26 janvier 2025

Ce que dit Nafissatou Diallo est désormais accessible

Loin de toute approximation, voire déformation, ce que dit la femme de chambre du Sofitel est désormais accessible. On aura dit tout et n'importe quoi de Nafissatou Diallo qui ne s'était pas exprimée publiquement jusqu'ici. Voilà chose faite. Elle accordé une interview au magazine Newsweek et à la chaîne de télévision ABC News.  Interviews accompagnées de commentaires journalistiques sérieux s'appuyant sur des faits et non pas des ragots ou rumeurs. Même si, déjà, une radio tronquait ici en rapportant une partie seulement d'un de ces commentaires, ou donnait la parole à un « profiler » la traitant de menteuse, déformant ainsi totalement l'information dans un sens préjudiciable à la jeune femme…

On avait donné son nom dès le départ en France.pas aux États-Unis. Aujourd'hui son nom y est révélé et on a non seulement son image, dans une interview écrite publiée par le magazine américain Newsweek mais également une interview télévisée diffusée par la chaîne ABC News http://abcnews.go.com/Politics/dominique-strauss-kahn-accuser-tells-story-exclusive-abc/story?id=14148298 .

Son récit de ce qui s'est passé dans cette suite dite « présidentielle » du Sofitel de New York semble corroboré par des constats faits par des médecins qui l'ont examinée 5 heures après que l'agression supposée ait eu lieu : « rougeur » là où elle dit avoir été attrapée avec force, – et il y a ce collant déchiré- et cette déchirure partielle d'un ligament dans l'épaule constatée alors et des semaines plus tard. Puisque, dit-elle, il y a eu lutte et elle s'est dégagée.

Et puis il y a ces traces de sperme de son agresseur supposé, mêlés à sa salive… ce qu'elle a appelé « quelque chose de mouillé et d'aigre » qu'elle a senti dans sa bouche…puis craché ici et là.

 

Il y a aussi une responsable qui l'a trouvée, « bouleversée et secouée » et à qui elle demande tout de go : « si quelqu'un essaie de vous violer pendant qu'on travaille, qu'est-ce qu'on fait ? »

 

Dans l'interview elle dit et répète sa peur, et sons souci : ne pas perdre son travail. Un leitmotiv dans ce qu'elle dit. Un travail dont elle est fière, un poste inespéré – elle ne sait ni lire ni écrire -, payé 25 $ de l'heure avec d'éventuels pourboires. http://www.newsweek.com/2011/07/24/dsk-maid-tells-of-her-alleged-rape-by-strauss-kahn-exclusive.html

 

Certes ses larmes ont pu paraître parfois forcées aux journalistes qui l'ont interviewée – un exercice auquel elle elle est loin d'être habituée, cette femme simple-, et cela a été relevé ici, bien entendu. Mais ce qui ne l'a pas été c'est l'émotion de l'un de ces journalistes devant la ferveur dont elle parle de son travail, comme tant d'autres personnes un peu en marge de la société le feraient, et sa peur constante de perdre cet emploi.

http://abcnews.go.com/Politics/dominique-strauss-kahn-accuser-tells-story-exclusive-abc/story?id=14148298

 

Elle ne l'a pas frappé disent ceux qui ne la croient pas ? Non. Elle ne voulait pas lui faire mal, dit-elle. Et on imagine que, habituée à traiter les hôtes appartenant forcément à une classe sociale considérée comme bien « supérieure » avec respect – elle l'aurait appelée « Sir », même si, dit-elle elle n'avait alors aucune idée de qui il était  – elle n'a pu se départir de ce respect dû si elle a été attaquée d'une manière si inattendue et fulgurante…Cela n'aurait d'ailleurs, duré que 15 minutes, tout au plus…

Les journalistes chevronnés de Newsweek et The Daily Beast – l'un, Christopher Dickey, est Chef de bureau pour les deux magazines à Paris, rédacteur en chef pour le Moyen-Orient, l'autre, John Solomon est rédacteur en chef pour les nouvelles et enquêtes –  publient par ailleurs un déroulé minuté de l'affaire http://www.thedailybeast.com/articles/2011/07/24/dominique-strauss-kahn-case-timeline-key-events.html

 

Si elle fait état de sa peur et de son désarroi lorsqu'elle s'est retrouvée à l'extérieur, après avoir abondamment recraché puis fui, dit-elle, elle nie avoir changé le récit de ce qui a suivi. Et dit avoir tenté de continuer à travailler comme si rien ne s'était passé : il lui restait des chambres à faire et elle ne pouvait pas se mettre en tort en ne finissant pas son travail et perdre ainsi « son étage »….mais elle était en plein désarroi…

