Selon le plan de partition adopté par l'ONU il a bien été question d'un "état juif" et d'un "état arabe" sauf que "les" arabes, en particulier ceux de l'extérieur n'en voulaient pas tant l'idée d'un partage, en plus avec des juifs, peuple honni et surtout soumis était impossible, mais laissons cela (pas si connu que cela à vrai dire en particulier en milieu scolaire d'où la formidable propagande pro-palestiniste actuelle qui enflamme les "quartiers" les beaux quartiers aussi) revenons pour commencer à la dernière disposition adoptée par le Parlement israélien pour assurer la continuité historique du fait juif, en quoi pose-t-elle problème ?…
Selon certains cela tendrait à faire des israéliens "arabes" des citoyens de seconde zone, sauf que l'on ne voit pas pourquoi les israéliens arabes devraient avoir la primauté sur les israéliens juifs puisqu'ils sont minoritaires. Les citoyens sont égaux en droit donc ils peuvent se présenter aux élections et s'ils s'avèrent que les arabes israéliens acquièrent la majorité alors il en sera sûrement autrement… Mais, en attendant, on ne voit pas pourquoi les israéliens renonceraient à la primauté de leur langue et de leur culture sans parler de leur religion. D'ailleurs rien n'empêche quelqu'un de devenir juif, ce qui est possible, même si c'est un peu plus long que les autres sortes de conversion (un ami copte est devenu juif il y a quelques temps)…
Au Maroc lesdits "arabes" sont minoritaires et pourtant ils dominent, idem en "Algérie" si l'on admet que ce qui est appelé "arabe populaire" est tout sauf de l'arabe en tout cas pas du tout celui d'Arabie…
Et puis si les "arabes" ne veulent plus de leur citoyenneté israélienne rien ne les empêche d'y renoncer et d'aller vivre dans les "territoires autonomes palestiniens" (Gaza inclus) ou de faire en sorte que ceux-ci se transforment en état comme il avait été prévu par le plan Clinton s'il n'y avait pas eu in extremis les revendications d'Arafat à exiger que les supposés "quatre millions" de réfugiés (le Hamas parle de 7 millions) entrent en Israël même et non pas dans leur futur état (alors qu'ils étaient 700 000 au départ, le tout en considérant que l'on ne parle pas du nombre identique et plus de juifs expulsés des pays "arabes"…).
Mais laissons cela également de côté pour aborder ce qui "nous" intéresse dans cette affaire, "nous" (occidentaux, je range ici aussi l'Afrique du Nord aux racines berbères juives et chrétiennes, du reste "Maghreb" veut dire occident en arabe) : en quoi l'idée qu'Israël soit " l'état-nation du peuple juif" serait si différent des USA en tant que l'état-nation du peuple américain, la France, état-nation du peuple français à partir du moment où juif ne serait pas identifié à israélite (débat très vif d'ailleurs en Israël même entre les religieux et les laïcs) mais membre de droit d'une "communauté de destin" (dixit Renan) tout comme le peuple français, états-uniens, sauf que, et en effet, les juifs ne veulent pas que cette communauté de destin soit l'entrecroisement permanent de communautés diverses ayant comme droit fondamental une constitution de plus en plus consensuelle comme le prétend le multiculturalisme, au lieu de rester le creuset constitutionnel et linguistique formant bloc civilisationnel permanent au-delà du devenir qui doit enrichir et non affaiblir…
Il ne s'agit donc pas seulement de la question "ethnique" à vrai dire, car l'on pourrait certes fort bien rabâcher comme le font les nouveaux racialistes que les joueurs de football français sont en majorité africains sauf que ce rappel à base bio, quand cela arrange (puisqu'elle est niée par les mêmes en matière de sexe et de parentalité) n'enlève rien au fait que ces joueurs africains d'origine ont gagné en tant que joueurs français (même Obama a été obligé de le reconnaître) ce qui veut dire qu'ils ont été formés, forgés, qu'ils ont acquis des aptitudes dans des clubs français et non pas africains, ce qui fait la différence voilà pourquoi le rappel à l'ethnicité peut être un moment (comme blanc jaune rouge noir) sauf qu'il n'est qu'une partie de notre mosaïque celle qui nous façonne en tant que Soi (sujet acteur agent) inséré dans une aventure nationale donnée, c'est-à-dire des acquis civilisationnels, de l'historique issu de leurs passions et leur imaginaire, de la vivacité multiforme propre à la langue.
