29 mars 2024

La mort de Nemtsov pour « tuer » Poutine ?

— « Poutine m’a tuer ». « Je suis Nemtsov ». Voilà les slogans à la con, inventés par des journaleux hexagonaux, par de médiocres écrivassiers raie-publicains, par cette valetaille pseudo-intellectuelle parisienne totalement inculte, à propos de l’assassinat de Nemtsov. Le mec s’est fait descendre à quelques mètres du Kremlin. Alors, forcément, c’est le sniper Poutine qui l’a dézingué.

Nemtsov ? Un illustre inconnu pour 99% des journalistes d’aujourd’hui ; pour ceux-là même qui – évidemment – savent que l’assassin réside au Kremlin, poil aux mains. L’opinion publique occidentale, du moins la génération actuelle, entend parler de Nemtsov pour la première, la seule et la dernière fois. Vivant, Nemtsov était inconnu en Occident, sauf pour ceux qui ont connu l’ère Eltsine (ça fait un bail tout de même…). Mort, Nemtsov devient un héros international. Vous verrez : on va lui décerner le Prix Nobel de la Paix à titre posthume.

Au fait, à qui profite le crime ? Poutine l’aurait fait liquider aux abords du Kremlin pour que l’on sache que c’est bien lui, Poutine-le-nase, le tueur ? Juste comme ça ? Parce que Nemtsov, c’était un opposant ? Et si c’était faux ? Le moins que l’on puisse dire, c’est que Nemtsov-le-mort est infiniment plus encombrant pour Poutine que Nemtsov-le-vivant. J’avoue qu’en ce qui me concerne, dans le cadre du conflit russo-ukrainien (nous y voilà…), la mort de Nemtsov arrange bien les dirigeants de Kiev.

Etrange d’ailleurs, cette manie occidentale (obamollandique) de penser que les Russes sont tous des mafieux complètement bourrés, dès neuf heures du matin ; et que les Ukrainiens sont tous des enfants de chœur vierges et sobres. L’Ukraine est infestée de mafieux. Les services secrets ukrainiens sont aussi néo-soviétiques que le sont les services secrets russes. Si l’on veut aggraver le conflit russo-ukrainien, si l’on veut qu’il dégénère en guerre euro-russe, si l’on veut restaurer à la fois la Guerre froide et la Seconde Guerre mondiale à l’échelle de l’Europe, alors oui, assassiner ce Nemtsov ou un autre Nemtsov, c’est une bonne idée.

Mais est-ce vraiment Poutine qui veut restaurer à la fois la Guerre froide et la Seconde Guerre mondiale à l’échelle de l’Europe ? Et si Poutine voulait simplement que les « russophones » d’Ukraine (en fait des Russes) réintègrent la Russie ? Et si c’était Obama qui voulait restaurer à la fois la Guerre froide et la Seconde Guerre mondiale à l’échelle de l’Europe ?

Obama n’aime pas son propre pays, les USA. Alors pourquoi aimerait-il l’Union européenne ou la Russie ? Obama est vexé de ne pas être le maître absolu au Congrès américain. Et son comportement actuel est celui d’un président qui, avant de dégager, veut saborder au maximum son pays en particulier et l’Occident en général (le désir imbécile de vouloir intégrer l’Ukraine à l’Union Européenne et à l’OTAN est, en effet, un excellent moyen de provoquer la Russie et donc de risquer une guerre euro-russe).

Complot ? Certes, Poutine a la formation nécessaire pour fomenter des complots. Certes, Obama ne l’a pas (quoi que, ancien gouverneur de l’Illinois, avec Chicago pour capitale…). Obama est un homme humilié par l’échec de ses deux mandats présidentiels. Obama soutient l’islam et Obama soutient l’Ukraine. Obama n’est pas « pour » quelque chose. Obama est « contre » quelque chose. Et comme il est « contre », alors, forcément, les contradictions ne l’étouffent pas. Soutenir à la fois l’islam sunnite, l’Iran chiite nucléarisé et l’Ukraine : où est la cohérence d’Obama ?

