Le scénario apparaît peu vraisemblable. Surtout au niveau des échéances. La plupart des commentateurs tablent en effet plutôt sur un retrait de Chirac en 2007 et la promotion de de Villepin. Mon pronostic inverse est certes risqué, et carrément hors champ lorsqu'il s'agit de propulser le scénario maintenant. Est-ce tant que cela le cas ? Vais-je dans le mur ?
Notons déjà que Jospin vient de signaler qu'il est dorénavant "disponible", que les intellectuels d'extrême gauche et de gauche pensent voir là une mesure "néolibérale" (ce qui est à mourir de rire, j'en ai parlé dans plusieurs articles, voir également Mag n°2, téléchargeable). Rembobinons ensuite le film : pour apparaître le meilleur candidat en France et au sein de la droite conservatrice, (étatiste : bonapartiste et jacobine) il faut donner l'impression d'avoir été le moteur de la baisse du chômage (77 000 emplois de prévus grâce au CPE pourtant…) et donc le point de passe obligé de la croissance retrouvée. Bon papa est là et veille. L'Etat "c'est moi" encore et toujours. Comment faire pour créer une telle illusion (anti-libérale) ? En concoctant une mesure en catimini, au vu et au su de tous, que l'on va ensuite brandir tel l'étendard de Bayart ou de Jeanne D'Arc.
Admettons maintenant que la crise s'envenime, ou au contraire qu'elle soit contenue, (cela marche dans les deux cas), le tandem Chirac-de Villepin, en baisse dans les sondages et devancé par Sarkozy, n'a pas d'autres perspectives que de précipiter les échéances afin de reprendre la tête à droite (quitte à ce que cela soit tactiquement de Villepin qui présente sa démission dans un premier temps au cas où le Grenelle social tourne en eau de boudin…) ce qui permet également de bousculer la gauche de plus en plus sous le feu des gauchistes et des alterislamistes (Lcr, Attac…).
Le tandem peut alors jouer le couplet de la loi et l'ordre, surfer sur le refus de la chienlit, tout en posant comme défenseur intransigeant de la laïcité et de la liberté de la presse alors que Sarkozy donne de plus en plus de gage à ses partisans communautaristes et islamistes : il n'a par exemple pas désavoué les propositions de loi de deux de ses députés visant à réduire de façon drastique la liberté d'expression en empêchant de caricaturer les religions dont l'islam…
Le tandem peut perdre son bluff. Je l'ai formulé antérieurement. Sauf que la gauche si elle gagne la partie de poker actuelle s'enlisera vraisemblabement dans ses contradictions, et de Villepin, auréolé de son combat contre la plèbe, aura créé un autre outil concurrent de celui de Sarkozy à même de triompher d'un scénario façon 1969 (Poher/Pompidou) car les républicains de gauche (en cas d'absence de Ségolène "tuée" par une candidature Fabius genre Chevènement 2002) voteront plutôt pour Villepin que pour Sarkozy jugé trop libéral et anti-laïque…Pendant ce temps, Chirac passera une plaisible retraite au Conseil constitutionnel…
Et le débat de fond dans tout cela ? Lequel ? Celui de la survie de l'Etat jacobin, coûte que coûte ? Ou celui des réelles questions concernant les conditions nécessaires permettant un réel développement pour le plus grand nombre ? S'il s'agit de la seconde interrogation, il est évident que nous sommes bien loin du compte…
29 mars 2006