 

Et elle ne s'attarde pas sur sa vie antérieure, sur sa demande d'asile. Sans doute n'a-t-elle pas dit toute la vérité alors. Mais, comme le notait une journaliste ayant enquêté sur ces demandes de visa : parfois des initiés qui connaissent le système donnent à ces candidats un script à apprendre par cœur, un sésame leur garantissant l'obtention du visa tant espéré, alors qu'en réalité leur vie a été bien plus difficile … »http://www.thedailybeast.com/articles/2011/07/07/dominique-strauss-kahn-accuser-why-lying-on-asylum-filing-doesn-t-mean-she-s-a-liar.html D'ailleurs, dans son cas, étant donné qu'elle a été excisée lorsqu'elle était enfant – ce que confirment les médecins qui l'ont examinée – elle aurait pu bénéficier d'un visa sans avoir à déformer la réalité, puisqu'il semble qu'elle l'ait fait et c'est le bureau du Procureur qui le dit. Ce qui l'a poussé à vouloir poursuivre son enquête et ne pas s'opposer à ce que l'accusé soit relâché sans caution mais sans toutefois pouvoir quitter les États-Unis.

 

Quant aux milliers de dollars qui auraient été retrouvés sur son compte, elle affirme qu'elle n'a jamais reçu un centime mais que celui qu'elle prenait pour un ami, le neveu d'un de ses premiers employeurs aux États-Unis, actuellement en prison en Arizona et en attende d'expulsion, a dû utiliser son compte bancaire. Tout au plus lui a-t-il donné quelques sacs, des faux, l'une de ses spécialités…

 

Certes, elle a ou aurait fraudé le fisc…Mais, pour les journalistes de Newsweek, même si elle a vécu quelque peu en marge et a fréquenté des personnages douteux, ou ait deux ou trois choses à se reprocher, cela « n'exclut pas qu'elle ait été  la victime d'un prédateur, homme puissant, » ni « qu'elle cherche à tirer profit de la situation. »

 

Ce que lui reprochent justement les avocats de Dominique Strauss-Kahn qui décrivent les manifestations en sa faveur et ces interviews comme « un cirque inconvenant » alors que, selon eux, le Procureur va sans doute abandonner les poursuites, ce qui lui enlèverait, semble-t-il, toute chance d'obtenir des dommages et intérêts dans un procès civil http://abcnews.go.com/images/GMA/2011-07-24%20STATEMENT%20BY%20WILLIAM%20W.pdf

 

Encore que, par exemple, si O.J. Simpson, accusé du meurtre de son épouse, avait été blanchi dans un procès intenté par un Procureur, il n'en avait pas été de même dans un procès civil…

 

Newsweek souligne que la version de Dominique Strauss-Kahn de qui s'est passé n'a jamais été donnée  et qu'il « s'abrite derrière des avocats et des enquêteurs éminemment habiles. » Et si, compte tenu des preuves matérielles, ils ne peuvent nier qu'il y ait eu « une rencontre de nature sexuelle », ils n'en ont rien dit publiquement, laissant les journalistes et autres commentateurs imaginer ce qu'il en a pu être…

 

Ce qui a poussé certains à l'accuser d'être une prostituée, ce qu'elle nie avec énergie et colère…Ses avocats ont d'ailleurs porté plainte contre un magazine qui a porté cette accusation contre elle. Ceci justifiant, selon elle, qu'elle veuille le voir en prison.

 

Et Newsweek de rappeler « les antécédents » de l'accusé ou le fait que le Bureau du procureur de New York a entrepris des démarches pour interroger Tristane Banon qui a récemment déposé plainte contre Dominique Strauss-Kahn en France.

 

Ici, sur Europe1, le 26 juillet, la parole est donnée à un « profiler » qui dissèque les gestes de cette femme, qui n'a aucune habitude d'être filmée ou interviewée, rappelons-le, lors de cet entretien et en conclut sans appel : « cette femme est une menteuse » ou affirme de manière péremptoire qu'elle est très active sexuellement à cause du balancer de sa marche, ou encore – et qu'est-ce que cela a à faire avec ses gestes – que ce n'est pas sérieux de penser que c'est une femme de chambre innocente étant donné qu'elle a un ami en prison…On se demande si ce type « d'analyse » à l'emporte pièce est, lui, suffisamment sérieux pour être ainsi livré comme étant irréfutable.

 

Hélène Keller-Lind

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