Il n’y a pas de cohérence chez l’islamo-gauchiste Obama. Il n’y a que des incohérences. Et ces incohérences n’ont qu’un seul objectif : détruire tout ce qu’il n’aime pas. Nemtsov, dans tout ça, ce n’est qu’une particule morte instrumentalisée – par le clan obamique et par la nomenklatura européiste – contre la Russie. Oui, vraiment, si c’était Poutine qui avait fait assassiner Nemtsov, alors Poutine serait soudain devenu un stratège de dernière catégorie, ce dont, personnellement, je doute.

Ci-dessous, je publie quatre points de vue qui ne participent pas au concert unanime en faveur de Nemtsov et en défaveur de Poutine. Chacune et chacun reste libre de croire ce qu’il veut. Mais, au moins, sur Lesobservateurs.ch, les contributeurs ont la possibilité de publier des points de vue qui ne s’alignent pas systématiquement sur la version dite officielle…

Le point de vue de Dominique Jamet

Dans le Figaro, Dominique Jamet écrit notamment : Faisons donc rapidement et sans parti pris le tour des diverses hypothèses sur lesquelles devraient normalement travailler des enquêteurs qui ne prétendraient pas détenir avant de l’avoir abordée le mot de l’énigme qu’ils ont à résoudre. Un drame de la jalousie ? Pourquoi pas, encore que le modus operandi oriente plutôt vers des professionnels, mais ceux-ci peuvent parfaitement avoir été recrutés et payés. Un règlement de comptes, sur fond de trafics louches et d’accointances mafieuses ? Ceci ne paraît d’aucune manière correspondre à la personnalité de Nemtsov qui avait choisi une voie où il n’y a rien à gagner. Un attentat islamiste, puisque l’ancien vice-Premier ministre avait dit sa solidarité avec les journalistes de Charlie ? Ce serait le premier du genre en Russie. Un coup des services secrets occidentaux – américains – qui l’auraient monté pour discréditer le président russe.

Le coup en question serait particulièrement tordu, ce qui n’est pas une raison pour en éliminer la possibilité, mais qui peut imaginer, si c’était le cas, que les services russes ne remonteraient pas à la source et n’en feraient pas, à juste titre, un scandale d’ampleur mondiale ? Alors, Poutine ? Le passé et le caractère de l’ancien officier du KGB sont tels qu’il n’hésiterait certainement pas plus qu’un Richelieu, un Bismarck ou un Churchill à ordonner ou à couvrir une opération de ce type, s’il la jugeait nécessaire au bien de l’État. Mais trois objections majeures surgissent aussitôt. Jamais, jusqu’ici, le locataire du Kremlin n’a eu recours à ce genre de méthodes contre un opposant politique non violent. Ce serait un tournant dramatique dans la vie et le parcours de M. Poutine. L’activité et la popularité de Boris Nemtsov constituaient-elles une menace pour le président russe ? En aucune manière.

Le rapport sur lequel travaillait, dit-on, Boris Nemtsov, était-il une bombe ? Aurait-il confirmé l’implication de la Russie dans la guerre civile ukrainienne, la révélation de ce secret de Polichinelle n’aurait surpris personne. Si l’on cherche à qui profitait le crime, on ne voit pas l’intérêt qu’aurait Vladimir Poutine, en prenant le risque de jeter la suspicion et l’opprobre sur sa personne, son pouvoir et son pays, à se tirer, métaphoriquement, une balle dans le pied. Qu’en revanche, dans le climat de violence verbale et physique qu’a déclenché le conflit ukrainien, sous le martèlement incessant d’une propagande sans nuances qui décrit et dénonce comme des traîtres à la patrie, vendus à l’étranger, ceux qui condamnent le soutien apporté par Moscou aux séparatistes du Donbass, un individu ou un groupe d’individus liés à ceux-ci et aux innombrables groupes alcoolo-néandertalo-patriotiques qui sévissent dans le pays aient décidé de châtier le traître Nemtsov serait assez dans l’ordre des choses.

