30 mars 2023

Déconstruire “l’histoire mondiale de la France”

(L'Afghanistan naguère…)

Sur n'importe quel étal de librairie s'entassent des dizaines d'ouvrages qui portent dans leur titre les deux mots "histoire mondiale" suivis d'un complément, tel que du vin, du communisme, de la table, de la guerre économique, de l'anarchie, des cartes à jouer, de la magie, de la sorcellerie, du livre, de l'astrologie, du diable, etc. Il semble que de tels titres fassent vendre les ouvrages sur la couverture desquels ils sont imprimés en gros caractères. De toutes les réalités du monde, il y en a une qui, jusqu'à présent, avait échappé à l'épreuve de l'histoire mondiale. C'est la France, à qui pourtant les avanies les plus diverses et les plus perverses sont prodiguées depuis quarante ans. Voilà qui est fait : elle aussi, comme la ou les mafias, comme le crime organisé, comme l'esclavage, comme le trafic d'êtres humains, comme la déforestation, comme la pollution, comme la surpopulation, comme le sida ou la grippe ou n'importe quelle autre pandémie, comme le diable, comme l'horoscope, etc., elle a son histoire mondiale ou, pour dire les choses avec plus d'exactitude, elle est la cible des militants de la mondialisation historique.

 

Il faut vraiment qu'elle soit tombée bien bas pour subir un pareil outrage. Pourquoi y échapperait-elle ? Qu'est-ce qui empêche les stipendiés de l'idéologie dominante d'étendre à la France les fléaux qui touchent la planète entière? Comme elle est près de disparaître dans les poubelles de l'histoire, 122 idéologues se disant "historiens" lui fabriquent, vite fait bien fait, une "histoire mondiale". Pourquoi pas une histoire universelle ? Ou une histoire planétaire, interstellaire, galactique ou, mieux intergalactique ? Voilà des oxymores qui en jetteraient plus que le petit oxymore de l'histoire mondiale. A l'intention des béotiens, rappelons que l'oxymore consiste à rapprocher dans un même groupe syntaxique deux mots, monde et France par exemple, qui ont des sens contraires ou opposés ou mutuellement exclusifs. Cette histoire mondiale de la France va remplacer l'obscure clarté ou la lâcheté courageuse des exemples qui illustrent l'oxymore. Il est vrai que le titre est porteur : au porteur aussi, comme dans les banques d'autrefois. Les ventes vont faire gonfler le chiffre d'affaires du Seuil. 

Rendre compte d'un tel ouvrage, même de façon critique, comme l'ont fait Finkielkraut et Zemmour, c'est, en fin de compte, y reconnaître du mérite. Il vaut mieux s'en gausser, car tout dans cet énorme ouvrage prête à la rigolade. Pendant cinq ans, Hollande, ses ministres, ses députés, ses sénateurs, ses soutiens ont joué matin, midi et soir, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, le Dîner de Cons. Persuadés que le rideau va bientôt tomber sur ces franches rigolades, les "historiens" prennent le relais. Ils osent tout : c'est à cela qu'ils se reconnaissent, et d'abord entre eux. Ils sont formatés pour écrire la première histoire mondiale de la connerie, car le processus de crétinisation des intellos est irréversible.

Le titre est purement rhétorique – le contenu aussi. Au moins, de ce point de vue, les lecteurs qui aiment la belle rhétorique ampoulée, trompeuse, faite pour abuser, salir, dissimuler, ne seront pas déçus. Quant à ceux qui aiment la rigolade, ils ne seront pas déçus non plus. Le promoteur, non pas immobilier, mais mobilier, du projet se targue d'avoir fondé son entreprise sur les dates. Les dates, qui sont généralement honnies par les concepteurs de l'histoire enseignée au collège ou au lycée et à l'université, sont ou seraient réhabilitées, parce que les 145 entrées du livre ont pour titre une date : millésime et quantième du mois. Il ne manque que l'heure, les minutes et les secondes, pour que ces dates fassent date. En fait, tout cela n'est que leurre. Les dates ne sont rétablies en surface que pour mieux discréditer ce qui fait l'histoire, à savoir la chronologie, c'est-à-dire l'inscription des faits, des événements, des hommes dans le temps et dans l'espace. L'espace est aboli, puisque la France est dissoute dans le monde sans frontières, sans limites, sans bornes : le temps aussi est aboli, puisque des moments minuscules et insignifiants effacent la durée, l'époque, les siècles.

