Michel Rocard a effectué un rapide voyage en Iran. C’était juste après le deuxième tour.
Personne n’a jamais vraiment su qui lui en avait donné l’ordre.
Mais l’ancien Premier ministre a pris l’habitude de se passer de l’autorisation de ses pairs, sauf quand il s’agit de missions rémunérées, bien entendu.
Il en est revenu juste à temps pour participer au repas offert par le nouveau Président aux anciens premiers ministres socialistes dans le palais de l’Elysée.
Le timing était parfait.
A cette occasion, il a assuré que les responsables de la dictature iranienne étaient revenus à de meilleurs sentiments. C’était il y a une semaine, le 15 mai 2012.
Michel Rocard a été reçu par le chef de la diplomatie iranienne, Ali Akbar Salehi. Le lendemain, il s'entretenait avec le négociateur pour le dossier nucléaire, Saïd Jalili – secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale et proche du guide de la République islamique.
Puis, la même journée, c'était au tour du président de la commission des affaires étrangères du Parlement, Alaeddin Boroujerdi.
Mais il semblerait que l’ancien Premier ministre n’ait pas rencontré les bons interlocuteurs lors de son voyage.
Il faut dire que cette petite excursion – bien embarrassante pour le nouveau Président français – a été accomplie dans la plus grande précipitation. Il n’avait peut-être pas le bon interprète avec lui.
Ou alors, autre hypothèse bien peu vraisemblable, il aurait omis de parler d’Israël lorsqu’il discutait de l’arme atomique avec ses hôtes.
Funeste distraction
Michel Rocard n’a notamment pas rencontré le chef d'état-major des forces armées iraniennes, le général Hassan Firouzabadi.
Celui-ci vient de déclarer aujourd’hui que la nation iranienne restera engagée jusqu’à l'anéantissement complet du régime sioniste d'Israël.
S'adressant à son comité de défense réuni à Téhéran ce dimanche, le général a déclaré : « La nation iranienne est toute entière dévouée à une seule cause qui est l'anéantissement total d'Israël ».
Le haut gradé militaire a rappelé que le leader suprême iranien considère la défense de la Palestine comme un devoir religieux et affirmé que tout gouvernement issu d’une autre nation que le peuple palestinien est une usurpation.
Déjà, en février dernier, l'ayatollah Khamenei avait confirmé les propos tenus par Ahmadinejad depuis des années : « A l’avenir, nous allons soutenir et aider tout ceux qui s'opposent au régime sioniste ».
'Le régime sioniste est une tumeur cancéreuse qui doit être coupée et qui sera coupée, si Dieu le veut».
Les analystes politiques, tous entièrement consacrés au retour du PS aux affaires, ont passé sous silence cette incroyable mission de l’ancien Premier ministre.
Nul ne sait encore s’il conservera ses prérogatives concernant sa mission pour les pôles Arctique et Antarctique.
Michel Rocard aurait peut-être aimé obtenir la place de Laurent Fabius au Quai d’Orsay.
Mais il serait plus sage, au moment même où l’on promet aux Français la retraite à 60 ans, qu’il obtienne le droit de se reposer.
Car se faire à ce point rouler dans la farine et donner une légitimité aux propos de généraux incendiaires et d’enturbannés maladifs est irresponsable de la part d’un homme ayant exercé les plus hautes fonctions.
Nouvelle politique ?
Il est encore trop tôt pour deviner quelle va être la nouvelle politique de la France à l’égard des pays arabes et surtout du Moyen-Orient.
Mais avec Laurent Fabius, cela ne devrait être totalement différent de ce que pratiquaient déjà Védrines, Jospin, Villepin et autres moins flamboyants tel Douste-Blazy, au hasard.
La politique étrangère de la France entre dans une période d’incohérence durant laquelle le moindre faux-pas pourrait se révéler désastreux.
Cela ne mettra pas en cause la survie à court terme de notre pays et c'est un fait rassurant.
Déjà, François Hollande a promis le retour d’Afghanistan de l’armée française dès 2012. Cela est absolument impossible, ne serait-ce que sur le plan technique.
De plus, comme le souligne avec pertinence Jean-Sylvestre Mongrenier, c'est encore un peu tôt (Le Temps, 18 mai 2012) : 'les objectifs sont mieux circonscrits et ils semblent à portée, pour autant que les calculs domestiques et le «chacun pour soi» ne transforment pas ce redéploiement en fuite honteuse'.
Rapatrier trois mille hommes en 6 mois est dans l’ordre du réalisable. Mais il en va tout autrement du matériel.
Rasmussen, secrétaire général de l'Otan, vient de répéter, peu avant l'ouverture du sommet de l'Otan à Chicago, que ce retrait d'Afghanistan n’aurait pas lieu, malgré la décision de la France d'accélérer le départ de ses troupes.
Il est facile pour la France de croire en des promesses de campagne. Et puis, l’Afghanistan est tellement loin.
Une autre démocratie, elle, paierait très cher le fait de ne pas prendre au sérieux les menaces des théocrates iraniens.
Plus que jamais, Israël est seul.
Son gouvernement, désormais resserré depuis la nomination de Shaül Mofaz, de Kadima, se tient sur le pied de guerre.
Frappera-t-il ? Bien malin celui qui peut le dire aujourd'hui avec certitude.