat’ (forme d’union entre tous les Etats Islamiques) ;
Dominer le monde par l’islam.
C’est vrai, les dirigeants de ‘Frères’ ont insisté pour dire qu’ils sont engagés dans la démocratie et le respect de la loi. Mais ils donneront une tour idiosyncrasique à ces engagements.
Je m’attends à ce qu’ils établissent un ordre politique fondé sur la version sunnite de l’Etat islamique. Basé sur les leçons apprises de leurs frères islamistes ailleurs, ils chercheront à établir un ordre politique fondé sur la shariah, ou loi islamique. Cela comprendra un système judiciaire que ne remet pas en question mais applique seulement la loi de la shariah, une politique de « vertu et de vice » pour mettre en oeuvre le style de vie de la sharia et une éducation et une information qui cherchent à endoctriner la jeunesse et à construire « l’individu musulman ».
Un département d’Etat ou le califat chercheront à établir et à nourrir des relations avec des alliés tout en pressant ces alliés d’entreprendre une action conjointe économique, diplomatique et militaire contre les adversaires perçus. L’Organisation de la Conférence Islamique en est un exemple. Et remarquez le rôle dirigeant récent que le gouvernement égyptien par intérim a pris dans la réunification du Hamas et du Fatah tout en excluant les USA et Israël de ces activités.
Comment un tel ordre politique en Egypte affectera-t-il les affaires intérieures et extérieures ?

A L’INTERIEUR  
De manière à construire “l’individu musulman”, les ‘Frères Musulmans’ prendront le contrôle des institutions d’éducation, depuis le stade préscolaire jusqu’à l’université ; ils établiront un parcours d’endoctrinement conçu pour instiller la soumission et la loyauté au régime, plutôt que les besoins éducatifs dont une économie moderne a besoin  pour être productive et concurrentielle dans une économie mondialisée. Les diplômés d’un tel système éducatif seront non seulement limités dans leur capacité à réaliser des affaires prospères ; mais la plupart seront plus ou moins inemployables.
De façon à « construire la famille islamique », nous verrons l’introduction et l’application d’une législation (mariage, divorce et héritage) qui dépouille les femmes de leurs droits ; leur liberté de mouvement sera limitée au foyer et à une série d’occupations comme l’enseignement, les soins de médecine et d’autres occupations dédiées au seul genre féminin. Le pouvoir discrétionnaire du gardien mâle sur ses parentes femelles deviendra absolu. L’âge du mariage sera abaissé pour les filles au moment de leur première menstruation. Flagellation et lapidation seront la norme pour les allégations de violations des sensibilités sexuelles islamiques, ce qui signifiera une existence de terreur perpétuelle pour les femmes et les homosexuel(le)s.
Pour « construire la société musulmane », les libertés fondamentales comme la liberté de conscience, d’expression, de la presse et d’association seront lourdement entravées pour les dissidents, les modérés et en particulier les minorités religieuses. En Egypte, la plus grande minorité religieuse est la communauté des Chrétiens coptes. Ils sont déjà victimes de discrimination, d’intimidation et d’attaques terroristes occasionnelles. Sous le gouvernement des ‘Frères Musulmans’, la répression empirera. Certains se convertiront à l’islam pour survivre ; davantage encore s’enfuiront. Dans le pire des cas, le destin des Coptes pourrait ressembler à celui de la minorité chrétienne au Darfour.

A L’ETRANGER
Pour « construire l’Etat islamique » (la ‘oumma’), les relations s’amélioreront à court terme avec le Hamas, le régime de l’Iran, le Hezbollah et la Turquie. On dépensera de l’argent pour renforcer d’autres organisations islamistes, en créant des alliances régionales, le but ultime étant, bien sûr, d’éliminer Israël. Le traité de paix avec Israël sera soit graduellement grignoté, ou bien on provoquera une guerre avec Israël. Un gouvernement des ‘Frères Musulmans’ oeuvrera aussi au sein de l’Organisation de la Conférence Islamique pour affaiblir les chefs et les régimes d’Etats membres qui ne partagent pas la vision islamiste.

ARABIE SAOUDIE COMPAREE A L’EGYPTE
L’objet intéressant à observer soigneusement, ce seront les nouvelles relations de l’Egypte avec l’Arabie saoudite. Pour l’Occident, le royaume d’Arabie saoudite est un lieu qui détient les plus grosses réserves mondiales de pétrole. Pour les islamistes qui rêvent d’un califat musulman, l’Arabie saoudite est le lieu des deux pèlerinages sacrés de l’islam. Les ‘Frères Musulmans’ et leurs alliés oeuvreront à la prise de contrôle du Hedjaz (La Mecque et Médine) ; s’ils réalisent ce rêve, le pétrole sera un simple bonus.
Les ‘Frères Musulmans’ considèrent la monarchie saoudienne comme décadente, hypocrite et traître à l’islam. Dans les mois à venir, nous assisterons à une danse du pouvoir dans la Maison des Saoud et les ‘Frères’ chercheront à déjouer les plans des uns et des autres.
Les perspectives, en résumé, d’un gouvernement égyptien dominé par les ‘Frères Musulmans’ sont aussi alarmantes que les perspectives d’un gouvernement français dominé par les Jacobins au début des années 1790.
La répression à l’intérieur provoquera des violations des droits de l’homme, une crise économique et un exode de réfugiés, en commençant par ceux qui ont de l’argent et un niveau raisonnable d’éducation, en approfondissant la pauvreté de l’Egypte et en déstabilisant la région et peut-être même l’Europe. Un conflit croissant avec Israël pourrait conduire à la guerre.  
Pour toutes ces raisons, les décideurs politiques occidentaux devraient être excessivement circonspects quant à l’influence des jihadistes graduels sur les évènements qui se déploient maintenant en Egypte et dans le reste du Moyen Orient. Ben Laden est mort. Al Qaïda peut bien le suivre bientôt dans la tombe. Mais la doctrine du jihad survit ".


 http://www.jewishworldreview.com/0511/osama_muslim_brotherhood.php3

Adaptation française de Sentinelle 5771 ©

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