 

Des exemples ? En voici deux.  Tout commence ou commencerait en – 34 000, il y a donc 340 siècles ou plus ou moins. Dans le Reich de l'idéologie, on n'est pas à dix ni même à cent siècles près : mille ans, dix mille ans, c'est kif kif bourricot. Mais pourquoi diable ce pays n'a-t-il pas changé de nom ? Pourquoi cette histoire n'aurait-elle pas commencé il y a 1 000 000 d'années ? Ou même il y a cent millions d'années ? Ou même au début de l'histoire de la Terre, avec la Pangée, il y a quatre ou cinq milliards d'années ? Les spéléologues qui, il y a une vingtaine d'années, ont découvert par hasard dans le plateau ardéchois une grotte ornée, à laquelle a été donné le nom de l'un des leurs, la "francisant" de fait (Chauvet est un nom bien français), ne se doutaient pas qu'ils allaient mettre en transe les pythies de l'histoire immédiate. Il y a 35000 ans, la France n'avait pas d'existence, l'Europe non plus, l'Afrique non plus. Des hommes et des femmes, évidemment, qui avaient fait du plateau ardéchois leur terrain de chasse, nous ne savons ni leurs noms, ni la langue qu'ils parlaient, ni ce qu'étaient leurs aspirations, leur sensibilité, leurs moeurs, leur identité, si tant est qu'ils en eussent eu une. Cela n'empêche pas des historiens (ou des histrions ?) de faire de ces hommes des Français et du territoire où ils chassaient la France. La France existe depuis 10 ou 15 siècles, ou moins encore : tout cela fait débat. Que nenni, dit-on en haut lieu. La France a 340 siècles ou davantage encore : c'est le plus ancien pays du monde et le premier pays au monde aussi. On croyait l'arrogance française disparue à Waterloo ou à Sedan. Que nenni ! Elle est toujours là à tarauder les histrions de collège qui sont convaincus que le monde se résume ou se réduit à la "seule France". Ce n'est pas de la fierté, c'est de l'hubris. Et ces histrions, évidemment, croient être de la race supérieure des seigneurs, celle qui regarde de très haut les ploucs qui vivent encore en France.

 

Un autre exemple ? L'ottoman Zizim, frère ou fils du Sultan, contre qui il a tenté un coup d'Etat, s'est enfui, le coup d'Etat ayant échoué, à l'étranger. Il est resté prisonnier dans la France profonde des années 1480 au château de la Rochechinard trois ans environ et deux ans à Bourganeuf, chef-lieu d'un canton de la Creuse, où la tour où il a été enfermé s'appelle désormais Tour Zizim  : 5 ou 6 ans dans des prisons en France, puis 7 ans en Italie, où il est mort. Zizim était un soudard à peine alphabétisé, riche à millions de pillages et d'exactions. Que dire de cela ? Qu'il a eu de la chance de ne pas avoir été égorgé par les sbires du Sultan. Rien de plus. Pour les histrions de l'Histoire mondiale, cela serait la preuve que la France est une terre d'islam, qu'elle a été fécondée par le court séjour qu'y a fait ce Zizim, qu'elle s'est enrichie des différences dont ce soudard était porteur, qu'elle est donc diverse, plurielle, multiculturelle depuis la nuit des temps, depuis au moins 350 siècles…

 

Entre un fait minuscule et la conclusion qui en est tirée, il y a des milliers de marches, de paliers, de degrés qui sont escamotés en une page. En réalité, cette histoire mondiale n'a pour but que d'illustrer les thèses de l'idéologie dominante, celle de l'Union européenne, des médias mainstream, des financiers, de la globalisation des échanges, des bobos, du gauchisme culturel. Ces histrions sont fonctionnaires et, en leur qualité de fonctionnaires, ils sont formatés à la docilité que les puissants attendent d'eux et qui leur est rémunérée en promotions, avancements, sinécures, moyens, crédits et, évidemment, chaires au collège. Depuis x années, ils serinent le même air : tout est relatif, tout se vaut, il faut tout déconstruire, haïssons le roman national, détestons la nation, aimons l'étranger, fût-il nazi, l'heure est au métissage, au nomadisme, à l'altérité.