Le point de vue d’Irina de Chikoff

Egalement dans le Figaro, Irina de Chikoff écrit notamment : Après l'assassinat à Moscou de Boris Nemtsov dont presque personne ne connaissait le nom, les titres les plus racoleurs ont fleuri dans la presse : « Poutine m'a tuer ». « Je suis Nemtsov ». Et le visage de ce vieux jeune homme de 55 ans dont les boucles brunes étaient devenues grises, passe, en boucle, sur les écrans des télévisions. Tous les commentateurs, après un rapide clic sur Wikipédia, chantent les louanges de l'ancien gouverneur de Nijni Novgorod qui fut vice premier ministre chargé du secteur énergétique sous Boris Eltsine. Juste avant le grand krach de 1998 qui a sonné la fin de la récréation pseudo démocratique de la Russie. Toute une génération, celle de Boris Nemtsov mais aussi de Egor Gaïdar, Irina Khakamada, Grigori Iavlinski ou encore Serguei Kirilienko, considéré comme un Wunderkind, fut balayée par ce tsunami. Que celui qui ne s'est jamais trompé, leur lance la première pierre.

Pris en tenaille entre les barons rouges reconvertis dans les affaires, les truands des bas-fonds soviétiques et les anciens copains du Komsomol (jeunesses communistes) qui avaient estimé plus judicieux de s'emparer des richesses du pays plutôt que de pavaner sur les estrades, les démocrates se sont volatilisés tel un essaim de moineaux tandis que Vladimir Poutine, tout d'abord à la tête du FSB (ex KGB) puis nommé Premier ministre, était appelé à la rescousse d'un pays en faillite. Près de 48% de la population ne recevait plus de salaire ou bien sous la forme de boîtes d'allumettes. Longtemps les Russes ont tenu rigueur à cette génération de jeunes apprentis sorciers qui les avait conduits, après tant de larmes, à un nouveau désastre. Beaucoup, aujourd'hui encore, ne leur ont pas pardonné. Et si les Russes, au grand étonnement des Occidentaux, développent une forme d'eczéma quand on leur vante les mérites de la démocratie, c'est qu'ils se souviennent qu'elle s'est achevée par un gigantesque « bardak » (bordel).

Les Russes ont de la mémoire. De la compassion aussi. Ils ont rendu hommage à l'ancien gouverneur de Nijni Novgorod, comme ils s'inclinent toujours devant les morts. Mais les bons sentiments étalés comme de la confiture les laissent indifférents. Quant aux leçons de morale… Pauvres médias occidentaux! Ils ont avec la Russie bien du mal à faire prendre la bouture. C'est que la Russie est une terre dure ! Glacée ! Impitoyable aux siens. Et dans la toundra, dans la taïga, quand vous marchez, ça fait : Crac ! Crac ! Parce que ce sont des millions d'ossements que vos bottes piétinent ! Faut- il en rire ou en pleurer ? « Poutine m'a tuer ». « Je suis Nemstov ». Toute la futilité des médias occidentaux, leur inculture, leur mépris même pour l'histoire tragique d'un pays, sont résumés par ces «Unes» dérisoires. La presse a oublié que dans les belles années de la démocratie triomphante, à l'époque des Nemtsov, des Gaïdar, des Iavlinski, des Khakamada ou des Kirilienko, des dizaines de banquiers, de députés, de journalistes ou d'hommes d'affaires ont été assassinés.

La méthode était presque toujours la même. Une ou plusieurs balles dans le dos. Et en ces temps-là les tueurs à gages, débordés, banquetaient joyeusement dans les plus somptueux restaurants qui avaient ouverts leurs portes. Le champagne coulait à flot. Les filles étaient belles. L'argent facile. Fouette cocher !

Le point de vue selon Jacques Sapir

Voici un point de vue selon Jacques Sapir : Il est aujourd’hui prématuré de vouloir désigner un coupable dans l’assassinat de Boris Nemtsov, mais au vu de l’émotion que cet acte odieux a provoqué, on peut néanmoins poser un certain nombre de questions. Ayant connu personnellement Nemtsov au début des années 1990, quand il fut élu maire de Nijni-Novgorod, puis l’ayant rencontré à plusieurs reprises jusqu’à son entrée au gouvernement, j’ai été ému, comme bien d’autres. Je n’oublie pas non plus que le ralliement de Nemtsov aux idées libérales qui avaient cours en Russie à cette époque en fit un des responsables (…) de la détestable politique économique qui conduisit le pays à la ruine et sa population à la misère, jusqu’à la crise financière de 1998. A partir de 2004, et de la « révolution orange » en Ukraine, il s’était rapproché de l’équipe de Victor Ioutchenko et des « pro-occidentaux » en Ukraine, au point de devenir un éphémère conseiller du gouvernement ukrainien.