Peter Trawny dans son Heidegger et l'antisémitisme (Seuil, 2014) observe que celui-ci ne reprochait pas aux juifs d'être juif, bien au contraire il les admirait (par exemple Hannah Arendt) tout comme Nietzsche, parce qu'ils sont le premier peuple à penser le problème de l'existence historique éclairée par un même rapport au monde au sens de ne pas renoncer à ce qui fait que l'on est ce que l'on est lorsque l'on se trouve en prise avec tout devenir ; ce n'est pas l'être ou le néant comme le croyait Sartre (son "et" étant un "ou" exclusif en réalité) mais l'être malgré, par, contre, le néant (comme le disait Hegel auquel Heidegger renvoie d'ailleurs in fine) c'est-à-dire en tant que le né/ant signifie que pour qu'il y ait du mouvement, de "l'étant", des choses plutôt que rien, il faut bien du vide sinon le plein serait même incapable de se saisir (Socrate via Platon avait soulevé ce dilemme dans son Parménide) ce qui veut dire ici que Heidegger ne reprochait donc pas aux juifs d'être juif (si l'on suit Peter Trawny dans ses travaux sur "Les Cahiers noirs") mais de vouloir pour certains devenir aussi allemands, ce qu'il ne supportait pas croyant, à la suite sans doute de Fichte (voir son Discours à la Nation allemande) à la supériorité non pas en soi des Germains, mais du fait qu'ils devraient rester "purs" (leur langue surtout) afin que le bios ainsi préservé laisse advenir plus aisément l'affectif germain ou le fait de se comprendre sans se parler, de se sentir allemand permettant ainsi de vivre plus intensément l'imaginaire au creux de la langue et du côté "visible et invisible" de la perception (comme dirait Merleau-Ponty)…
On peut douter que le bios ainsi préservé permette à lui seul cette prouesse, Bergson a montré que plus les sociétés se fermaient sur leur ethnos plus elles périclitaient y compris biologiquement (idem pour les familles endogènes) mais pourquoi pas au nom de la liberté, pourquoi en effet obliger au métissage au nom d'une universalité abstraite ? Les choses doivent se faire ou pas laissons aux peuples l'intelligence de se brasser ou non.
De là cependant à supprimer ceux qui se métissent ou qui désirent s'insérer dans la culture d'accueil voilà "l'erreur" (monumentale) semble-t-il du national socialisme qu'a épousé pourtant Heidegger croyant y trouver l'authentique imaginaire que seul les Grecs, ceux d'Homère, ont pu vivre entremêlant (comme en Inde avant Bouddha en Egypte ancienne aussi) dieux héros ancêtres toujours vivants en chaque perfection atteinte, au détriment cependant de l'égalité en droit que seul l'Occident judéo-chrétien et romain a été capable d'édifier, bâtissant le Droit contre la magie (soulignait Weber) qui édifiait des barrières infranchissables entre humains alors que l'idéal aristocratique puis méritocratique porté par un Platon dans sa République pose que tous, s'ils prouvent qu'ils sont meilleurs, peuvent être appelé à devenir les Gardiens de la Cité. A supposer cependant que celle-ci ne soit pas abstraite, mais tangible, on est de Sparte ou d'Athènes, pas de Grèce abstraite, d'où la difficulté de constituer un esprit "national" d'ailleurs, cette "conscience commune" disait Durkheim…
Au final dans le triptyque "démocratie, République, Nation" si l'un prend le pas sur l'autre tout devient bancal, or c'est bel et bien ce qui se passe aujourd'hui en Occident où l'on prétend privilégier les côtés démocratiques (droits individuels) et républicains (espaces publics) au détriment du national (acquis civilisationnels) alors que, ce faisant, l'on affaiblit et la démocratie et la république : les individus ne se raccrochent plus qu'à leur ego, narcissisme exacerbé par l'ère hyper-médiatique, tout en exigeant de la République (res/publica) de plus en plus de "droits" (droit à l'enfant désormais) jusqu'à l'hystérie sectaire, évitant, en même temps, le plus possible les "devoirs" comme "on" le sait ; ainsi le devoir être, celui de vraiment respecter autrui pas seulement dans les livres scolaires semble bien avoir du plomb (de "kalach") dans l'aile au vu des dites "incivilités" grandissantes, même si à l'échelle de cinq cent ans, on se tue moins qu'avant nous clament les nouveaux De La Palisse ; rien ne dit cependant que cela puisse durer au train où se délitent les choses, on vient de le voir en Syrie, naguère au Liban….
Israël interroge donc, toujours et encore à vrai dire, tel est son destin semble-t-il, à "nous" de le traduire universellement pour le bien du plus grand nombre et de sa singularité.