30 mars 2023

La révolution démocratique

Avec la richesse s'instituant par la notion de contrat, le servage laisse peu à peu la place au salariat et à l'intéressement, mais dans ce cas la richesse devient plus dépendante des aléas du marché, tout en ne pouvant pas diminuer la somme due au salarié, même si elle peut le licencier ; ce qui diffère de l'ordre oligarchique de type héréditaire, tel l'ordre seigneurial, (qu'il ne faut pas confondre avec l'ordre féodal plus complexe parce qu'il s'appuie sur un système d'alliance entre féaux, entre "feux" et non pas seulement sur la captation…) parce que dans l'ordre seigneurial la captation peut aller jusqu'à réduire la portion laissée au paysan ou au métayer. Rien de tel dans l'ordre démocratique. Il y a donc progrès, et même Marx en convenait.


Mais aujourd'hui la gauche, française, surtout communiste et alter-islamiste (par exemple Bové) est devenue pré-marxiste en ce qu'elle ne veut même plus admettre cette différence de nature entre les ordres oligarchiques à dominance seigneuriale et démocratiques. Elle veut distribuer y compris à ceux qui n'y sont pour rien (ce qui est de la plus grande injustice). Certes, les idéologues issus de la tradition marxiste, en particulier social-démocrate, admettent encore cette différence, tout en maintenant la mise en cause de l'héritage, cette transmission des richesses acquises qui rendrait inégale les choses au départ, la fameuse inégalité des chances ; d'où l'impôt sur les successions, et sa progressivité en général dont l'argent accumulé servirait à financer un service public susceptible de réduire ces inégalités de départ. Sauf que cette pensée, généreuse, du moins en apparence, aboutit au phénomène exactement inverse : l'augmentation de la captation effectuée par l'Etat, loin d'améliorer le service public, en détériore les conditions de travail et donc l'efficacité puisque elle en assèche ce qui permettrait de le dynamiser : l'esprit d'innovation, d'expérimentation des meilleures méthodes, l'ouverture à d'autres ressources que celles de l'impôt afin d'accroître l'offre et de l'adapter sans pour autant opposer par exemple cours de grec ancien et cours de gestion financière. Ainsi, le payement de droits d'entrée à l'université peut s'élever, mais, en échange, un enseignement de qualité et un débouché sur l'emploi peuvent être garantis, quitte à aider les plus démunis par des systèmes de bourse comme c'est le cas des universités américaines, de moins en moins critiquées aujourd'hui en France, ce qui est à remarquer…


Dans ces conditions, la différence entre communiste et socialiste se situerait précisément là, entre ceux qui mettent en cause la notion même de richesse en voulant la distribuer comme s'il s'agissait de bonbons à offrir au tout venant, y compris et surtout parfois s'il vient de l'étranger, et celle qui viserait "uniquement" l'héritage afin de rendre plus égale les conditions de départ. D'aucuns donnant en exemple le fait que les droits de succession aux USA sont bien plus lourds, précisément afin que chaque génération ait la chance de voir son travail et sa compétence compenser le manque de conditions favorables.

Sauf que cet exemple est fallacieux, comparaison n'est pas raison, parce qu'aux USA, en échange de droits de succession plus lourds, l'impôt est moins spoliateur, le crédit plus facile d'accès, les charges sociales en un mot sont moins lourdes, même s'il y a toujours à améliorer en particulier pour les plus démunis, mais il n'y a pas cumulation des handicaps, ce qui est le cas en France qui voit la spoliation fiscale s'articuler à l'aggravation des charges, en particulier pour les petites et moyennes entreprises.

De ce fait, la différence, non plus entre communistes et socialistes mais entre socialistes et libéraux, cette fois, se situerait là : dans le fait que la révolution démocratique n'est pas arrivée à son terme en France car si elle l'était elle ferait des salariés des participants actifs à la gestion des entreprises au lieu de les voir seulement se louer et de se réduire au rang d'interlocuteurs.
On confond souvent la démocratie, basée sur la délibération certes, mais non l'absence de hiérarchie et de choix, avec la révolution sociale des partisans d'un collectivisme sans collectif, c'est-à-dire sans cette attention envers le bien commun qui permet réellement de le mettre au service de tous au lieu de le subordonner à une représentation irréelle de celui-ci, celle qui persiste à penser que c'est en distribuant et non en encourageant en stimulant que l'on secoue la passivité de certains à attendre que cela passe au lieu de créer sa propre richesse.

Cette attente,là, s'apparente plutôt à l'ordre oligarchique qu'à l'ordre démocratique. A Vrai dire, et par un paradoxal retour des choses, les plus exigeants en matière de " droits à " fonctionnent à la façon des seigneurs d'autrefois qui réclamaient eux aussi leurs "droits à " parce qu'ils étaient "nés" ainsi ; de même, aujourd'hui, sous le seul prétexte d'être "né", l'on exigerait l'allocation universelle, que l'on travaille ou pas, ce qui est injuste et institue un formidable retour en arrière : n'oublions pas que les sociétés issues de cette façon de penser, les sociétés du socialisme réel, étaient les plus inégales et pauvres qui soient ; il en est de même des sociétés de l'islam réel, où inégalité, injustice, ignorance, intolérance, sont monnaies courantes alors qu'elles sont présentées idéalement par l'alterislamisme des Buffet-Bové-Besancenot.

Voilà l'enjeu : approfondir la révolution démocratique vers une plus grande participation de tous à la production de richesses et de connaissances, c'est ce que LSAO appelle la condition néomoderne, on peut trouver une autre locution, il n'en reste pas moins qu'elle explicite bien ce que cela veut dire : modernité+affinement (néo) de ce qui permet à l'effort d'être récompensé, malgré et contre les inégalités justifiées (la compétence) et injustifiées (les passe-droits, les phénomènes de réseau).

En fait, si l'héritage reste une question non quelconque dans le cadre de l'égalité des chances au départ, ce n'est pas en aggravant son imposition que l'on aide celle-ci, c'est plutôt en incitant à la générosité, à la création de grandes fondations, c'est en parlant au coeur et non en faisant peur par le contrôle fiscal qu'un Bill Gates peut consacrer sa fortune à encourager l'innovation de par le monde.

En France, l'impôt apparaît comme une punition et Johnny Hallyday comme un voleur alors qu'il pourrait devenir le moyen d'une solidarité réelle s'il était juste et contrebalancé par des allègements s'il servait pour une part à du mécénat. Parce que de deux choses l'une en définitive ; quel est le plus important : le fait qu'une part de la richesse soit distribuée directement aux plus méritants ou qu'elle soit captée et gaspillée par et dans des circuits alambiqués ? De l'argent a été distribué à fonds perdus sur les banlieues et l'éducation : avec quels résultats, réels, et non pas fantasmés au creux de statistiques manipulées ?

Voilà le débat de fond qui devrait animer la campagne électorale française : nous en sommes loin.

Amélioration progressive ou rupture fondatrice ? Venez en discuter sur le forum approprié.



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