Son opposition à Poutine l’avait conduit à fréquenter les milieux oligarchiques et des gens étranges à Kiev. Plus récemment, il avait pris fait et cause pour le mouvement dit « de Maïdan » et il critiquait la position du gouvernement russe à propos de la crise ukrainienne. Son opposition systématique à Vladimir Poutine l’avait marginalisé et il était bien moins connu que d’autres figures de l’opposition comme Zyuganov (le dirigeant du Parti Communiste de Russie ou KPRF), Alexeï Koudrine, l’ancien ministre des finances, ou même Navalny. Aux dernières élections son micro-parti avait eu moins de 1% des suffrages et, de fait, n’avait aucun poids. Il n’était donc nullement « la » principale figure de l’opposition à Vladimir Poutine comme on cherche à le présenter en France et aux Etats-Unis, mais, en dépit de son jeune âge (il avait 55 ans) il était en fait un « homme du passé ». Il faut avoir ces éléments en tête quand on réfléchit à « qui aurait eu intérêt à tuer Nemtsov ».

Le point de vue de Caroline Parmentier

Dans Présent, Caroline Parmentier écrit notamment : Pour la grosse cavalerie des médias français ça ne fait pas un pli. Aucune analyse ne va à l’encontre de la version officielle : le crime est signé Poutine. D’autant plus, soulignent de fins observateurs, que ça s’est passé près du Kremlin ! Comme si le président russe avait ajusté son Makarov 9×18 mm depuis sa fenêtre avant d’aller se servir une vodka on the rocks. Le président russe aurait-il été pressé de se débarrasser d’un fervent opposant à Moscou et au conflit en Ukraine (opposant à la faible représentation) ? On lui prête d’autres morts suspectes d’opposants depuis son arrivée au pouvoir en 2000. La justice est parvenue à désigner certains des exécutants de ces crimes mais leurs commanditaires n’ont jamais été identifiés. Boris Nemtsov avait confié ses craintes pour sa sécurité.

Les enquêteurs russes évoquent d’autres pistes : celle d’une tentative de déstabilisation politique en lien avec l’Ukraine, mais également celle des islamistes radicaux, après le soutien de Nemtsov au journal Charlie-Hebdo. Pourquoi Poutine se serait-il tiré une balle dans le pied avec ce crime si grossier ? « Soyons très clairs : Nemtsov ne représentait pas un danger pour Poutine », juge l’ancien diplomate et écrivain Vladimir Fédorovski. Il rappelle que « Poutine n’a jamais été aussi populaire » en Russie, et souligne le renforcement du sentiment nationaliste depuis le début du conflit ukrainien. Boris Nemtsov, 55 ans, ancien vice-Premier ministre d’Eltsine, organisait des marches pacifiques contre la guerre en Ukraine. Il devait participer dimanche à l’une des plus importantes démonstrations de protestation depuis des mois dans la capitale russe. Les organisateurs l’ont transformée en cérémonie à sa mémoire. Cet adversaire de Poutine est aujourd’hui plus dangereux mort que vivant.

Michel Garroté, 4 mars 2015

 

2 commentaires

  1. Posté par François le

    Selon Jacques Sapir : « Aux dernières élections son micro-parti avait eu moins de 1% des suffrages et, de fait, n’avait aucun poids. Il n’était donc nullement « la » principale figure de l’opposition à Vladimir Poutine comme on cherche à le présenter en France et aux Etats-Unis, mais, en dépit de son jeune âge (il avait 55 ans) il était en fait un « homme du passé ». Il faut avoir ces éléments en tête quand on réfléchit à « qui aurait eu intérêt à tuer Nemtsov. »
    Sur cette base, il serait plus que surprenant, que dis-je absurde, que Poutine soit impliqué dans cette assassinat.

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