L’information qui fait les titres des journaux israéliens ce matin sera peut-être reprise en page intérieure par certains médias internationaux, mais il est plus probable qu’elle passera à la trappe, comme tout ce qui tend à donner un visage humain aux dirigeants et à la société israélienne. Pourtant, plus encore qu’elle ne nous apprend sur la désinformation et le mensonge permanent des médias occidentaux concernant Israël, cette information doit nous faire réfléchir sur la psychologie de nos ennemis et sur l’asymétrie fondamentale du conflit qui nous oppose à nos voisins. Loin de vouloir faire l’éloge d’Israël, en « démontrant » une fois de plus combien nous sommes humains et nos ennemis inhumains, je prétends affirmer ici que notre humanité débordante est un défaut et une faille dans notre cuirasse, que nos ennemis savent exploiter pour nous affaiblir.
On ne sait pas encore qui a permis que la petite-fille du chef du Hamas soit traitée en Israël – est-ce la décision d’un officier de Tsahal sur le terrain, ou d’un haut-gradé, voire de l’échelon politique – mais une chose est certaine : cette décision repose sur un présupposé d’humanité, qui est totalement faux ! Elle fait l’hypothèse que nos ennemis sont des hommes comme nous et qu’en leur montrant un visage d’hommes, nous les inciterons à dévoiler eux aussi leur humanité. Or c’est, hélas, le contraire qui est vrai… Plus nous sommes enclins à faire preuve d’humanité avec eux, plus ils se jouent de nous et se montrent cruels. Cette vérité éternelle avait déjà été énoncée par nos Sages dans le Talmud : « Celui qui a pitié des méchants, finit par se montrer cruel envers les justes… »
Le peuple qui vit à Sion a éprouvé dans sa chair la réalité tragique de cet adage, lorsque le gouvernement Sharon, voulant mettre fin à la « cruelle occupation de Gaza », a fait preuve de l’inhumanité la plus flagrante envers les Justes qui peuplaient les yichouvim du Goush Katif. Dans un petit article écrit au lendemain du terrible attentat d’Itamar, j’écrivais ces lignes qui demeurent aussi actuelles aujourd’hui qu’hier : « Nos ennemis ne changeront pas. C’est donc à nous de changer ! Cessons de nous comporter en modèles d’humanisme, en agneaux dans un monde de loups. Devenons une fois pour toutes, comme l’exigeait Jabotinsky, une ‘race fière et cruelle’. Cessons de vouloir faire de Tsahal l’armée “la plus morale du monde” et contentons-nous d’en faire l’armée la plus efficace pour défendre notre pays contre ses ennemis ! »
Cela est d’autant plus vrai s’agissant du Hamas, mouvement islamiste apocalyptique, qui a montré lors de l’affaire Shalit comment il savait utiliser notre faiblesse de société occidentale et juive qui sanctifie la vie, alors qu’il sanctifie la mort et ceux qui la sèment… Les dernières décisions du gouvernement Nétanyahou – libération d’assassins en échange de rien et proclamation répétée du slogan mensonger de « deux Etats pour deux peuples » – illustrent l’incapacité d’Israël à comprendre la nature réelle du conflit et la psychologie de nos ennemis. Un an après l’opération avortée « Colonne de nuée », menée par Tsahal contre le Hamas à Gaza, et alors que ce dernier se prépare activement au prochain round contre Israël, l’heure n’est pas aux marques d’humanité envers le Hamas, ses dirigeants et leurs familles, mais au renforcement de notre capacité de résistance et de contre-offensive.
"Comme Samson dans la Bible – écrivais-je dans ces colonnes il y a un an tout juste – Israël est un géant théoriquement capable d’anéantir ses ennemis, mais dont la force est neutralisée, pour des raisons essentiellement politiques et psychologiques. Notre peuple est incroyablement fort, et il a fait montre pendant la semaine de guerre (de l’opération Colonne de nuée) d’une admirable capacité de résistance sous les missiles, dont aucun autre peuple n’a donné d’exemple depuis le Blitz sur Londres… Mais notre État et ses dirigeants, eux, font souvent preuve d’une grande faiblesse et d’une impuissance tragique, et la réussite relative du système Dôme d’acier parvient difficilement à masquer l’incapacité de Tsahal à empêcher que l’arrière devienne le front et que les civils se trouvent aujourd’hui en première ligne, d’Ashqélon à Rishon-le-Tsion.
Cet échec incommensurable interroge les fondements mêmes du projet sioniste, tel qu’il a été formulé par l’un des plus grands théoriciens de la Renaissance nationale juive, Zeev Jabotinsky, dans son article fameux « La muraille d’acier » (Kir Habarzel), qui préfigurait la doctrine stratégique de Tsahal avant même la proclamation de l’Etat d’Israël. Or « Kipat Barzel » n’est pas la continuation du « Kir Habarzel », mais il en est la négation ! Car au lieu de dissuader nos ennemis, nous les avons laissés nous terroriser et nous faire vivre dans une permanente insécurité.
La capacité de dissuasion de Tsahal a été gravement atteinte ces dernières années, au Nord avec la fuite déguisée en « retrait » du Liban ordonnée par Ehoud Barak, et au Sud avec le crime inexpiable commis par Ariel Sharon, dans les ruines du Goush Katif. Pour la restaurer un jour, il faudra reconquérir la bande de Gaza et rétablir la souveraineté israélienne de la Mer au Jourdain (et plus tard, peut-être, sur les deux rives du Jourdain !). En attendant ce jour, nous pouvons seulement nous défendre, comme Samson enchaîné, par des coups d’éventail contre les piqûres de guêpe de notre ennemi, au lieu de nous dresser de toute notre stature pour l’écraser et l’anéantir".
Je n’ai rien à retirer de ces lignes écrites il y a un an. J’ajouterai simplement que le geste d’humanité accompli par Israël en soignant la petite fille d’un de nos pires ennemis sera interprété comme un nouveau signe de faiblesse et ne nous apportera pas la moindre reconnaissance.
NB Je dédicacerai mon dernier livre, Jour de Sharav à Jérusalem, ce soir à 20h00 à l’Espace Dix, 10 rue Bershéva à Jérusalem (Nahlaot).
Une réflexion sur « Un hôpital en Israël soigne la petite-fille du leader du Hamas »