Jeanne d'Arc n'a pas existé ou c'est une pure invention de l'idéologie patriotique ; la France libre a commencé en Afrique équatoriale, pas à Londres ; il n'y a pas eu de bataille à Marignan, ni à Poitiers, ni à Roncevaux, ni à Austerlitz, ni à Rocroi, ni à Verdun, ni dans la Somme ; les grandes invasions, celle d'Attila et des Goths, n'étaient que de paisibles migrations, comme celles que l'on observe depuis 1970 ; ou encore les Français sont naturellement racistes et la France est raciste par essence, ce qui, pour que ces propositions aient un vernis de vérité, implique que le mot  raciste signifie désormais "qui est d'une race inférieure, nuisible, à faire disparaître" : pourquoi pas "à exterminer" ?

Les laquais des puissants de l'heure se spécialisent, tout "professeurs" ou "chercheurs" ou "enseignants-chercheurs" qu'ils soient, non pas dans le révisionnisme, mais dans le négationnisme. Ils ont devant eux de vastes champs de recherche. Indiquons-leur en quelques-uns. L'invasion commencée en mai et juin 1940 n'était qu'une paisible migration et l'occupation qui s'en est suivie une première ébauche de la société multiculturelle qui s'établit aujourd'hui en France. Ceux qui ont accueilli les migrants allemands et ont partagé avec eux la France étaient les précurseurs du monde divers et multiculturel ; ceux qui leur ont résisté étaient les méchants, racistes, xénophobes, altérophobes, nazismophobes, etc. qu'ils se nommassent Gabriel Péri, Honoré d'Estienne d'Orves, Guy Moquet, colonel Fabien, Charles de Gaulle, Jean Moulin, etc. Ce champ de recherche devra aussi s'étendre à l'Europe de l'Est, mais il est peut-être trop tôt pour inverser les rôles des bons et des méchants à Sobibor ou à Treblinka…  Quoi qu'il en soit, le chantier est vaste et il y aura du travail pour les disciples que vont former les 122 histrions de la France mondiale. 

 

Ce qui est consternant dans cette entreprise, c'est l'ignorance sur laquelle elle s'assied, aux côtés de la suffisance et de la bien-pensance. N'importe quel Français sait ce qu'il doit au monde : le tabac, la café, le chocolat, les épices, les tomates, les pommes de terre, la soie, etc. et, il y a plus longtemps encore, la vigne, le vin, les oranges, les cerises, les pêches, les abricots, etc. La culture française, la vraie, pas celle des histrions de l'histoire mondiale, en a conservé des empreintes profondes dans les turqueries (Bajazet, Le Bourgeois gentilhomme, les Lettres persanes), dans les récits de voyageurs, dans le japonisme et l'orientalisme des peintres, dans la découverte de l'Egypte, dans la passion pour l'écriture du chinois, chez les grands voyageurs, Léry, Chardin, Cartier, dans la Nouvelle France, à Bucarest, au Brésil, dans les missions catholiques qui ont alphabétisé des millions d'êtres humains et les ont initiés à la culture, dans les grandes Alliances, Israélite Universelle et Française, dans le réseau culturel de la France, la France étant, ou ayant été, la première multinationale culturelle au monde, etc.

Penser les relations du monde et de la France, c'est enfoncer des portes ouvertes depuis fort longtemps. En revanche, essayer de faire croire que la France n'existe pas et qu'elle ne serait rien sans les étrangers ou les migrants, c'est inédit, sauf bien entendu chez ceux qui, par bêtise, racisme, atavisme, ont haï la France et les Français et continuent à les haïr, non pas pour ce qu'ils font, mais pour ce qu'ils sont. 

On objectera le collège. Et alors ? Il y a en France 7100 collèges et les petits travaux des professeurs d'histoire qui y exercent ne sont pas publiés à Paris chez un éditeur "renommé". Et les sommités au collège, on sait ce que c'est. On en a connu de belles brochettes dans les années 1970-80 : Barthes, Berque, Foucault, Bourdieu, Veynes. Il est impossible de lire aujourd'hui leurs livres sans pouffer de rire. Alors un bûcheron de plus ou de moins !

 

@ Moulin pour LibertyVox

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